Lecture : marcher sur les terres du cyberespace

Lecture

Récemment j’ai été fort étonné de voir le président du CSA s’enthousiasmer du succès de la TNT notant que la durée moyenne devant la télévision s’était allongée de 30 minutes pour ces spectateurs. Cela fait bien longtemps que l’on sait que le CSA ne veille pas à la qualité à la télévision et encore moins à la qualité de l’information produite mais c’est tout de même étonnant de constater que c’est 30 minutes le sont au détriment d’autres activités culturelles ou sportives…comme la lecture …ou la marche.

Même si c’est 30 minutes ne  sont peut-être pas seulement consacrées à regarder les films érotiques en soirée il est évident que ça ne constitue pas un progrès culturel du citoyen français.

La lecture se trouve donc sans cesse en baisse bien que certains tenteront de nous prétendre le contraire. Il ne s’agit pas de plaider pour un retour à un passé mythifié dans le style « sauvez les lettres » mais de réfléchir à un nouveau type de lecture : la lecture sur écran.

 

Bien souvent la navigation et la recherche des élèves ressemblent à un sprint irréfléchi voire « débile ».  Pire parfois je me demande s’ils n’y prennent pas plaisir. Pourtant c’est totalement inefficace. J’en viens à me demander si la pratique de certains jeux-vidéos ne se trouve pas antinomique avec la recherche sur Internet. L’activité ludique sur écran nécessite une rapidité systématique et automatisée qui contraste avec la nécessaire réflexion et avancée dans le calme de la recherche. Les collègues auront remarqué que nombre d’élèves ayant réussi à trouver un site pertinent…le quitte prétendant n’avoir rien trouvé. D’autres peinant se voient alors aidé par l’entremise du documentaliste qui lui trouve la source intéressante. Pourtant parfois quelques secondes plus tard, l’élève est reparti dans ses incessantes recherches infécondes. Pourquoi ? Parce qu’ils ne lisent pas, ils ne veulent pas lire ou ne savent pas vraiment lire. 15 lignes à lire sur écran représente un effort trop grand pour beaucoup. Le seul effort consenti est un petit copier-coller sur Word.

Voilà pourquoi je plaide pour la marche, activité intéressante pour le corps mais aussi pour l’esprit qui tourne souvent à plein régime comme en témoigne les rêveries de certains promeneurs solitaires ou l’école péripatéticienne. Or bien souvent il faut savoir marcher sur les terres de l’Internet. Il ne suffit pas de naviguer pour tomber de Charybde en Scylla même avec le navire Google. Il faut savoir poser ses bagages, regarder, observer et comprendre, puis apprendre. Qu’il est pénible de voir nos élèves telles des âmes errantes foncer sans jamais s’arrêter. Ce n’est pas ça la navigation sur le net, c’est Jules Verne qu’on assassine au profit de Speedy Gonzales !

Il est vrai que l’apprentissage de la lecture dans les livres était pour cela plus aisée. Nos pas de lecteur tentait de suivre ceux de l’auteur, y compris lorsque nous recopions les textes. Cela n’avait sans doute pas une grande originalité, mais il y a dans la copie quelque chose qui se rapproche du respect et de la tentative de suivre les traces des prédécesseurs. Tandis que le copier-coller s’apparente plus à du vol à l’arraché.

 

Evidemment, vous commencez à vous dire, voilà que ce documentaliste de moins de 30 ans devient vieux face à ces piètres capitaines d’à peine 15 ans ! Que nenni, je ne fais que dire qu’il faut savoir user  de ces capacités à bon escient. Je n’interdis donc pas de courir, de sprinter, voire de voler sur les terres du cyberespace. Il faut simplement savoir prendre son temps par moment. Quelques instants pour lire, comprendre et apprendre. Et ensuite écrire à son tour, pour être lu, pour que quelqu’un s’arrête pour nous lire, et continuer à parcourir.

 

Il faut sans doute apprendre à lire sur écran, mais aussi mettre au programme des méthodes de lecture rapide qui sont d’ailleurs totalement opposées aux méthodes syllabiques qui feront de nos élèves des lecteurs qui ne cessent de subvocaliser. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Mais il faut pour cela que les initiés du cyberespace soient un peu mieux considérés si on ne veut pas que certaines odyssées soient de courtes durées.