J’avais écrit l’année dernière un article qui avait suscité beaucoup de débats : « le catalogage : l’art de décrire un livre sans l’avoir lu » . Un an après ma réflexion se poursuit avec un titre volontairement à nouveau provocateur. C’est d’ailleurs la meilleure manière de susciter des réactions. Je ne prône évidemment pas la disparition totale du catalogage mais une évolution vers un enrichissement du catalogue. J’avais il y a quelques mois lancé un autre appel afin que nous puissions construire les bibliothèques numériques ensemble. Visiblement cela n’intéresse pas grand monde de même que ma proposition sur les jeudis de la lecture . J’ai mis cette absence de réactions sur le fait que la période hiémale est plus propice à l’hibernation, le printemps étant présent j’espère un peu plus de dynamisme.
L’avenir des catalogues de bibliothèques réside désormais dans les blogs. L’idée émerge avec parfois le nom de catalogablog. et même connaît des applications collaboratives . Olivier Ertzscheid (encore lui !) avait déjà soulevé la question .
Les catalogues doivent donc s’enrichir de « digital stuffs » et autres « bidules » qui permettent aux usagers de proposer des résumés d’ouvrages et des commentaires, de voter, de recommander, de proposer des tags (je reviendrai bientôt sur les folksonomies), etc.
Le catalogue se démocratise, devient web 2.0, devient interactif moins obscur et surtout demeure de ce fait utilisé. Pourquoi ne pas y inclure un moteur cartographique, relier les usagers entre eux ? Tant de possibilités sont offertes, utilisons les. Les aspirations que j’avais écrites en 1999 dans les premiers textes du guide des égarés deviennent de plus en plus réalisables. La bibliothèque et son catalogue orienté Web 2.0 opère des changements spatio-temporels et des conceptions différentes. La bibliothèque est éclatée en plusieurs lieux et diversifiée. Je ne comprends d’ailleurs pas les obsessions de certains politiques à vouloir construire des médiathèques pharaoniques. La grande bibliothèque centralisée est à mon sens dépassée et babélienne. C’est une erreur coûteuse et qui généralement privilégie un projet architectural grandiloquent par rapport à une réelle réflexion urbaine et sociale. Je reviendrai sans doute sur ce point une autre fois.
Face à la facilité du guichet Google beaucoup d’usagers oublient l’intérêt pourtant immense du catalogue. Je constate d’années en années que mes élèves de collège malgré les injonctions perdent le réflexe d’aller consulter la base de données BCDI. Je continue par conscience professionnelle à cataloguer les ouvrages et articles du fonds mais BCDI n’attire plus. J’envisage peut-être de passer à un logiciel libre mais je ne sais pas lequel pourrait être le plus orienté « catalogablog » car c’est là l’intérêt. Quant à savoir s’il faut que Motbis y soit intégré ou non, et bien franchement je crois qu’on peut désormais se passer du thésaurus du CNDP et plutôt utiliser des tags et autoriser les usagers et élèves à en rajouter. Cela évitera les sempiternels débats notant que Céline Dion est dans le thésaurus et pas Thomas Hobbes. Ce n’est pas plus choquant d’ailleurs que le fait que les ouvrages de Danielle Steel occupent déjà plus de place dans bon nombre de bibliothèques que beaucoup d’auteurs talentueux.
Le « catalagoblog » implique de nouveaux usages tant de la part des usagers que de la part des professionnels de l’information. C’est sans doute aussi de nouvelles réflexions qui méritent d’être soulevées dans la façon de cataloguer, dans la formation et le recrutement.
J’en appelle donc toujours aux bonnes volontés dans la construction de projets collectifs notamment celui d’un site Web 2.0 un peu dans le style de « mauvais genres » de Bernard Strainchamp. J’en appelle surtout aux directeurs de bibliothèques et conservateurs qui n’ont pas réagi face à cette fermeture ce que j’ai trouvé relativement lamentable. Mais peut-être n’est-ce après tout qu’un problème de compétences ou de reconnaissance, à moins que ce ne soit qu’un sinistre symptôme. J’ose encore espérer que non. Ces projets ne peuvent se faire que collectivement et il y a suffisamment de richesses (ouvrages, personnes et usagers) dans le monde des bibliothèques et de la culture pour que cela puisse fonctionner.
Alors cataloguons, bloguons, échangeons, construisons…