Le légiste du digital

Il y a quelque temps, j’avais écrit avec Franck Cormerais un petit texte sur le lettré du numérique pour digital intelligence 2014. On s’était déjà interrogé s’il ne fallait pas mieux le considérer comme un lettré du digital (choix qui paraît désormais évident), et on s’était également interrogé s’il fallait conserver le mot lettré, s’il était encore approprié.
J’ai à nouveau poussé la réflexion un peu plus loin en m’interrogeant sur la question de l’édition ouverte pour un numéro de la revue de la société française des sciences de l’information et de la communication, numéro dans lequel je publie avec mes camarades du MICA de Bordeaux un autre article programmatique sur les humanités digitales et les SIC.
Je prône une évolution qui opère une transformation de notre lecteur studieux ou écrit-lecteur en un véritable légiste, à la fois en tant que :

  • Lecteur, du fait de legere qui est dans légiste.
  • Mais aussi lecteur et vérificateur des différentes lois scientifiques
  • Légiste en tant qu’anatomiste de l’œuvre, du document qu’il faut examiner et analyser.

Cette transformation du lecteur en légiste implique des outils pour disséquer nos différents corpus (corpses ?) et ne peut que nous inciter à veiller à ce que les possibilités de fouille de texte (text-mining) soient facilitées par la loi Lemaire sur le numérique.
En effet, l’accès ouvert est celui qui nous pousse à mettre nos doigts dans les entrailles :
« Du coup, ce ne sont pas des cimetières d’articles bien rangés dont nous avons besoin, mais de lieux de dissection pour mieux analyser les différents corpus avec l’ensemble des outils qui accompagnent notamment le mouvement des humanités digitales (Le Deuff, 2014). La logique de l’édition ouverte est donc d’imaginer et de développer une interopérabilité avec les divers outils de la pratique de recherche. Le temps passé à chercher pour ne pas dire déterrer un article doit être réduit au profit de son examen. »
 
À vos commentaires…

L’attribution des primes de recherche et la partie salariale consacrée à la recherche corrélée au dépôt en open access

L’océan de la recherche française est en pleins remous. La nouvelle a provoqué quelques crises nerveuses et plusieurs chercheurs habitués au port du nœud papillon ont failli mourir d’apoplexie non sans avoir fait tomber dans leur café leur petit croissant du matin. Désormais, l’attribution des primes de recherche sera corrélée à la mise en ligne en open access d’un nombre minimal de publications qu’il reste encore à définir précisément. La loi laisse libres les modalités, mais il est probable que cela devrait enrichir considérablement les dépôts type HAL. La loi considère qu’il faut encourager fortement cette pratique en SHS qui peine à prendre pleinement la mesure de l’intérêt de l’open access. La loi concerne l’attribution des prochaines primes, mais exige également une mise en conformité pour ceux qui ont la PEDR y compris pour les éminents membres de l’IUF sous peine de suspension des conditions d’attribution.
L’évènement va faire du bruit, car il précède finalement le vote final de la loi Lemaire sur le numérique. Thierry Mandon a jugé qu’il fallait aller plus loin pour l’open access et marquer symboliquement et financièrement l’incitation afin d’avancer pleinement sur ce terrain pour que les flots de la recherche française puissent impulser une nouvelle vague. Convaincu par la tribune dans libération de quelques chercheurs et par la pétition pour une science ouverte à tous, le secrétaire d’État qui était dans une forme de nageur olympique a annoncé ce matin qu’il voulait des publications scientifiques qui soient comme des exocets et non pas des acanthoptérygiens qui restent dans les profondeurs, qu’on a bien du mal à trouver et qui quand on les trouve, font surtout peur à voir.
La loi prévoit que l’exigence porte uniquement sur les publications scientifiques ce qui devrait soulager quelques revues parisiennes de débats intellectuels nullement touchées au final par cette loi. Il n’y a donc pas d’anguilles sous roche, même si quelques directeurs de revue ont plongé dans une déprime abyssale, eux qui pensaient que parler de la plie et du beau thon suffisait pour faire de la science.
Par contre, on note un mouvement de panique en eaux troubles chez certains enseignants-chercheurs… qui ne sont pas contre l’open access mais qui ont totalement oublié qu’il fallait publier. Un maître de conférences qui prétend faire de la formation sur les plateformes en archives ouvertes va devoir déposer enfin ses propres articles… si tant est qu’il parvienne à les faire accepter comme article scientifique, ce qui n’est pas gagné.