Dysorthographie

Cet article est la copie conforme d’un mail adressé sur la liste cdi-doc à la la suite de la polémique dysorthographique.
Je ne peux que constater l’accroissement des fautes d’orthographe en confessant que j’en suis également victime pour ne pas dire coupable.
Il m’arrive de faire quelques coquilles dans mes mails, mes messages de blogs parfois aussi dans mes articles, tandis que désormais même les livres n’évitent plus ce genre de désagréments. Qui sait d’ailleurs s’il n’y a pas dans ce mail quelques erreurs orthographiques ou syntaxiques?
Malgré tout, j’ai toujours tendance à croire, que s’il faut certes défendre la langue française et l’apprentissage de la rigueur à nos élèves, les critiques orthographiques sont parfois excessives. Je n’oublie pas que l’orthographe est souvent la science des ânes et que son bon usage sert parfois à dissimuler des incompétences dans d’autres domaines. Cette rigidité orthographique est d’ailleurs un frein à l’apprentissage du français en dehors de l’hexagone car les français passent leur temps à corriger les fautes de ceux qui essaient de parler notre langue.
Je remarque également que l’orthographe est parfois le seul critère de notation de certains enseignants lors de copie de concours. L’orthographe a un côté rassurant.
Cependant l’orthographe ne doit pas se cantonner à la seule discipline du français, et je ne serai pas contre que les élèves soient parfois plus durement sanctionner surtout lorsqu’il ne s’agit pas de problème d’orthographe mais de problème d’expression y compris lorsqu’il s’agit de disciplines scientifiques. Force est de constater que certains élèves parviennent à obtenir parfois des points ou la moitié des points à une question, notamment lors des tests de français d’entrée en sixième, avec une expression parfaitement incompréhensible. Cela ne motive pas nécessairement l’élève pour s’améliorer. Mieux vaut prévoir d’autres types de tests : qcm, oraux si on ne souhaite pas pénaliser les élèves qui ont des difficultés d’expression plutôt que de tolérer trop fortement des horreurs d’expression. S’il est possible malgré tout d’avoir plus de tolérance, la mauvaise orthographe révèle aussi d’autres défauts dont notamment l’absence de sentiment d’intérêt général. Il est vrai aussi que cette baisse de la qualité orthographique est également symptomatique d’une baisse de la légitimité de l’Education Nationale et de ses enseignants du fait que l’élève ne sent plus obligé d’obéir aux règles. Il ne s’agit pas de revenir au temps du mythe républicain où les coups pouvaient servir d’arguments pédagogiques. Il s’agit de communiquer de manière à ce que chacun puisse être compris de l’autre. Or force est de constater que les langages informatiques sont encore plus stricts que nos langues. La moindre erreur ne produit pas l’effet escompté. Je me souviens avoir appris le langage logo à l’école primaire et la rigueur nécessaire pour réaliser un programme était fort utile.
Enfin, il faut sans doute une nouvelle fois relativiser. Je n’oublie pas que Melvil Dewey qui est si présent au quotidien dans nos CDI avait souhaité réformer l’orthographe en étant un précurseur du mode SMS. Il n’écrivait plus son nom que sous la forme « Dui » d’ailleurs.
Faut-il aller vers une idéographie dynamique, un langage international comme celui sur lequel Pierre Lévy travaille actuellement?
La question de l’orthographe n’est peut-être pas si anodine. Je n’ai pas de réponses miracles mais la seule chose dont je suis sûr c’est qu’à l’instar de la politique il faut sortir des dogmes et des idées trop arrêtées.
Ps : Dans le message initial, j’avais fait une horrible faute. Elle est ici corrigée.

Vers une tératogénèse documentaire?

Je travaille actuellement sur un article sur les mutations du document numérique.
Voici quelques unes de mes réflexions sur le sujet de la tératogénèse documentaire où se mêlent monstres, légendes et hérauts.

Le monstre est à l’origine une chimère, un élément crée par l’homme ou ce que dernier vise à montrer comme l’indique l’étymologie du mot. Il en est de même désormais du document numérique qui peut être qualifié de monstre en étant à la fois difficile à définir et à délimiter, pouvant se métamorphoser et se devant d’être vu et montré. Le document se doit d’être désormais populaire notamment au sein de la blogosphère.

Ces changements documentaires aboutissent à la transformation suivante :

Le savoir cède ainsi sa place au c’est à voir. Le document intéressant n’est donc pas nécessairement pertinent, mais au contraire cocasse, drôle, facile à transmettre comme par contagion. Par conséquent, rumeurs, trucages, bêtisiers, vidéos coquines ont tout autant d’importance voire plus dans la blogosphère que l’article scientfique ou l’information politique internationale. Les notions de pertinence s’effacent devant celles d’influence. L’encyclopédie Wikipédia étant parfois symptomatique mêlant des articles de qualité aux articles médiocres voire truffés d’erreurs sans compter les articles pseudo-scientifiques notamment sur la dianétique. Borgès n’aurait guère imaginé mieux, une bibliothèque de Babel infinie qui contient d’étranges documents fluctuants. La mystérieuse cité de Tlon évoquée dans Fictions . Wikipédia affirme que les articles les plus populaires (sic) sont les plus corrigés et donc les plus fiables. Les erreurs historiques que contient l’article Internet interrogent. Ainsi au savoir prédomine le populaire, la légende : étymologiquement ce qui doit être lu (que ce soit de la lecture de textes ou d’images : la notion de texte pouvant être élargi cf. Yves Jeannneret) comme le montrait Michel Foucault dans les Mots et les choses à propos des encyclopédies du XVIème siècle qui mélangeaient les faits avérés et les mythes.

Notre analyse s’appuie sur l’évolution du web via le développement de la blogosphère et des folskonomies (système d’ »indexation »? -d’annotations plutôt- collaborative libre), de leurs principales caractéristiques et des usages qui en sont faits. Les blogueurs populaires étant plébiscités par leurs lecteurs et de plus en plus courtisés par les publicitaires, ils deviennent les nouveaux hérauts qu’il faut lire et écouter (podcast oblige)

Finalement, cette redocumentarisation du monde qualifiée par Roger Pédauque est productrice d’une information difficile à distinguer, parfois redondante voire sans cesse commentée. D’ailleurs ces commentaires nous ramènent à la définition foucaldienne [1]: « la tâche infinie du commentaire se rassure par la promesse d’un texte effectivement écrit que l’interprétation révèlera un jour dans son entier. » Finalement cette tératogénèse documentaire n’est pas synonyme d’enrichissement culturel et les savoirs offerts et disponibles au plus grand nombre deviennent l’apanage des initiés. Le parcours documentaire constitue un cheminement, une construction qu’il convient d’apprendre et de transmettre. Sans doute aussi parce qu’information et savoirs sont liés par l’éducation.

 

Source de l’image : le bestiaire médiéval.


[1] Michel Foucault. Les mots et les choses. Gallimard. p. 52