Parution de Riposte Digitale, pour des maîtres d’armes des réseaux.

Une petite nouvelle. J’ai le plaisir de publier chez Publie.net à nouveau. Mais, il ne s’agit pas d’un roman ou de nouvelles comme les fois précédentes, mais d’un essai.
En pleine coupe du monde de Rugby, vous ne pourrez qu’admirer l’astucieux timing.
L’essentiel du texte a toutefois été écrit en 2018, quelques mois avant certains évènements politiques, climatiques et médiatiques.
Il est toutefois possible que l’ambiance informationnelle depuis un an rende finalement plus facile la lecture de l’essai, ou en tout cas lui donne une plus grande acuité. Mais ce n’est pas à moi d’en juger.
L’équipe Publie.Net a fait un travail remarquable de relecture, de corrections ainsi que de discussions autour du texte. Le document final me semble séduisant à plus d’un titre. Je remercie donc particulièrement Philippe Aigrain, Benoît Vincent, Guillaume Vissac et Roxane Lecomte pour ce travail indispensable qui fait d’un livre une aventure collective et qui fait de mon essai, une véritable transformation.

De quoi ça parle ?
Et bien, j’ai choisi de présenter un texte qui défend l’idée d’une nouvelle maîtrise des savoirs notamment en régime digital, si je puis le qualifier ainsi.
Sportivement parlant, la riposte, nous place plutôt dans l’escrime que dans rugby et fait songer aux différentes parades qu’il convient de maîtriser. Justement, cette maîtrise d ‘armes renvoie selon moi à des enjeux surtout informationnels.

Mais je n’en dis pas plus… non pas que je veuille botter en touche, mais la présentation de l’éditeur vous donne déjà un aperçu des contenus :
Il est aberrant de considérer que la connaissance et l’ensemble des savoirs étant directement accessibles, il n’y aurait plus qu’à s’y plonger à l’envi. Nous avons d’autant plus besoin de maîtres dans ce libre accès que nous sommes passés de l’arbre au labyrinthe, d’un monde où les savoirs étaient classés et contrôlés par des autorités traditionnelles à de nouveaux mécanismes. Il ne s’agit pas de juger négativement les évolutions en cours, mais de veiller à ce que les clefs d’accès soient conférées au plus grand nombre afin que l’accès technique soit corrélé avec l’accès intellectuel. En ligne, faut-il être partout ? Quel type de réseaux sociaux faut-il privilégier ? Quelle présence régulière ? Quels buts ? Comment s’armer face aux bouleversements des mondes connectés ? Plusieurs pistes dans cet ouvrage de référence pour devenir maître d’armes des réseaux.

Si vous voulez sortir un peu de la mêlée et éviter les plaquages informationnels, ce livre est pour vous.

Parution officielle le 2 octobre dans toutes vos librairies préférées. Vous pouvez déjà précommander notamment sur Publienet.

L’université à (a?) la marge

Un récent article des échos se fait justement “l’écho” d’un rapport de l’inspection des finances à l’égard de la gestion des universités. On n’en sait pas grand-chose, mais on a des aperçus des contenus du rapport. Et ce n’est pas vraiment rassurant.

Il faut savoir que depuis l’autonomie relative des universités, l’essentiel, que dis-je, le plus qu’essentiel du budget passe dans les masses salariales. L’état a prévu d’allouer aux universités des sommes leur permettant de faire face à ce budget, mais sans intégrer le fait que les salaires augmentent avec le jeu des échelons. Les universités ne pouvant que difficilement prendre en compte ces progressions salariales sont généralement contraintes à geler des postes, hésitant entre congélation (le poste est gelé un, deux ou trois ans, mais réapparaît), cryogénisation (le poste hibernatus sous la promesse un jour de réouverture) ou destruction à l’azote liquide. Si ces pratiques permettent de tenir tout juste les comptes sans être trop déficitaires, cela ne règle pas les problèmes avec des conditions de travail qui obligent à répondre de plus en plus à des cadres et règles nationales qui augmentent le travail administratif, la refonte incessante des maquettes pour des raisons de contrat quadri ou quinquennal. Je ne rentre pas dans le détail de nos logiques de performance de recherche, avec la nécessité de trouver des financements et de publier suffisamment pour les obtenir, à moins d’avoir des relations bien placées (ce plan fonctionne mieux en local qu’aux niveaux nationaux ou internationaux). Bref, sans vouloir vexer nos anciens collègues, un enseignant-chercheur travaille en général bien plus qu’avant et dans des conditions de pression plus grande. Cela dit, on bénéficie encore de formes de liberté qui m’ont fait choisir ce métier que je continue d’apprécier. Le contexte étant désormais celui de la promesse d’une retraite dégradée après la fin de carrière, ce qui n’est probablement pas si choquant, mais qui va l’être encore plus si on touche aussi aux salaires. Ce qui me gêne, c’est que des retraites d’anciens enseignants-chercheurs puissent être largement supérieures à un salaire d’enseignant-chercheur en activité. Mais là où la crainte commence à se faire jour… c’est justement sur les salaires, car là se situe la fameuse marge de manœuvre évoquée. En clair, si les pratiques polaires de gestion des ressources humaines sont insuffisantes, pourquoi ne pas les appliquer à l’échelle des salaires ? C’est l’âge de glace universitaire en plein réchauffement climatique. Il suffit alors de supprimer la progressivité automatique et de lui substituer une progressivité rallongée, liée à de la performance, voire de fonctionner qu’en mode primes de performance. Généralement, les primes de performance sont attribuées à 20 % de l’ensemble, un peu sur le modèle de la recherche avec la PEDR. Évidemment, qui dit primes, dit indicateurs et juges. Un beau bazar et un nouveau gain de pouvoir pour l’administration de la recherche… qui va devenir gestionnaire des marges réalisées. Depuis le début des périodes de réforme, la tentation a été de refuser tout en bloc et en se faisant au final tout imposer, et en gérant au mieux sur le terrain. J’ai toujours été persuadé qu’il fallait non seulement négocier, mais proposer d’autres pistes. Aujourd’hui, l’université est à la marge, car elle n’est pas prioritaire dans les budgets, ce qui l’oblige clairement à aller chercher de plus en plus de fonds ailleurs que dans les seuls fonds publics ou tout moins de l’État. Les recettes classiques sont connues (augmentation des frais d’inscription par exemple), mais elles ne sont pas garantes de quoi ce que ce soit. L’Université est aussi à la marge, car elle est peu consultée dans les décisions politiques, peu présentes dans les médias en général sauf pour porter des discours assez caricaturaux parfois, ou bien réduite à des temps de parole qui ne laissent entrevoir que des morceaux d’une pensée systémique pourtant plus complexe.

Un exemple de « marginalia » Dessin de marginalia par Hans Holbein dans la première édition, d’éloge de la folie, d’Erasme. 1515 (Bâle). source :en:Image:HolbeinErasmusFollymarginalia.jpg

Il reste pourtant des grosses marges. Parmi elles, il y a certainement l’enjeu d’aller récupérer réellement des sommes des crédits impôts recherche en permettant aux universités et au monde universitaire de fixer les règles du jeu. On peut aussi considérer que cette menace sur les salaires constitue une opportunité pour regarder les différents statuts qui exercent au sein de nos établissements et d’y poser les bases d’une remise à plat en plaidant notamment pour un vrai statut de chargé de cours d’une part, et de s’interroger sur la légitimité des statuts éloignés de toute forme de recherche. En tout cas, il est temps pour les “marginaux” que nous sommes de se mettre à la page, si on veut reprendre la main sur le paysage de la recherche. Car nombreux sont ceux qui veulent nous ventiler façon puzzle après passage à la broyeuse à moins qu’un destin en carbone modifié nous attende.