Square rooms : le web doit-il être bien rangé?

L’expression web 2.0 n’étant plus assez in et sachant qu’il faille tenter d’exprimer les nouvelles avancées et potentialités du web et de l’Internet, le web squared ou web ² arrive. !
L’expression émane de Tim O’Reilly et de John Battelle, deux des quatre qui avaient déjà propulsé le web 2.0 sur le devant de la scène il y a 5 ans.
Le web squared, c’est un entredeux entre le web 2.0 et l’idéal sémantique des données interconnectées et porteuses de sens. Il s’agit de la rencontre entre les aspirations et les imaginaires de l’internet et la (triste ?) réalité du monde.
L’expression confirme que celle du web 2.0 étant bien empreinte de new age, mais que désormais après le côté hippie  (et ses mashups qui se mélangent avec tout et n’importe quoi), il faudrait réguler un peu tout cela. Ce côté bien rangé est également décrit par Hervé Le Crosnier dans sa réaction à l’article de Fred Cavazza :

Il me semble qu’en langage populaire, “square” se disait des gens “dans l’ordre des choses”, i.e. qui n’avaient pas succombé à la philosophie hippie, notamment le psychédélisme.

Finalement, avons-nous vraiment envie d’un web superstructurée ou tout est clean, tout le monde marche de pair, en concert à l’instar du clip de la chanson « square rooms » d’Al Corley ? Ce dernier semble se laisser tenter par cette perspective en laissant partir son Eurydice dans un ailleurs. Cependant il finit par rendre avec se départ sa vie de fait trop normée, régulée, un peu comme si le petit papy de la chanson (on dirait Paul Otlet, non ?) était celui qui filait la vie et produisait les métadonnées avec son orgue de barbarie.

Même s’il faut sortir Eurydice des enfers, il ne faut pas qu’elle perde tout de sa magie, de ce qui constitue  notre imagination.  Il faut donc un peu de doute, d’incertitude, de la méta-stabilité.
Alors faut-il un web au carré empilant nos identités dans des petites boites faciles à observer ?
Heureusement, Hervé Le Crosnier nous rassure un peu sur les intentions d’O’Reilly et de John Battelle :

Le gars Tim, quand il s’accoquine avec Battelle a toujours une boutanche au frais. La preuve, à chaque fois ils nous sortent un concept marketing… qui devient réalité. Pas si square qu’il n’y paraît, isn’t it ?
Il y a donc à boire et à manger dans ce web squared…

L’autre point important est aussi celui de cette rencontre ou plutôt convergence entre le virtuel et le réel et… de savoir qui va le plus influencerl’autre. Est-ce le monde et ses errements économiques et écologiques qui va prédominer ou à l’inverse, un certain esprit du web, à la fois plus ouvert et plus critique…qui va changer le monde ?

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L’invention d’Orfanik et la technique aux enfers

The parade is named after Orpheus, a figure fr...
Image via Wikipedia

Jules Verne dans le château des Carpathes nous fait part à la fin du mystère de la présence continue de la cantatrice Stilla dans le château en ruines qui suscite l’inquiétude en Transylvanie. Elle est en fait morte mais l’inventeur Orfanik, qui travaille au service de Rodolphe de Gortz a mis au point un procédé qui permet de retransmettre l’image et la voie de la cantatrice. L’image et la voie ayant été précédemment enregistrés lors d’une représentation.
Ce procédé que Jules Verne qualifie sans vraiment le dire de diabolique correspond à la vision de la culture littéraire qui voit de la magie dans la technique. Orfanik en étant le digne représentant. Toutefois, Jules Verne qui possède également une culture technique nous donne quelques éclaircissements sur le procédé :
« Or, au moyen de glaces inclinées suivant un certain angle calculé par Orfanik, lorsqu’un foyer puissant éclairait ce portrait placé devant un miroir, la Stilla apparaissait, par réflexion, aussi « réelle » que lorsqu’elle était pleine de vie et dans toute la splendeur de sa beauté. »

Dans ce roman de Jules Verne, nous retrouvons les deux côtés de l’objet technique ou de l’hypomnematon, un côté positif qui est illustré par les potentialités de la technique explicitées et un côté négatif exprimée par la confusion engendrée et par les relations diaboliques, quasi alchimiques d’un Orfanik.
Aujourd’hui, cela n’a guère évolué avec les potentialités de la technique qui sont louées lorsqu’il s’agit de pouvoir commercialiser au delà de la mort, les œuvres d’Elvis Presley et de Mickael Jackson…mais qui deviennent alors sujettes à critiques lorsqu’il s’agit de pouvoir en disposer sans les acheter grâce à des procédés qui en facilitent l’échange.
Pourtant, la reproduction sur supports constitue à l’origine un faux qui tente de s’approcher au mieux de l’original. Pendant des années, la possibilité de reproduire des œuvres a permis des bénéfices énormes en offrant la possibilité de revendre une prestation pourtant unique à l’origine. Peu semblaient pourtant s’offusquer de ce qui constitue autant une supercherie qu’une prouesse diabolique comme l’auraient sans doute qualifiée certains inquisiteurs quelques siècles plus tôt.
Finalement, la technique demeure Eurydice ou Stilla, prisonnière des enfers, difficile à regarder en face et à saisir.
Il nous faut pourtant parvenir à réaliser ce qu’Orphée n’est pas parvenu à faire, pour faire corps avec elle.

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