Hommage à Christophe

Dans mes pérégrinations musicales, j’ai toujours aimé Christophe. Depuis que je suis gamin, avec des chansons populaires, et ado, j’aimais bien sa manière de saisir la mélancolie romantique.

Je crois que j’ai écrit quelques pages en l’écoutant ces derniers temps. Cela méritera une citation dans mon prochain ouvrage.

En attendant, j’ai écrit rapidement ce matin, ces quelques mots comme un dernier hommage après notamment celui de Christophe Conte.

Le comte qui esbaubit, tstar de la nuit
A pris le train pour la rejoindre
la fille qui se souvient de lui

Nous laissant les maux bleus
et pas des moindres
entre désarroi de soi
et désespoir de soir

triste of
christ off
Une chose est sûre
Tes paradis perdurent
Ceux qui t’écoutent
Savent sans doute
cet état là,
c’était la dolce vita

le crépuscule est grandiose
le dandy a mis sa veste rose
Un peu menteur
Toujours flambeur
balance en lenteur
les beaux délires
versent en splendeur
dans un flip èrent
et défient paires
bottes et gants
Toujours élégant

Rêve à des endroits
Que tu t’es dessiné
Où que tu sois
tu te l’es destiné
qui l’eut su, c’est fou
que le tourne-coeur
retourne encore
en éclats de miroir
en extras de mémoire
En ces moments fragiles
Fais rêver et file

Un regard décentré sur la Ligue du LOL

J’ai découvert les agissements de la ligue du LOL tardivement alors que je côtoyais virtuellement ou tout au moins suivait plusieurs membres de l’équipe dont Vincent Glad qui tente désormais une autodéfense autour d’une histoire qui s’avère sans doute complexe, mais qui montre aussi les dérives potentielles d’une forme de concentration de pouvoirs. Il évoque aussi son cas sur France Inter.

Sur le « tout le monde faisait cela », Guy Birenbaum a réagi à dessein sur Twitter, tout comme Guillaume Narvic qui a très bien resitué l’affaire d’ailleurs.

Valérie Robert a eu raison aussi de rappeler qu’on ne pouvait pas être des pionniers sur le web en 2010… même si Glad précise qu’en 2010 il était un des pionniers sur Twitter… mais la plupart des initiés y étaient déjà depuis 2007 y compris des journalistes chevronnés.

En fait, Vincent Glad était un des acteurs majeurs de la nouvelle époque des réseaux sociaux et il venait … après… la période des blogueurs et des nétiquettes associées. Il n’était donc pas un pionnier du tout, mais un nouveau joueur dont le succès allait être rapidement dopé par les médias traditionnels. Guillaume Narvic a raison de dire qu’une partie de l’équipe était en fait en marge des courants innovants du journalisme qui imaginaient des dispositifs hybrides. Un des protagonistes les plus importants de l’époque était d’ailleurs Nicolas Voisin avec entre autres OWNI (qui au passage me manque beaucoup comme dispositif). Mais il y avait aussi d’autres innovateurs de longue date comme Rosselin qui avait tenté quelque chose avec Vendredi. Cette mémoire semble quelque part inscrite actuellement autour de ce que fait Nicolas Vanbremeersch (@Versac). Twitter était initialement un prolongement évident de la blogosphère et des signets sociaux où l’on partageait de l’info et on faisait de la veille. La logique initiale était donc celle de veilleurs et de personnes qui pensaient qu’on pouvait autre chose que la politique menée.

Alors oui, Twitter était bien une cour de récré comme le dit Glad et comme j’avais pu l’écrire également en 2009. C’était l’étape suivante après l’impression initiale que Twitter privilégiait de la communication klean-ex. C’était déjà un lieu de contre-pouvoirs assurément. Quasiment déserté par la droitosphère et notamment la fachosphère. On y retrouvait quelques supporters de Nicolas Sarkozy. La plupart d’entre nous étaient toutefois majoritairement ouverts d’esprit. Les jeunes sarkozystes défendaient les projets de mariage pour tous et de défense des minorités. Les débats se situaient ailleurs. Pour ma part, j’étais encore simple prof-doc, en thèse, engagé très momentanément au modem et hostile au directeur de la DGESCO de l’époque, aujourd’hui ministre… à l’époque où l’EN était la grande muette. Frédéric Lefebvre était accueilli d’une manière invraisemblable et demeurait un moteur de la cour de récré tout en parvenant au final à améliorer son image… car il avait accepté les règles de l’autodérision et l’ouverture aux critiques.

Et c’est là que ça devient difficile pour moi, car cela repose sur des souvenirs, et Glad déplorer que les souvenirs se mélangent et se simplifient.

Je me souviens bien de disputes fréquentes et de jeux parfois difficiles entre supporters politiques. Florence Desruol, fan de Sarkozy défendait bec et ongles son champion au point d’en devenir ridicule ce qui a suscité évidemment des critiques probablement dépassées, mais il faut rappeler aussi qu’elle se montrait également très virulente. Je me souviens d’avoir à l’époque retweeter un tweet de Vincent Glad qui critiquait son éventuel coup cœur à propos de je ne sais plus trop qui. J’avais déjà raté sans doute un élément important. Je me souviens surtout du tweet rageur de la susnommée qui annonçait qu’elle me bloquait illico moi et Vincent Glad. Sur le coup, j’avais trouvé cela un peu fort, mais a posteriori, il y avait probablement autre chose que j’ignorais et qui se déroulait en off.

Il y a sans doute assurément un travail de rétro-journalisme à faire qui va plus loin que de retrouver les tweets de l’époque. Mais il ne peut être que collectif.

Il faut assurément recontextualiser. La règle sur Twitter résidait justement dans le dégonflage d’égo et là Glad n’a pas tout à fait tort… on n’ hésitait pas à se remettre en place les uns, les autres, car l’espace ne supposait pas véritablement de hiérarchies trop lourdes. Un modus operandi qui déplaisait souvent aux personnes déjà installées comme lorsque Laurent Joffrin n’avait pas supporté d’être tutoyé. Si on disait des conneries, le réseau se devait de nous remettre en place. Je me souviens avoir parfois commis des erreurs car on sentait que certaines personnes étaient loin d’être dans cette ambiance. Glad n’a pas tort de dire qu’il y avait des codes qui étaient basés sur la critique… y compris dans les colloques professionnels ou scientifiques où on pouvait se tancer sur twitter.

Seulement voilà… mon regard sur cette période est celle d’un acteur décentré (ce qui est drôle pour un ancien membre du Modem, mais j’ai toujours détesté cette expression de centriste) car vivant en province. J’oscillais entre l’Ille-et-Vilaine et Lyon en tant qu’ ATER et je voyais bien que les jeux se déroulaient surtout à Paris si on voulait faire carrière dans les territoires de la nouvelle économie informationnelle. Mais j’avais déjà démontré trop tôt les côtés potentiellement négatifs qui pouvaient se développer à l’heure où il valait mieux les taire… ce qui est dorénavant totalement l’inverse. Narvic a raison de de dire que l’équipe du LOL investissait finalement surtout les places traditionnelles de l’économie journalistique et informationnelle… au point finalement de court-circuiter les blogueurs qui s’interrogeaient sur les nouvelles formes éditoriales. Leur succès très parisien leur a conféré des pouvoirs nouveaux, finalement loin de la cour de récré… et c’est là probablement que s’est jouée la dérive. Si la logique de la cour de récré était acceptable… c’est qu’il ne fallait pas que les acteurs se prennent trop au sérieux sous peine d’un déséquilibre de pouvoir. Je me souviens aussi que certaines journalistes femmes en vue sur Twitter ont disparu des radars du jour au lendemain. Je n’avais pas compris pourquoi à l’époque. Dorénavant si je me souviens aussi que ce pouvoir d’attraction qui dépassait clairement celui des blogueurs influents… fonctionnait énormément chez les femmes impliquées dans le numérique. Du genre: « j’ai vu que tu échanges avec Eymery.. » ou ce genre de choses. Je n’y avais pas beaucoup prêté attention, mais je comprends mieux l’effet qui était en train de se produire. En fait, il fallait être ‘en vue avec »…On comprend alors que de jeunes premiers qui occupaient le premier plan sur les réseaux sociaux tout en aillant portes ouvertes dans les médias traditionnels parvenaient à avoir le meilleur des deux mondes…

Je me demande si finalement leur arrivée dans les médias traditionnels ne permettait pas à ces derniers de reprendre quelque peu le contrôle…de mettre à l’écart les réels innovateurs. On comprend dès lors comment il a été facile de s’en débarrasser rapidement à la moindre révélation. Ils avaient commis l’erreur de laisser des traces…excès d’hybris probablement…excès d’interprétations de documents n’appartenant pas au même registre. La presse traditionnelle qui doit regorger d’affaires bien pires s’était montrée plus prudente en laissant moins de traces apparentes… et avait trouvé l’occasion de se dédouaner à moindres frais en expédiant au tribunal de la vindicte une affaire où tout s’est mélangé. On verra ce que la justice en décidera au final.

On a oublié aussi qu’on était conscient qu’on prenait des risques sur ces espaces notamment quand on s’affichait. Les blogueurs le savaient depuis longtemps notamment, car leur « popularité » rentrait en concurrence avec d’autres personnes mieux établies. À ce propos, cette tension était déjà forte dans les domaines scientifiques. Cela ne posait pas vraiment de problème aux plus brillants qu’ils décident de bloguer eux-mêmes ou pas… mais aux plus médiocres qui supportaient difficilement de voir nos noms citer par leurs étudiants. On était loin des carnets Hypothèses…

L’autre terrible leçon qu’on néglige trop souvent c’est que ces médias font de nous des médiocres au sens étymologique, des individus autant médias que moyens. Voilà pourquoi ma position n’est pas celle d’un centriste et encore moins d’un homme au centre de pouvoirs, mais celle d’un dangereux équilibriste.

Désolé pour cette page d’égo-histoire, mais finalement quelques tweets ont réveillé cette envie d’en dire plus.

?0?0

L’année 2020 va bientôt débuter, et je ne suis pas certain de ce qu’il va advenir dans la prochaine décennie.

Je ne suis pas certain non plus de continuer à écrire ici. Le sentiment d’être désormais passé de mode, ou plutôt de ne pas avoir été totalement compris.

L’année 2020 s’inscrit donc un peu de cette manière : ?0?0 et me fait songer à ce panneau de l’encyclopedia universalis mundaneum de Paul Otlet.

Je vous livre donc en quelques vers mes interrogations

?0?0

Une énième révolution solaire
Vieille antienne du retour à la ligne
Démesure, démence de l’hybris scalaire
Comme Angoisse existentielle de quatre signes

2020, entre perfection du vingt sur vingt
Et l’affreuse désillusion du vain sur vain
Tu t’affiches tel le score d’une défaite
La sinistre rencontre ainsi se répète

Vint le deux-mille, s’en suivirent mille dieux
Ils se mirent à en devenir trop visibles
Ainsi demi le vain demain si risible ?

Un renouvellement autant envieux que vieux
Interrogeant nos vies tel un double titre
Répétition du pire ou nouveau chapitre ?

Les 20 ans du guide

20 ans. Déjà 20 ans que ce site devenu blog a vu le jour. Au départ, une idée alors que je passe le concours de bibliothécaire territorial à Vannes. Je réussis les oraux avec une certaine confiance et insouciance. Je lance alors le projet avec un premier texte. Je raconte un peu ça dans le billet pour les 10 ans.

En 1999, je ne sais pas encore que je viens de m’engager dans un labyrinthe passionnant mais peuplé de minotaures et de créatures diverses.

20 ans après finalement j’y suis encore, mais sans en être prisonnier. Au moins, dans mes écrits. Pour le reste, les minotaures et les impasses sont toujours là par contre.

Photo by Kristian Strand on Unsplash

Le projet a suivi mes pérégrinations professionnelles. Il a été autant un laisser-passer qu’une fin de non recevoir.

Désormais, il doit figurer au mieux parmi les banalités, au pire parmi les éléments has been d’une existence.

Il est vrai que l’évolution place désormais les objets digitaux de ce type entre l’article scientifique de supermarché et l’instrument d’indignation permanente. J’en parle un peu dans Riposte digitale.

Le blog n’est plus mon objet d’écriture préféré. C’est indéniable et ça se constate probablement quantitativement aussi.

Je préfère de loin écrire des articles de recherche, voire des articles professionnels quelque peu décalés pour InterCDI. Peut-être faut-il imaginer une nouvelle prose pour ces vingt années ou vaines années. Je ne sais plus vraiment.

Les travaux de plus grande ampleur m’intéressent désormais bien plus, même s’il n’est pas certain qu’ils soient nettement plus lus. Surtout, il est parfois difficile de trouver un éditeur. Je travaille actuellement sur un projet qui n’a toujours pas d’éditeur. Disons qu’il aurait dû en avoir un… mais le directeur des publications en a décidé autrement. J’avais dû vendre trop d’exemplaires du précédent (je plaisante à peine…)

J’ai encore des projets de fiction en cours. Mais souvent faute de temps et de temps mental pour m’y investir, ils n’avancent pas…

20 ans après. D’Artagnan a vieilli finalement. Je suis prêt par moment à raccrocher la plume digitale qui a sévi ici, pour fermer définitivement les lieux. En tout cas, je crois que Le Guide des Egarés est clairement plus proche de la fin que des débuts.

Les savoirs ont évolué, mais les pouvoirs n’ont pas vraiment changé.

Parution de Riposte Digitale, pour des maîtres d’armes des réseaux.

Une petite nouvelle. J’ai le plaisir de publier chez Publie.net à nouveau. Mais, il ne s’agit pas d’un roman ou de nouvelles comme les fois précédentes, mais d’un essai.
En pleine coupe du monde de Rugby, vous ne pourrez qu’admirer l’astucieux timing.
L’essentiel du texte a toutefois été écrit en 2018, quelques mois avant certains évènements politiques, climatiques et médiatiques.
Il est toutefois possible que l’ambiance informationnelle depuis un an rende finalement plus facile la lecture de l’essai, ou en tout cas lui donne une plus grande acuité. Mais ce n’est pas à moi d’en juger.
L’équipe Publie.Net a fait un travail remarquable de relecture, de corrections ainsi que de discussions autour du texte. Le document final me semble séduisant à plus d’un titre. Je remercie donc particulièrement Philippe Aigrain, Benoît Vincent, Guillaume Vissac et Roxane Lecomte pour ce travail indispensable qui fait d’un livre une aventure collective et qui fait de mon essai, une véritable transformation.

De quoi ça parle ?
Et bien, j’ai choisi de présenter un texte qui défend l’idée d’une nouvelle maîtrise des savoirs notamment en régime digital, si je puis le qualifier ainsi.
Sportivement parlant, la riposte, nous place plutôt dans l’escrime que dans rugby et fait songer aux différentes parades qu’il convient de maîtriser. Justement, cette maîtrise d ‘armes renvoie selon moi à des enjeux surtout informationnels.

Mais je n’en dis pas plus… non pas que je veuille botter en touche, mais la présentation de l’éditeur vous donne déjà un aperçu des contenus :
Il est aberrant de considérer que la connaissance et l’ensemble des savoirs étant directement accessibles, il n’y aurait plus qu’à s’y plonger à l’envi. Nous avons d’autant plus besoin de maîtres dans ce libre accès que nous sommes passés de l’arbre au labyrinthe, d’un monde où les savoirs étaient classés et contrôlés par des autorités traditionnelles à de nouveaux mécanismes. Il ne s’agit pas de juger négativement les évolutions en cours, mais de veiller à ce que les clefs d’accès soient conférées au plus grand nombre afin que l’accès technique soit corrélé avec l’accès intellectuel. En ligne, faut-il être partout ? Quel type de réseaux sociaux faut-il privilégier ? Quelle présence régulière ? Quels buts ? Comment s’armer face aux bouleversements des mondes connectés ? Plusieurs pistes dans cet ouvrage de référence pour devenir maître d’armes des réseaux.

Si vous voulez sortir un peu de la mêlée et éviter les plaquages informationnels, ce livre est pour vous.

Parution officielle le 2 octobre dans toutes vos librairies préférées. Vous pouvez déjà précommander notamment sur Publienet.

L’université à (a?) la marge

Un récent article des échos se fait justement “l’écho” d’un rapport de l’inspection des finances à l’égard de la gestion des universités. On n’en sait pas grand-chose, mais on a des aperçus des contenus du rapport. Et ce n’est pas vraiment rassurant.

Il faut savoir que depuis l’autonomie relative des universités, l’essentiel, que dis-je, le plus qu’essentiel du budget passe dans les masses salariales. L’état a prévu d’allouer aux universités des sommes leur permettant de faire face à ce budget, mais sans intégrer le fait que les salaires augmentent avec le jeu des échelons. Les universités ne pouvant que difficilement prendre en compte ces progressions salariales sont généralement contraintes à geler des postes, hésitant entre congélation (le poste est gelé un, deux ou trois ans, mais réapparaît), cryogénisation (le poste hibernatus sous la promesse un jour de réouverture) ou destruction à l’azote liquide. Si ces pratiques permettent de tenir tout juste les comptes sans être trop déficitaires, cela ne règle pas les problèmes avec des conditions de travail qui obligent à répondre de plus en plus à des cadres et règles nationales qui augmentent le travail administratif, la refonte incessante des maquettes pour des raisons de contrat quadri ou quinquennal. Je ne rentre pas dans le détail de nos logiques de performance de recherche, avec la nécessité de trouver des financements et de publier suffisamment pour les obtenir, à moins d’avoir des relations bien placées (ce plan fonctionne mieux en local qu’aux niveaux nationaux ou internationaux). Bref, sans vouloir vexer nos anciens collègues, un enseignant-chercheur travaille en général bien plus qu’avant et dans des conditions de pression plus grande. Cela dit, on bénéficie encore de formes de liberté qui m’ont fait choisir ce métier que je continue d’apprécier. Le contexte étant désormais celui de la promesse d’une retraite dégradée après la fin de carrière, ce qui n’est probablement pas si choquant, mais qui va l’être encore plus si on touche aussi aux salaires. Ce qui me gêne, c’est que des retraites d’anciens enseignants-chercheurs puissent être largement supérieures à un salaire d’enseignant-chercheur en activité. Mais là où la crainte commence à se faire jour… c’est justement sur les salaires, car là se situe la fameuse marge de manœuvre évoquée. En clair, si les pratiques polaires de gestion des ressources humaines sont insuffisantes, pourquoi ne pas les appliquer à l’échelle des salaires ? C’est l’âge de glace universitaire en plein réchauffement climatique. Il suffit alors de supprimer la progressivité automatique et de lui substituer une progressivité rallongée, liée à de la performance, voire de fonctionner qu’en mode primes de performance. Généralement, les primes de performance sont attribuées à 20 % de l’ensemble, un peu sur le modèle de la recherche avec la PEDR. Évidemment, qui dit primes, dit indicateurs et juges. Un beau bazar et un nouveau gain de pouvoir pour l’administration de la recherche… qui va devenir gestionnaire des marges réalisées. Depuis le début des périodes de réforme, la tentation a été de refuser tout en bloc et en se faisant au final tout imposer, et en gérant au mieux sur le terrain. J’ai toujours été persuadé qu’il fallait non seulement négocier, mais proposer d’autres pistes. Aujourd’hui, l’université est à la marge, car elle n’est pas prioritaire dans les budgets, ce qui l’oblige clairement à aller chercher de plus en plus de fonds ailleurs que dans les seuls fonds publics ou tout moins de l’État. Les recettes classiques sont connues (augmentation des frais d’inscription par exemple), mais elles ne sont pas garantes de quoi ce que ce soit. L’Université est aussi à la marge, car elle est peu consultée dans les décisions politiques, peu présentes dans les médias en général sauf pour porter des discours assez caricaturaux parfois, ou bien réduite à des temps de parole qui ne laissent entrevoir que des morceaux d’une pensée systémique pourtant plus complexe.

Un exemple de « marginalia » Dessin de marginalia par Hans Holbein dans la première édition, d’éloge de la folie, d’Erasme. 1515 (Bâle). source :en:Image:HolbeinErasmusFollymarginalia.jpg

Il reste pourtant des grosses marges. Parmi elles, il y a certainement l’enjeu d’aller récupérer réellement des sommes des crédits impôts recherche en permettant aux universités et au monde universitaire de fixer les règles du jeu. On peut aussi considérer que cette menace sur les salaires constitue une opportunité pour regarder les différents statuts qui exercent au sein de nos établissements et d’y poser les bases d’une remise à plat en plaidant notamment pour un vrai statut de chargé de cours d’une part, et de s’interroger sur la légitimité des statuts éloignés de toute forme de recherche. En tout cas, il est temps pour les “marginaux” que nous sommes de se mettre à la page, si on veut reprendre la main sur le paysage de la recherche. Car nombreux sont ceux qui veulent nous ventiler façon puzzle après passage à la broyeuse à moins qu’un destin en carbone modifié nous attende.

Livre gratuit. Téléchargez Hot et Steam.

J’ai le plaisir de vous offrir en ce premier août le roman que j’avais auto-édité et mise en ligne sur la plateforme d’Amazon : Hot et Steam.
Rédigé il y a cinq ans durant l’été en quelques jours, je l’avais mis rapidement en ligne.
Il est temps de le libérer financièrement après quelques corrections.
Vous pourrez donc le lire sous format pdf, mobi, epub, et azw3.

Tout est disponible en téléchargement ici.
Le bouquin est dédié plutôt à la détente et est sans prétention.
Voici le résumé :
Londres, à la toute fin de règne de Victoria, la jeune et intrépide Lady V. est en quête d’aventures et de romance. Alors qu’elle rêve de combattre des ennemis en chair et en os, elle est confrontée à un adversaire bien plus coriace : un démon qui semble bien décidé à éliminer toute la nouvelle société digitale présente à la soirée du célèbre baron, créateur du réseau social le plus en vue. Dans une atmosphère steampunk où les nouvelles technologies bouleversent la fin de l’ère victorienne, Lady. V tente d’éviter le pire pour profiter du meilleur. Meurtres étranges, personnages haut en couleur, fantômes malfaisants, inventions improbables, hot et steam est un cocktail explosif qui ne demande qu’à vous séduire.

Bonne lecture. Si vous voyez encore des coquilles, n’hésitez à le signaler.

couverture hot et steam
Mon dernier roman en mode steampunk désormais gratuit.

Onze mental : mon équipe de penseurs et auteurs, façon football.

 
Actualité oblige, et conscience footballistique totalement assumée, je me lance dans un petit billet sans prétention, qui me permet de rassembler passion populaire et passion intellectuelle.
On oublie d’ailleurs que certains intellectuels furent des footballeurs amateurs investis, rêvant de carrière professionnelle. On peut songer à Camus mais on oublie souvent que Jacques Derrida rêvait plus jeune de devenir professionnel avec le numéro floqué sur son maillot. Je n’irai pas jusqu’à dire que le 7 de Christiano Ronaldo est en fait inspiré du philosophe quand on sait que ce choix est principalement lié à Alex Fergusson.
Voici l’équipe que j’ai constituée à partir de mes influences et de mes manières de voir le monde.
Mon 11 de légende
La constitution d’une équipe nécessite évidemment une stratégie et des joueurs clefs pour réaliser l’animation. Le point clef est bien souvent le milieu offensif qui va donner le sens à l’équipe, la direction que l’entraîneur souhaite impulser. Certains de mes joueurs sont encore en activité dans ce 11.
 
À ce titre, il me paraissait évident qu’il me fallait positionner Michel Foucault en numéro 10, comme meneur du jeu.
Voici mon équipe type.
Gardien de buts : Albert Camus
Poste à mon sens essentiel et que j’aimais tant occuper dans ma jeunesse jusqu’à ce que me coûte un poignet le dernier jour de classe un premier juillet en jouant avec mes élèves. Un sens du placement et de l’anticipation, une capacité à placer sa défense, à prendre des initiatives et surtout la possibilité de rassurer toute son équipe (et par la même occasion les supporters) en assurant des sorties pour capter le ballon. Bref, il me fallait mon Fabien Barthez pour assurer les bases de mon équipe. Il était bien difficile de choisir quelqu’un d’autre que Camus qui a longtemps joué à ce poste et qui a plutôt influencé mes lectures adolescentes, durant mon collège notamment. On y retrouve aussi un positionnement politique et intellectuel souvent équilibré et méfiant vis-à-vis des idéologies même portées par des intellectuels, ce qui me convient parfaitement.
 
Défense centrale :
Umberto Eco qui d’ailleurs n’aimait pas trop les supporters ou tifosi ferait un bon défenseur central notamment, car il replace les bases avec un romantisme qui me sied parfaitement. L’intérêt d’Eco ici est de pouvoir bénéficier d’un défenseur qui sait se projeter vers l’avant si besoin, mais qui surtout possède une telle connaissance qu’il peut anticiper les différentes méthodes et combinaisons. C’est aussi une base de plus qui s’appuie sur différentes expériences. Un bon profil de capitaine potentiel également. Bref, une de mes tours de défense à la fois pour ses romans (Le Nom de la rose et le Pendule de Foucault) et ses différents ouvrages et articles (de l’arbre au labyrinthe plus particulièrement). Il est donc à coup sûr un élément indispensable à mon équipe.
Alan Liu constitue le second pilier de ma défense. J’ai toujours trouvé ce chercheur sur tous les territoires et domaines qui m’intéressent depuis les questions sur les littératies et la translittératie jusqu’aux questions sur les humanités digitales. Autant donc le placer comme base de mon équipe.
Latéraux
Paul Otlet comme latéral gauche dans la mesure où il tente toujours de sortir du rang et d’apporter du nouveau. Il associe rigueur défensive qui est celle de la normalisation des règles. Le père de la documentation associe à la fois norme et originalité, ce qui en fait un latéral gauche particulièrement intéressant notamment lorsqu’il tente d’avoir toujours un temps d’avance sur son adversaire.
Assez logiquement, j’ai positionné mon auteur favori Haruki Murakami sur l’autre côté, car il allie des qualités similaires qui sont celles du réalisme fantastique avec une rigueur dans l’écriture et une capacité à produire de l’extraordinaire à tout moment. Rien de mieux que d’être capable d’assurer une défense et en même temps de sortir des lignes pour amener de la folie et de la surprise. Rien de mieux qu’Haruki pour assurer ce rôle.
Milieux défensifs :
Jacques Derrida avec bien sûr le numéro 7. Ici aussi, on va retrouver une certaine complexité dans le jeu, notamment la capacité à repartir de la base pour aller de l’avant, bref une capacité à saisir les règles du jeu (la grammatisation du game) pour produire quelque chose de différent, en tout cas en se laissant la possibilité de jouer même si on sait qu’on n’invente jamais rien depuis zéro.  Derrida reste un joueur qui peut donc faire la différance à tout moment, et des comme ça, il y en a peu.
Hannah Arendt comme milieu défensif, cela me paraît plus qu’évident. Il aurait été sans doute plus difficile de la faire passer à l’offensive, même s’il était tentant de provoquer un infarctus à Alain Finkielkraut non retenu dans cette sélection. C’est la joueuse qui est la mieux à même d’apporter de la rigueur et de la lucidité et surtout d’être indispensable lors des moments de crise !
Milieux offensifs
Michel Foucault apparaît ici central dans mon équipe. Une envie de comprendre ce qu’il se passe en offrant de nouveaux horizons, c’est le joueur d’exception qui a compris qu’il y avait différents types de règles et pas seulement les officielles. C’est celui qui voit les combinaisons invisibles aux autres et qui sait produire des relations qui font mouche en offrant des ouvertures qui mènent au but. C’est le joueur fort rare dont tout entraîneur rêve.
Mon autre base offensive est constituée par Michael Buckland, le chercheur en sciences de l’information qui m’influence sur les plans historiques, méthodologiques et conceptuels. Mon dernier ouvrage sur les humanités digitales lui est dédié. Il est donc tout naturellement mon autre milieu offensif, car oui, je préfère jouer en 4-4-2 avec deux milieux offensifs (influence Giresse-Platini)
Attaquants
Pas toujours aisé de distinguer des attaquants pour faire la différence.
J’ai eu plus de mal à trouver les perles rares. Et puis finalement, pour distinguer des attaquants potentiels qui ont réellement influencé ma pensée, j’ai choisi d’assumer de mettre en pointe un véritable footballeur : Eric Cantona. Je ne peux pas renier le fait que j’ai toujours suivi sa carrière et ses modes de fonctionnement depuis que j’ai 9 ans et que je l’ai découvert en équipe de France espoirs, la boule à zéro, suite à un pari perdu. Les paris perdus, je connais un peu… ça m’a permis d’écrire certains articles que je ne renie nullement. Eric Cantona a toujours été bien plus qu’un footballeur, et c’est en ce sens qu’il figure ici. Cantona, c’est aussi celui qui peut devenir gardien, car le titulaire du poste est expulsé à quelques minutes de la fin (vous me direz Papin aussi…) et l’essentiel est bien de pouvoir se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre le monde pour changer de point de vue. Le choix de Cantona, c’est d’assumer aussi le fait de prendre des risques et de pouvoir réellement en subir les conséquences.
Quoi de plus logique dès lors de l’accompagner d’un auteur et chercheur britannique, David Lodge pour mieux rappeler que le monde universitaire a beau se prendre au sérieux trop souvent, il n’en est pas moins un milieu à observer par lui-même et qu’il est préférable de faire les choses sérieusement sans pour autant se prendre au sérieux. Hommage au fait que le football et ses formes modernes ont été inventés par les Britanniques.
Bien d’autres auraient pu avoir leur place dans ce 11 de légende. Mais j’ai choisi de ne pas faire figurer de remplaçants même si j’avais de quoi faire une liste de 23.
La prochaine fois, je tenterai de faire mon équipe avec des chercheurs plus jeunes. Pour l’instant, j’hésite encore, trop de candidats potentiels semblent pouvoir prendre un carton rouge à tout moment…
A vous d’imaginer vos équipes idéales.

Les candidats à la présidentielle et leur univers imaginaire

J’ai toujours été persuadé que nous sommes façonnés par les références culturelles de notre enfance et particulièrement par les récits et dessins animés qui accompagnent notre formation. J’ai toujours aussi été convaincu que cela influence également les choix des électeurs avec des projections qui viennent parfois de l’enfance. Histoire de rappeler que même majeurs, nous restons toujours quelque part mineurs. J’amorce ici, un billet expérimental sur la façon dont je perçois les candidats à l’élection présidentielle française. Je n’ai traité que les cinq principaux.
Jean Luc Mélenchon est une ombre jaune aventurière.
On aurait pu le voir en Bob Morane, mais il n’en a pas vraiment le profil. Par contre, son action de bilocalisation hologrammique dans sa tenue mao un peu étrange m’a aussitôt fait penser à Ming, l’ombre jaune, l’ennemi génial de Bob Morane qui a certes le crâne lisse, là où Jean Luc l’a chevelu, mais avec un habit de clergyman qui nous rappelle la veste Mao de Jean Luc. L’ombre jaune ne meurt jamais, car le personnage possède plusieurs doubles répartis sur le globe qui prennent sa succession dès que la précédente ombre jaune décède.

L’ombre Jaune

Au final, Mélenchon est une sorte de mixe de l’univers de Bob Morane à lui tout seul, une volonté de pouvoir digne de Ming avec les artifices qui vont avec, le désir d’incarner l’aventurier avec des accents castristes ou guevaristes. A noter le  probable rapport sympathique avec l’ami écossais de Morane, Bill Ballantine, histoire de rappeler qu’on peut lever le coude de temps en temps d’une autre façon que pour lever le poing. Si son positionnement se veut très à gauche, il apparaît bien plus entre le Yin et le Yang finalement. Evidemment, il ne peut que perdre à la fin, mais il doit demeurer présent car il veille au juste équilibre. Seule la nièce de Ming, l’eurasienne Tania Orloff et amour impossible de Bob Morane pourrait triompher. Avis aux amatrices qui parviendraient à opérer ce positionnement gagnant. On peut aussi retrouver chez Mélenchon, une sorte de mixte entre San-Antonio et Bérurier, mais il a davantage orienté sa campagne dans un positionnement plus technophile qui nous place davantage chez Bob Morane.
Benoît Hamon et les cités d’or
Sa fille l’a comparé à plusieurs reprises à Mendoza des cités d’or, ce personnage éminemment charimastique, figure paternelle protectrice, mais qui reste un adulte sournois appâté par les gains potentiels. Mendoza se veut protecteur mais escompte toujours trouver les cités d’or… Hamon ici espère en faire autant pour les redistribuer sous forme de revenu universel. Il n’a pas compris que l’intérêt est dans la quête et donc la construction plutôt que dans la prise. Surtout que les cités d’or apparaissent difficilement accessibles quand on n’en a pas les clefs.
Calmèque ou Hamon dans sa tentative pour sauver le PS
Calmèque ou Hamon dans sa tentative pour sauver le PS

D’un autre côté, Benoît fait parfois penser au commandant Calmèque des Olmèques dans sa tentative désespérée de protéger la montagne sacrée et le générateur d’immortalité du PS.
Hamon et Mendoza et l'équipe du PS
Hamon en Mendoza avec l’équipe du PS

Sa réussite semble difficile dans la mesure où il est entouré d’un grand nombre de Sancho et de Pedro et que ses Tao, Zia et Esteban n’ont pas dépassé les réflexions du syndicalisme étudiant. Reste à savoir si l’alliance avec Jadot va lui permettre d’accéder à l’énergie solaire qui fera de lui Hamon-Ré.
 
Emmanuel Macron, le jeune Maestro.
Contrairement à toutes les critiques qui évoquent son vide, c’est de loin le candidat le plus complexe. D’ailleurs, celui qui propulse le vide est au contraire le pneumatique (voir tous les sens sur wikipédia), c’est-à-dire celui qui envoie l’air nécessaire pour vivre, l’énergie pour transmettre le message au sens technique du pneumatique, et qui est également le pneumatique au sens de celui qui dirige les âmes. Il est celui qui avale toutes nos aspirations… reste à savoir s’il parviendra à en faire concrétiser quelque chose. Incarnant le Yin et le Yang de manière assumée, contrairement à Jean Luc qui pourrait le faire également, il est davantage l’homme de Vitruve que la figure du christ.
L'homme de Vitruve
macron et (est?) l’homme de Vitruve

Du coup, alors qu’il est le plus jeune de la campagne physiquement, il est le plus sage et donc également paradoxalement le plus vieux. Son modèle, c’est Maestro d’ »il était une fois l’homme » dans le personnage du savant. Mêlant sciences humaines et sociales avec
Maestro ou l'idéal de Macron
Maestro ou l’idéal de Macron

une approche économique et statistiques, il tente de réconcilier des traditions françaises opposées ce qui ne peut que déranger les manichéens. Ce genre de personnages connaît parfois des destins oedipiens et des fins tragiques même après un accès au pouvoir prodigieux, car leur destinée est souvent celle du sacrifice. Soit il parvient à vaincre le sphinx (Œdipe), soit il a trop d’avance (Léonard).
 
François Fillon, le maître du château néogothique
J’ai eu bien plus de mal à trouver la référence adéquate tant il incarne a priori l’homme sans qualité. Il semble n’avoir aucun idéal quelconque ou plutôt des idéaux qu’il refoule car inavouables. C’est probablement le candidat le plus dangereux dans la mesure où ses idéaux semblent se placer dans des personnages plutôt négatifs. Il aimait les méchants dans son enfance. Ce n’est pas d’Artagnan mais clairement Rochefort, un Rochefort amoureux de Milady de Winter. Un fantasme qu’il a donc poursuivi car Milady est bien plus attirante et désirable que Constance Bonacieux.  Faut-il d’ailleurs ne voir que dans Pénélope, un personnage passif ?. Personnage gothique ou néogothique, Fillon ne parvient pas pleinement à assumer qu’il appartient à cet univers excitant qu’on peut découvrir dans la série Penny Dreadfull. Ne sachant vraiment quelle est la nature de son destin, il n’assume pas ses côtés doubles Jekyll et Hyde ou de comte de Dracula. Il tente en vain de dissimuler cette noirceur présente dans tous ses romans néogothiques anglosaxons qui nous font comprendre que le beau château dissimule des maléfices peu avouables.
François et Pénélope
François et Pénélope, mais qui a vraiment l’emprise ?

Son problème vient du fait qu’il a tenté de se faire adopter par ceux qui en fait le détestent le plus : les tenants de la foi et les téléspectateurs de Derrick, en écartant ses autres alliés et créatures de la nuit. Il finira comme la créature de Frankenstein sauf s’il parvient à attirer les marquises des anges.
 
Marine Le Pen et l’imaginaire des bibliothèques rose et verte
Prisonnière d’un héritage paternel bien trop pesant, elle veut  reproduire le modèle pour nous contrôler à son tour. Tel Fantômette sans cesse prisonnière et ligotée au point d’avoir pu développer des fantasmes SM, Marine Le Pen poursuit ses désirs de domination et de prise de leadership.  De là à dire qu’il ne faudrait justement par donner trop de pouvoir à Fantômette, il n’y a qu’un pas.Elle est donc également Claude du club des cinq en se montrant plus intrépide et plus intelligente que ceux qui l’entourent dans son parti, ce qui n’est pas très difficile s’agissant du FN. Voilà sans doute pourquoi, son modèle semble être parfois le sous-lieutenant Langelot du Service national d’information fonctionnel, incarnant l’agent secret français idéal, qui parvient à mener toutes ses missions à bien à tous les endroits du globe pour sauver la France des menaces intérieures et extérieures.
langelot, l'idéal de Marine Le Pen
Langelot, l’idéal de Marine Le Pen

Un idéal vraiment intéressant pour elle…d’autant que Langelot est initialement orphelin. Problème, elle ne bénéficie d’aucun capitaine Montferrand pour l’épauler. Philippot ressemblant davantage à Corinne, l’autre héroïne de Lieutenant X (qui est en fait Volkoff, spécialiste de la désinformation- j’y reviendrai), qui se demande si elle a fait le bon choix d’embarquer alors qu’elle est la fille du patron du SNIF. Mais Marine ne veut justement pas être Corinne, même s’il  lui faudra assumer sa filiation double : la fille du patron et de celui qui l’a influencé à savoir Lieutenant-X… puisque le pseudonyme de Corinne est au départ Delphine Ixe. Problème en cas de second tour face à Macron, elle devra affronter celui qui ressemble le plus à un Langelot éternellement jeune..
Tous nos personnages présentent un problème classique des obsédés du pouvoir, un rapport à la mort problématique et des idéaux souvent mal assumés. En se plaçant dans les mains de leurs électeurs, ils prennent le risque d’être déséquilibrés. J’ai tenté ici de les dé-livrer. Cette élection ne devrait pas être celle qui fait des électeurs des supporters de foot trop chauvins, mais davantage des lecteurs en quête d’aventures. La majorité ce n’est pas le rejet de la minorité mais le fait de pouvoir l’assumer. A vous de choisir dans quel univers, vous voulez placez votre destin de lecteur-électeur désormais.
Ceci était un essai de politique-fiction, toute ressemblance avec des faits non alternatifs est totalement plausible.

TSUNDOKU : l’art d’empiler les ouvrages sans les lire

Non, ce n’est pas une nouvelle interjection, et le dernier cri du joueur de Pokemon Go lorsqu’il découvre une espèce inconnue tel un naturaliste des siècles passés. C’est le nom que l’on donne en japonais au fait d’entasser des ouvrages qu’on a parfois pris plaisir à acheter, mais qu’on ne lira jamais. Après tout, on catalogue bien des ouvrages sans les avoir lus. Rien de coupable dans cette attitude.
Je viens de découvrir ce mot grâce à cet excellent article qui explique  ce concept de lecture, ou plutôt de non-lecture. L’article mentionne à la fin que les japonais ont eu raison d’inventer ce terme et fait référence aux ouvrages de Murakami qui sont parfois longs et que certains ne liraient pas. Je ne fais pas partie de cette espèce, car j’ai toujours pris soin de lire tous les Murakami que j’ai achetés ou empruntés. Le concept a été relayé depuis pas mal d’années dans la presse notamment par rue 89 et télérama qui a même inciter ses lecteurs à montrer des photos de cette activité apparemment très partagée. Doku renvoie à l’idée de lecture, tandis que tsumu fait référence à l’empilement et l’accumulation. La requête sur pinterest laisse entrevoir des heures d’exploration.
L’art du tsundoku a été relié avec les propos d’Umberto Eco quant à l’importance des documents et ouvrages présents dans une bibliothèque, mais qu’on n’a jamais lu. En effet, la bibliothèque doit rassembler bien plus que la somme de ce que nous avons lu ou de ce que nous connaissons, car elle n’est pas un instrument de mise en  scène de soi, mais un outil de recherche. À l’inverse des bibliothèques ou les livres n’ont jamais été lu (voir aussi les vidéos encore sous blister), car les pages n’ont pas été coupées, ou comme le décrit Alberto Manguel lorsqu’il découvre qu’une belle bibliothèque familiale n’est en fait qu’une apparence : le haut des pages a été coupé pour que les livres soient à la bonne taille des étagères de la bibliothèque, le fait de disposer d’ouvrages potentiellement consultables constitue un atout opportun.
L’amas de savoirs requiert un certain sens de l’organisation, un goût pour la collection, un peu comme chez Des Esseintes :
Le fatras des philosophes et des scoliastes, la logomachie du Moyen Âge allaient régner en maîtres. L’amas de suie des chroniques et des livres d’histoire, les saumons de plomb des cartulaires allaient s’entasser, et la grâce balbutiante, la maladresse parfois exquise des moines mettant en un pieux ragoût les restes poétiques de l’antiquité, étaient mortes; les fabriques de verbes aux sucs épurés, de substantifs sentant l’encens, d’adjectifs bizarres, taillés grossièrement dans l’or, avec le goût barbare et charmant des bijoux goths, étaient détruites. Les vieilles éditions, choyées par des Esseintes, cessaient — et, en un saut formidable de siècles, les livres s’étageaient maintenant sur les rayons, supprimant la transition des âges, arrivant directement à la langue française du présent siècle.
Il y a une forme de dandysme dans le tsundoku, si on se montre capable de produire une esthétique qui prenant le contre-pied de la bibliothèque trop organisée. Cela résulte davantage d’un butinage allant de rebond en rebond, se complaisant à voir s’accumuler au-dessus d’ouvrages achetés sur un coup de tête il y a parfois des années, de nouveaux arrivages comme autant de promesses, prêtes à s’effondrer au moindre faux-pas, mais permettant la révélation de l’ouvrage oublié, celui qui apparaît au bon moment pour être saisi et qui pourrait avoir la chance d’être lu de façon exhaustive. Le tsundoku dans son étalement rappelle les cornes d’abondance du savoir, cornucopiae, ces gisements sur lesquels on peut se reposer au sens propre comme au sens figuré.
Johnny Depp, un dandy en mode tsundoku ?
Johnny Depp, un dandy en mode tsundoku ?
Quid du tsundoku dans ses déclinaisons digitales, où la tentation du téléchargement est telle qu’elle ne garantit aucunement qu’il sera possible de procéder à une lecture intégrale, mais rassure quant au besoin soudain de vouloir disposer de tel document au moment opportun. Difficile cependant de pouvoir représenter des epub et des pdf sous la forme de l’empilement.