Suite à l’enquête menée et relayée sur ce blog, j’ai finalisé il y a quelques mois un article qui vient de paraître dans un numéro spécial des cahiers du numérique consacré justement au web 2.0.
L’article est disponible sur cairn. Il est possible de le lire gratuitement si vous êtes chercheurs ou étudiants et que vous disposez de l’abonnement cairn via votre bibliothèque universitaire préférée!
Voici sinon l’introduction de l’article :
Nous proposons de retracer la genèse du concept de bibliothèque 2.0 depuis son émergence avec les outils offerts par le web 2.0 jusqu’à ses récentes évolutions vers de nouveaux territoires tels ceux du numérique. Le concept demeure flou et tend à devenir quelque peu daté.
Nous avons réalisé un enquête en ligne auprès de professionnels des bibliothèques pour tenter de comprendre leur perception de la bibliothèque 2.0. Nous montrons que ce n’est pas tant la bibliothèque que les professionnels qui y travaillent davantage ainsi que le rôle conféré aux usagers qui a le plus évolué.
Introduction
Parmi les expressions et les concepts issus du web 2.0, celui de bibliothèque 2.0 (library 2.0) est un des plus intéressants à étudier. D’une part, car il est un des premiers à avoir émergé peu de temps après le début de popularisation du web 2.0 et, d’autre part, car il mêle deux concepts qui sont d’essence antinomiques, ce qui a pu conduire à des controverses sur la réalité de la bibliothèque 2.0 et sur l’utilité et la réelle nouveauté d’une telle expression. La bibliothèque est issue d’un modèle traditionnel des savoirs avec des circuits de vérification et la volonté de mettre à disposition une information de qualité qui soit classée de manière normée. Le web 2.0 privilégie d’autres aspects dont celui de libre expression et de facilitations des échanges. La légitimité diffère donc, elle est d’essence autoritaire dans la bibliothèque tandis qu’elle repose sur la popularité dans les outils du web 2.0. Cette opposition entre deux modèles nous permet d’affirmer que ce qui a vraisemblablement le plus évolué n’est pas la structure ou l’institution bibliothèque au cours du phénomène web 2.0, mais davantage les professionnels qui y travaillent ainsi que les usagers. Dès lors, nous pouvons constater qu’il s’agit plus d’une évolution professionnelle avec l’émergence d’un autre concept : celui de bibliothécaire 2.0 ; l’expression émanant plus particulièrement de la « blogosphère » de l’informationdocumentation. Cet intérêt rapide pour le web 2.0 des sphères bibliothéconomiques s’explique par le fait que beaucoup de professionnels s’étaient déjà interrogés sur l’évolution apportée par le web sur le domaine des connaissances et les conséquences sur l’institution des bibliothèques.
La littérature scientifique sur le sujet est essentiellement anglo-saxonne si ce n’est quelques travaux en allemand. Quelques articles tentent de donner une définition du concept (Maness, 2006) mais encore Needleman (2007) tandis que Collins et Stephens (2007) parmi d’autres tentent de mieux circonscrire le concept et d’y analyser les oppositions théoriques et pratiques. Le sujet demeure encore étudié et tend à être davantage appliqué à des situations concrètes comme dans la récente étude réalisée sur les bibliothèques universitaires et leur rapport avec le web 2.0 (Xu, 2009).
Nous avons choisi d’étudier principalement la version francophone du concept au travers d’une enquête auprès des professionnels de bibliothèques et à travers l’étude de blogs abordant la question. Parmi les 168 réponses obtenues à notre enquête[1] [1] L’enquête s’est déroulée du 3 janvier au 2 février…
suite, nous avons cherché à mesurer les visions d’un concept qui apparaît déjà quelque peu daté, voire dépassé. Notre travail constitue une tentative pour déterminer la réalité de la bibliothèque 2.0 et les éléments de changement, voire réellement novateurs qu’elle accompagne. Une nouvelle fois, pour tout ce qui est lié au phénomène du web 2.0, il convient de s’interroger sur le rôle de la technique au sein d’une institution et parmi une profession. Très souvent, le web 2.0 et par ricochet, la bibliothèque 2.0 se résume à l’utilisation d’outils. Sa définition est d’autant plus difficile que certains auteurs n’hésitent pas à évoquer des changements de paradigmes tandis que l’enquête démontre une faible concrétisation sur le terrain. Nous avons pu observer la présence de débats voire de rapports de force entre les principaux acteurs d’une « biblioblogosphère », qui souhaitent élargir les potentialités de la bibliothèque, et des acteurs de terrain dont les usages et les réflexions sont restés fortement traditionnels. La question de l’évolution des compétences informationnelles, techniques et notamment informatiques des professionnels des bibliothèques est donc posée et fortement sous-jacente au concept de « bibliothèque 2.0 ».
Bonne lecture..
Mois : juillet 2010
Rennessence. Chapitres 2 et 3
Metaxu et hypomnemata : les signets sociaux comme milieux associés
Je redocumentarise ici un extrait de ma thèse qui aborde les signets sociaux et le concept de Metaxu qui est aussi le titre du blog de Philippe Quéau.
« en toute occasion, nous devons nous souvenir de ce que, pour les Romains- le premier peuple à prendre la culture au sérieux comme nous -, une personne cultivée devait être : quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé. » Hannah ARENDT. La crise de la culture. Op. cit., p.288
Ces compagnons peuvent être divers et recoupent aussi bien les objets techniques, les idées que les hommes. Nous remarquons dans la citation d’Arendt qu’il n’y a justement pas d’opposition entre nature/culture ni passé/présent. Il en ressort l’importance grandissante de la médiation au travers la constitution de milieux associés mêlant une diversité d’éléments, d’acteurs et d’objets.
1 Les médiations
« N’accepterais-je pas d’être guidé par une personne ayant une longue habitude de ces explorations et possédant des informations très poussées sur ces lieux ? »
H.P LOVECRAFT. Lui
C’est alors que la figure du metaxu telle que la qualifie Philippe Quéau apparaît :
Dans une époque comme la nôtre, prompte aux fractures, aux coupures, aux exclusions, nous avons besoin de nouveaux intermédiaires, et d’une pensée de la médiation. La médiation, c’est essentiellement la question de l’autre — dont nous devrions être les bergers — et non les loups.
De nouveaux intermédiaires émergent, tantôt relais d’informations, tantôt producteurs. L’intermédiaire, notamment humain, n’est pas une autorité traditionnelle : il ne doit son influence qu’à sa propre personnalité. Les metaxu permettent de créer des ponts et d’éviter les différentes fractures.
2 Les plateformes de signets comme exemple de milieux associés
Parmi les possibilités de réintroduire de la médiation et des intermédiaires figurent en premier lieu les signets sociaux dont la force réside dans leur caractère collectif. Il est possible d’identifier des personnes-ressources que l’usager perçoit comme référence, ce qui permet facilement ainsi de réaliser de la veille collaborative. Le site le plus connu est le pionnier del.icio.us
qui offre la possibilité de se créer un réseau (network) de membres dont on peut surveiller les derniers signets tagués. Ce système permet aussi parfois d’obtenir de l’information plus rapidement que ne l’aurait permis le moteur de recherche.
Ces systèmes reposent ainsi sur la sérendipité puisque l’usager y trouve parfois au hasard des informations et des sources pertinentes, en naviguant de mots-clés en mots-clés mais aussi d’usagers en usagers. Le choix de l’outil est donc important pour l’usager qui doit veiller à s’inscrire dans une communauté d’utilisateurs actifs. La démarche de recherche diffère donc de la requête via les moteurs car elle suppose une construction, voire un investissement si l’usager participe lui-même à cette veille collaborative.
Il s’agit aussi pour l’usager d’une meilleure prise en compte de son besoin d’information. Le site diigo a d’ailleurs renforcé les possibilités de veille en ajoutant la possibilité de créer des groupes thématiques. La pertinence évolue ainsi, s’inscrivant à la fois dans une construction personnelle sur du long terme et pas seulement sur une simple adéquation à une requête. Cette construction implique une participation à des groupes thématiques de veille ou tout au moins à une volonté de mettre ses découvertes à disposition des autres. Les sites de micro-blogging tels twitter participent de plus en plus du même esprit avec des échanges d’informations et de services.
La médiation comme recommandation : le tiers de confiance
Le partage nécessite une reconnaissance, celle de l’autre, celui à qui il est possible d’accorder du crédit : le tiers de confiance. Le tiers de confiance peut reposer sur différents types de recommandation à la fois la populaire mais également institutionnelle.
Certaines bibliothèques partagent ainsi leurs liens. Nous pouvons citer ici la bibliothèque de Paris 4. De même, pour la récente initiative du Cerimes (Centre de Ressources et d’Information sur les Multimédias pour l’Enseignement Supérieur) et de l’Abes (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur) qui met en ligne les signets partagés par les bibliothèques universitaires.
Evidemment ces plateformes n’évitent pas les dérives de la popularité avec le fait que ceux qui suivent vos signets soient qualifiés de fans et que le nombre de fois où un site a été tagué est comptabilisé, ce qui permet notamment à delicious d’afficher en temps réel ce qui fait l’actualité. Toutefois, le nombre de fois où un lien a été tagué peut-être un indicateur de qualité surtout si vous retrouvez dans la liste de ceux qui l’ont tagué des personnes pertinentes. Il en demeure pas moins que la course au nombre de fans ou de « suiveurs » (followers) sur twitter constitue une dérive qui témoigne de la confusion entre besoin d’information et besoin d’affirmation.
Les deux types de recommandations peuvent donc s’avérer parfois difficiles à distinguer surtout si elles utilisent des outils similaires. Voilà qui plaide pour l’évaluation de l’information et notamment la capacité à distinguer l’auteur d’une source ou d’une ressource.
La veille collaborative au sein d’un milieu associé
Les plateformes de signets sociaux peuvent constituer des milieux associés au sens où l’utilisateur peut construire son environnement informationnel en construisant des relations de partage et de confiance avec d’autres usagers. De cette manière, l’individu accède par différents canaux à de l’information plus pertinente que par la logique du moteur de recherche. Cela implique une construction au sein d’un processus qui n’est pas linéaire mais davantage circulaire pour ne pas dire labyrinthique, car ces plateformes ne peuvent être considérés comme des éléments isolés mais faisant partie d’un ensemble beaucoup plus large au sein du web. Ces systèmes opèrent davantage une veille en tant qu’attention à l’autre qu’une surveillance.
Plus agréable que la médiation du moteur de recherche, elle est davantage basée sur une entraide et sur la constitution d’intermédiaires, qui sont des metaxu au sens que leur donnait Simone Veil, à savoir des éléments constitutifs de l’individu autant culturels qu’affectifs :
Les metaxu sont la région du bien et du mal. Ne priver aucun être humain de ses metaxu, c’est-à-dire de ces biens relatifs et mélangés (foyer, patrie, traditions, culture, etc.) qui réchauffent et nourrissent l’âme et sans lesquels, en dehors de la sainteté, une vie humaine n’est pas possible.
La proximité ici des metaxu avec les hypomnemata est frappante de par leur côté double : autant remède que poison. Ces médiations sont également des zones tampons face à l’adversité et les instruments de surveillance. Voilà pourquoi Philippe Quéau en appelle à un domicile numérique inviolable.
Il reste à savoir si ces systèmes peuvent connaître des adaptations et des transferts dans les milieux professionnels et dans l’exercice de sa citoyenneté où il s’agit de rendre opérante la culture de l’information.
Philippe QUEAU. Metaxu ? in Metaxu.le blog de Philippe Quéau. Disp. sur : <http://queau.eu/a-propos/>
2 <http:www.delicious.com>
3 <www.diigo.com>
4 Signets de la bibliothèque de Paris 4. Disp. sur : <http://delicious.com/bibliparis4>
5Signets. Liens sélectionnés par les bibliothèques universitaires. Disp. sur :<http://www.signets-universites.fr/>
6
Simone WEIL. La pesanteur et la grâce. Plon, 1951, p. 165.
7 Philippe QUEAU. Un domicile numérique in Metaxu. Le Blog de Philippe Quéau. Disp sur : <http://queau.eu/2009/03/11/un-domicile-numerique/>
Rennessence : les mystères de Rennes. Chapitre 1
Les vacances étant désormais là, j’ai décidé de mettre en ligne, un roman qui traîne depuis trop longtemps chez moi.
Écrit il y a près de 10 ans, il est temps de le rendre public avec tous ses défauts. L’occasion aussi de le publier sous le pseudonyme de Tcerid Rezal, personnage créé au lycée et qui a quand même eu l’honneur d’être cité à plusieurs reprises dans mes propres copies…
Vous pouvez donc télécharger le premier chapitre ici.
La désinformation par l’omission : Jean Pierre Pernaut en fossoyeur du journalisme
Le journal du 1er juillet 2010 de 13 de Jean Pierre Pernaut est un modèle du genre dans la désinformation par omission.
Symbole de la médiocrité et de l’incompétence de son présentateur, il s’agit un cadavre journalistique.
L’autopsie est facile à réaliser grâce à Tf1.fr qui nous propose le découpage du journal :
http://videos.tf1.fr/jt-13h/paroles-de-francais-rien-n-a-change-pour-jean-georges-5903871.html
Aucun sujet de politique ou de politique international et aucun sujet sur les affaires actuelles… bien évidemment.
Le comble du talent consiste à introduire le journal par …de la météo ! Et d’enchaîner ensuite par des sujets sur les vacances.
Un journal pendant lequel on n’apprend strictement rien et qui s’adresse à un public de retraités ou de vacanciers.
Exit donc également la marée noire, la réforme des retraites, le doute sur la rentrée prochaine dans l’Education Nationale. Aucun sujet de fond n’y est traité. Même plus belle la vie pourrait sembler aborder davantage de problèmes que le journal de Pernaut.
L’affaire Woerth est expédiée en 20 secondes avec un gros mélange avec l’autre affaire, l’affaire Banier. Du coup, le spectateur n’y comprend rien, et en plus Pernaut semble gêné d’en parler. Il est probable aussi que comme Pernaut ne parle pas très fort et avec un ton monocorde, les plus âgés n’entendent rien car le son est moindre que pendant les reportages.
Vous allez me dire que ce n’est pas une vraie omission puisqu’il en parle un peu. Mais c’est une omission dans la mesure où il n’y a pas d’enquête approfondie, pas de reportage, rien de fouillé. D’ailleurs, les autres reportages « plans plans » sont similaires, aucune donnée concrète, on reste sur du journalisme d’opinion. On est donc loin du journalisme et encore plus loin du journalisme tout court.
Finalement, 40 minutes de publicité pour l’Oréal ne seraient pas pires…
Il y a donc de quoi travailler pour réaliser l’éducation aux médias des jeunes générations avec ce genre de documents. Pour les autres, spectateurs avachis et autant déformés que désinformés, c’est déjà trop tard.