Sur l’attention informationnelle

Howard Rheingold
Image via Wikipedia

Howard Rheingold qui demeure à la pointe de la réflexion et des pratiques sur les environnements sociaux et web, évoque de plus en plus les problèmes d’attention liés aux environnements multi-tâches.

Rheingold évoque le fait qu’il y a autant d’avantages que d’inconvénients dans ces environnements multi-tâches et qu’il conviendrait d’étudier les nouvelles potentialités offertes, ce qui ouvre un chantier scientifique transdisciplinaire.

Il y voit des risques évidents tant la gestion du multi-tâche ne peut se contenter d’une gestion simple des outils du web 2.0. En effet, il ne suffit pas de savoir comment taguer, comment récupérer un flux rss, ou suivre une personne sur twitter. Ce n’est donc pas seulement un problème d’usages mais bel et bien d’attention et de capacité à évaluer l’information. Howard évoque d’ailleurs bien le fait qu’une maîtrise des outils n’implique pas nécessairement une maîtrise de l’information. Des études, qui peuvent être toutefois critiquées, montrent que le multitache nuit parfois à la concentration et à la compréhension. C’est sans doute vrai dans la mesure où cette dispersion est généralement considérée comme intuitive aux digital natives. Or, il n’en est rien, elle implique une formation longue, qui peut être facilité par l’enseignant- si et seulement s’il s’avère capable de transmettre cette compétence- mais surtout par une pratique progressive des divers hypomnemata. Il est probable que des personnes possèdent des capacités accrues dans cette gestion du multi-tâche : des lecteurs rapides et efficaces au sein des environnements numériques, des transliterate people.

Rheingold a inventé un concept pour définir cette problématique, celui d’infotention qui mêle techniques mentales et techniques basées sur des outils. Ce concept que l’on peut traduire par attention informationnelle, se rapproche fortement de ce que j’ai cherché à définir dans ma thèse sur la culture de l’information même si ce travail définitoire n’a pas été compris ou apprécié. J’ai intitulé d’ailleurs une sous-partie de mon travail : la formation à l’attention.

L’enjeu de formation se trouve donc bien là dans cette attention informationnelle qui ne peut être qu’une qualité (Eigenschaft) individuelle mais à portée collective. Sans doute, le débat entre Pierre Lévy et Alan Liu pourra nous aider à y voir plus clair.

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Corrigé Epreuve 0 de composition du futur capes

J’ai été chargé de rédiger une correction de l’épreuve O de composition du futur capes de documentation.
Le sujet se trouve ici. Il s’agit d’un texte de Pierre Lévy. Et comme j’aime bien commenter Pierre Lévy, ça tombait bien.
Il a été finalement décidé de ne pas faire figurer les corrigés sur les sites officiels puisque certaines disciplines ne souhaitaient pas en proposer
Par conséquent, il a été convenu de la mise à disposition de ce corrigé sur mon site afin que les candidats puissent quand même en bénéficier.
Attention, ce n’est pas la panacée ni le modèle absolu. Les critiques sont donc encore possibles.
Vous pouvez consulter le document CAPES 2011 annale 0 corrigé Le Deuff
Il est également disponible sur scribd.
CAPES 2011 annale 0 ép 1 corrigé Le Deuff

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Pour une évaluation diversifiée et de nouvelles métries

Geo-metrie
Image by Mihr* via Flickr

Je reviens donc comme promis sur les métries et ce à quelques jours de la non-conférence du Thatcamp autour des digital humanities. Il n’y aura pas d’ateliers autour des métries. Je pense qu’il s’agit néanmoins d’un enjeu important tant il y a de nouveaux aspects à évaluer notamment autour du blog.

Parmi ces territoires à évaluer, ceux des rapports du blogueur « scientifique » et de son lectorat. Comment mesurer son influence et notamment ses apports en matière de valorisation de son travail, la manière dont il fait mieux connaitre sa discipline, les formations qu’il dispense, les diplômes dans lesquels il intervient voire la notoriété qu’il apporte à l’université. De la même façon, en quoi il permet de tisser des liens avec le monde professionnel.

De nouveaux indicateurs semblent nécessaires dans ce cadre. Sans vouloir en faire des indicateurs absolus, il pourrait être tout aussi opportun de mesurer la portée de ses travaux dans le monde professionnel. D’ailleurs pourquoi ne pas développer déjà des indicateurs bibliométriques dans ce cadre ? (nombre de citations dans la presse professionnelle, parutions dans la presse professionnelle, etc.)

En ce qui concerne le blog, l’indicateur devrait à l’inverse de Wikio être plutôt composé à partir non pas seulement d’autres blogs mais d’un plus grand nombre de sites web en accordant notamment un plus grand poids aux sites à portée institutionnelle (ministère, signets de bibliothèque, bibliographies thématiques, sites de laboratoires, carnets de recherche, réseau de blogs reconnu comme Culture visuelle, etc.), afin de mettre en place un algorithme de popularité à pondération basée sur l’autorité institutionnelle.

L’idéal serait la production cartographique ou en rosace des travaux d’un chercheur ou d’un laboratoire suivant différents axes. C’est d’ailleurs ces aspects qui intéressent Antoine Blanchard, alias Enro, notamment en faisant référence à l’intérêt des théories l’acteur-réseau. Cela démontre l’importance équivalente entre la production de savoirs et inscriptions de son nom en tant que chercheur ou laboratoire sur des articles, et la traduction c’est-à-dire l’opération de communication et de recherches d’alliés qui permet la diffusion (contagion ?) des idées.

 

En ce qui me concerne, l’article le plus téléchargé sur archivesic est sur la thématique du web 2.0. Il est également un des plus cités. Problème, sa reconnaissance en tant qu’article pose problème puisqu’il n’est paru dans aucune revue. Sa valeur en tant qu’article n’est d’ailleurs pas reconnue notamment par certains membres des autorités institutionnelles. Il est pourtant cité et je croise quelques collègues qui me disent l’avoir pas mal utilisé. Par conséquent, quelle est sa valeur ? En d’autres termes, est-ce la revue qui fait la valeur de l’article où est-ce la suite qu’on lui donne ? Vaut-il mieux être publié dans une revue de rang A et ne pas être cité ou au contraire voir son travail cité et source de divers intérêts. Il convient donc de s’interroger aussi sur une portée de l’économie de la recherche et de ses propres travaux.

Evaluer signifie surtout conférer de la valeur et pas seulement vouloir appliquer un ratio. Nul doute que tous les éléments évoqués ne sont pas tous pleinement calculables mais au moins pouvant être source d’une forme d’évaluation. Il demeure qu’elle est toujours relative. Je partage d’ailleurs le point de vue du message twitter d’ OlivierAuber « tout ce qui est compté (ou pas) traduit le point de vue de ceux qui comptent ». Ce qui nous ramène aussi à Protagoras.

Par conséquent, je prône dès lors de rechercher un maximum de points de vue. En cela, la prise en compte de l’avis des étudiants ne serait pas un luxe en ce qui concerne les enseignants-chercheurs.

Il reste qu’on a toujours besoin d’être évalué par les autres, pour progresser. Evaluer c’est aussi conseiller, ouvrir à d’autres points de vue et méthodes. Pour ma part, les critiques même celles qui sont douteuses voire agaçantes, m’ont toujours fait progresser. Elles sont nécessaires tout comme l’artiste qui doit sortir de son cercle familial. La critique est donc une condition obligatoire à la science.

Il reste que cette critique ne doit pas s’arrêter aux estampillage et accessits qui émaillent les carrières. Il n’a rien de plus pénible que les enseignants qui dotés du capes, de l’agrégation, ou recrutés comme maitres de conférences, estiment qu’ils ont reçu un double 00, le droit d’avoir raison dans leur discipline et dans leur manière de faire et d’enseigner. Le blanc-seing ne doit pas exister.

L’évaluation, c’est une remise en cause ponctuelle, un élément de la faculté à progresser individuellement et collectivement. Attention, toutefois, à ne pas glisser non plus dans le fantasme de la bêta perpétuelle. Il faut donc trouver un juste équilibre entre stabilité et remise en cause, une « métastabilité » simondonnienne en quelque sorte.

Je pense qu’il est temps de commencer à bâtir ces nouveaux indicateurs, ces nouvelles cartographies, ces nouvelles métries : autant scientométries que nétométries. J’invite tous ceux qui veulent me rejoindre dans cette entreprise pour esquisser de nouveaux types de métries afin de pouvoir mettre en place un document de travail afin d’éclaircir ce que je viens d’exposer confusément.

 

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Blog et science

 

Je publie ici la trame que j’ai à peu près suivie pour mon intervention à la table ronde du colloque international sur le numérique éditorial organisé par sens public à l’INHA.

La table ronde était modérée par Antoine Blanchard et s’intitulait « Nouveaux rapports des chercheurs aux publics » avec Ghislaine Chartron (CNAM, INTD), Bastien Guerry (Wikimédia France), Alexandre Moatti (Conseil scientifique du TGE-Adonis), Joëlle Zask (Université de Provence) .

Je vais plutôt adapter une position personnelle qui s’appuie principalement sur des expériences et des ressentis.

J’interviens donc en tant qu’hybride, à la fois en tant que docteur en information communication, mais aussi en tant que blogueur et également en tant que professionnel de la documentation et de la pédagogie de l’information car je suis également certifié en documentation.

Je m’intéresse par conséquent à ces espaces hybrides, à ces entredeux que constituent justement les blogs.

Mon blog « le guide des Egarés » a débuté en 1999. Il n’était donc pas originellement un écrit voué à la recherche, mais plutôt un objectif personnel de valorisation d’idées pour le monde des bibliothèques. Il n’a donc cessé en fait de suivre mon itinéraire personnel, s’orientant davantage vers la pédagogie à la suite de la réussite de concours de professeur-documentaliste. La réorientation progressive vers une démarche plus proche des sciences de l’information et de la communication s’est faite avec la reprise d’étude et la thèse.

Je vais donc aborder la relation entre le blog et la science sans chercher à démontrer qu’il existe une opposition mais au contraire qu’il y a plutôt des relations.

J’aime assez le propos d’Olivier Ertzscheid sur twitter récemment :

@affordanceinfo le blog c’est un peu l’archive ouverte de l’établi / du terrain scientifique

Par conséquent, ce n’est pas une perte de temps dans la recherche scientifique. Je pense même que les blogueurs possédant une activité de recherche, écrivent plus. Henry Jenkins revendiquait d’ailleurs la pratique du blog comme un exercice intéressant dans la mesure où il permet d’écrire et d’exprimer des idées et de les confronter. Il convient toutefois de ne pas demeurer évidemment dans ce seul exercice et donc d’opérer de réguliers détachements pour la production d’articles par exemple.

Institutionnellement, il est encore difficile de prétendre qu’il s’agit d’une pratique reconnue scientifiquement. La tendance est plutôt de ne pas trop mettre en avant cet aspect car il suscite encore de la méfiance. Personnellement, je crois que le succès relatif de mon blog dans la communauté professionnel de l’infodoc a quand même facilité mon recrutement en tant qu’Ater à l’université de Lyon 3.

Il reste que le blog se place davantage sur un terrain différent du processus universitaire classique qui est celui de l’autorité. Le blog est dans la lignée du web 2.0 dans une position qui est celle de la popularité. Cette opposition se voit notamment dans le classement wikio qui possède un top science qui fait d’ailleurs la part belle aux sciences de l’information. Il est possible d’ailleurs d’acquérir une notoriété importante par ce moyen.

Mais passons outre les classements pour se concentrer vers des actions plus hybrides qui sont fortement importantes pour la place des universitaires au sein de l’espace public.

Le blog est un espace de valorisation et pas seulement de vulgarisation dont le sens reste toujours péjoratif. Il constitue un lien entre différents acteurs. Sa présence dans l’espace public, même si elle peut paraître risquée, est une nécessité…justement du fait de la concurrence dans le monde de la recherche et de l’impératif d’attirer des étudiants et d’opérer des relations avec le monde professionnel.

Mon blog est un lien avec une communauté professionnelle qui me semble vital à la fois pour mes activités de recherche, mais également au niveau de l’enseignement. Je pense qu’une légitimité universitaire qui s’appuierait seulement sur ses pairs est insuffisante notamment dans le champ des SIC.

Cette visibilité est importante pour que la recherche soit lue en dehors d’une communauté scientifique restreinte et ce afin de faciliter l’interdisciplinarité, et pour inciter les étudiants à s’intéresser davantage à certaines thématiques, pour rapprocher le monde professionnel de la science et vice versa.

Je crois aussi que l’enseignement va rentrer dans des systèmes de plus en plus concurrentiels et que la reconnaissance universitaire repose également sur les étudiants et les partenaires extérieurs. Et si pour l’instant ces relations reposent sur des mécanismes différents de la reconnaissance par les pairs, ils existent néanmoins.

Par conséquent, tous les outils issus du web 2.0 laissent entrevoir de nouveaux développement et la production d’une variété de documents autre que l’article. Cela peut être des résultats d’enquête, des résumés orientés grand public ou à destination de professionnels. Il s’agit de s’orienter davantage dans le mouvement d’une science ouverte (open science ou e-science) et le blog participe de ce mouvement.

Je pense également que cette production diversifiée devra entrainer une évaluation riche et tout autant diversifiée, ainsi que de nouvelles métries qui peuvent intéresser autant les secteurs professionnels et éducatifs.

Je n’ai pas eu le temps d’aborder la question des nouvelles métries même si j’ai eu l’occasion d’en discuter avec Antoine Blanchard. Pourtant, il semble bien que de nouveaux enjeux peuvent se jouer ici. J’y reviendrai dans un prochain billet