La mesure de la blogosphère

A quelques jours de la publication du nouveau classement wikio que j’ai plusieurs fois critiqué mais dont il est toujours intéressant d’examiner le fonctionnement surtout depuis que  le TALentueux Jean Véronis a pris la tête de la machine, il est opportun de s’interroger à nouveau sur la mesure de l’Internet et notamment du web et des réseaux sociaux. On peut toujours critiquer les classements type wikio,  mais il est  absolument nécessaire que des outils de mesure soient développés pour le web. Il serait donc opportun aussi de développer de nouvelles mesures « blogométriques ». L’idéal serait d’avoir des mesures davantage scientifiques qui ne visent pas seulement à des classements d’influence ou d’audience. D’ailleurs, il serait également souhaible que le classement qui se veut désormais plus rigoureux avec des règles connues évolue et ne prenne pas en compte que les rétroliens provenant de blogs. Il y a là un point gênant, un blog populaire se voit doté d’un poids supérieur à un site institutionnel qui n’est d’ailleurs pas pris en compte. Tout aussi gênant qu’impensable pour des classements de blogs scientifiques ou professionnels. Mais il y a encore d’autres types de mesures à effectuer sur des corpus précis et je déplore que nous n’ayons plus d’études ambitieuses comme celle qui avait abouti à la théorie de noeud papillon. A quoi ressemble le Web? J’aimerais bien découvrir de nouveaux graphes en la matière.
Plus ça va, plus les mesures sont effectuées de manière automatisée sur des échantillons restreints. Il est ainsi possible d’obtenir des visualisations de son propre réseau social. Mais il serait intéressant d’en avoir d’autres sur des aspects plus collectifs.
Il y a donc des sphères énormes de travail et des tas de corpus à examiner.
Je ne peux donc que saluer les initiatives des cartographes du web, de la blogosphère et des réseaux sociaux.
Je conseille donc le  récent travail de claude Aschenbrenner avec sa carte de blogs sous la forme de celle du réseau du métro parisien. Ce dernier travaille d’ailleurs depuis longtemps dans ce domaine et il nous donne même sa manière de faire. Dans le prolongement, il est opportun de rappeler que les annales du colloque carto 2.0 sont disponibles et qu’il constitue un bon moyen de découvrir de nouveaux territoires. Vous découvrirez également des acteurs incontournables en ce qui concerne ces domaines.
La visualisation de l’information constitue un moyen de nous fournir des réprésentations qui améliorent notre compréhension. Le nouvel essor de la cartographie de l’information est une bonne nouvelle après le semi-échec de la cybergéographie et notamment de l’atlas de cybergéographie de Dodge qui n’est plus mis à jour.
C’est aussi l’occasion de s’interroger sur les projets de mesure totale de l’Internet et du web qui semblent désormais être oubliés tant la tâche semble impossible. Pas de pantométrie donc si ce n’est avec l’hybris de Google. Il est vrai que les propos de l’auteur de SF, Laurent Généfort s’inscrivent ici dans la lignée de Borgès :

•« Le pouvoir sur l’intégralité du Rézo(…)Le zéro, on l’appelle. Beaucoup de pirates ont caressé ce rêve, mais le Rézo échappe à toute appréhension globale. Vous connaissez la maxime : pour connaître l’univers, il faut un ordinateur de la taille de l’univers. » [1]
Un peu de modestie et de mesure dans les deux sens du terme et un peu de recul aussi pour nous autres tenants de l’amélioration des bibliothèques et autres prophètes des bibliothèques 2.0, voici une bibliothèque qu’il sera difficile d ‘égaler :

Vous trouverez plus de renseignements et de photos sur le site de wired magazine qui consacre un article à cette étonnante bibliothèque, oeuvre d’art, cabinet de curiosité, haut lieu de l’humanisme.
[1]  Laurent Genefort. Rezo. Paris : fleuve noir. 1999 SF métal n°63
update : Eric Dupin signale un travail de cartographie intéressant.

Cartographie et enjeux géopolitiques

La cartographie du cyberespace et les enjeux géopolitiques.

« Marcher et se perdre, marcher encore, sans se repérer ni s’orienter : vous traversez l’espace, vous traversez le temps. Vous parvenez en utopie, nulle part, ailleurs et autrefois. L’errance, propédeutique aux savoirs interdits, épreuve qualifiante pour l’initiation ultime, parcours qui prend du temps et qui dessine sur le soi d’étranges arabesques, itinéraire indispensable pour sortir de toutes les cartes du monde et parvenir en ce lieu qui, de toute façon, vous serez le seul à connaître. »

H.P Lovecraft. Lui.

La cybergéographie s’accompagne de son essentielle compagne : la cartographie. Le nouveau monde du cyberespace réclame ses cartographes comme à l’époque des grands découvreurs et navigateurs. Il est d’ailleurs remarquable de noter que le vocabulaire fréquemment employé dans le cyberespace emprunte au lexique de la navigation : nous utilisons un navigateur, un explorateur de fichier, le logiciel de Netscape affiche comme image un gouvernail, etc. Le gouvernail dont on retrouve la trace dans le mot cyberespace, cyber implique la commande, le pouvoir. Cette notion de pouvoir se retrouve dans la cartographie qui a pour but de délimiter, de pouvoir contrôler un territoire en le réduisant sur un espace manipulable. La cartographie ne peut être neutre, nous le savons par les choix de projection ou de placement au centre de certains territoires. Nous pensons qu’il en est de même pour les cartographies du cyberespace. Les propos de Jean Loup Rivière exprime parfaitement les rapports qui existent entre la carte, le corps et la mesure1 :

« Le tout premier geste d’organisation du territoire est la mesure, et c’est le corps appliqué à l’espace qui commence à compter : le pouce, le pas, la coudée, l’aune…L’analogie entre le corps et le territoire ne se soutient pas que dans la mesure : habiter, c’est comprendre (prendre avec soin) l’espace périphérique et la carte peut toujours apparaître comme une projection du corps propre, l’espace qui m’entoure étant celui qui « moule », « informe » mon corps. »

Ces rapports sont-il totalement modifiés au sein du cyberespace ? Nous avons vu en quoi une géographie du cyberespace était possible car nous pouvions retrouver dans le cyberespace les mêmes actions que dans l’espace terrestre avec quelques variantes (cf. tableau ). Cependant l’enjeu qui revient le plus souvent est la question de la frontière.

La frontière. L’enjeu géopolitique.

La frontière constitue une limite par excellence. Un découpage qui permet une mesure plus aisée. La frontière, voilà l’enjeu géopolitique par excellence et nous comprenons qu’il ne s’agit plus seulement d’avoir une vision globale d’Internet et de son diamètre. Internet n’est plus vu comme un territoire unique mais au contraire partagé.

Mais il nous faut revenir aux définitions. Qu’est-ce qu’une frontière ? Si nous reprenons la définition d’Yves Lacoste dans son dictionnaire politique 2:

« Du point de vue géopolitique, la frontière est la ligne ou la zone qui forme la limite du territoire d'un Etat ou bien d'un ensemble politique que ses dirigeants cherchent à constituer en Etat plus ou moins indépendant. »

La frontière s’avère donc être une construction politique voire intellectuelle, souvent matérialisée sur une carte. Peut-on trouver des frontières sur Internet et plus particulièrement au sein du cyberespace ? Patrice Flichy remarque que l’idée de frontière revient lorsqu’il s’agit d’un espace nouveau 3:

« La thématique de la frontière est associée à celle de la découverte et de l’aménagement d’un nouvel espace encore vierge où les pionniers pourront se saisir d’opportunités inconnues, mobiliser leurs compétences, leur enthousiasme, leur capacité à innover, tout en établissant leurs propres règles sociales. Faire de la frontière une valeur, c’est également choisir la mobilité et le changement par rapport à la stabilité. Le cyberespace constitue évidemment cette nouvelle frontière virtuelle où les internautes pourraient s’installer. En attendant leur venue, les hackers et les cow-boys de Gibson y vivent déjà, en toute liberté. Ils ont construit les premières règles de la vie collective. »

Nous poussons la réflexion plus loin en nous aidant des travaux d’Alexandre Boucherot et Arnaud Jacob4 . La frontière peut donc être conçue comme « une limite, une interface privilégiée entre des systèmes différents »5 . Boucherot et Jacob poursuivent la comparaison entre la frontière et l’interface :

« (…)il est possible de multiplier les comparaisons terminologiques avec le registre géographique : "passerelles", "accès", "flux", "ports", "canaux"… Même constat côté
utilisateur avec le "navigateur" bien sûr, et autres "portails" pour éviter de se « perdre »sur Internet. Le réseau peut se concevoir dès lors comme un univers "géographique" à part entière que l'internaute est invité à explorer en voyageur. Les interfaces (les frontières) entre l'homme et la machine et entre les différents protagonistes du réseau révèlent une fonction essentielle : l'échange. La frontière est par excellence un lieu de communication, un lieu riche, privilégié. Faut-il pour autant parler de frontières sur Internet, ou la métaphore doit-elle rester simplement terminologique et technique ? »

En effet, Internet n’est pas un espace neutre où la question politique est absente. Plusieurs termes sont parfois évoqués pour désigner cette politique de l’Internet. Nous entendons parfois parler de gouvernance6. Certains n’hésitent pas à parler de « maîtres du réseau »7. Une géopolitique de l’Internet est dès lors nécessaire. C’est l’avis de la journaliste indépendante Solveig Godeluck La Géopolitique d’Internet paru en 2002. Elle y affirme d’ailleurs qu’il ne peut exister des frontières au sens traditionnel 8:

« Dans le monde virtuel, il ne peut y avoir de lignes blanches matérialisant la séparation entre le territoire d'un Etat et de son voisin. Tout au plus peut-on réserver un bout du territoire en ligne en lui attribuant une adresse soumise à réglementation, telle que .mil pour le secteur de la Défense aux Etats-Unis, ou .fr pour les sociétés immatriculées en France. Mais ces délimitations n'ont rien des frontières modernes que l'on peut garder. L'information circule à peu près librement sur Internet, une communication entre Paris et Berlin peut emprunter la route de New York, et de toute façon aucune route n'est écrite à l'avance : cette multiplicité des routes est le fondement architectural du réseau. La seule manière de rétablir des frontières physiques dans le cyberespace consiste à détruire ce principe de "redondance", ce qui fait qu'Internet est Internet et non un réseau de télécoms lambda. Au lieu d'un réseau décentralisé à la très grande fluidité, on reviendrait à un schéma en étoile, avec une autoroute unique pour chaque trajet, et des coûts élevés. Effectivement, il est possible d'installer un douanier à cet endroit. Mais c'est au prix de la destruction du Net. »

Mais l’auteur n’exclut pas totalement l’idée de frontière même si sa vision est clairement journalistique.9 Pierre Mounier rappelle qu’Al Gore avait parlé de la nouvelle frontière à conquérir10 et souligne la justesse de la définition :

. « C’est peut-être la définition la plus juste que l’on puisse donner à l’histoire du cyberespace : comme un espace colonial, un espace vierge, ou perçu comme tel, vers lequel se précipitent des individus et intérêts aux motivations profondément divergentes. »

En clair, les frontières sont ces « lieux de friction » où se nouent les échanges. Finalement, nous avons quelque peu l’impression qu’il y a des frontières partout sur Internet si nous donnons au mot frontière un sens large : frontières entre l’homme et les différentes interfaces, frontières entre les différents réseaux et ordinateurs, etc. Par conséquent, il est évident que s’il existe un nombre incommensurable de frontières, il existe aussi un grand nombre de cartes du réseau. La représentation dépend de beaucoup des choix individuels. D’ailleurs il est peu aisé de savoir où se situe la frontière, comme le montrait Michel Serres11  :

« De même, lorsque nous organisons une conférence visuelle à 3 ou 4, dispersés en Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Scandinavie et France : où se situent le point d’intersection de ces zones ?. »

La frontière est un terme géopolitique par excellence. Et finalement si les traces les plus nettes des frontières étaient les fameux noms de domaine ? L’attribution des DNS (domain name servers) se fait par l’ICANN dont nous reparlerons plus loin dans les acteurs-réseaux.

Le Territoire et sa représentation.

La frontière découpe souvent un territoire. Un territoire souvent nié dans le cyberespace :

« Le cyberespace, identifié à un espace fait uniquement de réseaux, est caractérisé par l’interconnexion sans fin. En effet, ce territoire n’a pas de topographie, mais uniquement une topologie. Si le cyberespace fait allusion au territoire, il est en fait, un espace sans histoire, un espace non territorialisé : il n’est pas une « terre-histoire ». Neuf, il est donc susceptible de toutes les représentations. » 12

Nous reviendrons plus tard sur le problème de la topographie que soulève Musso. Pour savoir si vraiment Internet et le cyberespace en particulier peut être représenté de multiples manières, il nous faut élucider le rapport entre territoire et représentation. H
enri Desbois qui fait partie de l’équipe « Réseaux, savoirs et territoires » de l’ENS explique clairement ce fait 13 :

« Pour un territoire donné peuvent coexister des représentations très variées, voire contradictoires, car ce qui véritablement institue le territoire, autant que le contenu de chaque représentation prise individuellement, c'est le fait qu'un objet unique «le territoire» soit l'objet de représentations multiples. »

La question est évidemment posée pour la cas d’Internet. Avons- nous affaire à un territoire global et unique ? Et si oui, quelle représentation peut-on lui conférer ? Une nouvelle fois, Henri Desbois exprime ce conflit 14:

« Avec Internet apparaît un nouveau vecteur de représentations. On peut légitimement supposer que de nouvelles représentations du territoire sont liées à ce nouveau vecteur, et cela à différentes échelles. Il existe tout d'abord une mise en scène du territoire d'Internet, plus ou moins identifié à la planète entière, comme en témoignent les nombreuses icônes de globes et les planisphères qu'on rencontre sur le réseau. Internet se représente abondamment lui-même sous la forme d'un réseau planétaire, traduction géographique d'une supposée communauté des internautes (apparemment plus unie que, par exemple, la communauté des abonnés au téléphone). Il serait intéressant de comparer la géographie réelle du réseau à ces représentations. (…)Hors des applications de courrier électronique, qui rendent sensible l'extension géographique du réseau en mettant en contact des personnes qui se savent physiquement éloignées, une part de la fascination que peut exercer Internet vient sans doute, autant que de la quantité d'informations disponibles, du fait qu'elles sont dispersées. La conscience de cette dispersion et sa mise en scène font qu'on peut bien parler d'un territoire d'Internet. L'image fondamentale de ce territoire (ou, pour employer la notion développée par Jacques Van Waerbeke, la «métaphore du territoire» d'Internet) est bien entendu celle du réseau, c'est à dire justement la figure par excellence du territoire ordonné. Sans doute cela peut-il susciter quelques réflexions. (…)Il n'est pas étonnant que la constitution d'un réseau international s'accompagne d'une affirmation des identités locales sur ce même réseau. Cette affirmation peut se faire par de nombreux biais, tels que la langue, l'iconographie, ou l'utilisation de divers symboles. Ces représentations appellent plusieurs questions. Ces représentations reprennent-elles des représentations préexistantes, ou sont-elles nouvelles? Comment s'articulent-elles avec la réalité et l'idéologie mondialiste du réseau ? »

Le territoire d’Internet ne possède ni représentation parfaite ni mesure précise et si beaucoup d’internautes partagent une vision globale du cyberespace, la plupart en ont une vision fort différente notamment selon leurs usages. Il faudrait les comparer avec la véritable géographie d’Internet selon Desbois. Mais quelle est-elle ? Est-ce la géographie des backbones, des plus gros réseaux, ou bien celles des plus grands flux de données ? La difficulté provient du fait que le cyberespace est un univers en expansion et qu’une carte ne peut être qu’un produit opéré par des choix singuliers à un moment donné dans le but d’obtenir une vue globale comme le montre Olivier Ertzscheid :

« Probablement plus que tout autre phénomène se prêtant à une représentation cartographique, l’organisation hypertextuelle pose, à chacun de ses niveaux de réalité physique et de représentation mentale, le problème de déterminer quelle est la meilleure cartographie possible pour un territoire donné, qu’il s’agisse du territoire qui peut être parcouru dans une session de navigation ou de celui constitué par l’ensemble de ces unités (et donc toujours à un moment donné). La carte de l’organisation hypertextuelle -et c’est là la première propriété qui la distingue de tout autre-est donc liée non seulement à un espace, à un territoire, mai également à une temporalité particulière. »

Quoiqu’il advienne, c’est bien l’utilité de pouvoir se repérer, de se situer qui prime dans la carte, même si cette dernière est imparfaite. La carte est bien le symbole de la nécessité de guider, de celui qui connaît les cartes, le « navigateur ». Pour devenir nous aussi des navigateurs du cyberespace, il nous faut maintenant étudier les cartes.

1 Jean Loup Rivière. La carte, le corps, la mémoire in Cartes et figures de la Terre, Paris, Centre Georges Pompidou, 1980

2 Article "Frontière" In Dictionnaire de géopolitique, sous la direction de Yves Lacoste, Larousse, Paris, 1993.

3 Patrice Flichy. Op. cit. p. 256

4 Alexandre Boucherot, Arnaud Jacob. Territoires virtuels et territoires "relationnels" : Sur la notion de "frontières" appliquée au cyberespace [en ligne]

http://www.fluctuat.net/tourdumonde/img/Final_Frontier.pdf

Alexandre Boucherot est le fondateur de la revue culurelle en ligne « fluctuat.net ». Arnaud Jacob collabore à la revue. Ce tr
avail a été réalisé en collaboration avec le centre Pompidou.

5 A.Bierce cité in " In Roger Brunet, Dictionnaire critique de géographie. Bordas, Paris. Article "Frontière ».

6 Richard Delmas, Françoise Massit-Folléa. La gouvernance d’Internet. Les cahiers du numérique. vol 3-2, Paris : Hermès. 2002

7 Pierre Mounier. Les maîtres du réseau. Les enjeux politiques d’Internet. Paris : La Découverte, 2002. Ce dernier explique les raisons des enjeux politiques :

« Et de fait, le cyberespace est infini ; rien n’empêche à priori que les uns et les autres mènent pacifiquement leurs activités sans se marcher sur les pieds. C’était oublier qu’Internet présente plusieurs points d’étranglement—les noms de domaine, la bande passante, l’écran de l’utilisateur final, et bientôt les adresses IP, qui sont à l’origine des nombreuses bousculades qui émaillent son histoire. » p. 16

8« L'Internet, un paysage en perpétuelle reconfiguration »
Interview de Solveig Godeluck [en ligne]

http://www.fluctuat.net/tourdumonde/godeluck2.htm

9 Ibidem :« Cela en effet ne signifie pas que toute frontière ait disparu du réseau. D'abord, il existe certains points de passage obligatoires sur le Net, malgré sa grande décentralisation. Ce sont les points faibles, les lieux où l'on peut tout à la fois percevoir des taxes d'utilisation, contrôler l'identité, interdire la circulation : les serveurs du fournisseur d'accès ; puis les backbones internationaux des opérateurs télécoms qui transportent le trafic en gros. Les décisions à ces niveaux ne doivent pas être laissées à la seule initiative du marché : le régulateur doit intervenir pour faire prévaloir des choix politiques.
Ensuite, j'utilise l'idée de frontière
au sens figuré. Cela me semble particulièrement approprié dans un univers de virtualité. Les frontières sont les lieux de séparation entre deux représentations du cybermonde, lieux de friction, de conflit, mais aussi paradoxalement de rencontre et donc de négociation. Ces frontières sont tout bonnement la cristallisation de la géopolitique ! Elles se dressent ici et là, ne se superposent pas entièrement, et portent plus souvent que jamais sur les champs culturel et juridique. Car sur Internet, on ne verse pas son sang sur une frontière : on y perd sa réputation, on y gagne son avenir, on y mène la guerre de l'information. »

10 Pierre Mounier. Op. cit. p. 16

11Michel Serres. Atlas. Op. cit. p. 196.

12 Pierre Musso. Op. cit. p .34

13 Henri Desbois. Représentations et territoires sur Internet. [en ligne] http://barthes.ens.fr/atelier/articles/desbois-mai-98.html

14 ibid.

La cybergéographie.

La cybergéographie.
Une nouvelle discipline ?
Il existe peu de références sur la cybergéographie hormis les ouvrages de Martin Dodge1 et son site. Nous avons également utilisé la traduction du site effectuée par Nicolas Guillard ainsi que l’excellente analyse d’Eric Barthes2 dont nous reprendrons beaucoup d’éléments dans l’analyse.
En effet, Barthes résume bien la diversité et la complexité de cette discipline émergente 3:
« En attendant l’avènement d’une science « globale » de l’Internet, la cybergéographie constitue une première tentative de rendre compte de l’inter-réseau, en insistant sur l’aspect spatial et les techniques de visualisation. A travers un certain nombre de travaux fondateurs, comme ceux de Martin Dodge et Rob Kitchin un méta-discours fédérateur est en train de se mettre en place, fournissant un cadre conceptuel pour penser les relations entre les diverses pratiques et approches qui composent la cybergéographie.
Inter-discipline novatrice et dynamique, la cybergéographie entretient des relations complexes avec d’autres disciplines et zones d’activité plus fortement institutionnalisées : la géographie, l’informatique, l’urbanisme et l’aménagement, les sciences cognitives, la linguistique, la sociologie, le marketing, etc. Au fur et à mesure de sa disciplinarisation, on assistera sans doute à des tentatives de délimiter ses frontières, d’exclure certains discours et de délégitimer certains objets d’étude. »
C’est Martin Dodge qui a popularisé le terme de « cybergéography » après l’avoir lu pour la première fois en 1994 dans un article de Steve Pile paru dans la revue Environment and planning A. Nous n’avons pas lu cet article mais l’information a été donné à Barthes par Dodge lui-même.
La cybergéographie est donc issue de la géographie mais elle en diffère par des méthodes de cartographie différentes. Cette discipline est avant tout une science sociale de l’Internet car elle cherche à prendre en compte les relations et enjeux de pouvoir et de territoires. Elle est au cœur de la mesure du Web puisqu’elle prend en compte de nombreuses données et domaines différents. Mais il est possible qu’elle finisse à son tour par se diviser voire qu’elle finisse par changer de nom. Nous songeons ici aux travaux de Reinhold Grether qui cherche à impulser une science du net « Netzwissenschaft ».4
Cette étude nous fait partager en quelque sorte « l’aventure » de ces cybergéographes, de ces cartographes d’un nouveau monde. Nous suivons en cela l’exemple donné par Michel Serres :
« Construisons ou, mieux, dessinons, le nouvel atlas, par entrelacs, stocks et circulation ensemble, et pensons, ensemble, mot, phrase, langues, image, sciences, valeurs, information … semblables éléments prêts à se féconder les uns les autres. L’accumulation laisse place au mélange. »5
Fin de l’Histoire ou de la géographie et téléologie : problèmes pour une « discipline » de l’Internet.
« In that Empire, the craft of Cartography attained such Perfection that the map of a Single Province covered the space of an entire City, and the Map of the Empire itself an entire Province. In the course of Time, these Extensive maps were found somehow wanting, and so the College of Cartographers evolved a Map of the Empire that was of the same Scale as the Empire and that coincided with it point for point. Less attentive to the Study of Cartography, succeeding Generations came to judge a map of such Magnitude cumbersome, and, not without Irreverence, they abandoned it to the Rigours of sun and Rain. In the western Deserts, tattered Fragments of the Map are still to be found, Sheltering an occasional Beast or beggar; in the whole Nation, no other relic is left of the Discipline of Geography. »
Jorge Luis Borges, From « Of exactitude in science » in A Universal History of Infamy.
L’émergence d’une telle discipline ne peut se faire sans s’interroger sur sa place au sein des sciences mais aussi de l’histoire tout court. En effet, nous rappelons que le World Wide Web a vu le jour en 1989, une année charnière puisqu’elle marque aussi la chute du mur de Berlin6.
Pierre Lévy prolonge la vision de Fukuyama7 :
« « L’humanité consciente d’elle-même naît en même temps politiquement (chute du mur de Berlin), intellectuellement ( le courrier électronique, les communautés virtuelles, le Web), économiquement (mondialisation, montée des politiques libérales, virtualisation de l’économie). Le processus n’est bien sûr pas achevé, mais il est maintenant bien engagé. »
Pourtant, il nous semble qu’il est impossible de parler de cybergeographie sans s’interroger sur les liens du Web avec l’histoire. Le Web fait-il partie de ce processus décrit par Fukuyama ?
Martin Dodge cite le penseur américain Sardar qui perçoit dans le Web une idéologie sous jacente 8 :
« Cyberspace dit not appear … from nowhere…It is conscious reflections of the desire, aspirations, experiential yearning and spiritual angst of western man ; it is resolutely designed as a new market, and is an emphatic product of the culture, worldview and technology of western civilizations… cyberspace, then, is the american dream writ large ; it marks the dawn of a new american civilization…cyberspace is particulary geared up towards the erasure of all non-western histories.”
Selon Sardar, le Web ne serait pas neutre mais au contraire la concrétisation de l’idéalisme américain. Martin Dodge partage cette opinion en établissant le lien entre les flux de capitaux et les flux de données 9:
« It is recognized that the development and promotion of ICTs and cyberespace is bound to capitalist modes of production – cyberspace is a commercial product to be economically exploited, used to open new market of opportunety. »
Les transformations opérées par les nouvelles technologies de l’information sont de trois sortes pour Dodge :
– Culture commune et globalisation.
– Restructuration globale et mobilité.
– Le corps est fluide et non fixe, et la communauté est fondée plus sur l’intérêt que sur la localisation.
Les deux premières caractéristiques convergent effectivement avec le développement du capitalisme et l’avancée de la culture américaine qui l’accompagne. La troisième ressemble surtout aux flux des capitaux. Evidemment il faut s’interroger sur les liens entre l’idéologie capitaliste et l’Internet. La mesure peut-elle dès lors s’effectuer à partir du moment où l’objet Internet serait idéologique ? Nous avons vu précédemment les liens qui existent entre le concept de postmodernité et la culture cyberpunk. Le cyberespace marque-t-il la fin de l’histoire au sens de Fukuyama ? En tous cas, Pierre Musso résume une pensée proche de Pierre Lévy 10:
« Liberté, égalité, fraternité : l’utopie sociale de 89 (1789-1989) se réaliserait enfin grâce à l’utopie technique réticulaire. « le cyberespace peut apparaître comme une sorte de matérialisation technique des idéaux modernes. »
De la même manière que dans la vision cyberpunk, certes différente, il semble qu’il y ait donc confusion entre un Internet utopique et idéal et celui que nous pratiquons.
Il est vrai aussi que nous ne parlons pas de « cyberhistoire »11 mais de cybergéographie. En effet, Dodge tente plutôt de démontrer que le cyberespace introduit des changements mais qu’il ne signifie pas pour autant la fin de la géographie. Et si la géographie traditionnelle perdure, l’histoire qui lui est intimement liée continue dans le cyberespace. Cependant il est évident que le cyberespace est vecteur de certaines idéologies que dénonce Sardar.
Paul Virilio voyait dans l’avènement du Web et le développement de la mondialisation cette fin de la géographie 12:
« Totalité ou globalité ? Comment ne pas se poser la question de savoir ce que recouvre le terme sans cesse répété de « mondialisation » ? S’agit-il d’un mot destiné à renouveler celui d’internationalisme, trop marqué par le communisme, ou, comme on le prétend souvent, d’une référence au capitalisme du marché unique ? Dans un cas comme dans l’autre, on est loin du compte. Après la « fin de l’histoire », prématurément annoncé par Francis Fukuyama il y a quelques années, la mondialisation annonce, en fait, la fin de l’espace d’une petite planète en suspension dans l’éther électronique de nos moyens modernes de télécommunications…La ville réelle, localement située et qui donnait jusqu’à son nom à la politique des nations, cède sa primauté à la ville virtuelle, cette « métacité » déterritorialisée qui deviendrait ainsi le siège de cette métropolitique dont le caractère totalitaire, ou plutôt globalitaire, n’échappera à personne. »
Dodge ne partage pas cette vue de globalisation totale. L’analyse de Virilio est toujours technophobe mais selon nous il demeure dans une vision de la fin de l’histoire pessimiste en lui ajoutant le concept de la fin de la géographie.
Plutôt que de parler de fin de la géographie, il faut constater en fait des modifications dans les lois géographiques. Dodge cite Mitchell qui décrit le cyberespace comme ceci13 :
« profoundly antispatial…You cannot say where it is or describe its memorable shape and proportions or tell a stranger how to get there. But you can find things in it without knowing where they are. The net is ambient- nowhere in particular but everywhere at once. You do not go to it ; you log in from wherever you physically happen to be…the net’s despatialization of interaction destroys the geocode’s key.”
Néanmoins, Dodge reconnaît ces changements mais il suggère que tous les habitus géographiques n’ont pas disparu. Gibson qualifiait le cyberespace de géographie mentale commune (« common mental geography »).
Dodge remarque surtout qu’il est impossible de séparer totalement l’espace traditionnel de celui du cyberespace. Nous remarquons qu’il s’agit plutôt d’un processus d’accroissement virtuel de la cité. En effet, les TIC induisent de nouvelles conceptions urbaines14 avec la création de « soft cities » comme le note Dodge en citant l’exemple de la ville de Singapour qui a fait un gros travail de recherche sur les réseaux pour impliquer les TIC dans la ville. Il y a donc une sorte de prolongement entre les habitus des anciennes géographies et économies et la géographie du cyberespace15 :
« For example, cyberspaces, far from dissolving geographic communities into a state of placelessness, is in many cases being used too foster and support such communities. Similarly, computer-mediated communication are helping to reproduce political structures, not dismantle them.”
Une nouvelle géographie ?
La cybergéographie peut-elle prétendre être la nouvelle « discipline » capable de mesurer le Web ? Si elle tente de se donner les moyens de réussir, il convient une nouvelle fois de la penser comme une « discipline » élargie et non comme une science à part entière.
Nous avons donc effectué un travail comparatif à partir des actions géographiques essentielles. En ce sens, nous avons travaillé à partir d’un simple manuel de géographie pour effectuer de réelles comparaisons entre l’ancienne géographie et la nouvelle. A cet effet, nous nous appuierons sur nos propres analyses mais aussi sur celles de la géographe allemande Inga Klas et son étude entre les relations entre Internet et la géographie culturelle.16
Cette dernière cite Tim Berners Lee qui opère une intéressante distinction qui nous apparaît essentielle dans la mesure du cyberespace et de l’Internet 17:
« On the Net you find computers – on the Web, you find document, sounds, videos,… information. On the Net, the connections are cables between computers; on the Web connections are hypertext links.”
Nous n’avons pu retrouver les références exactes de la citation. Mais Inga Klas poursuit cette affirmation de Berners Lee en soulevant la difficulté d’une vision globale de l’Internet:
« Diese Definition zeigt eine weitere Möglichkeit, das Internet darzustellen: Neben der Software-Ebene können auch die physischen Komponenten betrachtet werden, die für den Datentransfer benötigt werden. Die vollständige Darstellung dieser globalen Internet-Architektur, das heißt eine Übersicht über sämtliche Übertragungsmedien, wie Datenleitungen, Funk- oder Satelliteneinrichtungen, ist aufgrund der hohen Komplexität und der Vielzahl an Netzbetreibern heute nicht mehr möglich.“18
La séparation entre la géographie physique de la géographie culturelle peut nous être utile en ce qui concerne Internet. Parler de fin de la géographie en ce qui concerne le cyberespace s’avère par conséquent absurde. Nous retrouvons d’ailleurs beaucoup de comportements proches de ceux de l’espace terrestre dans le cyberespace. Les manuels de géographie distinguent couramment cinq actions majeures d’une société dans l’espace :
s’approprier ou approprier.
Exploiter l’espace.
Habiter
Communiquer et échanger
Gérer.
Ces dernières actions sont valables aussi sur le réseau des réseaux. Elles sont également valables au sein des « deux géographies ».
Tableau 1: Comparaison des différentes géographies terrestres, réseaux physiques et espaces numériques.
Terre
Internet : Réseaux physiques :
Internet :Réseau de données et d’informations :
Le cyberespace.
S’approprier ou approprier
Permet de disposer d’un espace.
Les réseaux, « backbones » sont la propriété de grosses entreprises ou opérateurs publics.
L’espace numérique appartient à des sociétés, Etats, universités, particuliers.
Exploiter l’espace
Exploitation de l’espace approprié.
Amélioration techniques pour la transmission des informations.
Production de contenus et d’informations.
Habiter
Manière d’exploiter l’espace par le logement.
Pas vraiment des lieux d’habitat si ce n’est pour les futures nanotechnologies.
Espace « habité » par les communautés et les identités virtuelles.
Communiquer et échanger
Le lieu implique un espace d’échanges et de transactions.
Lieux d’échanges permanent.
Echanges maximisés via le mail, chat, etc.
Gérer
Action qui coordonne les précédentes avec ses règles.
Amélioration du système avec règles communes et recherches.
Instauration de protocoles et de nétiquettes.
Il est évident qu’il existe une géographie de l’Internet et qu’elle présente des analogies avec la géographie classique. Néanmoins, il demeure des différences ou tout au moins des singularités.
Parmi ces différences, il est souvent noté qu’il se passe un processus de « cyborgisation », c’est à dire que le cyberespace est un espace de décorporation, de libéralisation de l’esprit selon la vision idéaliste. Le propre de l’individu (self) est délocalisé dans un espace libéré du contexte géographique et de la communauté. En fait, l’action produite par l’individu est plus communicationnelle que physique. Il est cependant difficile d’affirmer que nous abandonnons notre corps lorsque nous nous connectons. Il est vrai qu’il s’opère des transformations lors de nos connections, car nos communications sont codées et décodées. Il n’y a pas de réelle décorporation mais plutôt une transmission voire une augmentation de nos possibilités de communiquer19. Cependant Howard Rheingold se montre lui pessimiste quant aux capacités à mesurer efficacement les identités sur le Web 20:
« mapping identity in « geographic » space, given it’s fluid, multiple and fragmented natures, is fraught with difficulties . »
Dès lors, il faut sans doute chercher ailleurs les vraies différences, car le processus d’imitation est évident comme le souligne Dodge 21:
« Like geographic communities, these online communities have behavioural norms, differing personalities, shared signifiance and allegiances.”
Il y a donc bien similitude dans les principales actions dans l’espace comme nous l’avons montré dans le tableau précédent mais la mesure du cyberespace s’avérerait fausse et tronquée si nous ne tentions de montrer les différences. Le cyberespace résulterait d’une autre géométrie ou les lois cartésiennes et euclidiennes ne seraient plus seules valables. Michael Benedickt voit le cyberespace comme un lieu qui n’est pas astreint aux principes de l’espace et du temps et qui ouvre d’autres perspectives plus spirituelles 22:
« After all, the ancient worlds of magic, myth and legend to which cyberspace is heir, as well the modern worlds of fantasy fiction, movies, and cartoons, are replete with violations of the logic of everyday space and time : disappearance, underworlds, phantoms, warp speed travel, mirrors and doors to alternate worlds, zero gravity, flattenings and wormholes, scale inversions, and so on. And after all, why cyberspace if we cannot (apparently) bend nature’s rules there ?
Nous avons vu précédemment les liens du cyberespace avec l’imaginaire, mais il est évident que le cyberespace ouvre des potentialités accrues, notamment au niveau des possibilités de créer de nouveaux univers. Mais encore une fois, il nous semble qu’il n’y a pas de séparation totale mais au contraire augmentation. Un joueur en réseau accède certes à des univers totalement distincts de ceux de sa vie réelle, néanmoins nous ne pouvons pas dire qu’il se sépare de son corps. Il s’agit de développer son imaginaire : une augmentation ludique.
Dodge observe une transformation de l’espace-temps dans le cyberespace. Ce dernier suit une forme binaire entre le 0 et le 1, entre la présence et l’absence entre le « now » et le « never ». Dodge cite à cet effet l’analyse de Stalder 23:
« Cyberspace is a binary space where distance can be measured in only two ways : zero distance (inside the network) or infinite distance (outside the network) ; here or nowhere.”
Dodge partage également le cyberespace en deux parties : l’espace de circulation (space of flows) et l’espace des places (space of places). Tout se joue entre les « places fortes » du cyberespace et les vecteurs de circulation d’informations. Seulement, la question mérite d’être posée : ou se trouve l’individu entre ces deux parties ?24 D’ailleurs que signifie être au sein du cyberespace ? Quelles sont les identités qui sont présentes ? Il est vrai que nous avons vu que le cyberespace permet un accroissement de communautés déjà existantes mais il est aussi la source des « subcultures » qui se développent en son sein comme les cyberpunks ou les hackers. Par conséquent la cybergeographie devra s’accompagner d’une géographie culturelle afin d’examiner les relations sociales nouvelles qui s’y nouent. Il s’agit donc avant tout de « Kulturgeographie », « human geography » ou bien encore de géographie humaine. Nous préfèrerons les termes de géographie sociale. 25
La cybergéographie a choisi de développer l’outil le plus utilisé en géographie : la cartographie. Plutôt que de véritables cartes, ce sont avant tout des représentations graphiques. Nous parlerons donc de cartographie dans un sens élargi. Cette volonté de cartographier s’explique par peut-être par le phénomène de désorientation qui règne dans le cyberespace. Nous établissons alors des cartes lorsque nous nous sentons un peu perdu, tel Robinson sur son île. 26