L’information literacy a-t-elle le goût des épinards ?

épinards
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Je rebondis sur une phrase de Lorcan Dempsey prononcée dans un colloque – phrase que j’ai repérée car on a rapporté ses propos dans un twit :

lorcan dempsey – the term information literacy too much like ‘eat your spinach’ love the analogy! #emtacl10

Les propos peuvent apparaître un peu brutaux mais ils sont intéressants à plus d’un titre. D’une part, il révèle le sentiment que les formateurs à l’information manquent parfois de fantaisie et assène leurs interventions comme s’il tentait de faire avaler une cuillère d’huile de foie de morue.

C’est le défaut classique des formations à l’information et de ses représentations procédurales qui faisait dire à Barbara Fister [1] que certains bibliothécaires se comportaient comme des policiers avec le code de la route.

Le problème dans ce cadre, c’est que les élèves et étudiants que l’on souhaite former, sont persuadés justement de maitriser ce code de la route et que par conséquent les recommandations sont peu suivies.

Il est fréquent alors de constater que de nombreux articles sur l’information literacy insistent sur la nécessité d’application concrète afin de dépasser ce cadre incitatif. Nous sommes en partie d’accord avec cette vision. En partie seulement, car la mise en situation concrète ne signifie pas qu’il faille passer à côté des objectifs pédagogiques de types notionnels ou permettant une réflexion critique sur la recherche et le traitement de l’information.

Il est vrai que l’information literacy souffre souvent du manque de temps accordé par les institutions et il est tentant de parer au plus pressé en demeurant sur des usages à portée immédiate.

Outre le fait que les épinards peuvent être excellents notamment s’ils sont frais et cuisinés convenablement, il en va de même pour l’information literacy.

Il faut aussi considérer que de nombreux intervenants en culture de l’information ou en information literacy ne sont pas vraiment formés eux-mêmes pour l’enseigner. Une hypothèse possible serait de travailler davantage dans une optique de translittératie et d’envisager l’ouverture de formations universitaires estampillées « translittératie ». Cela permettrait d’avoir un plus grand nombre de formateurs compétents sur les différents terrains du secondaire et de l’université notamment. Ce cursus pourrait constituer aussi une piste ou tout au moins un programme obligatoire pour la formation de super instits qui pourraient intervenir en 6ème-5ème.

Je reviendrai prochainement sur d’autres pistes éducatives. Mais il est évident que vouloir développer la formation à l’information sans rien changer au système éducatif et universitaire est un leurre. Mettre du beurre dans les épinards quand ces derniers sont immangeables ne fera pas pour autant mieux passer l’ensemble. Tout cela pour dire qu’il faut probablement changer le menu et sans doute bien plus encore.

 

[1] FISTER, Barbara. (2005) Smoke and mirrors: Finding order in a chaotic world. Research Strategies. Volume 20, issue 3, p.99-105

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Enquête sur les utilisateurs de diigo

Image representing Diigo as depicted in CrunchBase
Image via CrunchBase

Je mène actuellement une enquête sur les utilisateurs de la plateforme de signets diigo.

L’enquête est en ligne et rapide.

La plateforme possède plusieurs sous-titres intéressants « research, share, collaborate » sur la page d’accueil qui reste dans l’esprit web 2.0 et lorsque vous êtes sur une page d’utilisateur, cela devient « Annotate, archive, organize » qui s’inscrit davantage dans l’organisation des connaissances. Elle est aussi une des plateformes les plus riches en potentialités.

Je cherche surtout à distinguer des pratiques notamment en lien avec la mémoire et les hypomnemata et des formes d’organisation des connaissances. Le traitement statistique des réponses sera secondaire dans la mesure où je n’attends pas des centaines de réponses.

Si vous souhaitez faire part de vos pratiques, l’enquête permet également de s’exprimer librement.

Si vous n’êtes pas utilisateur de diigo (delicious, autres), vous pouvez toutefois indiquez vos pratiques en commentaires de ce billet ou me laissez votre mail si vous voulez être contacté pour d’autres questions.
Un diaporama sur diigo

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La droguerie…ou le modèle propriétaire dans les loisirs créatifs

J’étudie depuis plusieurs mois, les réseaux de loisirs-créatifs et plus particulièrement les réseaux autour du tricot.

J’y vois d’immenses potentialités mais il faut bien avouer que tout n’est pas idyllique pour autant et que des stratégies mercantiles sont évidemment à l’œuvre.

Les marques cherchent donc à gagner des parts de marché et les boutiques « la droguerie » en constituent un exemple flagrant.

La droguerie, c’est un peu Apple pour les loisirs créatifs, c’est-à-dire surtout des signes extérieurs de richesse et des instruments de flatterie et une certaine « branchitude ». On y retrouve d’ailleurs des volontés d’être a priroi innovants et un désir de proposer une variété de couleurs.

Knitspirit met les pieds dans le plat sur la montée en puissance virale sur les blogs de « la droguerie attitude » et les commentaires vont bon train.

Outre les reproches de sponsoring caché sur certains blogs bien classés au top wikio, c’est le modèle propriétaire qui est critiqué.

En effet, les patrons proposés sont peu faciles à exploiter. Il faut dire que la droguerie met en place un système propriétaire. Il vous faut acheter les laines pour obtenir gratuitement le patron désiré. De plus, la droguerie ne vend pas de la laine en pelotes mais au poids ce qui fait qu’il est difficile d’évaluer le métrage. Le patron propose d’ailleurs généralement l’équivalent en pelotes…bref c’est on ne peut plus fermé. On pourrait inciter à hacker le système mais fort heureusement, les modèles ouverts sont plus riches. Il suffit de se balader sur ravelry.

De plus, vous ne savez jamais combien ça va vous coûter avec cette laine au poids, enfin si une fortune. De plus, il est évident que s’opère une démarche sociale de signe extérieur de richesse qui est aussi une forme d’exclusion.

Il ne me reste plus qu’à étudier si les utilisatrices de la droguerie et les blogueuses qui présentent leurs créations à partir de laines estampillées « la droguerie » sont aussi des utilisatrices de mac…

Literacy versus fluency

Il est fréquent de rencontrer de manière parfois équivalente les expressions d’information literacy ou information fluency.

Mais un récent projet présente une vision qui me semble préoccupante. Merci à Pintini d’avoir repéré et analyser ce projet en traduisant d’ailleurs les principales définitions :

1. Solution fluency: savoir en temps réel définir un problème, planifier une solution, l’appliquer et évaluer le résultat
2. Information fluency: être capable, inconsciemment et de manière intuitive, d’interpréter une information, quelle que soit sa forme (ou son format), pour en extraire l’essentiel et évaluer sa pertinence, sa signification dans un contexte donné
3. Collaboration fluency: parvenir à travailler en partenariat (en ligne et/ou en présentiel) de manière automatique (toujours cette notion d’inconscience)
4. Creativity fluency: faire ressortir l’artiste qui sommeille en nous (peut devenir intéressant si vraiment on possède ce don: par exemple dans la conception ou la rédaction – storytelling)
5. Media fluency: être capable d’interpréter analytiquement les communications (les messages), quels que soient les médias; être capable de créer du contenu numérique original (en choisissant judicieusement le média adéquat pour le message à transmettre)

Le passage de la literacy à un état qui serait celui de fluency est une erreur manifeste. En premier lieu, cette compétence serait une capacité peu rationnelle mais cependant pouvant être attestée un peu comme dans le domaine de la maîtrise des langues. En effet, certains éléments traduits plus haut semblent relever du don ou en tout cas pleinement de l’intuition. Or l’intuition est bien ce qui ne peut être vraiment enseignée ou tout au moins aucunement didactisée. D’autre part, le projet est surtout à visée lucrative et il n’est guère étonnant qu’une diversité d’acteurs cherche à s’emparer de ces terrains mal balisée par les institutions éducatives.

La fluency ou aisance numérique, selon la traduction de Pintini, me semble par conséquent une régression totale dans la mesure où cette aisance n’est décrite que par le vide, mentionnant encore le fameux esprit critique.

Le projet s’inscrit dans une lignée proche de la transliteracy mais semble se démarquer pourtant de la notion de littératie pour ne retirer principalement que ce qui relève du trans mais de manière peu rationnelle.

C’est aussi une position ouvertement non définitoire et qui laisse des boîtes noires et qui rendent de fait impossible toute réelle progression. La volonté de se démarquer de la maitrise technique est également un leurre du fait que ce n’est qu’une lecture partielle du terme de technique. C’est d’ailleurs une tendance actuelle de vouloir se démarquer d’une vision technique en confondant la technique elle-même et les investissements matériels.

La fluency apparait ici comme une maitrise quasi intuitive totalement contraire de la culture technique. Or, l’intuition ne peut suffire et être satisfaisante d’autant qu’elle est dés lors justement impossible à caractériser. La littératie, c’est cette connaissance tierce qui consiste à pouvoir expliquer ce que l’on réalise. C’est la conscience du processus de grammatisation tel que le démontre Sylvain Auroux. Il s’agit aussi de cette connaissance métalinguistique que Cucioli décrit comme le vrai savoir, c’est-à-dire le savoir conscient, pouvant être exprimé, construit et manipulé en tant que tel. La fluency consistant en fait dans un savoir épilinguistique, inconscient.

Nous avons déjà expliqué que cette connaissance doit être selon nous justement « exprimée ». Elle devient dès lors une réelle compétence mêlant savoirs et savoir-faire.

Privilégier la fluency est donc vraisemblablement une double erreur, à la fois dans la définition qui en est faite de la considérer comme une maitrise différente de la technique et en la faisant reposer sur des habiletés qui ne sont d’ailleurs pas vraiment originales.

La littératie nous parait pleinement plus efficiente à condition de ne pas la faire reposer sur des éléments entièrement calculables basés sur du procédural. C’est d’ailleurs ce chemin que je tente d’esquisser ici.

Appel à communication. Colloque satellite sur la maîtrise de l’information

 

Je relaie cet appel pour un colloque pour lequel je ne serai malheureusement pas présent.

 

Congrès annuel de l’IFLA 2010 : Réunion satellite

Appel à communication

Maîtrise de l’information : contexte, communauté, culture

http://www.ifla.org/en/calls-for-papers/2416

 
 

 
 

La Section Maîtrise de l’information de l’IFLA organise une réunion satellite à l’Université de Göthenburg (Suède) les 8 et 9 août, en collaboration avec l’Université de Göthenburg. Cet événement se déroulera le dimanche 8 août au soir et le 9 août toute la journée.

 
 

Les objectifs principaux de l’événement sont :

                  Comprendre les différentes significations de la notion de maîtrise de l’information dans des contextes, des cultures et des communautés spécifiques

                  Apprendre à connaître leurs différents besoins informationnels

                  Offrir aux participants l’occasion de réfléchir sur ce qu’ils peuvent en retirer dans leur pratique personnelle

 
 

Nous recherchons des communications pour le programme de la matinée. L’après-midi consistera en une « non-conférence » pendant laquelle les personnes présentes seront en mesure de proposer et d’approfondir des thèmes qui les intéressent plus particulièrement. Des informations complémentaires sur cette partie seront diffusées prochainement.

 
 

Les communications retenues viendront de professionnels qui

                  ont pratiqué les formations à la maîtrise de l’information dans des contextes, des communautés et des cultures spécifiques.

                  ont exploré les différentes facettes de la maîtrise de l’information en fonction de la culture et de la communauté, et des besoins spécifiques qui en découlent. Les auteurs devront décrire clairement le contexte et les objectifs ainsi que leur démarche de recherche.

Par exemple, le cas d’une bibliothèque publique et d’une communauté professionnelle locale, ou celui de professeurs de collège et d’élèves, ou encore celui d’enseignants à l’université et de groupes d’étudiants

                  ont développé leurs interventions (activités, pédagogie, programmes) en se basant sur la connaissance de ce contexte. Il devra être clairement présenté comment les formations sont adaptées au groupe ou à la communauté spécifique.

Nous sommes particulièrement intéressés par des pratiques participatives ou collaboratives avec les groupes ou communautés en question,  illustrées par des citations ou des vidéos.

 
 

Les communications seront en anglais, d’une durée de 30 minutes maximum

 
 

Calendrier

  1. Les propositions doivent être envoyées pour le 21 avril 2010, par mail à il.satellite2010@googlemail.com

Les propositions doivent inclure : titre, résumé de 250 mots, coordonnées de l’auteur (nom, adresse complète, téléphone, fax, mail), et son affiliation

  1. Les résultats de la sélection seront connus autour du 10 mai
  2. Les auteurs devront fournir un résumé plus important de 800 mots en anglais, et une courte biographie pour le 6 juin pour diffusion sur le site web
  3. Les présentations complètes devront être envoyées pour le 31 juillet

 
 

Merci de bien noter que les orateurs choisis sont attendus en personne et qu’ils sont responsables des frais liés à leur participation au congrès.

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