Les recherches se poursuivent autour de la translittératie autour de différents projets de recherche en France et ailleurs dans le monde et pour ma part, je continue également de travailler autour du concept.
Pour ceux qui ne sont pas encore familiers avec l’expression, je les renvoie à l‘article sur le sujet que j’ai écrit pour le dictionnaire en ligne de l’Enssib et à cet article écrit initialement pour la revue argus.
Je viens donc de publier un nouvel article sur le sujet mais plus proche de mes préoccupation autour des humanités digitales.
J’ai tenté récemment d’associer plus étroitement les concepts du trans, en mêlant translittératie et transmédia notamment en interrogeant les évolutions et mutations au sein du mouvement des humanités digitales. Le but de l’article était de s’appuyer sur les travaux menés dans le cadre du projet Humanlit. Vous pourrez donc y retrouver pas mal d’éléments abordés déjà sur le carnet de recherche.
Le résumé de l’article :
Le but de cet article est d’examiner les compétences en jeu dans les humanités digitales dans le cadre de productions « délivrées ». Les enjeux autour du développement d’une translittératie sont examinés, notamment en imaginant une évolution de l’article scientifique puisant aux logiques du transmédia pour en faire un article davantage ouvert, sous la forme d’une Application Programming Interface (API).
L’article est disponible sur Cairn. Je peux le transmettre à quiconque en fera la demande.
Étiquette : translittératie
La translittératie en débats
Je n’ai pas trop le temps de bloguer ces dernières semaines du fait de phase rédactionnelle intensive pour des articles et des ouvrages à paraître prochainement.
Du coup, à l’occasion de la sortie d’un article sur la translittératie que j’ai écrit pour Intercdi (« Qu’est-ce que la translittératie ? » Intercdi n°237, p. 62), je publie sur le blog cet article qui était paru outre-atlantique chez nos amis d’Argus. (« La translittératie en débat. » Argus. Vol.9, n°3, p.30-31)
La translittératie n’est pas un nouveau gadget à la mode ne faisant qu’ajouter de la complexité à la somme des autres littératies, en particulier à l’information literacy.
Nous réagissons ici à plusieurs interrogations émises notamment sur plusieurs blogs de langue anglaise sur l’utilité d’un nouveau mot et sur la complexité qui en résulte parfois. Nous tentons donc de répondre à la critique [1] qui ferait de la translittératie une simple affaire de chercheurs ou de bibliothécaires qui n’intéresseraient nullement le public et qui serait de plus totalement incompréhensible.
Nous allons donc tenter de clarifier quelque peu cette translittératie si complexe.
La translittératie est définie comme « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux »[2]
Les chercheurs britanniques qui portent le projet font le constat d’une convergence médiatique pour tenter d’envisager une formation. [3]
L’équipe de recherche du projet [4] (PART : Production and research in transliteracy) publie régulièrement sur un blog [5]. Sue Thomas apparaît comme la principale chercheuse de l’équipe de par ses diverses interventions sur le sujet dans des conférences. Nous avions lu avec intérêt l’article intitulé “transliteracy : crossing divides” [6] qui constitue l’article de référence et explicatif.
Les auteurs de l’article montrent que le concept n’est pas clairement tranché et identifié et nous ne savons pas vraiment s’il s’agit d’une pratique ou d’un concept scientifique. [7]
Le projet s’inspire d’un précédent projet, celui du professeur Alan Liu [8], créateur du concept dans le but de prendre en compte la diversité des supports du numérique et ses effets notamment sur la création littéraire.
Le professeur américain est intéressant à plus d’un titre pour ses recherches sur le numérique et les potentialités littéraires et culturelles que le web peut apporter. Il est également un défenseur des formations littéraires et des sciences humaines. Le projet intitial [9] comprenait plusieurs chercheurs de différents horizons dont notamment Katherine Hayles qui a notamment beaucoup travaillé sur les questions d’attention en observant et décrivant la diminution des capacités d’attention profonde chez les jeunes générations. Il faut donc voir la translittératie comme un projet ambitieux qui prend en compte une diversité d’approches.
La découverte récente par des bibliothécaires de ce concept suscite plusieurs interrogations quant à son opportunité.
La première est évidemment celle de la différence avec l’information literacy. Sur ce point, les terrains communs sont évidents tant il s’agit de former à une culture de l’information et aux outils du numérique. La translittératie ne souhaite pas remplacer néanmoins les autres littératies mais prétend davantage les englober. [10] Cependant, il nous semble que la translittératie peut constituer une alternative intéressante à l’information literacy. Elle peut rejoindre dans ce cadre les objectifs de la culture de l’information en présentant un paradigme différent. (Le Deuff (2009) Les rapprochements actuels opérés avec l’information literacy sont donc souhaitables à condition de ne pas rester dans la logique des compétences procédurales.
La seconde interrogation concerne le rôle des bibliothécaires dans cette translittératie. La complexité parfois dénoncée montre bien que la translittératie ne peut s’effectuer à la marge. Elle se situe par conséquent sur la piste de formations plus ambitieuses que celles dispensées pour la formation des usagers. La translittératie n’est pas un territoire réservé ou imposé aux bibliothécaires. Sa vocation est davantage axée sur le développement de formations dédiées et dispensées par des spécialistes du domaine. Elle a vraisemblablement prétention à s’inscrire dans des modules de formation universitaire plus classique. Un groupe de chercheurs français [11], dont nous faisons partie, travaille d’ailleurs aux rapprochements et aux pistes potentielles notamment didactiques à développer entre l’éducation à l’information, éducation à l’image et à l’informatique.
Pour finir, revenons donc sur la complexité dénoncée par plusieurs bibliothécaires pour privilégier une formation de suite utile : le pragmatisme cherchant à éviter la transmissions de notions et de concepts qui ennuieraient les étudiants. Ce refus du concept pour privilégier la situation pratique voire d’usage simple est caractéristique d’une position qui abandonne tout réel projet de formation de longue durée et réellement durable. Se placer sans cesse du côté du pratique, de l’immédiat, entre autre pour se démarquer des formations universitaires, est à notre sens une erreur. La translittératie doit donc assumer ce choix de la complexité quand elle s’avère nécessaire. En ce sens, il convient de privilégier une culture de l’information, qui repose sur une transmission variée avec l’apprentissage de notions et la mise en place de situations pratiques, plutôt que de céder au dogme de l’adaptabilité immédiate de la société de l’information.
A chacun de savoir, de quel côté il se place.
LE DEUFF, Olivier (2009) « La culture de l’information en sept leçons » in Argus. Vol.38 n°2
[3] “The word ‘transliteracy’ is derived from the verb ‘to transliterate’, meaning to write or print a letter or word using the closest corresponding letters of a different alphabet or language. This of course is nothing new, but transliteracy extends the act of transliteration and applies it to the increasingly wide range of communication platforms and tools at our disposal” Sue THOMAS et al. «Transliteracy: Crossing divides. » op. cit.
[5] Transliteracy resaech blog < http://www.hum.dmu.ac.uk/blogs/part/>
[8] Our use of the term transliteracy is pre–dated by the plural ‘transliteracies’, which evolved at the Transcriptions Research Project directed by Professor Alan Liu in the Department of English at the University of California at Santa Barbara. In 2005, Liu developed and formalized the Transliteracies Project, researching technological, social, and cultural practices of online reading. In Ibid.
[11] Il s’agit du projet Limin-R. < http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article1115>
L’information literacy a-t-elle le goût des épinards ?
Je rebondis sur une phrase de Lorcan Dempsey prononcée dans un colloque – phrase que j’ai repérée car on a rapporté ses propos dans un twit :
lorcan dempsey – the term information literacy too much like ‘eat your spinach’ love the analogy! #emtacl10
Les propos peuvent apparaître un peu brutaux mais ils sont intéressants à plus d’un titre. D’une part, il révèle le sentiment que les formateurs à l’information manquent parfois de fantaisie et assène leurs interventions comme s’il tentait de faire avaler une cuillère d’huile de foie de morue.
C’est le défaut classique des formations à l’information et de ses représentations procédurales qui faisait dire à Barbara Fister [1] que certains bibliothécaires se comportaient comme des policiers avec le code de la route.
Le problème dans ce cadre, c’est que les élèves et étudiants que l’on souhaite former, sont persuadés justement de maitriser ce code de la route et que par conséquent les recommandations sont peu suivies.
Il est fréquent alors de constater que de nombreux articles sur l’information literacy insistent sur la nécessité d’application concrète afin de dépasser ce cadre incitatif. Nous sommes en partie d’accord avec cette vision. En partie seulement, car la mise en situation concrète ne signifie pas qu’il faille passer à côté des objectifs pédagogiques de types notionnels ou permettant une réflexion critique sur la recherche et le traitement de l’information.
Il est vrai que l’information literacy souffre souvent du manque de temps accordé par les institutions et il est tentant de parer au plus pressé en demeurant sur des usages à portée immédiate.
Outre le fait que les épinards peuvent être excellents notamment s’ils sont frais et cuisinés convenablement, il en va de même pour l’information literacy.
Il faut aussi considérer que de nombreux intervenants en culture de l’information ou en information literacy ne sont pas vraiment formés eux-mêmes pour l’enseigner. Une hypothèse possible serait de travailler davantage dans une optique de translittératie et d’envisager l’ouverture de formations universitaires estampillées « translittératie ». Cela permettrait d’avoir un plus grand nombre de formateurs compétents sur les différents terrains du secondaire et de l’université notamment. Ce cursus pourrait constituer aussi une piste ou tout au moins un programme obligatoire pour la formation de super instits qui pourraient intervenir en 6ème-5ème.
Je reviendrai prochainement sur d’autres pistes éducatives. Mais il est évident que vouloir développer la formation à l’information sans rien changer au système éducatif et universitaire est un leurre. Mettre du beurre dans les épinards quand ces derniers sont immangeables ne fera pas pour autant mieux passer l’ensemble. Tout cela pour dire qu’il faut probablement changer le menu et sans doute bien plus encore.
[1] FISTER, Barbara. (2005) Smoke and mirrors: Finding order in a chaotic world. Research Strategies. Volume 20, issue 3, p.99-105
La littératie en transe : la volonté hégémonique de la transliteracy
Je suis depuis plusieurs mois le projet de la transliteracy (PART : Production and research in transliteracy) qui se définit comme ’ l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux » (« Transliteracy is the ability to read, write and interact across a range of platforms, tools and media from signing and orality through handwriting, print, TV, radio and film, to digital social networks.”) La traduction en français a été trouvée sur le blog de Guitef.
Je lis donc régulièrement le blog mis en place avec notamment les références à Howard Rheingold qui fait partie du projet. J’ ai dont lu avec intérêt l’article intitulé « transliteracy : crossing divides » qui a révélé ce que je craignais depuis longtemps à savoir que la transliteracy présente des volontés hégémoniques évidentes et souhaite simplement englober les autres littératies. Bref on y retrouve exactement les mêmes velléités que chez beaucoup de tenants de l’information literacy, de la media literacy ou bien encore de la digital literacy :
« transliteracy does not replace, but rather contains, “media literacy” and also “digital literacy. »
Finalement on reste toujours dans une querelle au final assez stérile dans la mesure où c’est plutôt le projet intérieur et notamment culturel et didactique qu’il convient de construire. Les auteurs de l’article sont assez conscient des limites de leur entreprise mais comment peut-on écrire un tel article sans aucune fois ne faire de référence à l’information literacy et notamment aux travaux de Sheila Webber lorsque l’on sait que certains participants au projet sont britanniques !
Les auteurs nous invitent à répondre à leur article via la littératie de notre choix c’est ce que je fais. Il me faudra sans doute le réitérer dans la langue de Shakespeare ce que je ferais sans doute sur leur wiki.
Le projet recèle certes des aspects intéressants notamment la volonté d’étudier les nouveaux usages en matière de littératie et en cela le terme de translitérattie n’est pas mauvais. Je déplore cependant les dispersions permanente liées à ces diverses conceptions. Mais c’est aussi l’enjeu de ma thèse.
La translittératie s’ajoute donc à la kyrielle de littératies dont tant d’objectifs sont communs. Je joints ici la présentation que j’ai utilisée lors du colloque ISKO 2007 intitulée « Quelles littératies pour quelles conceptions de l’information? » où je n’avais pas eu le temps d’ajouter la transliteracy à mon tableau.
Présentation Quelles littératies pour quelles conceptions de l’information ?
Ci-dessous le tableau présentant les diverses littératies auquel je vais devoir rajouter le projet de la translitérattie.
Literacy | Termes proches | Traduction possible |
Information literacy | Informacy InfoliteracyInformation fluency | Maîtrise de l’information Culture informationnelle Education à l’information |
Computer literacy | IT/information technology/electronic/electronic information literacy | Maîtrise des technologies informatiques. Culture informatique |
Critical literacy | Critical thinking | Education critique Esprit critique |
Library literacy | Library/bibliographic instruction | Formation à la recherche en bibliothèque |
Media literacy | Education aux médias | |
Network literacy | Internet literacy, hyper-literacy | Maîtrise des réseaux Culture des réseaux |
Digital literacy | Digital information literacy/e-literacy | Culture numérique Cyberculture |
Visual literacy | 䦋㌌㏒㧀좈琰茞ᓀ㵂Ü | Culture visuelle Education à l’image |