Les réseaux sociaux en analyse

Je signale la publication d’un important numéro de recherche sur les réseaux sociaux, notamment les réseaux sociaux numériques.

Merci donc à Alexandre Coutant et Thomas Stenger d’avoir impulsé une dynamique de recherche autour de l’identité numérique à l’ISCC (Institut des sciences de la communication du Cnrs). Ce numéro d’Hermès en est aussi un heureux prolongement.

Le menu est riche et par conséquent le numéro va constituer une référence clef sur le sujet dans la francophonie.

Plus d’informations ici.

J’ai eu la chance de participer à ce numéro avec une réflexion notamment autour du rôle des réseaux en matière éducative.

Le résumé

, Éducation et réseaux socionumériques : des environnements qui nécessitent une formation

Nous exposons dans cet article les différentes interrogations posées par les réseaux socionumériques au sein de dispositifs de formation. Nous tentons de montrer qu’il est envisageable de repenser leur intégration au sein des systèmes éducatifs notamment pour montrer autant leur potentiels que leurs dangers. Nous montrons également les intérêts d’autres types de réseaux comme les plateformes de signets sociaux et les réseaux numériques thématiques comme ceux des loisirs créatifs pour envisager de nouvelles méthodes de formation.

Mots-clés : réseaux socionumériques, réseaux sociaux thématiques, formation, éducation aux réseaux sociaux, réseaux de loisirs créatifs, signets sociaux.

 

Le début du texte :

Les réseaux sociaux numériques sont souvent présentés comme des systèmes en opposition avec l’institution scolaire. Ils constituent des moyens d’apprendre à s’intégrer au groupe, comme l’ont montré notamment les travaux de Danah Boyd (Boyd, 2008) et ne sont donc pas des supports d’apprentissage traditionnel. Les cultures informationnelles adolescentes ne correspondent pas aux mêmes exigences qu’une culture de l’information reposant sur une maîtrise des technologies intellectuelles (Le Deuff, 2009). Cela signifie que l’apprentissage par les usages des réseaux sociaux est insuffisant, contrairement à ce que prétendent les discours autour des digital natives qui confondent un attrait pour les technologies du numérique avec une réelle compréhension de ces environnements. L’institution peine à accorder une place adéquate à ces nouveaux médias. D’ailleurs, ses discours insistent fréquemment sur des mises en garde vis-à-vis des dérives constatées sur les réseaux de type Facebook ou les blogs de la plateforme Skyrock. Au niveau éducatif, les applications sont rares.

Pourtant, ces diverses plateformes possèdent des atouts en matière de formation à condition de ne pas se cantonner aux seuls réseaux sociaux numériques.

Nous distinguons ici quatre types de réseaux dont nous souhaitons montrer les potentialités éducatives:

  • Les réseaux sociaux numériques (RSN) de type facebook dont le principal intérêt réside dans le prolongement de la relation enseignants-enseignés en dehors des lieux et temporalités classiques.
  • Les réseaux de micro-blogging comme Twitter qui permettent de nouveaux types d’échanges et leur conservation voire leur transformation en documents d’études.
  • Les plateformes de signets sociaux comme Diigo qui facilitent la conservation et le partage de ressources et d’annotations sur le web. Diigo présente des fonctionnalités sociales avancées et des potentialités éducatives déjà démontrées (Dreschler, 2009).
  • Les réseaux thématiques qui permettent de partager informations, tutoriels et explications comme c’est notamment le cas des loisirs créatifs. Le réseau de loisirs créatifs Ravelry présente ainsi quelques atouts au niveau de l’autoformation.

La suite dans le numéro dont la parution est prévue le 28 avril…

Générations autopoïétiques : soutenez le générateur autopoïétique

Je vous invite à soutenir le projet lancé par Oliver Auber.
C’est quoi ce truc :
« Générateur Poïétique, derrière ce nom étrange se cache en effet une expérience collective et très enrichissante pour les enfants de 7 à 77 ans. Le Générateur Poïétique propose simplement de dessiner en temps réel à plusieurs sur une même image. Oui, mais pas n’importe comment : les règles minimales du Générateur Poïétique permettent qu’un dessin global s’auto organise effectivement petit à petit avec des dizaines ou des centaines de participants comme l’ont déjà montré des premières expériences menées sur différents réseaux … depuis 1986. (GLOUPS, oui vous avez bien lu : 1986, l’idée du GP ne date pas d’hier! C’est même une oeuvre pionnière du « NetArt », au point d’occuper le dernier chapitre du « Que Sais-je » sur ce sujet (Voir <ICI>).

 
Grâce à vous, c’est peut-être des milliers de personnes à l’oeuvre qu’il nous sera donné de contempler sur une même image qui pourrait être projetée en juin pour la première fois quelque part dans Paris dans le cadre de <FUTUR EN SEINE> (fête de la ville numérique) si les organisateurs de cette manifestations rendent cela possible. »

Si vous ne savez pas ce qu’est l’autopoïèse, allez donc vérifier vos connaissances sur l’article de wikipédia.

La suite ici si vous voulez soutenir financièrement même modestement le projet. C’est aussi l’occasion de montrer que de nouvelles formes de participations sont possibles y compris au niveau économiques. Kisskissbank permet de financer ainsi tout un tas de projets.

C’est aussi un moyen de voir ce qu’on peut réellement produire collectivement, en peu de temps. Toute forme d’intelligence collective est donc pleinement à encourager.

Vous pouvez aussi le tester…JAVA INACTIF
 
 
En vidéo :

Pour mieux comprendre, ce qu’on peut faire :

 
 
Je pense que plusieurs projets de ce type vont émerger dans les années futures. Notamment des travaux d’écriture, de création, de traduction, de construction. L’union fait la force..

Lutter contre les Zombies ou comment valoriser sa bibliothèque

C’est une idée amusante pour présenter les ressources et le fonctionnement de bibliothèque que de réaliser un comic qui mêlent étudiants, bibliothécaires face à des zombies. La bibliothèque semble être le lieu ressources pour affronter les morts-vivants. Belle initiative de la bibliothèque Miller du collège Mc Pherson.
L’histoire a le mérite d’être attractive et sympathique. Cela pourrait nous inspirer dans des projets similaires autant en BU, en BM qu’en CDI…tant que ces espaces ne sont pas transformer en territoires zombies (en learning center...)
La bibliothèque comme lieu stimulant, c’est pas nouveau mais on le sait bien qu’il faut lutter contre certaines représentations. Il est vrai que certains professionnels ne contribuent guère au changement.
Au menu quelques leçons sur la recherche d’information, sur les découvertes imprévues. La recherche d’informations, c’est souvent un jeu digne des livres dont vous êtes le héros.
Les bibliothécaires sont des individus en mouvement du coup ça donne envie  aux étudiants de se ruer sur les rayons scientifiques.

La bonne nouvelle, c’est qu’on découvre que les bibliothécaires ne sont pas seulement des gardiens du passé mais qu’ils sont aussi des pros du recyclage. En effet, on apprend que les vinyles peuvent servir à décapiter des Zombies. Les bibliothécaires anglais sauront probablement s’en servir à bon escient contre certains responsables politiques qui vont leur couper tous leurs crédits.

Quels concepts et compétences transmettre du système scolaire et universitaire au marché du travail ?

Une nouvelle reprise de la thèse, avec pour thématique celle de la transmission Ecole-marché du travail….

 

Il convient d’emblée de préciser qu’il y a une évidente difficulté dans cette transmission. Il ne faut pas confondre travail et emploi. En effet, travailler c’est d’abord travailler pour soi, tandis que la référence à l’emploi implique de mettre sa force de travail au service d’un tiers. Notre propos n’est pas de s’attarder sur cette différence, mais il s’agit d’exprimer le fait que le travailleur, même s’il est employé doit pouvoir poursuivre son individuation sans être aliéné par sa relation avec son employeur.

Dans le cas de la culture de l’information, il s’agit d’examiner les compétences et notions acquises notamment dans les domaines de l’information et de la documentation qui peuvent être réinvesties. Nous prenons ici le terme de compétences dans un sens qui mêle à la fois savoir-faire et savoirs et qui n’est pas uniquement procédural. Ces compétences doivent être pensées de manière élargie afin de sortir d’un cadre passif face à l’information qui ne prend pas assez en compte les aspects de construction d’un environnement informationnel personnel, la dimension communicationnelle ainsi que le travail collaboratif. Ces aspects sont prépondérants pour que les fonctionnalités collectives des systèmes de gestion électronique de documents et de Knowledge Management puissent être utilisées de manière optimale. Les objectifs de l’information literacy sont d’ailleurs proches de celles du Personal Knowledge Management.

La culture de l’information au sein du marché du travail n’est pas pour autant synonyme d’intelligence économique même si elle peut partager des éléments communs. Franck Bulinge note également que cette culture ne peut demeurer l’apanage de certaines formations niveau master et qu’elle doit donc être investie beaucoup plus tôt dans les formations, notamment car elle concerne un grand nombre d’employés et de salariés.

La formation à la gestion de l’information

Trois points principaux semblent devoir être développés selon nous :

  • L’évaluation du besoin d’information et de communication (démarche de construction basée également sur la veille– la dimension de veille devant être prise dans un sens bien différent de surveillance-)
  • L’évaluation de l’information (sélection de l’information et capacité à lui conférer de la valeur)
  • Le partage et la diffusion de l’information. (Stratégies collaboratives et co-construction individuelle et collective avec prise en compte de l’objet technique)

Les trois aspects précédents s’avèrent utiles à la prise de décision. Une autre question revient sans cesse chez les travailleurs et notamment les travailleurs du savoir : celle de la gestion du temps. Les lois du cool dénoncés par Alan Liu entrainent un affaiblissement de la distinction des sphères travail et loisir. Si le travail pouvait en paraître moins pénible et donc plus efficace, la question du temps passé à travailler en devenait préoccupante. Nous avions mentionné également certaines littératies émergentes prétendant résoudre ces problèmes de surcharge d’information et de gestion du temps. Christophe Deschamps pose dès lors la question de ce qui mérite vraiment notre attention :

Le fantastique pouvoir hypnotisant du web, le stress qu’il induit en retour, peuvent-ils être nocifs à notre santé. (…)Le web peut-il nous fasciner au sens propre du terme et capter notre attention au point que nous en oubliions de la porter vers nous-même ? Et donc ce pouvoir doit-il être contrebalancé par des moments (quotidiens, hebdomadaires) de prise de distance, de retour sur soi, de méditation en somme. A moins que le web ne finisse par secréter son propre antidote et par constituer une voie spécifique de méditation en action, allez savoir ce que notre cerveau est capable d’en faire à l’usage…

Christophe Deschamps préconise d’ailleurs ce retour sur soi par la méditation et rappelle son rôle quelque peu oublié et qui est surtout devenu l’apanage de la religion. Or la prise de soin de soi-même mériterait déjà une plus grande ampleur face à un marché du travail stressant et des rythmes qui empêchent cette prise de distance. Il s’agit d’une culture de soi qui pourrait être développé afin que l’individu puisse garder un regard extérieur et critique sur ces actions. Nous avions vu précédemment que le Personal Knowledge Management permettait cette mise à distance vis-à-vis du lieu de travail en s’inscrivant dans des communautés de pratiques qui permettent de continuer à se former en gardant une indépendance. Mais cette indépendance n’est possible que par cette capacité à opérer la skholé, dans le sens de capacité d’arrêt. Il nous semble ici que l’exercice de la skholé est utile au travail et permet à l’individu de se situer entre besoin d’information et besoin d’affirmation.


Une culture technique face à un usage d’outils prescrits

La tendance la plus prégnante est celle qui consiste à procéder par mimétisme et volonté d’adaptation, en optant pour des stratégies qui reposent principalement sur des outils. Cette stratégie, qui nie souvent les besoins des salariés ou usagers, est fréquente. Elle le devient d’autant plus que très souvent, interdiction est faite d’implanter de nouveaux outils et avec eux d’autres usages au sein de l’environnement de travail. La culture de l’information en entreprise se trouve aux prises avec un obstacle qui est celui de la sécurité informatique ou des représentations des managers qui craignent une dispersion et une perte de productivité du fait des nouveaux outils comme les messageries instantanées, les réseaux sociaux, les wikis et blogs. La culture de la collaboration et de l’échange n’est pas réellement développée et la méfiance prédomine par rapport en la confiance vis-à-vis de ces nouveaux outils.

De plus, il se produit une forme de « monstruosité technique » qui consiste à acquérir un nouveau logiciel comme un remède à un éventuel problème détecté. Il se produit alors une « excroissance du code » comme le note Christian Fauré. La technique étant perçue comme un palliatif, un remède qui soigne mais qui ne guérit pas vraiment et qui au final devient tout autant un poison. En effet, cette excroissance monstrueuse participe d’une tératogenèse informatique qui au travers d’une apparente simplicité, mise en œuvre et illustrée notamment par des schémas conduisent à une hyperspécialisation des informaticiens qui finissent par ne plus comprendre l’ensemble. Les capacités d’architecture de l’information deviennent alors rares face à une montée en puissance de la prolétarisation des informaticiens.

Il se produit une dépossession continue qui s’effectue avec le transfert du savoir faire dans la machine ou le logiciel. Une prolétarisation grandissante y compris dans les services informatiques, ce que dénonce également Christian Fauré :

Ce qui se perd (…) c’est le savoir-faire et la connaissance critique. Et cela est d’autant plus vrai du point de vue de l’architecte qui doit penser l’articulation entre des composants du système d’information. On ne peut pas être architecte (que ce soit de l’architecture réseau, applicative ou même de l’architecture des données) en étant incapable de porter un regard critique. Cela passe nécessairement par la capacité à discuter et à émettre des avis critiques, ce que ne sont pas capables de faire les experts techniques maîtrisant les solutions d’un seul éditeur de logiciel.

Dans les propos de Christian Fauré, nous retrouvons l’importance de la culture technique de Simondon, avec cette capacité critique vis-à-vis de la technique et les possibilités d’innovation et de compréhension de l’ensemble, c’est-à-dire du milieu associé. Or, de plus en plus, les informaticiens deviennent spécialistes d’un type d’applications voire d’un seul logiciel et au final deviennent mineurs face à la technique. Cette position semble moins fréquente avec les spécialistes des logiciels open source. Nous avions d’ailleurs précédemment montré cette proximité entre la culture « hacker » et la culture technique de Simondon.

De l’information à la culture

Il s’agit de passer de l’information vue comme une matière première à une culture davantage basée sur une construction à la fois individuelle et collective. La culture de l’information doit alors se penser autant comme une culture personnelle (qui ne cesse de se construire) que comme une culture collective et collaborative au sein de l’entreprise ou de l’organisme mais également via d’autres communautés de pratiques et d’apprentissage

 

Références :

Franck BULINGE. Pour une culture de l’information dans les petites et moyennes organisations : un modèle incrémental d’intelligence économique. Thèse de doctorat en information communication. Université de Toulon et du Var, 2002 < http://bulinge.univ-tln.fr/Franck_Bulinge/These/These.pdf>


Christophe DESCHAMPS. Faire attention à l’Attention. In Outils froids. Billet du 19 avril 2009. Disp. sur :
<http://www.outilsfroids.net/news/faire-attention-a-l-attention#ixzz0DUOms8RN&A>

3 Christian FAURE. Le style d’architecture SOA. In Christian Fauré. Billet du 8 octobre 2008. <http://www.christian-faure.net/2008/10/08/le-style-darchitecture-soa/>

4Christian FAURE. La prolétarisation dans les sociétés informatiques. in Christian Fauré. Billet du 14 mars 2009. Disp. sur : <http://www.christian-faure.net/2009/03/14/la-proletarisation-dans-les-societes-informatiques/#more-1025>

La redocumentarisation et l’intelligence collective

Frédéric Lefebvre a un secret. Il est capable à lui tout seul de déclencher des tempêtes de réactions collectives rien qu’avec la moindre des ses gaffes.
Il est le cinquième élément de twitter.
C’est un générateur de « même » impressionnant, une expression dispersée qu’un hashtag permet de rassembler.
Tout est parti de là

Ensuite, le hashtag #bibliolefebvre est apparu…et chacun a tenté alors de participer.
Voici le document qui récapitule en partie de ce mouvement d’intelligence collective. Pour rappel, tweetdoc permet de générer des pdf qui reprennent l’ensemble des tweets mentionnant le même hashtag ce qui permet un bel effet de redocumentarisation. Cela prouve aussi que le document constitue de plus en plus un produit final, une téléologie sur les environnements numériques plutôt qu’un commencement.
Même l’intéressé au final a lui même reconnu et utilisé le hashtag.

Désormais, la question est posée, comment générer de tels mouvements en aussi peu de temps pour des missions plus généreuses et plus porteuses à long terme ?
Une des leçons de cette histoire, c’est quand le projet est lancé de manière calculée et par quelqu’un qui parait trop intelligent, la foule peut avoir le sentiment qu’elle n’a pas les moyens de suivre. Le spontané réclame du « décomplexifié » (barbarisme personnel). A méditer pour la suite…

Learning center : l’Education dans un monde meilleur parce que vous le valez bien

Au lycée de Salmon&Tacon, tout va pour le mieux. La bibliothèque du comté a été fermée afin que l’argent public soit enfin mieux utilisé. En effet, la priorité c’est désormais l’Education. Plus question de laisser les élèves s’ennuyer en cours, c’est contreproductif. La solution a été trouvée avec l’élimination de la source d’ennui : les profs. Il n’y en a pratiquement plus. Je ne sais pas combien de temps, il aura fallu pour qu’on comprenne que l’Education sans les profs, c’était beaucoup mieux. On a juste gardé, Miss Jellyfly qui est désormais chargé d’importantes responsabilités au bar interactif du nouvel équipement. Le directeur Mr. Whale est fier de sa création : son gigantesque learning center qui a remplacé l’intégralité des anciennes salles de cours.
L’argent économisé a servi pour l’acquisition des centaines de machines dernier cri qui sont régulièrement renouvelées d’ailleurs. L’éducation étant prioritaire, aucun ordinateur ne peut avoir plus de deux ans. Mr Whale y tient surtout que le partenariat avec l’équipementier rottengrany est avantageux. Le contrat type permet une uniformité des machines et des réductions sur les coûts de maintenance et surtout Mr Whale a intelligemment négocié la fourniture gratuite des uniformes des lycéens qui arborent fièrement leur t-shirts verts barrés du logo de la marque. Mr Whale très soucieux du pédagogique songe même à aller plus loin, le lycée pourrait porter le nom de la marque à la rentrée prochaine. Le rottengranny Salmon&Tacon serait un des pionniers en la matière. En échange de ce changement de nom, les locaux administratifs seront entièrement rénovés, autant d’économie pour l’école.
Car le credo, c’est investir dans une éducation rentable. Les frais de scolarité ont été certes augmentés mais les taux de réussite sont nettement meilleurs. Les tests le prouvent, quasi 100 % de réussite à tous les tests qui sont d’ailleurs mis au point par la société Troutsoft. L’avantage est évident, plus besoin d’enseignants pour produire les évaluations et les corriger.
L’ambiance au learning center est studieuse. Miss Jellyfly y veille. Chacun doit bien avoir son t-shirt avec soi et le matériel réglementaire. Pas question de ramener du matériel de l’extérieur. Les ouvrages papiers sont tous contrôlés à l’entrée, on craint la contamination par les virus contenus dans les vieux papiers. L’Education est une chose trop sérieuse pour qu’on laisse rentrer en son sein des sources de contaminations. Mr Whale a engagé Mr Orca, ancien militaire, pour réaliser ce travail très important pour la communauté éducative. Le message est passé auprès des élèves, qui n’amènent désormais plus rien de prohibé au sein des locaux. Encore une belle réussite pour Mr Whale.
Tout le monde est donc connecté en permanence dans la joie et la bonne humeur. On s’active et surtout on réussit ! Et tout cela grâce aux ordinateurs et aux nouveaux logiciels. Samantha est tout heureuse : « les ordinateurs sont de plus en plus performants, cela me permet de réussir des tests plus difficiles sans trop d’efforts ». C’est aussi le cas de Kévin qui vient d’accéder à un très haut niveau de philosophie après 7 heures passées devant le programme brainphilosopherkillers. Le programme donne envie de travailler : pas de lecture fastidieuse mais de la grande interactivité. Des élèves heureux et qui ne s’ennuient pas ! On gagne toujours aux tests, fini l’échec scolaire : l’Ecole est enfin au service de la réussite. Ici, on apprend en autonomie ou avec ses camarades…et surtout à son rythme grâce aux machines et aux programmes individualisés qui mènent chacun à la réussite pour tous les tests. De toute manière, la réussite est obligatoire, c’est dans la charte de l’établissement qui reproduit la directive gouvernementale. Les machines sont ergonomiques et étudiées pour que les élèves puissent rester connectés pendant des heures sans avoir de mal de dos. Fish&wood design est l’équipementier des learning centres. L’ amitié du président de l’entreprise avec le ministre a permis aux établissements d’importantes réductions. L’occasion de saluer l’investissement une nouvelle fois personnel du ministre et le dévouement à la cause éducative du directeur de Fish&Wood. Miss Jellyfly est aux anges, le mois a été excellent. Elle veille à ce que les temps de présence dans l’établissement soient les meilleurs possibles. Fini l’absentéisme, vive le présentéisme massif. Miss Jellyfly n’est pas rémunérée par l’établissement mais par les commissions et les ventes qu’elle réalise au bar. Les élèves ont souvent besoin de se rafraîchir et de prendre des éléments caloriques pour pouvoir réussir leurs tests. Plus ils restent connectés, plus ils consomment. Mais les prix sont très abordables et les parents conscients de l’importance des études et des sacrifices à réaliser pour leurs enfants. Cela permet aussi de financer les voyages pour les concours internationaux entre les rottengranny schools.

Face à une telle réussite : tout le monde est content. Le ministre est ravi des chiffres qui lui parviennent et qui démontrent des performances incroyables dans ces sociétés informationnelles. De tels graphiques devraient l’entrainer à de plus hautes fonctions et ce n’est que justice. Une société hautement civilisée nous attend. Il faut dire qu’il n’a pas ménagé ses efforts notamment contre ceux qui empêchaient le progrès pédagogique : les professeurs, les bibliothécaires, et pire les hybrides inclassables les professeurs-documentalistes et leurs CDI, bref ces vieilles fonctions et manières de faire aujourd’hui désuètes et dont les taux de réussite démontraient bien l’inutilité totale. Le plan :  « Get out, poor dumb teacher » a plutôt bien fonctionné. Il a été établi en plusieurs étapes, d’abord en supprimant la formation des professeurs, puis petit à petit en remplaçant les profs par des ressources en ligne. Que la marche vers le progrès fut longue et difficile mais désormais ces temps difficiles sont derrière nous !
 
Mais Mr Whale est soucieux, il aimerait bien assurer son budget pour la rentrée prochaine car les ressources en ligne de la société éducationnelle Coldfish ont augmenté et notamment les ressources de haute performance qui sont indispensables si le lycée veut conserver son label « Pédagogie de l’excellence » accordé par le ministère qui a tant fait pour le progrès éducatif ces dernières années. Heureusement, une de ses élèves est en finale pour le concours de Miss grannyschool. Si elle gagne, elle permettra au lycée d’empocher une jolie somme et surtout cela permettra de nouvelles inscriptions grâce à la publicité générée gratuitement via les médias. On comprend que pour Mr Whale la réussite de ses élèves est à terme clairement la réussite de son établissement. Les meilleurs de ses élèves contribuent beaucoup au succès de ce modèle. Ainsi les communautés d’élèves, les Rolexbrothers et les Vuittonssisters montrent bien l’importance de l’éducation. Ces groupes d’élèves ne quittent que rarement le learning center car il s’agit d’acquérir le maximum de réussite aux tests afin d’obtenir de belles récompenses grâce aux cadeaux offerts. La devise des Rolexbrothers est claire et démontre une belle motivation : « si tu n’as pas de Rolex à 17 ans, c’est que tu as un peu raté ta vie ». Ces groupes motivent fortement les autres élèves qui rêvent d’accéder aussi à ce niveau culturel. On comprend ici toute l’importance de l’émulation.
 
Le progrès est tel que les futurs élèves en âge d’aller voter feront nécessairement le bon choix. En effet, grâce à un nouveau programme « Anglebrain » prévu à cet effet qui cherche à perfectionner la démocratie, leur choix sera nécessairement le bon. Nul doute qu’ils seront également récompensés comme il se doit.