Le dieu google

L’emprise de Google devient préoccupante. Peut-être parce qu’il ressemble à un dieu…

Le terme employé est volontairement provocateur mais il est vrai que le statut du moteur de recherche est tel que je suis tenté d’examiner son caractère divin.

Les adeptes de Google sont nombreux et j’en fais partie. Une "religion Google " semble même se former. En effet une religion est étymologiquement ce qui relie. Et c’est ce que fait le moteur en nous reliant dans nos pratiques et en servant de lien entre nous et des sites. Nous lui demandons beaucoup comme s’il était omniscient, comme s’il connaissait toute l’immensité de l’Internet. Or c’est faux : certaines zones lui sont encore ignorées : notamment ce qu’on appelle le web invisible. Mais le moteur gagne du terrain et l’invisible devient de plus en plus visible.

Etonnant aussi le fait qu’Aristote et notamment son interprétation via Averroès parle de Dieu comme du moteur immuable ou bien encore du premier agent…

Immuable c’est discutable car il est probable que l’algorithme de Google est fluctuant. De plus la renommée de Google va en s’accroissant. Le triomphe du site s’était fait par le bouche à oreille. La « bonne parole » avait ainsi circulée. Les initiés avaient convaincu alors les néophytes. Et le paganisme d’Altavista allait s’en ressentir. Google c’est le monothéisme informatique. Et comme tout Dieu, il a ses saints et ses Eglises. Google n’est plus seulement un moteur, c’est aussi une barre de recherche à télécharger, un moteur qui recherche sur votre disque dur, un système de blog (http://www.blogger.com/start), un service webmail performant (http://gmail.google.com) et bien d’autres encore. Google va bientôt finir pas incarner le web à moins que ce ne soit l’inverse.

Le plus inquiétant dans cette idolâtrie vient du comportement de mes élèves. A croire qu’il y a quelque chose de vraiment magique dans Google.

En effet malgré la formation, certains de mes élèves de cm2 commencent déjà à devenir des adeptes de Google à tel point que dans leur esprit Google est à la fois un moteur, un navigateur et tout ce qui est possible d’imaginer. ! Malgré le fait de travailler sur différents navigateurs, traitements de texte et d’user de plusieurs moteurs de recherche, s’il ne devait retenir qu’un seul mot après Internet c’est « Google ». Décidément Benoit XVI est bien dépassé. Les humains utilisent déjà plus Google qu’ils ne prient. A moins qu’utiliser Google ne soit une forme de prière ?

 

Il est vrai que ce moteur est parfois vraiment étonnant. Certains sites donnent les clefs pour user de requêtes opportunes sur le moteur afin d’accéder à des données théoriquement confidentielles. A croire que plus rien ne va être invisible au moteur. Par ce biais nous sommes parvenus à prendre le contrôle de plusieurs caméras de surveillance un peu partout sur la planète ! Google a ainsi ses initiés : ceux qui savent l’utiliser au mieux, ceux qui pensent connaître le secret de l’algorithme, ceux qui savent bien se faire référencer par son biais, etc. S’il n’y a pas vraiment de bible Google, il y a déjà une kabbale.

Il est vrai que l’on ressent un certain plaisir à taper son propre nom dans le moteur et de voir apparaître des réponses. Google risque de devenir un instrument de mesure de l’importance d’une personne au sein du cyberespace. Et la question : « T’es pas dans Google ? » va devenir croissante. Etre ou ne pas être ? Telle est la question.

Il est vrai que Google est le meilleur. Malgré les critiques que l’on peut émettre la société (l’Eglise ?) propose des services supérieurs aux autres. Et il ne sert à rien de le déplorer. Si on veut mettre fin à sa suprématie ( près de 80 % des recherches sur les moteurs en France passent par Google : http://www.barometre-referencement.com/) il faut être au moins aussi bon. Et s’il n’y avait que le moteur !

Le service mail de Google dont je suis devenu adepte est redoutablement efficace. Finalement mes CM2 ne font peut-être qu’anticiper. Google pourrait bien devenir aussi un navigateur en plus d’un moteur et d’un service mail. Et puis pourquoi pas un système d’exploitation ? Pierre Lévy y verrait dans ses délires la suprématie du virtuel sur le réel. Mais tout en désormais envisageable.

Alors on a beau parler de Kartoo, ou d’Exalead aux usagers. Rien n’y fait. Le paganisme ne semble pas en vogue dans cette sphère. Faut-il résister alors ? Des projets en open source voient le jour : Nutch : http://incubator.apache.org/nutch/ ou bien encore Frutch http://frutch.free.fr/ mais tout cela est loin d’être encore abouti.

Seulement ces projets posent les bonnes questions. Google n’est qu’un télescope du web. Il nous renvoie sa propre vision, une vision non humaine. Le site [spider-simulator->http://www.spider-simulator.com]/ montre comment les robots des moteurs voient en fait votre site.

De plus nous ne savons pas exactement quels sont les critères exacts que Google retient. Et cette invisibilité est antidémocratique.

Il nous faut donc rester vigilant pour garder notre point de vue indépendant.

Google n’est pas obligatoirement un miroir à moins que vous ne le percevez comme le Dieu de Maître Eckart : « Dieu nous voit avec le même regard que nous portons sur lui. »

 

Bibliographie :

P.S

Vous pouvez retrouver le Dieu Google sous forme de BD : Dieu google

Un article intéressant sur la question de S. Genevois. :

LUTTONS CONTRE LA « GOOGOLISATION » DE L’INFORMATION !

http://sgenevois.free.fr/googolisation.htm

 

 

Article publié sur l'ancien site :

http://membres.lycos.fr/ledeuff/gde/article.php3?id_article=27

 

La nécessité de former à la documentation

Les adeptes du bookcrossing mettent un peu de nostalgie dans nos anciennes méthodes de recherche. Autrefois nous cherchions au sein de la bibliothèque parmi les rayons le livre qui allait nous faire vibrer. Parfois un nom d’emprunteur sur une carte pouvait nous convaincre de notre bon choix. Il est encore possible heureusement d’errer et de chercher par hasard un livre intéressant. Nos recherches sur Internet peuvent parfois s’avérer également fructueuses par le jeu d’un pur hasard. (concept de serendipité d’Olivier Ertzscheid)

Cependant le déplacement physique pour accéder au document se fait rare, d’où l’intérêt du bookcrossing qui peut nous entraîner d’aventures en énigmes et dont le but final est un livre. En quelque sorte c’est un moyen de retrouver la valeur des choses. Mais il faut dire que ce petit jeu n’exclut par le monde d’Internet puisque les indices pour retrouver le livre figurent souvent sur un site. Une nouvelle hybridation fort intéressante qu’il faudrait peut-être étudier pour inciter les élèves à la lecture. Quoique ce ne soit pas gagné car l’élève risquerait d’adopter un comportement similaire à celui d’Internet. Il croira sa tâche finie une fois le livre en main. Erreur de novice qui n’a pas encore acquis la sagesse. Cela reviendrait à trouver un coffre contenant des richesses et à ne jamais l’ouvrir. Et pourtant nombreux sont ceux qui après une errance sur les océans du cyberespace sont fiers lorsqu’ils pensent avoir atteint leur but. Le non-initié imprime et puis pense avoir achevé sa quête grâce à l’intercession du dieu « Google ». Mais le saint Graal est ailleurs : dans la lecture et l’analyse processus nécessaire dans l’acquisition de la connaissance. En effet l’accès à l’information autrefois physiquement situé devient désormais plus aisément accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté au réseau Internet. Mais si autrefois le filtrage était effectué au sein de la bibliothèque et du centre de documentation, ce n’est plus le cas quand l’usager est en complète situation d’autonomie. Bref comme le dit Martin Lessard : la barrière s’est déplacée de l’accès du document à son traitement.

Un tâche difficile qui nécessite une culture et une formation adaptée. Il est évident que c’est au sein de cette sphère formative que les spécialistes des documents vont devoir s’investir pleinement pour faire acquérir aux élèves, étudiants et usagers les moyens de s’y retrouver. La difficulté est grande car la tentation de passer outre les conseils du professeur, du documentaliste ou bien encore du bibliothécaire est forte. Une mission rendue d’autant plus difficile que les qualités de lecture sont clairement en baisse chez nos élèves du fait des nombreuses concurrences cathodiques et ludiques. A cela s’ajoute le besoin de rapidité qui devient permanent alors que le temps d’apprentissage s’avère impossible à éluder. Un travail qui doit s’accompagner également de l’exercice critique et du développement des qualités citoyennes.

En clair nous ne pouvons plus continuer à bricoler. Il faut que les autorités nous donnent les moyens et incluent dans les référentiels de compétences et autres programmes la formation documentaire. Il faut des professeurs de documentation ! Il faut des heures dans l’emploi du temps ! Evidemment cela signifie apparemment encore rajouter. Mais il s’agit surtout de créer des fondations sans quoi le reste des programmes restera sans incidence pour nos élèves.

Certains diront que la documentation n’est pas une discipline. Peut-être. Mais doit-on garder alors nos savoirs sous ce seul prétexte ? Car il est évident que nous avons des choses à faire apprendre et que d’ailleurs nous tentons de le faire. Mais ce n’est pas toujours évident car nous le faisons sans cesse dans l’urgence. Hors la formation documentaire demande du temps et de la réflexion.

Il faut dès lors nous donner réellement les moyens d’accomplir au mieux notre mission.