Les adeptes du bookcrossing mettent un peu de nostalgie dans nos anciennes méthodes de recherche. Autrefois nous cherchions au sein de la bibliothèque parmi les rayons le livre qui allait nous faire vibrer. Parfois un nom d’emprunteur sur une carte pouvait nous convaincre de notre bon choix. Il est encore possible heureusement d’errer et de chercher par hasard un livre intéressant. Nos recherches sur Internet peuvent parfois s’avérer également fructueuses par le jeu d’un pur hasard. (concept de serendipité d’Olivier Ertzscheid)
Cependant le déplacement physique pour accéder au document se fait rare, d’où l’intérêt du bookcrossing qui peut nous entraîner d’aventures en énigmes et dont le but final est un livre. En quelque sorte c’est un moyen de retrouver la valeur des choses. Mais il faut dire que ce petit jeu n’exclut par le monde d’Internet puisque les indices pour retrouver le livre figurent souvent sur un site. Une nouvelle hybridation fort intéressante qu’il faudrait peut-être étudier pour inciter les élèves à la lecture. Quoique ce ne soit pas gagné car l’élève risquerait d’adopter un comportement similaire à celui d’Internet. Il croira sa tâche finie une fois le livre en main. Erreur de novice qui n’a pas encore acquis la sagesse. Cela reviendrait à trouver un coffre contenant des richesses et à ne jamais l’ouvrir. Et pourtant nombreux sont ceux qui après une errance sur les océans du cyberespace sont fiers lorsqu’ils pensent avoir atteint leur but. Le non-initié imprime et puis pense avoir achevé sa quête grâce à l’intercession du dieu « Google ». Mais le saint Graal est ailleurs : dans la lecture et l’analyse processus nécessaire dans l’acquisition de la connaissance. En effet l’accès à l’information autrefois physiquement situé devient désormais plus aisément accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté au réseau Internet. Mais si autrefois le filtrage était effectué au sein de la bibliothèque et du centre de documentation, ce n’est plus le cas quand l’usager est en complète situation d’autonomie. Bref comme le dit Martin Lessard : la barrière s’est déplacée de l’accès du document à son traitement.
Un tâche difficile qui nécessite une culture et une formation adaptée. Il est évident que c’est au sein de cette sphère formative que les spécialistes des documents vont devoir s’investir pleinement pour faire acquérir aux élèves, étudiants et usagers les moyens de s’y retrouver. La difficulté est grande car la tentation de passer outre les conseils du professeur, du documentaliste ou bien encore du bibliothécaire est forte. Une mission rendue d’autant plus difficile que les qualités de lecture sont clairement en baisse chez nos élèves du fait des nombreuses concurrences cathodiques et ludiques. A cela s’ajoute le besoin de rapidité qui devient permanent alors que le temps d’apprentissage s’avère impossible à éluder. Un travail qui doit s’accompagner également de l’exercice critique et du développement des qualités citoyennes.
En clair nous ne pouvons plus continuer à bricoler. Il faut que les autorités nous donnent les moyens et incluent dans les référentiels de compétences et autres programmes la formation documentaire. Il faut des professeurs de documentation ! Il faut des heures dans l’emploi du temps ! Evidemment cela signifie apparemment encore rajouter. Mais il s’agit surtout de créer des fondations sans quoi le reste des programmes restera sans incidence pour nos élèves.
Certains diront que la documentation n’est pas une discipline. Peut-être. Mais doit-on garder alors nos savoirs sous ce seul prétexte ? Car il est évident que nous avons des choses à faire apprendre et que d’ailleurs nous tentons de le faire. Mais ce n’est pas toujours évident car nous le faisons sans cesse dans l’urgence. Hors la formation documentaire demande du temps et de la réflexion.
Il faut dès lors nous donner réellement les moyens d’accomplir au mieux notre mission.