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L’indexation des désirs
Je me fais de plus en plus rare sur le blog, mais ce n’est finalement pas nouveau, puisque c’est le rythme que j’ai adopté depuis quelques années. Pour suivre mon actualité, le plus simple est de vous abonner à mon compte twitter, car je n’ai pas toujours le temps de bloguer toutes mes interventions ou dernières publications.
Je vous propose néanmoins de retrouver mon intervention sur l’indexation des désirs pour le séminaire international « écritures numériques et éditorialisation ». J’étais intervenu avec mon collègue David Pucheu sur le sujet Désir de profilage et profilage du désir : L’intention catégorisée. Le résumé est ici.
Vous pouvez retrouver l’intervention ici et le support de mon intervention est disponible sous slideshare. (attention quelques visuels sympathiques s’y trouvent !)
L’intervention constituait un prolongement de mon article sur les tags dans la pornosphère. C’était l’occasion de rappeler les enjeux d’importance qu’il y a derrière ces questions, tant au niveau des recherches dans le domaine des pornstudies qu’en ce qui concerne finalement les enjeux économiques et stratégiques autour de nos données personnelles et nos représentations.
Cette étude avait commencé par ce qui était surtout un pari perdu sur twitter, mais qui finalement allait se révéler bien plus intéressante que je ne l’avais envisagé initialement.
J’y reviendrai prochainement, notamment pour mieux définir ce que pourraient être ces humanités digitales d’un genre particulier, les humanités numérotiques comme les nomment Yves Citton.
Si vous voulez vous détendre pour un prix peu élevé, mon roman Hot&Steam est désormais à 0,99 euros.
L’esprit de Norman encombré par une représentation par tags.
L’attribution des primes de recherche et la partie salariale consacrée à la recherche corrélée au dépôt en open access
L’océan de la recherche française est en pleins remous. La nouvelle a provoqué quelques crises nerveuses et plusieurs chercheurs habitués au port du nœud papillon ont failli mourir d’apoplexie non sans avoir fait tomber dans leur café leur petit croissant du matin. Désormais, l’attribution des primes de recherche sera corrélée à la mise en ligne en open access d’un nombre minimal de publications qu’il reste encore à définir précisément. La loi laisse libres les modalités, mais il est probable que cela devrait enrichir considérablement les dépôts type HAL. La loi considère qu’il faut encourager fortement cette pratique en SHS qui peine à prendre pleinement la mesure de l’intérêt de l’open access. La loi concerne l’attribution des prochaines primes, mais exige également une mise en conformité pour ceux qui ont la PEDR y compris pour les éminents membres de l’IUF sous peine de suspension des conditions d’attribution.
L’évènement va faire du bruit, car il précède finalement le vote final de la loi Lemaire sur le numérique. Thierry Mandon a jugé qu’il fallait aller plus loin pour l’open access et marquer symboliquement et financièrement l’incitation afin d’avancer pleinement sur ce terrain pour que les flots de la recherche française puissent impulser une nouvelle vague. Convaincu par la tribune dans libération de quelques chercheurs et par la pétition pour une science ouverte à tous, le secrétaire d’État qui était dans une forme de nageur olympique a annoncé ce matin qu’il voulait des publications scientifiques qui soient comme des exocets et non pas des acanthoptérygiens qui restent dans les profondeurs, qu’on a bien du mal à trouver et qui quand on les trouve, font surtout peur à voir.
La loi prévoit que l’exigence porte uniquement sur les publications scientifiques ce qui devrait soulager quelques revues parisiennes de débats intellectuels nullement touchées au final par cette loi. Il n’y a donc pas d’anguilles sous roche, même si quelques directeurs de revue ont plongé dans une déprime abyssale, eux qui pensaient que parler de la plie et du beau thon suffisait pour faire de la science.
Par contre, on note un mouvement de panique en eaux troubles chez certains enseignants-chercheurs… qui ne sont pas contre l’open access mais qui ont totalement oublié qu’il fallait publier. Un maître de conférences qui prétend faire de la formation sur les plateformes en archives ouvertes va devoir déposer enfin ses propres articles… si tant est qu’il parvienne à les faire accepter comme article scientifique, ce qui n’est pas gagné.
Umberto et le complot
Mon cœur avait bien ressenti quelque chose mettant ce livre tout en haut du carton. Mais le déménagement m’obligeait à le faire. Au moins, je savais que je n’aurais aucun mal à remettre la main dessus une fois le carton ouvert.
Cet ouvrage, de l’arbre au labyrinthe, était un de ceux d’Umberto Eco qui m’avaient le plus marqué. Celui-là finalement, je l’avais lu très récemment. Je ne savais pas qu’en refermant le carton, quelques jours plus tard, c’est Umberto qui refermerait son existence charnelle. Car Umberto va survivre chez ses innombrables lecteurs, chez ses interprètes, chez ses traducteurs (et donc traîtres), chez ses mauvais épigones (l’épigone est toujours mauvais par principe) et chez les auteurs qui comme Laurent Binet lui donne vie dans des œuvres de fiction.
J’avais rencontré Umberto de façon classique, par la lecture du nom de la rose, que je suis d’ailleurs en train de lire pour la troisième fois. Eco, ça se relit et ça se consulte, que ce soit ses travaux de recherche ou ses fictions. Et à chaque fois, on comprend qu’on est devenu un autre, et on mesure le chemin parcouru. C’est mon cas, lors de ma lecture du nom de la rose où je comprends de mieux en mieux l’ensemble des références qui parsèment l’ouvrage. Même chose pour le Pendule de Foucault… mon roman préféré, celui qui m’a le plus influencé et que beaucoup trouvent imbuvable et incompréhensible, et pourtant c’est celui que j’aime relire. Le pendule de Foucault c’est la lecture indispensable pour comprendre les théories du complot. C’est une façon romancée de montrer que la compréhension du monde ne peut être que complexe et que tenter d’en échafauder une théorie aboutit à un délire pas possible. Le concept qui fait tourner tous les autres est nécessairement réducteur, car trop efficace en apparence. Et on peut s’amuser à en inventer pleins, comme j’étais amusé à la faire sur l’affaire DSK.
Revenons au sujet sur lesquels je voulais écrire initialement sur le blog : le mythe du complot. J’avais travaillé sur ce sujet à une époque où l’Éducation Nationale s’en moquait totalement en n’ayant pas encore saisi vraiment les changements en cours autour du phénomène du web 2.0. Je plaidais pour que le concept devienne un objet d’études en sciences de l’information et de la communication et j’envisageais des pistes éducatives par la même occasion avec une prise en compte dans les enseignements pour la culture de l’information. Dans cette logique, j’avais initié le projet « Historiae : les collégiens mènent l’enquête » qui incitait des collégiens à produire un article de blog sous forme de synthèse sur des thématiques où l’information disponible sur le web était fortement hétérogène et bourrée de références complotistes. J’avais présenté le projet au premier forum des enseignants innovants. Le but était de reproduire les rencontres informationnelles faites dans des requêtes et des navigations à la maison de façon raisonnée en entrant dans l’étude de l’évaluation de l’information. Le projet a été depuis réintégré à Cactus Acide et repris un temps par Gildas Dimier au niveau de l’expérimentation.
Le ministère vient enfin de s’intéresser à cette question, mais pour de mauvaises raisons. En clair, l’injonction vient du ministère voisin : l’intérieur qui souhaite éviter les dérives contestataires ou djihadistes. Il y a donc une pression forte qui s’exerce sur l’éducation aux médias et à l’information et sur l’éducation morale et civique. La manifestation de l’autre jour avec la mise en scène de la ministre participe d’une volonté de s’emparer du problème d’une façon peu discrète, et finalement ne s’appuie pas sur les travaux de ceux qui s’intéressent à cette question, et qui en la matière se montrent plutôt prudents d’une part, et moins méprisants à l’égard de ceux qui peuvent tomber dans les excès du complot permanent.
On trouvera donc opportun de se reporter à la lecture de Franck Bulinge sur le sujet. J’avais d’ailleurs échangé par mail avec Franck en 2008 sur cet aspect. On lira aussi avec intérêt les travaux de François-Bernard Huyghe et notamment son dernier billet qui évoque aussi Umberto Eco, et plus encore son entretien pour Atlantico. Alors certes l’observatoire du complotisme est intéressant, mais il y a bien d’autres travaux que les ministères feraient bien de consulter. Je reproche parfois à mes étudiants de rechercher principalement les ressources qui affleurent à la surface du web au niveau des premières résultats de google… j’ai le sentiment qu’à ce sujet, c’est un peu pareil au niveau de nos instances parfois. Les compétences informationnelles ne sont pas toutes développées là où elles seraient nécessaires.
Vouloir faire du combat contre les théories conspirationnistes un cheval de bataille gouvernemental est perdu d’avance. C’est y aller avec les gros sabots et surtout c’est désigner des ennemis, et répondre à des personnes qui parfois voient des ennemis qui complotent par un comportement du même type. C’est un jeu qui ne mène à rien et qui ne peut que conduire à Fort-Chabrol. On ne lutte pas avec les mêmes armes sous peine d’alimenter un combat infini. L’idée de développer une armée de blogueurs était d’ailleurs une des idées les plus absurdes proférées ces dernières années. On ne peut pas lutter contre les théories du complot sous peine de rentrer soi-même dans le plan. En clair, les conspirationnistes vont vous désigner soit comme un imbécile, soit comme un participant au complot. En clair, vous êtes manipulé ou manipulateur.
Autre point, il existe une proximité forte entre ceux qui remettent en cause l’’information officielle au point d’imaginer un complot, et les méthodes d’évaluation de l’information produites par les professionnels. Le discours de la ministre y fait quelque peu référence, mais de façon trop générale et finit par pointer un ennemi classique : Internet… on notera qu’on ne parle pas de web… :
J’aborderai d’ailleurs ici une question particulièrement importante, liée directement à l’essor du complotisme, et qui est à la fois enseignée dans l’EMI, mais qui va bien au-delà. C’est, naturellement, celle d’Internet. Oui, la diffusion des savoirs est une belle chose ! Mais elle s’accompagne aussi de la diffusion de son ennemi intime : celle des théories complotistes. Dès lors, il y a un moment où nous devons affronter directement les enjeux liés à cette révolution que constitue Internet.
Le besoin de douter est essentiel, et il nous semble que ce fondement doit être conservé et défendu. Il est vrai que les théories conspirationnistes vont parfois bifurquer sur un point qui va constituer l’explication miracle et qui va devenir le liant. On peut être très censé et tomber rapidement dans des excès, car c’est potentiellement grisant, comme un passage de l’étude rationnelle à la fiction, car tout semble concorder, ce que montre bien Eco :
« La reconstitution nous prit des jours et des jours ; nous interrompions nos travaux pour nous confier la dernière connexion ; nous lisions tout ce qui nous tombait sous la main, encyclopédies, journaux, bandes dessinées, catalogues de maison d’édition, en diagonale, à la recherche de courts¬ circuits possibles ; nous nous arrêtions pour fouiller les éventaires des bouquinistes ; nous flairions les kiosques ; nous puisions à pleines mains dans les manuscrits de nos diaboliques ; nous nous précipitions au bureau, triomphants, en jetant sur la table la dernière trouvaille. » (ECO, le pendule de Foucault, 1990 p.471)
Et même parfois, il est impossible d’en être conscient :
« Lorsque nous échangions les résultats de nos imaginations, il nous semblait, et justement, procéder par associations indues, courts-circuits extraordinaires, auxquels nous aurions eu honte de prêter foi – si on nous l’avait imputé. » (Umberto Eco, idem)
La meilleure piste évoquée est celle d’une véritable formation à l’information avec un gros travail autour de l’évaluation de l’information qui ne peut se faire en quelques heures, mais qui repose sur un travail d’analyse documentaire réitéré. Une des leçons est que de toute façon, même le plus grand spécialiste peut se faire avoir s’il oublie de poser son esprit et qu’il agit par impulsion. C’est donc à la fois une question de formation de l’esprit, de culture générale, mais aussi de capacité à exercer une distance critique. Cet esprit critique est essentiel, car il participe au besoin de débattre et donc à une culture démocratique. Toute tentative pour imposer une vérité absolue et mettre au ban d’autres alternatives risque d’être vouée à l’échec si elle ne repose pas sur un travail scientifique et rationnel. Il est clair que certains esprits refusent d’emblée ce dialogue. Mais ce n’est pas en voulant imposer une manière de voir qu’on parviendra à convaincre le plus grand nombre, bien au contraire. On risque au final d’alimenter encore plus les théories du complot. Il reste à savoir quelles sont désormais les priorités : développer l’esprit critique et la capacité à débattre, ou bien de surveiller les opinions non conformes. La dernière loi sur le renseignement permet d’en douter… mais bon sans doute le risque est d’y voir encore un énième complot.
On ne sort donc jamais vraiment de la spirale complotiste. Umberto dans le pendule de Foucault pensait avoir réglé la question par l’absurde… il n’a fait qu’alimenter le complot en produisant un important travail documentaire. D’ailleurs, j’ai comme un doute. On est sûr qu’Umberto est bien mort ? Avec un peu de chance, il a été enlevé par les extraterrestres et le gouvernement nous le cache.
Au final, il ne nous reste plus qu’à en rire.
Pour mes amis enseignants et professeurs documentalistes notamment, j’ai écrit l’année dernière pour le Médiadoc, un article sur le sujet : théories du complot, faut-il en faire un objet d’enseignement ?
L’information literacy tourne-t-elle en rond ?
Cela fait plusieurs années que je travaille et étudie autour du domaine de l’information literacy. Je ne pourrais pas être présent au colloque Ecil, même si je présente une communication avec Eloria Vigouroux-Zugasti sur la digital health literacy et le public des seniors. Le colloque doit porter théoriquement une vision européenne, mais il s’agit surtout d’une vision d’essence anglo-saxonne avec ses différents courants.
Le colloque rassemble plusieurs centaines d’acteurs mais rien ne change. Ce sont toujours les mêmes auteurs anglo-saxons que l’on retrouve depuis vingt ans avec l’influence de l’Unesco qui a porté la vision Media and Information Literacy. Le colloque est d’ailleurs sous l’égide de ces deux organisations.
Ce mouvement n’avance plus théoriquement depuis des années la faute à des visions stéréotypées et à une domination anglo-saxonne insolente qui en devient gênante y compris au niveau de l’IFLA où on a bien ressenti de la lassitude à ce niveau lors du dernier colloque, en témoignent quelques tweets durant le congrès de la part des collègues français.
On sait aussi que c’est au sein de ces logiques anglo-saxonnes que l’inspection générale de la documentation avait tenté de trouver des appuis pour la politique des learning centers.
Or, le seul moyen pour percer dans le domaine est d’écrire en anglais, d’écrire en anglais et encore d’écrire en anglais. Je sais que les seuls articles que j’ai écrits en anglais sont les seuls vraiment lus dans le domaine. Et pourtant, ce ne sont pas les meilleurs.
Il faut certainement penser à une autre voie, mais cela semble peu aisé, tant l’influence des modèles est totalement ancrée à l’international et que le choix de la Media and Information Literacy devenu EMI en France n’augure rien de bon si ce n’est de nouveaux enjeux de pouvoir qui place certains acteurs du domaine sur le devant de la scène.
Plus inquiétant, cela marque aussi une limite en ce qui concerne les organisations internationales qui perdent peu à peu en légitimité et qui bénéficient à ceux qui savent s’en servir au mieux.
Il reste cependant une piste, celle de faire renaître la Fédération Internationale de Documentation (la seule page wikipédia est en anglais), créée par Paul Otlet et dissoute en 2002 et de la construire sur des bases plus proches d’une logique d’un réseau distribué. Je promets d’y réfléchir cette année…
Un treizième mois pour les enseignants-chercheurs !
La nouvelle est arrivée comme une dizaine d’exocets atterrissant sur le pont d’un vieux cargot rouillé ou d’un vieux gréement vermoulu. Mais ce n’est plus qu’une question d’heures. Le projet de renouvellement de l’enseignement et de la recherche prévoit notamment le paiement d’un treizième mois pour tous les enseignants-chercheurs, maîtres de conférences et professeurs, et ce à partir de la rentrée prochaine (en plus des éventuelles primes).
Cette décision intervient après le constat que les enseignants-chercheurs parvenaient en fait à réaliser au moins un mois supplémentaire de travail pendant l’année. Un exploit qu’il fallait gratifier au nom du travailler plus pour gagner plus. Même si le leitmotiv était différent pour des questions politiques : on préfère arguer que l’on souhaite récompenser l’investissement au service du collectif, du besoin des étudiants et de la participation à une communauté de savoirs. En tout cas, nul doute qu’avec ce projet, le thon est donné par le gouvernement. Ce projet a été imaginé par Geneviève Fioraso et ce de longue date, elle qui a du hélas quitté ses fonctions alors qu’elle avait su si bien entendre les doléances de la communauté en tant que poisson-pilote d’une recherche basée sur l’excellence et surtout la convivialité sans la moindre anguille-sous-roche. Qu’elle en soit remerciée, et nulle doute que les enseigneurs-chercheurs sauront lui reconnaître ce cadeau d’adieu ainsi qu’à Anchois Hollande, qui a voulu prendre une décision symbolique.
Le treizième mois est un véritable treizième mois, plafonné toutefois à 3000 euros net maximum pour ne pas mettre en péril les finances publiques. Mais cet effort louable marque la prise de conscience qu’être à la fois, enseignant, responsable de formation, chercheur et responsable de projet méritait un petit coup de pouce afin qu’il y ait davantage de bonheur et d’allégresse à travailler tous les week-ends. Finies donc les jérémiades et autres plaintes du dimanche soir contre des lieus noirs de la recherche, désormais c’est avec l’impression d’avoir retrouvé une certaine légitimité que nous continuerons à faire notre travail et à déposer des projets de recherche pas souvent acceptés, mais nous resterons muets comme des carpes en cas d’échec. Car ce n’est pas pour l’argent qu’il faut saluer cette décision, mais c’est surtout pour la prise de conscience du temps de travail et d’investissement personnel réalisé au nom de l’intérêt général et j’oserai dire du bien commun. D’ailleurs, le collectif Saumon La Recherche a salué la nouvelle avec un enthousiasme digne d’un pécheur à la ligne remontant enfin un beau specimen après des heures de disette.
Comme la science française se porte bien, cela vient couronner la récente mise en place des nanofishs ces petits poissons qui viennent détruire les éléments polluants de nos rivières et océans. Avec un peu de chance, c’est devant des plages propres et des mers superbes que nous aurons la chance, nous enseignants-chercheurs, de pouvoir passer un quatorzième mois dans l’année, entièrement consacré aux vacances.
On va vraiment se sentir comme des poissons dans l’eau ! Personnellement, ça m’a donné envie de remettre le turbot !
Série « retour vers le futur de 1985 » E02 « déguisée comme un arc-en-ciel »
Nous voilà de retour pour le second épisode de notre série décalée. J’avais consacré un épisode hors série à Cabu, et je reprends le fil de façon plus détendue aujourd’hui.
Il y a trente ans, la première place du TOP 50 allait voir en février l’arrivée à la première place d’un tube finalement de saison, car il pleut beaucoup, il fait froid et on a besoin d’un peu de soleil dans nos vies : and when the rain begins to fall avec Jermaine Jackson et Pia Zadora, un clip sous forme de duels à moto, où rétrospectivement on trouve que les méchants font drôlement sympas. En janvier et février 85, la période était très froide et la neige assez fréquente si je me souviens bien.
Côté français, Peter et Stone n’ont besoin de rien, tandis que Téléphone rêve d’un autre monde… ce qui finalement ne change pas trop pour nous actuellement.
A noter qu’on venait de fêter quelques semaines auparavant, l’anniversaire de Jacky… qui se retrouvait symboliquement en prison.
L’ambiance était à la rigolade, on ignore encore que plusieurs changements vont se produire dans les années suivantes. La question sociale est déjà là bien évidemment et Apostrophes consacre un sujet entre les relations entre l’argent et le pouvoir. Rien n’a changé, si ce n’est que c’est pire désormais et Bernard Pivot semble débuter son émission en se demandant si la question continuerait à se poser quelques années plus tard.
Plus inquiétant est le sketch de l’ombre joué par Francis Perrin qui prend davantage de sens, si on songe que cette ombre pourrait être celle de notre présence numérique et que les policiers décrits dans le sketch, ceux qui sont du côté du nombre, ressemblent fortement à ceux qui veulent traquer nos moindres faits et gestes, faisant de nous de permanents suspects potentiels.
Je finis par une note plus positive avec une chanson emblématique de l’époque, car elle retraduit pas mal d’effets de mode également. Un style 80 à tous niveaux, celle d’une époque déguisée comme un arc-en-ciel, comme la petite lady qui est devenue grande aujourd’hui. Vivien Savage était 23ème du top 50 le 10 février 1985, mais on a bien conservé cette chanson tatouée dans nos cœurs depuis :
On notera à nouveau la métaphore de l’enfermement dans le clip… Comme quoi, la tendance semble comme pressentir de futures libérations à venir après le développement des radios libres. Pour nous, sous couvert de libertés d’expressions, on a le sentiment que c’est bien sa privation qui est en marche. Alors si notre petite lady est cette liberté, ne la laissons pas partir avec un légionnaire en perm….
La documentation dans le numérique est parue !
Suite de l’actualité chargée avec la parution d’un nouvel ouvrage : la documentation dans le numérique chez les Presses de l’Enssib. A quelques mois près, j’aurais été bien capable de mettre digital à la place de numérique, mais ce sera une affaire à suivre prochainement. Je remercie toute l’équipe de l’Enssib pour cette publication notamment Thierry Ermakoff et toutes celles et ceux qui ont participé à la relecture, aux corrections et à la mise en page de l’ouvrage.
L’introduction est en ligne. Pas mal d’aspects théoriques et pratiques qui se mêlent. Des thématiques qui me tiennent également à cœur.
L’ouvrage est de couleur verte, couleur de l’espoir par excellence. Il n’y a pas que du texte, il y a également quelques schémas et illustrations dont beaucoup sont sous licence CC… ce qui signifie que vous pouvez les réutiliser comme bon vous semble. J’ai retenu ici la leçon de mon précédent ouvrage du Tag au like où plusieurs lecteurs me l’avaient demandé.
Je signale que je présenterai l’ouvrage au mois de mai à l’Enssib, le mercredi 12 . Au menu également séance de dédicaces et bisous, enfin tout ce que vous voudrez ou presque ! Les professeurs-documentalistes et aspirants professeurs-documentalistes sont donc particulièrement bienvenus.
Voici le sommaire détaillé du contenu de l’ouvrage :
Chapitre I.
La documentation :
un héritage à développer
- L’héritage théorique et idéologique : une culture de l’accès et un processus de rationalisation
- Les trois dimensions du mot document
- La documentation et la naissance d’une culture de l’information
- L’héritage technique : la documentation dans l’histoire des outils de traitement de l’information
- Une documentation encore d’actualité
- La relation à l’informatique et au numérique
- Y a-t-il une menace numérique pour la documentation ?
- Une culture numérique à adopter
- L’exemple des métadonnées et de leur évolution comme symbole de l’évolution actuelle au sein du numérique
- Quelles collections à l’heure du numérique ?
Chapitre II.
Les permanences documentaires
- La permanence du texte
- L’hypertexte et ses liens avec la documentation
- Le maintien de compétences documentaires classiques
- Traitement de l’information, veille et curation
- La curation : des techniques et méthodes clairement documentaires
- Le portail type Netvibes : un outil documentaire à faire évoluer
- Traitement de l’image, de la vidéo : des besoins documentaires
Chapitre III.
L’information comme nouveau paradigme ?
- Des problèmes définitionnels
- Le cas de la société de l’information
- L’information sous les deux faisceaux des Lumières
- L’influence de la théorie de l’information de Shannon et Weaver
Chapitre IV.
Appréhender le web
- Retour sur le web 2.0
- Les usagers au service des usagers ?
- Des modèles basés sur la popularité
- Le cas des folksonomies
- Le cas de la bibliothèque 2.0
- Outils ou modélisations ?
Chapitre V.
Des espaces numériques en évolution constante
- Web documentaire et le document face au numérique
- Légendes et commentaires : vers quels savoirs ?
- Qu’est-ce qu’une bibliothèque numérique, au juste ?
- Quelles logiques classificatoires et quelle sémantique des données ?
- Web sémantique et web de données : quel rôle pour la documentation ?
- Les ontologies
Chapitre VI.
Faciliter l’accès à l’information et à la connaissance
- Quels services et quelles missions ?
- La question de l’accès à l’information. Un accès intellectuel autant que physique
- La question de la médiation
- et de la médiation numérique
- Médiation, désintermédiarisation et milieux associés
Chapitre VII.
Usages et Usagers
- Le mythe de l’autonomie
- Que sont les usages ?
- Quand usage ne signifie pas culture
- Une grande diversité d’usagers
- L’usager acteur ou l’idéal du web 2.0
- Le non-usager
- Le cas des jeunes générations et des publics adolescents
Chapitre VIII .
Formation et culture de l’information
- Six enjeux dans un contexte
- de convergence
- Un changement de paradigme
- La piste de la translittératie
- Évaluer l’information
Chapitre IX
Un contexte technique et des dispositifs à appréhender
- Un contexte technique et des dispositifs à appréhender
- Architecture de l’information, des données et de la connaissance
- La question du cloud computing et les enjeux économiques
- Se situer dans le Vu, lu, Su ?
- Numérique et numérisation
Conclusion. Une évolution à penser et à construire
Du coup, mon nouveau né a rejoint la petite famille de mes précédentes publications.
Série « retour vers le futur 1985 » : hommage à Cabu
En commençant une série de billet eighties, je ne pensais pas que pour 2015, il me faudrait accepter qu’une partie de mon enfance serait flinguée en milieu de semaine. Impossible pour les personnes de ma génération de ne pas connaître et apprécier Cabu bien évidemment. De même pour Wolinski dont je lisais les facéties dans le nouvel obs de mon père. Du coup, forcément, j’ai l’impression qu’on m’a retiré d’un coup des parcelles de moi-même la semaine dernière. Je ne sais pas pourquoi lundi soir, je m’étais mis à songer à des évènements de ce type. Cela m’arrive parfois la veille d’un drame sans que je ne parvienne sur le moment à comprendre pourquoi je me mets à songer à tel aspect dans la mesure où c’est souvent le post-drame que je ressens, et pas le drame lui-même. Bon, je ne vais me prétendre Madame Soleil, mais j’avais envie de l’écrire moi qui ai l’habitude d’agir plutôt rationnellement. Mais revenons à Cabu à qui je veux rendre hommage, et en même temps me souvenir du gamin que j’étais en 1985.
Du coup, je songe bien évidemment au générique de Récré A2 dessiné par Cabu.
On s’identifiait parfaitement au personnage qui met les adultes au placard pour regarder son émission préférée. On y voit d’ailleurs le père de famille, incarnation du beauf par excellence. Cabu sortira d’ailleurs en 1985, roti de beauf, la suite de son premier album dédié à ces specimens qui peuvent devenir violents. Le beauf dessiné par Cabu d’ailleurs était pour moi l’incarnation de la méchanceté.
En 1985, tous les enfants connaissent Cabu. Il rentrera d’ailleurs cette année-là dans le Larousse. L’enfant que j’étais en 1985, le pleure aujourd’hui. Quand j’ai vu son nom s’afficher sur la une du Monde, j’ai senti tout d’un coup qu’en 2015 quelqu’un était venu pour tenter de me voler quelque chose que j’aimais tellement dans les années 80. Mais on ne pourra pas tuer les gamins qu’on était en 1985. Tuer Cabu ne nous privera jamais de son héritage qu’il nous a patiemment légué. Je suis comme d’autres un enfant de l’esprit de Cabu et je souhaite continuer à l’être tel que je l’étais en 1985, une période où ma tendance à blaguer commençait à s’affirmer.
Evidemment en 1985, il y a bien sûr le fameux vive les vacances de Dorothée, une nouvelle fois illustrée par Cabu. Vive l’insouciance, clamait-elle. Une insouciance qu’on a bien du mal à retrouver. Cabu incarnait d’ailleurs parfaitement cette insouciance en affichant un calme communicatif. Un apaisement qui était salutaire pour les gamins qu’on était et qui s’accompagnait de cette capacité à se moquer de soi-même et des autres. La caricature de Dorothée avec son long nez donnera naissance ensuite à la chanson de Corbier dont on était tous fans à l’époque.
Cabu, dans la culture d’un gamin des années 80, c’était important car on était capable de reconnaître le moindre de ses dessins en quelques secondes. On ne connaissait pas nécessairement foule d’artistes ou de dessinateurs, mais Cabu oui assurément. Pas besoin de savoir lire d’ailleurs pour comprendre ce qu’il voulait dire.
Alors si 1985 doit encore nous éclairer en 2015, c’est assurément en se souvenant de ce qu’on était à l’époque de Cabu, des gamins qui pensaient que le monde de demain serait meilleur. Désormais, c’est à nous de faire qu’il le soit vraiment.
Serie « retour vers le futur de 1985 ». E01 : salut les petits clous !
Pas envie de faire des vœux ou des prédictions en cette rentrée. Rien de mieux alors que de retourner vers le passé pour imaginer l’avenir et mieux comprendre le présent. Je vais donc inaugurer une série rétro 85 sur le blog cette année. Le blog a 15 ans alors autant remonter encore 15 avant ses débuts ! Rassurez-vous, ce ne sera pas en mode c’était mieux avant ! D’autant que rien n’a changé, il y a toujours Drucker à la télé !
Au menu de la musique, des films, de la littérature et tout un tas de choses fort différentes et assurément kitsch !
Je viens de voir le film Prédestination, et la perspective d’un voyage dans le temps m’enchante pas mal. Depuis que je suis gamin, j’ai le sentiment que parfois il faut marquer ce moment, le graver dans ma mémoire pour pouvoir un jour y retourner. Plus jeune, je pensais qu’il pourrait bien s’agir d’une sorte de voyage dans le temps issu de la science-fiction, de plus en plus je crois qu’il s’agit d’un dispositif mnémotechnique qui permet de faire un retour dans le passé tout en le reconstruisant quelque peu.
Alors, voilà, je vous fais revenir dans le passé pour mieux éclairer le présent et le futur. Une distorsion qui ne devrait pas transformer de suite votre gueule en celle des Bogdanov, mais qui pourrait transformer votre esprit en une sorte de slime…
Pour commencer, on va évoquer un grand classique de la Science-fiction paru en 1984 mais dont la version française paraîtra fin 1985 : le fameux Neuromancien de William Gibson. C’est par excellence l’’œuvre qui nous influence encore aujourd’hui dans nos visions des espaces digitaux. Le Neuromancien est un un néologisme qui emprunte au pouvoir de divination, la « mantique » associée aux réseaux neuronaux, qui sont en fait digitaux car ils relient technologies informatiques et relations aux corps… Mais c’est aussi un nouveau genre de roman qui se prépare « neu » pour nouveau en allemand et « romancer », un nouveau romancier ou nouveau roman comme représentation du cyberpunk, ce nouveau style de littérature, très souvent proche de la dystopie tant le futur proposé est plus souvent inquiétant. C’est désormais devenu un marronnier que de rappeler que Gibson va forger le terme de cyberspace, cyberespace en français qui sera la métaphore du web des annnées 90. Il faudrait sans doute se replonger à nouveau dans le roman pour voir si certaines réflexions ne seraient pas encore pertinente pour le web d’aujourd’hui. Une tentation à réaliser, même si Gibson a souvent indiqué qu’il utilisait la SF pour mieux faire comprendre la société présente. A noter qu’une adaptation cinématographique est en cours…
A propos de cinéma, il faut évidemment revoir Retour vers le futur, une des sorties marquantes de 1985 qui entrevoit d’ailleurs notre futur en 2015…Au programme voitures volantes et autres horreurs vestimentaires, seulement tout ne s’est pas produit comme on l’avait imaginé. On escomptait de la modernité, sans doute moche, mais on s’imaginait plus avancé. Un site fait le point sur ce qui avait été imaginé et un autre essaie de voir si les prédictions étaient vraies ou fausses. Si le skateboard volant était une bonne idée, les scénaristes avaient oublié le boomerang, cet effet qui permet à de vieilles idées rances ou périmées de revenir à la surface… Nom de Zeus, Marty, je t’avais dit de ne pas trop martyriser le petit Zemmour, il est rancunier !
Je ne résiste évidemment pas à faire un tour vers le TOP 50 ! (Promis, ce sera une de mes lignes directrices, d’autant que je me suis aperçu que je connais absolument toutes les chansons classées durant l’année 1985!) Le numéro 1 de 1985 chasse les fantômes et garde la première place depuis décembre 1984. 1984 étant d’ailleurs la sortie du film (voir le site de l’association française aussi).
Les protagonistes sont au départ des chercheurs qui montent une start-up pour répondre aux problèmes de la société civile. Bref, c’est très 2015 !
Je ne sais pas si on va chasser du fantôme en 2015 (à ce sujet, je finalise un court roman steampunk avec une héroïne confronté à un fantôme bien coriace… drôle de coïncidence !), mais je crois que si j’en reviens à nos petits clous, qu’appréciait Marteau esca, enfin Marc Toesca, certains se souviennent qu’un personnage adorait manger des petits clous et des petits boulons : Nono le petit robot ! (qui revendiquait d’être branché) Désormais, en 2015 les robots deviennent encore plus petits, ils sont nanos ce que sait très bien notre minitre de la recherche, au point que c’est elle qui nous tape dessus avec sa manipulation budgétaire. Je ne sais pas, mais moi ça me donne envie de chasser autre chose que du fantôme en 2015 !