Beigbeder digital

Récemment, nous avons travaillé avec mes étudiants en analyse de contenus sur une vidéo de Frédéric Beigbeder et de François Bon qui débattent autour de l’opportunité du livre numérique. Je me sens bien sûr beaucoup plus proche des arguments de François Bon, mais comme Frédéric Beigbeder m’est sympathique (ne me demandez pas pourquoi, j’en sais rien… si ce n’est que ce qui est certain, c’est que je préfère le Frédéric au Charles), j’ai eu envie d’écrire ce billet.
 

Frédéric Beigbeder face à François Bon: le… par LEXPRESS
L’attitude de Beigbeder est celle d’un résistant à une forme de changement qu’il sait inéluctable, mais c’est par pur plaisir qu’il continue à défendre un ancien régime, lui qui ne sait plus s’il doit être tantôt bourgeois tantôt communiste. Cette résistance face au changement prend la forme d’une sorte d’esthétique du papier, volontairement mythifiée, mais qui lui apparaît salvatrice face à l’uniformisation des pratiques, notamment celles de la nourriture et des loisirs qu’il se plaît à observer et dénoncer dans ces romans semi ou totalement autobiographiques. Car Beigbeder est depuis longtemps numérique et numérisé. Il est fréquemment sur les plateaux tv qui fonctionnent sur des dispositifs et technologiques de plus en plus numériques depuis leur conception jusqu’à leur diffusion. Certes, mais il s’agit de la sphère du spectacle et la littérature est autre chose, au point d’ailleurs que la publicité pour des livres est interdite en France à la télévision… Alors, pourquoi Beigbeder veut faire de la littérature, un hors-là du numérique ? Cette position est celle du dilettante, de celui qui se complaît dans une contemplation autodestructrice, contradictoire et absurde. C’est de la pataphysique, là où Beigbeder reste coincé entre deux mondes, alors qu’il lui suffirait d’être steampunk pour être heureux.
Vous pouvez trouver du Beigbeder numérisé… J’en ai sur mon propre pc. Quand bien même un auteur s’opposerait à la numérisation de ses œuvres, il ne peut pas l’interdire. Et heureusement, car lorsqu’il n’y aura plus un seul Beigbeder papier disponible, il y aura peut-être un fichier quelque part sur un serveur pas vraiment légal, mais qui aura facilité sa conservation. Je vais même aller plus loin, pour avoir lu quelques ouvrages de Beigbeder, je pense que beaucoup sont d’ailleurs plus propices à être lus numériquement. En quoi, ses livres présentent quelque chose de particulièrement adaptés au papier ? Et c’est valable pour bon nombre d’auteurs ! Cela fait bien longtemps que le livre papier est bien souvent relativement uniformisé justement.  En dehors d’ouvrages d’art ou des albums comme ceux de Claude Ponti, c’est plutôt terne en matière d’expression des formes au niveau du livre papier, prisonnier de la logistique des entrepôts et des cartons. La voilà l’uniformisation problématique, elle est bien antérieure au numérique, qui ne sert bien souvent que de révélateur. Pourquoi défendre le papier alors que Beigbeder serait plus à l’aise d’écrire sa prose sur le corps de Sabrina (boys, boys,…) ? Car l’écriture est avant tout une inscription, reste à savoir comment et où on veut la réaliser.
Beigbeder est depuis longtemps un homme digital, il est même l’archétype de ce qu’il dénonce, en étant avant tout un auteur, une marque même… C’est l’image qu’il se donne qui fait vendre. Un bon exemple de marketing digital en fait qui privilégie la communication au contenu bien souvent. On a l’impression que Beigbeder manifeste sa crainte d’un futur auquel il a lui-même contribué. Il semble en avoir perdu la maîtrise et préfère se réfugier vers un passé imparfait mais rassurant.
Comment le jeune adolescent passionné de SF chez les Bogdanov est-il devenu un homme passionné des fictions du passé ?

Alors, Frédéric qu’attends-tu pour ouvrir de nouvelles recherches prospectives du possible ?

Parution de Dance into the cloud !

J’ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle publication et pour une fois, il s’agit d’un petit roman en mode numérique et comme d’habitude chez Publienet ! Je vous plonge donc dans les mystères du cloud avec DANCE INTO THE CLOUD
A côté de la rentrée littéraire se déroule les publications d’un autre ordre, celles du numérique avec leur succès relatif et souvent peu connu. Même si le public branché en numérique sur des liseuses commence à monter en puissance, il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours aisé pour les petites publications d’avoir un retour quelconque dans les médias. Mon prochain roman sera sans doute de cet ordre à nouveau, mais ce n’est pas bien grave du moment qu’il fasse plaisir à quelques lecteurs et qu’il ouvre en même temps des réflexions sur des questions contemporaines.
Le sujet est dans la ligne droite des précédentes réalisations (Print Brain Technology) et la Désindexée. On y retrouve donc des personnes vus dans des épisodes précédents et bien sûr toujours au cœur du système, l’entreprise supranationale des technologies du numérique : Argos.

Dance into the cloud
Dance into the cloud

Voici donc le résumé-teaser de l’ouvrage qu’a concocté Roxane Lecomte et  qui vous donnera envie de le lire, je l’espère :

  • « Aujourd’hui, la multinationale et superpuissante Argos étend ses ramifications jusque dans la vie privée des citoyens sans être inquiétée le moins du monde. Grâce à son célèbre Cloud, elle est la grande prêtresse de la guerre des données. Mais peut-on accepter qu’une entreprise privée s’arroge tous les pouvoirs et domine le monde ? Car il s’agit bien de cela, en vérité… Dominer. Jägere Thomasson, la quarantaine bien tassée, vieux briscard journaliste et solitaire, mène l’enquête avec son fidèle acolyte, le policier Dave Volpe. Bars insolites— superbe scène au coeur des nuits d’amours transgenres —, interviews, immersion dans le quotidien d’un journaliste chevronné, manipulations… Le danger rôde dans cesse et Thomasson se sait surveillé de très près… Argos peut-elle toujours gagner ? »

Si tout cela vous plaît, il devrait y avoir un nouvel épisode avec Argos dans les prochains temps. Dance to the cloud est donc disponible bien sûr chez publienet et chez vos libraires habituels en ligne, notamment Amazon.
 

Comme disait Jean Guitton. S.1 E01 : la liste des choses à faire avec Workflowly

J’inaugure une série estivale mais qui devrait se poursuivre durant plusieurs années.  Le titre est bien sûr une référence à la phrase du Guignol de Jacques Chirac, mais c’est aussi une reprise de l’ouvrage déjà ancien, mais intéressant à réinterroger aujourd’hui en ce qui concerne le travail intellectuel dont on peut trouver des copies en ligne.
Pour commencer cette série, je propose ce court extrait où Jean Guitton fait référence à un spécialiste des méthodes de travail :
« Je voudrais citer ici le conseil que m’avait donné, vers 1926, M. Félix Boillot, professeur à l’Université de Bristol,qui avait passé sa vie à méditer sur les méthodes du travail intellectuel.« Le moyen de se créer une méthode, disait-il, est fort simple. Il consiste à analyser systématiquement la façon
dont vous avez travaillé jusqu’à ce jour. Il faut examiner,l’une après l’autre et dans le plus infime détail, toutes les phases de votre activité intellectuelle, et cela dans un esprit de sévérité inexorable, comme si vous étiez payé très cher(et VOUS êtes payé très cher!) pour découvrir les défauts et suggérer les améliorations. Pour cela il faut mettre l’amour propre dans sa poche et savoir vouloir, ce qui est rare.»
Le but est en effet celui d’une étude de soi qui oblige à une certaine remise en cause personnelle notamment dans ses méthodes de travail. Cela implique à la fois un renouvellement et une amélioration.
La série va donc s’inscrire dans cet état d’esprit, celui d’un audit de soi que je  vais tenter également de m’appliquer à moi-même, chose peu aisée que je vais tenter de réaliser petit à petit.
Aujourd’hui, je vous propose donc de commencer par le début, par la première méthode d’organisation de nos pensées et des connaissances : la liste.
Evidemment, je vais m’arrêter tout d’abord, sur cette liste des chose à faire, la fameuse to do list qu’on a tant de mal à respecter et qui tend à s’allonger indéfiniment. Plusieurs écrits existent déjà, notamment celui de David Allen  et de sa méthode dont Outils Froids nous parle depuis fort longtemps.
J’ai testé plusieurs outils plus ou moins complexes par le passé, mais je ne suis jamais parvenu à remplacer ma to do list papier, plus aisé à gérer car jetable. Le plaisir de jeter la liste signifiait que la plupart des choses écrites dessus avaient fini par être réalisées même si certaines avaient été simplement reportées sur une autre liste. Le problème des applications réside souvent dans leur temps d’appropriation et surtout dans leur difficulté à intégrer réellement notre processus de travail.
Depuis quelques semaines, je teste une nouvelle application simple qui me donne satisfaction. Il s’agit de workflowly dont le sous-titre est « organize your brain ».
L’application est simple, elle est disponible sur les systèmes android et sur Google Chrome. Sinon, il suffit de se connecter en ligne. Au menu, une simple page dans laquelle vous allez lister vos choses à faire comme sur une feuille.
Ce qui m’a évidemment séduit, c’est qu’on peut réaliser des simples arborescences avec des renvois à la ligne. Vous pouvez donc afficher ou ferme les tâches associées à la tâche principale. On peut jongler ainsi avec l’affichage ainsi qu’avec des raccourcis clavier.

un aperçu d'arborescence avec un peu de teasing
un aperçu d’arborescence avec un peu de teasing

Plus intéressant et évidemment plus séduisant pour moi, c’est la possibilité de taguer ! J’avais constaté que cette possibilité avait finalement disparu au fil du temps et je me rappelle avoir dit à mes étudiants que cette possibilité reviendrait peut-être un jour.  Et c’est le cas, le tag ici reprend l’écriture du hashtag avec le #. Du coup, il est assez simple de liste une tâche et de lui attribuer un hashtag qui sera mémorisé et qu’on pourra vous proposer ensuite sous forme de liste d’autorités pour le coup où vous voudriez à nouveau l’attribuer. L’avantage est alors simple, vous pouvez afficher la liste de toutes les choses qui comportent le même tag. Du coup, cela reflète assez bien quels sont les aspects professionnels qui vous demandent le plus de temps. le tag infonumEn ce qui me concerne, le tag #infonum qui réfère à la formation dont j’ai la responsabilité à l’iut est dominante.
Il est aussi possible d’attribuer des tags avec des dates précises, de façon à ce que vous puissiez afficher les choses à faire pour tel jour. Rien de complexe là non plus, il suffit de taper #d-1007, si vous avez des impératifs à réaliser pour le 10 juillet. Même chose pour les personnes, il suffit de jouer de l’arobase pour mentionner une personne dans la liste des choses à faire. Du genre, vous devez envoyer un mail à Franck, il suffit de taper @franck Du coup, vous pouvez aussi retrouver toutes les choses à réaliser qui sont en rapport avec une personne.
Autre astuce, vous pouvez accorder des éléments d’importance en rajoutant des astérisques, * ou ** jusqu’au degré le plus important pour vous. Il suffit alors de taper le nombre d’astérisques dans le petit moteur de recherche associée et vous obtenez vos priorités.
Rien d’extraordinaire à première vue, mais une simplicité d’usage séduisante et sans doute des évolutions futures. Il est facile aussi de compléter une tâche qui se voit alors rayée. Pour d’autres éléments, il faut consulter le blog de l’équipe.
Important pour l’écosystème de travail, l’application voit envoie un mail quotidien dans la matinée pour récapituler vos derniers ajouts. De quoi gardez l’oeil sur votre to do list. Le fait d’envoyer un mail est important pour moi, tant ma messagerie est devenue le vaisseau amiral de mon travail. J’apprécie de la même façon que l’agrégateur feedspot m’envoie des mails quotidiens de la même façon.
Je vous laisse, j’ai d’autres choses à faire…notamment changer le template du blog…

Pourquoi j’écris moins sur le blog…

Cela fait plus de deux mois que je n’ai rien écrit sur le blog. Une activité faible alors que le guide des égarés est dans sa quinzième année.
La principale raison est principalement liée au temps et au fait que je partage mes journées entre projets de recherche, articles et gestion de la filière InfoNum de l’iut de Bordeaux. Pour la semaine prochaine, je dois remettre un article pour un colloque, une évaluation ANR, corriger la dernière version d’un article, préparer une réunion pour un projet de recherche et gérer tout ce qui va arriver à l’IUT, sans oublier les imprévus.
Du coup, le blog n’est pas du tout prioritaire et ce d’autant plus qu’une partie de l’activité est aussi déportée depuis quelques années sur Humanlit. A suivre prochainement sur Humanlit, des travaux de ma stagiaire (une grande première pour moi !) et des résultats d’enquête.
C’est aussi une logique amorcée depuis quelques années et qui consiste à devenir réellement « transmédia » en ne faisant pas du blog le seul lieu de publication. Je préfère donc largement diversifier mes écrits entre articles de recherche (deux devraient sortir prochainement et j’espère un cet été qui devrait faire un peu de bruit dans les SIC), des chapitres d’ouvrage ( dont un dans cet ouvrage sur l’identité numérique coordonné par notre JPP de l’infodoc et de la cybercriminalité), des ouvrages, un en solo aux Presses de l’Enssib, un collectif sur les Humanités Digitales chez Fyp, et un petit roman sur une thématique du moment chez Publie.net. A cela se rajoutent d’autres articles pour les copains, des articles pour les  revues professionnelles (Argus prochainement) et des articles pour des dictionnaires thématiques, et j’en oublie sûrement.
Bref, je n’arrête pas d’écrire, ce qui ne signifie pas que je sais parfaitement écrire, bien au contraire.
J’ai hésité à deux ou trois reprises à publier des avis sur l’Education Nationale, mais j’ai préféré m’abstenir, faute de temps pour le faire ou par manque de cohérence de l’écrit parfois. Sur le sujet, c’est un court ouvrage qu’il me faudrait écrire, mais j’hésite un peu à rajouter ma prose aux innombrables publications dans le domaine. Il reste que je me sens assez nettement en rupture avec les différents courants actuels.
Le blog en pâtit quelque peu, mais ce n’est rien en regard du projet de roman amorcé en fin d’été et qui n’a pas franchi les dix pages et dont j’avais fait un des objectifs de l’année et sans doute un objectif encore plus ambitieux.
Si le temps le permet, j’envisage un nouveau visage graphique pour le blog, ce qui me donnera peut-être envie de rebloguer !

Le web comme espace de partage et de diffusion des données, des nouvelles et de la documentation

Il est toujours bon de se replonger dans l’histoire, et plus particulièrement dans l’histoire du web. Et pour cela rien de mieux qu’un document qui annonce justement la création du web. Le document est signé Tim Berners Lee, mais le « we » du début démontre un travail collectif avec Robert Cailliau. Et le texte apparaît clairement comme une œuvre collective. Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est le but du web qui est dessiné : partager des données, de la documentation et des nouvelles dans un premier temps pour les physiciens. Si bien que l’expression de news ne renvoie pas nécessairement à un aspect journalistique, mais plutôt à des nouvelles qui concerne le public scientifique, notamment l’annonce de colloque ou de publications. Mais ce qui est étonnant, c’est de trouver en première position, l’expression de données et de d’emblée. Cela démontre bien l’envie de démontrer qu’il s’agit de partager des résultats de recherche avant tout.

Le document qui annonce la création du web
Le document qui annonce la création du web

Ce qui nous intéresse le plus au final, c’est le fait qu’on y mentionne clairement qu’il s’agit de partager de la documentation. Le mot figure tel quel en anglais. On sait que l’expression est surtout francophone, et l’influence de Cailliau qui est belge est évidente. Mais il faut probablement considérer que l’expression est néanmoins courante chez les chercheurs et qu’elle correspond à une réalité en 1990. Ce n’est pas anodin de voir que le mot documentation figure dans ce triptyque.  On peut y voir comme une inscription initiale dans le web.

Le passage au web commercial n’a fait qu’ accroitre l’aspect news dans ses formes les plus simples voire simplistes désormais au détriment des formes documentaires plus élaborées. En ce qui concerne les documents, désormais ils ont tendance à se constituer non pas a priori, mais a posteriori par un amalgame de données qui constituent alors des documents en réponse à des requêtes.  La logique documentaire  s’est déplacée sur l’échelon individuel au niveau des profils personnels. Le web n’appartient plus depuis longtemps à ses créateurs, on peut déplorer qu’ils appartiennent de plus en plus à des firmes privées.

Le Html est alors dans ses formes les plus primaires dans une évolution issue du SGML, dédié historiquement à la documentation technique. Voilà de quoi rappeler que la documentation est dans le web depuis le début et sans doute un peu avant.

Une erreur historique : Leibniz et Gabriel Naudé

Une erreur historique découverte en cours, pendant lesquels j’insiste pour que les étudiants usent de leur accès web pour compléter et corriger ce que je raconte .  Un premier miracle a eu lieu hier matin, un étudiant a remarqué que j’avais fait une erreur d’un an sur une date de naissance. Pas de quoi être déstabilisé, mais une première et une bonne nouvelle.

Du coup, je les ai encouragés à  vérifier les dates de naissance quand j’ai oublié de les noter… et c’est alors qu’en écrivant les dates au tableau, je constate une terrible impossibilité historique que je commets dans mon cours et dans… mon livre Du Tag au Like à la page 16 !

Je raconte en effet que Leibniz, dont beaucoup ignorent qu’il a été bibliothécaire, a rencontré Gabriel Naudé… qui l’a inspiré dans sa profession et dans ses méthodes de classement et de classification.:

Gabriel Naudé. source wikimedia commons

« La bibliothèque du Duc Auguste de Brunswick-Lunebourg[1], la plus grande du monde au xviie siècle, est également intéressante, car ce collectionneur établit lui-même son propre catalogue, tandis que la tendance était plutôt de confier la bibliothèque du mécène à un érudit. Il établit un système classificatoire et des cotes qui sont également liées au format des ouvrages à des fins d’économie d’espace. Ce catalogue sera ensuite nettement amélioré par le philosophe Leibniz (1646-1716) qui lui succèdera en tant que bibliothécaire. Une carrière professionnelle qu’il mènera d’ailleurs pendant 40 ans. Sa rencontre avec Gabriel Naudé, le bibliothécaire de Mazarin, auteur de l’ouvrage Advis pour dresser une bibliothèque, rédigé en 1627, l’incite à constituer une bibliothèque universelle qui couvre tous les savoirs. Leibniz s’intéressa beaucoup aux travaux de classification et d’indexation et déplorait justement le manque de mots-clés dans les descriptions bibliographiques. »

Leibniz. Source wikimedia commons

Le problème dans cette histoire, c’est qu’il y a un mais… Gabriel Naudé nait en 1600 et meurt en 1653, tandis que Gottfried Wilhelm Leibniz nait en 1646 et meurt en 1713. Du coup, certes Leibniz est un génie sans doute précoce, mais une rencontre décisive alors qu’il n’a que 7 ans sur le lit de mort de Naudé semble plus qu’improbable.

Or Wikipédia rapporte plus ou moins la même histoire :

« Gabriel Naudé occupe une place centrale dans l’histoire des bibliothèques et de la bibliophilie. D’abord, par la publication, 1627, de son Advis pour dresser une bibliothèque’. Naudé, « l »homme de France qui avoit le plus de lecture » (Bayle), le futur bibliothécaire de Mazarin, celui, aussi, qui enseigna, plus tard, le classement et le maniement des livres à Leibniz, est le premier théoricien d’une bibliothèque systématiquement organisée »

Nul doute que Leibniz a lu Naudé, mais Wikipédia parle carrément d’enseignement !

Si  moi aussi, je raconte cette histoire (fable ?), c’est que je l’ai lue non pas sur wikipédia mais dans les articles qui évoquent la carrière de bibliothécaire du philosophe et mathématicien allemand. C’est le cas de l’article passionnant de Jacques Messier dont celui paru en 2007 dans Argus et dont on peut lire une version allongée ici, Un bibliothécaire parmi les humanistes : Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 – 1716). Voici ce que nous en dit Jacques Messier :

« Leibniz fit également la rencontre du bibliothécaire du Roi, Gabriel Naudé, auteur de l’ouvrage  A(d)vis pour dresser une bibliothèque, rédigé en 1627.  Cet ouvrage lui inspira l’idée de constituer la bibliothèque universelle, couvrant tous les domaines du savoir. Gabriel Naudé, conçoit une bibliothèque destinée au grand public contenant des ouvrages sur tous les sujets susceptibles d’intéresser le plus grand nombre.  Il dresse un catalogue par ordre alphabétique d’auteurs et de sujets. »

Je ne suis donc pas le seul à faire la même erreur. Mais pourquoi cette erreur ?  La réponse est peut-être dans cet ouvrage sur les fondations de la bibliothéconomie allemande que je n’ai pas encore eu le temps de consulter et que commente le BBF :

« Dès cette époque, pourtant, la cause des bibliothèques ne reste pas un vain mot pour l’Allemagne, même morcelée, qui en possède alors deux particulièrement célèbres. L’une se trouve à Wolfenbüttel, où plane encore l’ombre de son directeur, Leibniz, qui a également été bibliothécaire à l’autre, celle du duc de Brunswick, à Hanovre, et s’est inspiré de l’Avis pour dresser une bibliothèque de Gabriel Naudé. De plus, Leibniz a, sans doute, été le premier, comme le constate l’auteur, à prendre conscience du profit que pouvait tirer des ressources d’une grande bibliothèque de recherche le progrès des connaissances, et de l’intérêt qu’il y avait à procéder à des acquisitions régulières pour maintenir une bibliothèque au courant de l’activité scientifique et littéraire, plutôt que de lui préférer une bibliophilie, parfois coûteuse. Il en était de même pour Lessing, également appelé à une fonction officielle dans une bibliothèque. »

Cela nous permet d’émettre l’hypothèse que ce n’est pas Leibniz qui a rencontré Naudé, mais peut-être le fameux duc de Brunswick, qui est son propre bibliothécaire et qui possèdait une bibliothèque considérée comme la plus grande de son époque. Leibniz lui succèdera dans cette mission de classement. Une hypothèse séduisante, mais dont je n’ai aucune preuve.

Par contre, les autres hypothèses possibles sont des rencontres avec des personnes différentes portant le nom de Naudé. Il est possible que Leibniz est rencontré Gabriel Naudé… mais le fils ! Naudé était libertin, on peut imaginer une filiation. Au passage, il y a pas mal de bibliothécaires libertins, je pense notamment à Casanova. Mais je n’ai pas trouvé trace d’une telle hypothèse. L’article de Robert Damien ne nous en apprend pas plus.

Troisième hypothèse, la confusion entre Gabriel Naudé et Philippe Naudé, à qui Leibniz a adressé une lettre. Les deux Naudé n’ont rien à voir, le second est huguenot quand le premier justifie la Saint Barthélémy.

Pour l’instant, j’ai préféré rejeté l’hypothèse que Gabriel Naudé puisse avoir survécu sous la forme d’un ectoplasme ayant suivi des ouvrages qu’auraient acheté le duc de Brunswick quand la bibliothèque de Mazarin a été dispersée. Il aurait alors conversé avec Leibniz sous cette forme. Pas très crédible pour un des théoriciens de la raison.

Voilà, où j’en suis, j’attends vos hypothèses !


[1] Schneider Ulrich Johannes, « Quel système de savoir ? Du “jardin des livres” de la bibliothèque du duc Auguste au catalogue de Leibniz », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2006-2, n° 82, p. 8-14.

Best of SI du mois d’octobre

Un petit retour sur les billets qu’il fallait ne pas rater en octobre. L’occasion aussi de découvrir et de redécouvrir de nouveaux blogs et blogueurs.

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Le TOP des articles en Sciences de l’information. (Ma sélection de septembre)

Il m’avait semblé qu’il fallait tenter de faire une sélection mensuelle des articles à lire. C’est pas de la curation dont on a cure du concept, mais d’un retour sur veille ce qui permet une prise de distance. Je proposerai donc tous les mois une sélection des billets et articles que j’aurais jugés dignes du best of. Je ne doute pas un seul instant que vous ne manquerez pas de me signaler des oublis en commentaires. Le but pour moi est d’en proposer maximum une dizaine. La sélection est opérée avec Diigo où j’ai crée une liste spéciale « bestofSI ».

Je ne propose pas non plus de les classer, je les fais donc figurer par ordre chronologique avec éventuellement quelques commentaires et des tags. Bonnes lectures à rattraper…

Flickr/CC karindazil
  • Excellente réflexion sur l’utilisation des notes et des marges pour annoter ses lectures et les potentialités de les organiser sous forme d’index avec certaines applications. C’est aussi rappeler l’importance de la littératie, cette « scienca litteratura » ou ingénierie de la lecture « Le fait de maîtriser l’écrit pour pouvoir penser, communiquer, acquérir de nouvelles connaissances, résoudre des problèmes, réfléchir sur notre existence, partager notre culture ou se distraire est ce qui définit le type et le niveau de littératie atteint par des individus que l’on dira lettrés – litterati – au sens où l’entendait Cicéron qui posait la littératie – scientia litteratura – à la fois comme le fondement de la sagesse et de l’éloquence (…).  » L’occasion de rappeler qu’on apprend peu ou rarement à annoter des ouvrages. Finalement, l’arrivée d’outils dédiés va peut-être redonner de l’intérêt pour former à ses méthodes d’appropriation de l’œuvre et du texte. C’est aussi outre la notion de parcours, de pérégrinations évoquées, la possibilité de se placer dans le texte, de poser des balises comme autant de marques-pages ou marques-mailles au sein des enchevêtrements du texte. L’ichnologue en tentant de remonter les traces finit par devenir arachnée, en tissant lui aussi de nouveaux parcours infinis. Dès lors, les sentiers peuvent continuer à bifurquer

    tags: lecture annotation

  • Retour sur les dispositifs mémoriaux sur le web…

  • tags: archive mémoire

  • Retour sur la mort d’un pionnier et d’un mythe de l’accès facilité à la connaissance. Un personnage dont on ne mesure pas encore tout à fait l’importance de celui qui aura donné du « coeur à l’ouvrage »

    tags: projet_Gutenberg

  • tags: lecture

  • Infographie efficace sur les géants du web, les forces en présence et leurs luttes.

    tags: histoire_du_web

  • tags: indexation

  • « La France, qui ne connaît pas de fair use, a prévu des “exceptions à des fins d’enseignement et de recherche”, ainsi que pour les bibliothèques dans la loi DADVSI de 2006. Soumises à des accords sectoriels avec les ayant-droits, ces exceptions représentent aujourd’hui le dispositif le plus tarabiscoté que l’on puisse connaître [3] ; tous le disent : il est inutilisable pour les enseignants et les chercheurs. » Clairement, désormais on n’y comprend plus rien et les enseignants n’ont pas envie de perdre en potentialités surtout avec le numérique. Une nouvelle fois, le risque de décalage entre les pratiques et le droit ne font que s’accroître. Il faut aussi bien comprendre que ce sont en fait de véritables droits de péages qui sont en train de se mettre en place. Les nouveaux fours à bans et autres prérogatives de nouvelles classes possédantes. Dans tous les cas, ces réactions propriétaires extrémistes ne peuvent que susciter rancunes et révoltes potentielles.

    tags: ProprieteIntellectuelle

  • Il faut sans doute former aussi de nouveaux milieux associés qui mêlent réseaux présentiels et réseaux en ligne. Clairement, la notion d’autonomie n’a effectivement pas grand sens tant qu’elle n’est pas précisée. L’autonomie n’est jamais totale mais relative, il faut donc plutôt plaider pour une formation visant une progression. La médiation numérique vise donc à laisser des libertés d’action et de manœuvre et doit offrir des moyens de progresser dans ses démarches. On est davantage dans de l’autoformation sociale, c’est à dire de la formation en fait accompagnée mais débarrassée des lourdeurs ‘disciplinaires » de L’Ecole.

    tags: médiation_numérique

  • tags: réseaux_sociaux science2.0

  • Encore une lecture indispensable très complète et pleine de références intéressantes et pertinentes. Indispensable pour faire le point et amorcer une réflexion sur les lectures numériques.

  • Il est intéressant de montrer en effet qu’il s’agit de ne pas rester dans les mêmes cercles et donc d’élargir ses perspectives  « Or, le capital social d’un individu sera d’autant plus fort qu’il nourrira des liens faibles [Granovetter, 1970]. En effet, en ne prenant soin que de ses liens forts, c’est-à-dire de la forte proximité affective qui le lie à un autre individu, il risque bien de ne jamais sortir d’un cercle extrêmement restreint dont il ne pourra alors tirer que des effets réduits (pour obtenir une information, par exemple) » A noter également la référence au numéro d’Hermès sur les réseaux sociaux numériques et le rapprochement effectué par Alexandre Coutant sur les techniques de soi.

    tags: lecture réseaux_sociaux

    • Dernier billet, autant pour le contenu que pour l’anecdote. En effet, @affordanceinfo est en train d’abandonner les bandeaux jaunes pour les bleus, c’est la grande info à retenir du mois ! Toutefois cette manifestation (inconsciente) de soutien à l’équipe de France de rugby n’a pas évité à cette dernière de se prendre une tong!

      tags: veille

      Je signale également le beau portrait avec une très belle photo de françois Bon dans les Inrocks de cette semaine. Un évènement qui n’est pas anodin

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    Top Wikio. Sciences de l’info. Septembre 2011

    C’est la rentrée et le temps me manque pour faire un TOP digne de Toesca.
    Voici le top livré en vrac.

    1 :: S.I.Lex ::
    2 La feuille
    3 Bibliobsession 2.0
    4 Bibliomancienne
    5 Blogo-numericus
    6 affordance.info
    7 Technologies du Langage
    8 Les Infostratèges
    9 pintiniblog
    10 teXtes
    11 L’édition éléctronique ouverte
    12 Le blog du Communiquant 2.0
    13 gallica
    14 Vagabondages
    15 Urfirstinfo
    16 Le guide des égarés.
    17 Points de vue sur l’information
    18 Zotero francophone
    19 Bibliothèques [reloaded]
    20 Actulligence.com

    Classement réalisé par Wikio
    Sinon, je me demande désormais, si le plus intéressant ne serait pas plutôt de réaliser un top des articles indispensables en sciences de l’information tant le niveau de l’article me paraît plus pertinent que le blog. Une réflexion que je laisse en suspens pour le moment.

    Top wikio « sciences de l’info » août 2011

    Salut les petits clous…
    Je ne suis pas vraiment en vacances mais dans les cartons à déballer du fait de mon emménagement bordelais.
    Par conséquent, je vous livre le top brut sans fioritures. Je remarque que je fais encore une nouvelle gamelle et que je suis pas loin de sortir du TOP 20.
    Mais que font mes fans !
     

    1 :: S.I.Lex ::
    2 La feuille
    3 affordance.info
    4 Bibliobsession 2.0
    5 Les Infostratèges
    6 Bibliomancienne
    7 Technologies du Langage
    8 teXtes
    9 gallica
    10 Vagabondages
    11 Marlène’s corner
    12 Points de vue sur l’information
    13 Urfirstinfo
    14 L’édition éléctronique ouverte
    15 Actulligence.com
    16 Bibliothèques [reloaded]
    17 Le guide des égarés.
    18 La bibliothèque apprivoisée
    19 Le blog du Communiquant 2.0
    20 pintiniblog

    Classement réalisé par Wikio