Beigbeder digital

Récemment, nous avons travaillé avec mes étudiants en analyse de contenus sur une vidéo de Frédéric Beigbeder et de François Bon qui débattent autour de l’opportunité du livre numérique. Je me sens bien sûr beaucoup plus proche des arguments de François Bon, mais comme Frédéric Beigbeder m’est sympathique (ne me demandez pas pourquoi, j’en sais rien… si ce n’est que ce qui est certain, c’est que je préfère le Frédéric au Charles), j’ai eu envie d’écrire ce billet.
 

Frédéric Beigbeder face à François Bon: le… par LEXPRESS
L’attitude de Beigbeder est celle d’un résistant à une forme de changement qu’il sait inéluctable, mais c’est par pur plaisir qu’il continue à défendre un ancien régime, lui qui ne sait plus s’il doit être tantôt bourgeois tantôt communiste. Cette résistance face au changement prend la forme d’une sorte d’esthétique du papier, volontairement mythifiée, mais qui lui apparaît salvatrice face à l’uniformisation des pratiques, notamment celles de la nourriture et des loisirs qu’il se plaît à observer et dénoncer dans ces romans semi ou totalement autobiographiques. Car Beigbeder est depuis longtemps numérique et numérisé. Il est fréquemment sur les plateaux tv qui fonctionnent sur des dispositifs et technologiques de plus en plus numériques depuis leur conception jusqu’à leur diffusion. Certes, mais il s’agit de la sphère du spectacle et la littérature est autre chose, au point d’ailleurs que la publicité pour des livres est interdite en France à la télévision… Alors, pourquoi Beigbeder veut faire de la littérature, un hors-là du numérique ? Cette position est celle du dilettante, de celui qui se complaît dans une contemplation autodestructrice, contradictoire et absurde. C’est de la pataphysique, là où Beigbeder reste coincé entre deux mondes, alors qu’il lui suffirait d’être steampunk pour être heureux.
Vous pouvez trouver du Beigbeder numérisé… J’en ai sur mon propre pc. Quand bien même un auteur s’opposerait à la numérisation de ses œuvres, il ne peut pas l’interdire. Et heureusement, car lorsqu’il n’y aura plus un seul Beigbeder papier disponible, il y aura peut-être un fichier quelque part sur un serveur pas vraiment légal, mais qui aura facilité sa conservation. Je vais même aller plus loin, pour avoir lu quelques ouvrages de Beigbeder, je pense que beaucoup sont d’ailleurs plus propices à être lus numériquement. En quoi, ses livres présentent quelque chose de particulièrement adaptés au papier ? Et c’est valable pour bon nombre d’auteurs ! Cela fait bien longtemps que le livre papier est bien souvent relativement uniformisé justement.  En dehors d’ouvrages d’art ou des albums comme ceux de Claude Ponti, c’est plutôt terne en matière d’expression des formes au niveau du livre papier, prisonnier de la logistique des entrepôts et des cartons. La voilà l’uniformisation problématique, elle est bien antérieure au numérique, qui ne sert bien souvent que de révélateur. Pourquoi défendre le papier alors que Beigbeder serait plus à l’aise d’écrire sa prose sur le corps de Sabrina (boys, boys,…) ? Car l’écriture est avant tout une inscription, reste à savoir comment et où on veut la réaliser.
Beigbeder est depuis longtemps un homme digital, il est même l’archétype de ce qu’il dénonce, en étant avant tout un auteur, une marque même… C’est l’image qu’il se donne qui fait vendre. Un bon exemple de marketing digital en fait qui privilégie la communication au contenu bien souvent. On a l’impression que Beigbeder manifeste sa crainte d’un futur auquel il a lui-même contribué. Il semble en avoir perdu la maîtrise et préfère se réfugier vers un passé imparfait mais rassurant.
Comment le jeune adolescent passionné de SF chez les Bogdanov est-il devenu un homme passionné des fictions du passé ?

Alors, Frédéric qu’attends-tu pour ouvrir de nouvelles recherches prospectives du possible ?

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