Le Mundaneum de Noël

J’ai récemment vu le film produit par Netflix avec Kurt Russell en père Noël dans « Chroniques de Noël ». Outre un personnage de père Noël renouvelé et plutôt attachant pour toutes les générations, le film nous donne à voir un moment particulier : celui de la conservation des lettres envoyées au père Noël de la part des enfants.

Le lieu est magnifique et géré par des créatures extraordinaires, des petits lutins.

Lutin dans la bibliothèque

Ce lieu ressemble à une bibliothèque fantasmagorique, une sorte de Mundaneum de Noël. On y accède par la hotte du père Noël par ailleurs.

Y sont classées principalement des lettres, ce qui suppose des fichiers d’un format un peu particulier, qui diffèrent donc de la taille des fichiers du Mundaneum d’Otlet.

Les fichiers de lettres au Père Noël

L’anecdote est sympathique et suscite évidemment plusieurs questions. Que fait-on des lettres envoyées au père Noël en France et qui sont traitées par un centre spécial non loin de Bordeaux à Libourne. On sait qu’une équipe est chargée d’y répondre et le fait de manière efficace. Mon fils pourrait en témoigner car il avait tenté l’expérience il y a quelques années.

L’examen des archives du père Noël permettrait de réaliser une belle enquête sociologique et historique voire médiatique. Je ne sais pas si cela a été fait. Je n’ai pas pris le temps de vérifier, mais ça serait une idée parfaite, d’autant qu’on y retrouverait assurément la question du goût des archives et la présence émotionnelle en sus des questions classiques des humanités digitales.

Mais j’en viens surtout à me demander en ces temps d’agitation et de réclamation perpétuelle, si cette pratique de la lettre au père Noël n’a pas pris d’autres formes dont les réseaux sociaux sont devenus le réceptacle.

Comme il n’y a pas véritablement de père Noël des adultes, on peut se demander qui gère les frustrations désormais ? Plus d’autorité magique, spirituelle voire transcendantale, comment finalement porter ses demandes et ses envies à la communauté de manière si ce n’est efficace tout au moins cathartique sans que cela ne devienne « le vide ordure planétaire » que craignait Finkielkraut ?

Le film montre en tout cas que le Mundaneum de Noël gère différentes sortes de documents notamment des lettres vidéos.

Le multiécran qui permet de visionner les lettres vidéos.

Autant de questions qui vont nous occuper assurément l’année prochaine en choisissant de se situer plutôt du côté du  père Noël de la connaissance face au père fouettard de l’agitation.

Le meilleur cadeau qu’on puisse requérir en ce moment, c’est celui d’un esprit reposé, propice à pouvoir penser et réfléchir en dehors des enjeux géopolitiques et marketing de la désinformation.

Kurt Russell chante « Santa is back in town » avec un look modernisé, et une envie de reprendre le volant de toute autre véhicule que son traineau.

Peut-être est-le moment pour que Paul Otlet revienne lui aussi sous une autre forme. Enfin, son esprit…

Kurt Russell en Père Noël d’un nouveau genre.

Chronique n°3. Dieu est-il un salaud ou l’anti-Otlet

Une nouvelle chronique très courte pour cause de problèmes de santé niveau vertèbre et en attendant d’autres contenus en préparation.

La version audio à podcaster.
Je viens de voir sur Neflix « Le tout nouveau testament ». Je me souvenais d’avoir vu les extraits et bandes annonces à l’époque de sa sortie, mais j’avais raté le fait que Benoît Poelvoorde  y incarnait un dieu belge quelque peu étonnant…

Source de l’image : Le nouveau testament. Copie d’écran issue du site : https://frenchly.us/week-francophone-films-theatre-raymond-kabbaz/le-tout-nouveau-testament/

Les images le montrent dans une pièce digne d’un mundaneum dystopique plutôt qu’utopique.
Un ordinateur et des tiroirs qui contiennent les fiches de tous les individus qui composent l’humanité.
Poelvoorde y incarne un dieu législateur de règles de l’emmerdement maximal. Il ne veille donc pas au bienêtre de l’humanité, il semble au contraire privilégier une approche différente.
 
Capture issue du journal Le Monde en anti-Otlet sadique… https://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/09/01/le-tout-nouveau-testament-benoit-poelvoorde-en-dieu-belge-et-mechant_4742015_3476.html

On a parfois l’impression d’y voir un successeur belge de Paul Otlet qui aurait choisi de transformer le mundaneum dans une logique optimisée de l’indexation des existences plutôt que de tenter de réaliser en vain une indexation des connaissances en pure perte.
On dirait même un anti-otlet…
Copie d’écran issue d’Atlantico qui montre Poelvoorde en anti-Otlet avec un bureau chargé d’alcool et boîtes de conserve dans un environnement digne du Mondaneum

 

 
 
 
 
Si la fille du Dieu belge décide de changer la donne en révélant les dates de mort des personnes, seule une reprise du contrôle de l’ensemble permet de changer la donne.
La révélation des métadonnées butoirs vient changer l’existence même. Une connaissance intime est alors la source du changement.
Cette incarnation de Poelvoorde est assurément à mettre au nombre des Mundaneum de la dystopie, mixant le désir d’un fichage généralisé avec le fait de pouvoir agir de façon omnipotente à la Big Brother.
Si ce n’est que ce n’est pas Big Brother is watching you, mais un pauvre type a fiché toute votre existence…
Si les images de Paul Otlet pouvait donner parfois l’impression d’un vieil homme ou d’un pauvre personnage usé par le fait de tenter d’indexer l’ensemble des connaissances possibles, le personnage du dieu omniscient Poelvoorde s’inscrit dans une filiation finalement plus inquiétante.
En effet, ce qui frappe dans le film, c’est le caractère malsain de Poelvoorde, être omnipotent mais totalement incompétent, sans pouvoir intrinsèque et dont l’éloignement des instruments de pouvoir le rend au final tout autant impuissant.
La leçon sans doute est que nous avons produit tout au long de l’histoire des personnages de ce type, bien avant nos data centers et que les archives des sociétés de la surveillance ont conféré parfois des pouvoirs à des êtres dont le seul but était de ruiner l’existence des autres.
Je vais tâcher dans les prochains mois de rassembler un peu de matériau sur les représentations dystopiques de ce type. On en trouve désormais régulièrement dans les séries…