J’avoue que j’en ai un peu assez. J’ai de plus en plus de mal avec la kyrielle d’évènements qui tournent autour du numérique. Il y en a de trop et surtout c’est de plus en plus de la communication clinquante et de l’enfonçage de portes ouvertes : « le numérique c’est bien, il faut du numérique, il faut de la médiation au numérique, il faut de la culture numérique… Bref, y a qu’à, faut qu’on… c’est l’évènement du « je dis »…toujours la même rengaine au final avec derrière des enjeux stratégiques de placements des uns et des autres et des tentatives pour apparaître compétents dans un domaine. En la matière, tout devient possible, un journaliste ou un vendeur de technologies qui n’a jamais enseigné peut devenir le spécialiste en matière d’éducation ; mais dans le domaine tout est possible désormais… On retrouve certains retraités en manque de leur pouvoir d’antan qui viennent encore nous polluer par leur présence lors de ses événements alors qu’il aurait été souhaitable qu’ils se taisent à tout jamais, alors qu’on aimerait davantage en écouter d’autres. Et puis le lot des administratifs toujours de plus en plus nombreux accompagnés de leurs chargés de mission, et les vrp de toutes sortes de produits miracles… Seulement, les positions un peu précises et complexes n’ont pas toujours leur place et on ne sait pas vraiment à qui sont dédiés ces événements parfois qu’on devrait appeler « les vainement »…
Alors, il est vrai que moi aussi je participe parfois à certaines manifestations – assez souvent à contre-courant d’ailleurs, mais je crois qu’il est de plus en plus temps de passer vraiment à d’autres modes. L’argent mis dans ces innombrables journées d’études, colloques, congrès et autres grandes messes en tout genre pourrait être davantage utilisé à travailler davantage sur le terrain, à recruter et à mener des recherches actions. La logique événementielle finit par transformer des chercheurs en vendeurs de soupe lyophilisée… rémunérés parfois plus de 5000 euros la conférence…si ce n’est pas plus.
Au final, on finit par tout mélanger… et culture numérique se réduit à une question d’usages ou à l’enseignement du code et comme ça tout le monde est content. Ce qui est dommage au final, c’est que le plus mauvais de événementiel connait des échos forts, car il n’y a aucune matière à réflexion et qu’il est facile de retweeter ou de liker ce qui semble une évidence. J’ai finalement vu peu d’échos par exemple de la journée du GR-CDI qui semblait pourtant d’un bien meilleur niveau que les grandes messes de la semaine qui ne servent pas à grand-chose au final. Et pourquoi tant de messes en présentiel alors qu’on évoque le numérique ? Pourquoi ne pas privilégier des approches moins clinquantes mais des lieux et milieux où on peut se retrouver et notamment en ligne ? Je me demande si on sait vraiment organiser des événements en ligne au final. Probablement, car la logique de événementiel est différente.
Du coup, la logique événementielle devient tout sauf de la communication, ou tout au moins pas de la communication dans le sens où je l’entends, c’est-à-dire le fait de publier quelque chose pour que chacun puisse en prendre connaissance. On voit que de plus en plus il y a un oubli important du contenu de ce qui est communiqué, comme une césure entre l’information et la communication, comme une perte de sens.
L’Événementiel finit par une masquer une instabilité, une incapacité à se poser qui l’éloigne de plus en plus de la communication qui doit aussi permettre la transmission, la participation et la construction. On s’entreglose en vain. On croyait à une nouvelle Renaissance, mais de plus en plus c’est un nouveau Moyen-âge que nous sommes en train de construire.
On a de l’argent pour l’événement, mais plus pour recruter. Les profils de poste n’ont pas encore pris le virage d’exiger un minimum de culture numérique dans la fonction publique, tandis que des entreprises peinent parfois à recruter faute de moyens financiers suffisants ou de compétences disponibles sur le marché. Idem dans le public ou on ne parvient pas vraiment à recruter des pointures dès qu’on monte en puissance sur les technologies. A quand un cloud institutionnel ? Si c’est jamais, autant signer de suite chez Google et l’assumer une fois pour toute plutôt que de continuer à bricoler. Je ne compte plus le nombre d’échecs pour monter des réseaux sociaux professionnels ou associatifs faute de moyens ou de volonté réelle. Je ne parle pas des administratifs qui nous parlent désormais de numérique et qui ont refusé tout un tas de projets précurseurs…
Je n’ai toujours pas compris non plus l’histoire des labels french tech, si ce n’est qu’on a l’impression que les villes préparent un dossier comme pour les Jeux Olympiques en espérant toucher le gros lot.
Je note aussi un malaise grandissant…y compris au Thatcamp de Lyon duquel je reviens. L’ambiance est retombée, les humanistes digitaux ou numériques semblent fatigués (moi le premier en tombant malade dès l’animation de l’atelier que j’animais), absorbés par une multiplicité de tâches grandissantes. Pourtant, le ThatCamp offre davantage de perspectives en matière de communication scientifique. J’espère que ce n’est qu’un mauvais passage.
Finalement ce triomphe de événementiel alors qu’on ne cesse de parler de durable est une vaste plaisanterie qui profite de la lente agonie de la valeur esprit.
ps: Olivier Ertzscheid nous montre ce matin qu’il ne faut pas désespérer et qu’il y a moyen de faire des choses en commun, et c’est bien l’essentiel.
yep. J’ai tendance également à penser qu’il ne faut pas désespérer… Mais effectivement, on manque d’événements en ligne. Rassembleurs. Intéressants. Différents (si possible, mais pas si simple). Une vraie lacune qui montre bien les limites de ce qu’est l’organisation et l’économie de l’événementiel. Oui.