Voici le second volet de notre série guittonesque. Au menu, une thématique somme toute classique, celle de l’attention déjà évoquée à plusieurs reprises sur le blog ou dans des articles.
Rien d’étonnant que cette question ne soit à nouveau évoquée ici. Jean Guitton nous disait donc, toujours dans le même ouvrage que nous avions cité précédemment sur le travail intellectuel que justement ce travail intellectuel était basé sur une difficulté importante peu aisée à contourner :
« Le travail intellectuel exige deux qualités contraires : la lutte contre la dissipation, ce qui ne se peut qu’en se concentrant, mais aussi un détachement par rapport à son travail, puisque l’esprit doit prendre sa hauteur, être tenu, comme disait Étienne Pascal, au-dessus de son ouvrage. » p. 16
Actuellement, rien ne semble avoir véritablement changé. L’attention est de plus en plus dispersée et enjeu d’une économie dont les leaders du web sont passés maîtres. Jean Guitton relie l’attention à l’esprit. Voilà une citation qui m’aurait été bien utile pour mon intervention sur le sujet il y a quelques mois :
« De plus, ce qu’on appelle esprit n’est jamais que la qualité de l’attention, et ce n’est pas sansvérité que l’on compare l’attention à une pointe (acies mentis, disait Descartes), ou encore qu’on la figure par un cône renversé. L’attention sera d’autant plus forte qu’elle se mobilisera et se concentrera. C’est une rude vérité, mais que notre genre de vie, notre éducation, notre paresse nous font négliger. » p.39
Jean Guitton nous précise donc que nos genres de vie nous font négliger cette attention. Justemement, cette négligence est précisément le fait de ne pas lire (neg-legere) car on préfère courir ou discourir plutôt que de marquer l’arrêt. Le cône renversé, ce focus nécessaire n’est pas chose aisée et représente souvent l’effort qu’on n’a pas toujours envie de faire. Un effort complexe quand les possibilités de faire autre chose nous tendent les bras. Et c’est aussi le cas des travailleurs du savoir qui sont tentés sans cesse de réaliser une chose plus simple ou de retourner surfer pour se détourner de l’action plus importante, pour mieux la remettre à plus tard. L’art de la procrastination.
Mais comment garder cet esprit aiguisé si ce n’est parfois par la contrainte ? Jean Guitton raconte dans son ouvrage comment lors de sa captivité il a fallu faire sans livre et sans stylo au début. Comment ne pas songer aux pratiques monacales qui privilégient plutôt une cellule éloignée de toute distraction ? L’étude se prête-t-elle à autant de dispositifs colorés ? Pas certain. Comment expliquer parfois, la capacité à rédiger longuement quand nous sommes privés de toute connexion web notamment dans le train ? Certes, il reste d’autres éléments perturbateurs, mais il est encore possible de s’isoler notamment avec de la musique.
La musique justement, bonne question. Est-elle une distraction ou peut-elle jouer un élément de motivation ? On serait étonné de voir sur quelles musiques sont rédigés la plupart des ouvrages et des romans. On y reviendra plus tard sur le blog.
Mais revenons à l’attention, notamment pour rappeler qu’il existe des outils qui tentent de nous aider à mieux gérer nos instincts de zappeur. On peut déjà conseiller, pour les adeptes des onglets à n’en plus finir, d’utiliser le simplissime, mais néanmoins efficace One Tab qui vous fera économiser de l’attention, mais aussi la puissance de votre pc. Vos onglets sont alors sauvegardés sous la forme d’une liste chronologique… encore une liste !
Autre élément, le logiciel focus booster. C’est simple, c’est un chronomètre qui va vous encourager à fixer votre attention pendant un temps déterminé (il est sur 25 minutes par défaut) sur un travail précis. Il reste toutefois à tenir bon pendant ce laps de temps, ce qui n’est pas chose aisée, mais on peut imaginer un entraînement avec moins de minutes pour monter progressivement en régime.
Focus Booster en mode chrono
Voilà qui démontre que le travail intellectuel exige une rigueur somme toute sportive. Une quantification de soi qui peut aussi s’effectuer avec des outils comme Timestats qui mesurent le temps passé sur vos sites préférés. Révélateur de nos pratiques assurément.
Pour finir, ce deuxième épisode, revenons à Jean Guitton et à la première citation. Le deuxième élément conjoint à l’attention concerne le détachement. En effet, rien de pire finalement qu’être le nez dans le guidon et de ne pas se montrer capable d’exercer son esprit… critique sur soi-même. Le détachement réside alors dans la capacité à réfléchir en s’éloignant quelque peu des supports pour mieux y revenir, un peu à l’instar de cet effet trampoline que j’évoquais il y a quelques années.
Allez, concentration, détachement, concentration, détachement… voilà le bon exercice. Jean Guitton, c’était vraiment Véronique et Davina réunies en une seule personne pour les travailleurs du savoir !
En bonus, cet extrait où on voit le candidat Jacques Chirac citer Jean Guitton. Je n’ai pas encore pu retrouver la version des Guignols.