Web 2.0 et web sémantico-social

La sempiternelle ritournelle recommence, ceci tuera cela : le livre tuera l’édifice, le web 2.0 est mort. Je m’étais demandé durant l’été si la blogosphère n’était pas en train de s’essouffler ce qui me semblait être un peu le cas d’autant que je pressentais que ce n’était qu’un repos pour l’expression d’une envie de nouveautés. Ainsi, il semble que nous soyons rentrés dans un état de volonté de renouveau incessant comme si la stabilité, la routine constituerait une menace de notre intégrité physique et intellectuelle.
Le web 2.0 est en place, mais il l’est depuis déjà trop longtemps pour les pionniers, alors il faut encore bouger pour demeurer tout le temps en avance (en avance sur qui ou quoi d’ailleurs ?) Pour cela, il faut tuer l’ancienne créature pour en faire émerger une nouvelle qu’on appellera web 3.O, bidulemegafun, superchébran peu importe. Etrangement donc dans le petit monde du web, le désir d’instabilité semble être la règle et j’avoue parfois subir ce sentiment auquel il faut résister.
C’est un des dangers que cet état d’esprit devienne celui du web car il peut s’avérer au contraire anti-évolution et peut même empêcher la concrétisation technique. D’autre part, il peut également empêcher notre individuation ainsi que la stabilité de nos processus de veille et de collaboration.
L’individuation technique a besoin de stabilités tout au moins conceptuelles pour pouvoir évoluer et permettre l’expression et la poursuite de potentialités. Il en va de même pour nos individualités.
Cela signifie qu’il faut prêter attention à ce que le marketing ne vienne pas une nouvelle fois court-circuité les relations que nous construisons via les nouveaux hypomnemata des dispositifs sociaux plus communément nommés outils du web2.0.
Le web 2.O n’est donc pas mort. Certains rétorqueront probablement avec raison qu’il n’a probablement pas existé mais nous ne saurions accepter l’argument tout aussi fallacieux du nihil novi sub sole.
Je dois néanmoins admettre que j’observe des évolutions et la concrétisation de potentialités. La plus importante selon moi est celle de la construction de systèmes sémantico-sociaaux. Il devient de plus en plus difficile de parler seulement de web, cela paraît désormais trop restrictif et a fini par dissimuler pour beaucoup d’usagers et notamment chez les prétendus digital natives, la réalité technique des réseaux . L’apparition de l’expression de cloud computing ou d’informatique dans les nuages traduit bien ce sentiment de transmission de l’information de manière quasi éthérée voire magique. S’il n’en est rien  dans l’esprit des concepteurs de tels architectures, la confusion se développe dans l’esprit de l’usager lambda.
Et nous sommes ici tentés de reprendre l’analyse médiologique qui considère que le meilleur média se fait oublier. Il semble que les technologies de l’Internet parviennent de plus en plus à réussir ce tour de force.
Les infrastructures techniques vont devoir toujours demander des moyens financiers quant à leur développement et leur maintien. Reste à savoir qui sera chargé de sa prise en charge tant c’est le fait de proposer des services qui s’avère le plus rentable.
L’autre question est donc de savoir de quel type de solution sémantico-sociale nous voulons. Deux alternatives nous sont proposées :
– La première est une vision orientée usager en tant que consommateur et client. Cette dernière cherche donc à indexer surtout les activités et les goûts de l’usager pour mieux capter son attention et le manipuler. Pour cela, l’idéal est de le maintenir en état de frustration permanente. On apporte toujours de la nouveauté, on incite sans cesse à s’équiper et on change de nom….au web 2.0 par exemple. On ne laisse pas le temps à l’usager devenu captif de prendre les devants et de se construire psychiquement et intellectuellement ainsi que collectivement.
– L’autre solution nécessite une vision moins positiviste des techniques du web sémantique et notamment une vision moins objectiviste à la fois de l’information et de l’individu. Il s’agit ici de parvenir à ajouter de la valeur (de la valeur esprit?) à nos actions et aux documents présents sur les réseaux. Cela nécessite donc des stratégies de collaboration, des passerelles entre amateurs et professionnels, entre professeurs et élèves, entre dirigeants et dirigés. L’usager ici est plus le citoyen qui cherche à devenir majeur c’est à dire à sortir de son état de minorité dans lequel les industries de programme ou autres types de domination symbolique et physique tendent à l’y cloisonner. Ici nous retrouvons donc la réflexion de Stiegler autour des milieux associés par rapport aux milieux dissociés de la première alternative.
Evidemment, je souhaite que ce soit la deuxième solution qui ne l’emporte mais ce n’est chose aisée d’autant qu’il n’est pas évident de clairement distinguer les deux alternatives..
La bataille de l’intelligence commence, à nous tous d’y prendre part et surtout de prendre soin.

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