Facebook ou le miroir de nos masques

Facebook demeure toujours autant source de critiques et d’inquiétudes sur son modèle financier. J’avais raconté il y a quelques mois que j’observais l’arrivée massive de nouvelles générations sur la plateforme notamment avec les demandes de mes anciens élèves. J’avais décidé d’accepter ces demandes de contact en créant un profil élèves. Force est de remarquer après quelques temps qu’il s’agit d’un véritable intérêt pour un observateur des réseaux sociaux et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de ces anciens élèves. Scientifiquement, facebook permet de mesurer des usages et des évolutions de manière parfois plus fines et efficaces que ne le ferait une simple enquête statistique ou quelques entretiens menés d’ici de là auprès d’élèves ou étudiants. Outre que Facebook pourrait permettre de réaliser une forme active de suivi des cohortes : c’est-à-dire répondre à la question que se pose bon nombre d’enseignants à propos de leurs anciens élèves : que sont-ils devenus?
La première observation qui apparait sur mes anciens élèves, c’est que leurs stratégies sont purement inscrites dans l’instantané. Il n’y a que rarement des projections dans le futur. Cela explique sans doute pourquoi tout est facilement accessible, ils ne connaissent pas les profils limités, les photos des amis des amis sont ainsi sans cesse disponibles, etc. Certaines habitudes émanant de la skyblogsphère sont importées notamment en ce qui concerne les commentaires sur les photos publiées. On retrouve les mêmes phrases du genre « je t’adore, t’es trop belle« , etc voire tout simplement « j’taime » quand il s’agit de commenter la photo du fiancé du moment. A aucun instant, il n’y a conscience de la trace. Cette inconscience du futur se voir également chez un ancien des mes élèves qui prend plaisir à réaliser exactement tout ce qu’il faut éviter de faire sur un réseau social. Il remplit régulièrement ses états pour démontrer aux autres qu’il est décidément un gars cool et qui ne s’en fait pas. Dernièrement, son état mentionnait qu’il s’était enfin décidé à faire ses devoirs…mais qu’il ne savait pas encore quand. Cette volonté humoristique va de pair avec l’état précédent qui mentionnait « a encore pris sa race comme d’habitude », tout cela allant de pair avec la participation à des groupes thématiques ventant les mérites de l’alcoolisme ou de tout type d’apéritifs. Pourtant ce garçon sera bientôt dans quelques années sur le marché du travail. Mais sur ce point, il est comme beaucoup à ne pas trop y penser. En effet, nombreux sont ceux qui s’en moquent et démontrent par cette volonté festive, souvent alcoolisée et que l’on rencontre certains jeudis soir dans les villes étudiantes ne sont le reflet que d’une terrible évidence : dans le futur, seul le pire n’est pas décevant pour paraphraser une expression d’un film de Lelouch.
Tous ces états, ces mentions d’activités sont bien souvent des mises en scène et ce d’autant plus pour les jeunes générations qui doivent, tout en demeurant dans une forme de mimétisme, faire apparaitre leur différence. Pour autant, ces masques sont surtout des miroirs. Le masque ne dissimule pas, il révèle encore plus et cela est d’autant plus vrai sur Facebook et sur les profils de mes anciens élèves. Mais ce ne sont pas les seuls concernés, que dire de celle qui change sa photo de profil pour apparaitre plus à son avantage peu après avoir inscrit qu’elle en avait marre du célibat.
Alors que faire face à toutes ces diverses observations et tendances à l’oeuvre? Une réponse qui peut paraitre terrible c’est que désormais notre rôle d’enseignant ne peut non seulement se borner à la classe et qu’il doit s’ouvrir en dehors des temps de cours mais que ce rôle n’est pas nécessairement borné à la sacrosainte-sainte année scolaire. Un ancien élève qui souhaite vous garder en contact, vous témoigne une forme de confiance. Et la confiance appelle donc au conseil. Faut-il se résoudre à demeurer parfois professeur-documentaliste virtuel comme ce fut mon cas mercredi soir en dépannant une ancienne élève confronté à quelques difficultés plutôt de type informatique ce qui a eu pour effet qu’elle mentionne sur son état « sauvé par maitre Yoda » Je ne sais pas mais je note que cela nous ramène du bon côté de la force.

2 réflexions au sujet de « Facebook ou le miroir de nos masques »

  1. Je continue à avoir du mal à percevoir l’aspect réseau professionnel de Facebook. Après tout, il est né sur un campus, justement pour être utilisé dans la visée de l’instantané au sein d’un réseau amical. Ne devrait-il pas rester dans cette voie et laisser à des plate-formes comme Linkedin ou Viadeo le soin de relier dans la sphère professionnelle? Il semble logique que les réseaux sociaux, virtuels comme les réels, puisse permettre de der une dichotomie vie privée/professionnelle, je pense.
    Jérôme Chauvin

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