Y-a-t-il vraiment émergence d’une science 2.0 ?

Je travaille actuellement à l’écriture d’un article sur une hypothétique science 2.0, avec comme interrogation principale : quelles sont les évolutions du mode de publication scientifique et les nouveaux usages liés au web 2.0 ?
L’étude s’avère très difficile à effectuer. L’examen du classement science de wikio, l’étude de la présence des articles sur les plateformes types delicious ou citeulike révèlent un côté scientifique en fait très incertain.
Le premier problème, c’est que nous n’avons pas inventé les nouvelles nétométries, qui nous permettraient d’évaluer de nouveaux effets de type viral sur les réseaux type web 2.0. De même, les moteurs pour examiner les réseaux sociaux et les plateformes de partage de signets ou d’articles sont inexistants ou mauvais.
De plus, l’usage s’avère assez faible. Les articles les plus référencés émanent des archives ouvertes mais cela n’atteint pas des sommets de partage. De plus, les articles les plus partagés en provenance d’archivesic sur delicious concernent les questions autour du web 2.0 et des folksonomies. Ce qui produit un effet gênant : je suis souvent un des principaux auteurs référencés sur ces réseaux. En clair, trois ou quatre auteurs émergent fréquemment et notamment mon co-auteur.
On tourne en rond et quelle conclusion en tirer si ce n’est que ceux qui parlent le plus de l’évolution du web sont aussi ceux qui parlent le plus de ces outils, qui incitent le plus à leur usage, et qui de fait sont les plus souvent mentionnés par ceux qu’ils ont convaincus. Ce travail de communication s’effectuant sur les sphères de la popularité et notamment la blogosphère.
Je ne suis donc pas du tout convaincu que la science 2.0 existe vraiment. Nous sommes probablement dans d’autres types d’effets, notamment toujours dans le glissement de l’autorité à la popularité. Avec également des élargissements des sphères de la légitimité scientifique vers des sphères annexes par contiguïté notamment sur les blogs. Les blogs scientifiques devenant de plus en plus des blogs politiques ces derniers mois sans que pour autant la figure du savant ne refasse surface.
Il s’agit aussi de nouvelles formes de vulgarisation scientifique dont les effets positifs me semblent intéressants tant ils tendent à rapprocher sphère professionnelle et sphère scientifique. Dès lors s’agit-il de science ou de vulgarisation? Les deux problèmes devant être distingués, ce qui s’avère en fait difficile puisque de plus en plus les mêmes canaux peuvent être utilisés. De la convergence des médias, on glisse dans le mélange.
J’aboutis à une aporie dont je ne parviens pas à me sortir. Les usages sont faibles, les atouts sont importants mais les risques aussi. Faut-il former à l’e-science?
En tout cas, il va falloir tenter de mettre en place de nouveaux outils de mesure qui permettent de mettre en avant la science en action ainsi que la science en liaison. J’en appelle donc aux spécialistes des diverses métries et notamment Jean Véronis.
J’en appelle donc à vos commentaires, ici ou par mail sur vos usages scientifiques en ce qui concerne les outils du web 2.0. On notera que mon billet de blog constitue également un sujet d’études qui concerne pleinement le sujet.

13 réflexions au sujet de « Y-a-t-il vraiment émergence d’une science 2.0 ? »

  1. Bonjour,
    Il me paraît très hasardeux, et pour tout dire sans véritable sens, de parler d’une science 2.0. On ne parle pas d’une science-revue, même si les revues ont joué et continuent de jouer un grand rôle sur la structuration de la science.
    Le Web 2.0 peut jouer pour les scientifiques le même rôle que la machine à café dans les laboratoires. Un lieu décalé et parfois mais rarement important de discussions informelles. Il peut être aussi un bon outil de vulgarisation et d’apprentissage pour les étudiants. Mais il faut arrêter d’en faire l’alpha et l’oméga. Ce n’est qu’un élément, vraisemblablement très marginal dans la construction de la science.
    Par contre je suis bien convaincu de l’émergence d’une e-science, mais il s’agit de tout autre chose.

  2. En effet, nous sommes plutôt dans des dispositifs plus larges et l’expression de science 2.0 se retrouve plutôt chez nos confrères américains.
    Je crois qu’effectivement, la métaphore de la machine à café correspond bien pour les outils du web 2.0.
    Cependant de nouveaux outils se mettent en place pour le partage de données d’expérimentations mais les usages sont encore rares.
    Peut-il faut il déporter l’interrogation en effet sur l’e-science.

  3. Bonjour,
    je pense aussi que le concept de e-science est beaucoup plus intéressant (et problématique d’ailleurs) que celui de science 2.0. En ce qui concerne l’utilisation des outils à la web 2.0 par les scientifiques, je ne comprends pas pourquoi vous citez d’une part Wikio et delicious qui ne sont pas du tout conçus pour les communautés scientifiques, et pourquoi vous placez sur le même plan delicious et citeulike alors que ce dernier est très différent en ce sens qu’il est prévu pour les scientifiques. Bref, si on tient absolument à parler de sciences 2.0, c’est bien plutôt de citeulike, connotea, zotero (qui bascule côté réseaux sociaux avec sa version 1.5), et peut-être linkedin qu’il faut chercher. Ce qui manque encore, à mon avis : un vrai réseau social pour scientifiques. Cela pourrait presque être fait dans facebook avec une application spécifique. Peut-être cela existe-t-il déjà ? En tout cas, cela ne me semble pas pertinent de chercher à repérer les usages scientifiques au sein des outils et réseaux généralistes. Il est normal qu’ils soient relativement microscopiques.

    1. En fait, c’est justement parce que ces réseaux scientifiques existent (myexperiment.org, scilink) mais sont peu fréquentés que je suis contraint d’analyser les plateformes plus grand public où les scientifiques sont plus présents.
      Connotea est désertée de plus en plus notamment.
      En clair, les usages sont microscopiques justement sur les sites dédiés aux scientifiques.
      Pour wikio, je songe au classement top science dont j’ai plusieurs fois fait la critique mais qui a le mérite d’exister.

  4. A l’heure actuelle je dirai qu’il n’y a pas de science 2.0. La communauté scientifique est très conservatrice et s’il y a usage occasionel de quelques outils 2.0, la plupart du temps il s’agit d’un usage 1.0 (pas de vrai partage/ouverture) et les sites communautaires pour scientifiques ne semblent pas décoller.
    On trouve quelques exceptions comme le wiki OpenWetWare:
    http://openwetware.org/wiki/
    « Faut-il former à l’e-science? »
    Avant de former il faut changer les mentalités. La compétition pour la publication et la peur de se faire voler ses idées restent très fortes. Cela limite les nouveaux usages basés sur le partage et l’ouverture…

  5. Autre point : est-ce que dans l’expression « science 2.0 », vous placez les blogs ? parce qu’il me semble que sur ces supports, les usages ont, eux, véritablement décollé.

  6. Sans doute que le volume de la « science 2.0 » n’est pas encore au niveau où on l’attendrait mais, pour moi, il y a bien un phénomène nouveau dans l’accélération (serveurs de preprints + blogs + trackbacks), l’ouverture (« open commentary », « open access ») et la remise en cause (« publication liquide » visant à casser l’article scientifique et son évaluation) d’un certain nombre de pratiques de recherche. J’ai rencensé de nombreux exemples illustrant ceci (en sciences dures, pas en science des bibliothèques 😉 dans cette présentation : http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/12/04/359
    Surtout, le plus intéressant me semble être précisément dans le brouillage des fontières. Quand je parle de blogs de science (dont le nom associe précisément les blogs scientifiques, les blogs de vulgarisation, les blogs de science citoyenne ou amateur etc.) en public, j’insiste là-dessus : il n’est plus possible de savoir si un chercheur fait de la vulgarisation ou de la communication formelle. Et finalement, on retrouve ce que disait Daniel Jacobi sur le continuum de l’expression et de la communication scientifiques (« Textes et images de la vulgarisation scientifique », Berne, Peter Lang Verlag, 1987), porté à son apothéose. Ce billet le dit bien, mais cherche à conserver la frontière entre recherche et vulgarisation, qu’il faut remettre en question. D’ailleurs, Olivier Ertzscheid parle de valorisation, ce qui est un terme aussi intéressant .
    Concernant les réseaux sociaux de chercheurs, il y a un usage tout à fait intéressant de Friendfeed qui est fait par les chercheurs (voir par exemple cette « room » qui compte 675 membres et cet article ). Ceux qui y sont les plus actifs revendiquent justement leur liberté à s’emparer d’un outil grand public qui répond à des besoins grandissants plutôt que d’aller trouver sur des plateformes spécialisées une réponse à un besoin qu’ils n’ont plus (Google Docs leur offre déjà l’écriture à plusieurs d’articles, le mail structure une équipe, le blog sert de carnet de recherche etc.).

  7. Oups, les liens que j’ai mis entre crochets ont sauté… Je demande au webmaster de bien vouloir les rétablir s’ils apparaissent dans l’interface admin, et de supprimer ensuite ce commentaire. Merci 🙂

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