Classement wikio : quand il n’y a que la maille qui m’aille

Le classement wikio suscite quelques débats depuis l’arrivée massive de nouveaux blogs notamment féminin et plus particulièrement sur le tricot, le crochet.
C’est pour moi une excellente nouvelle car cela démontre le retour de savoirs et de techniques que l’industrie de consommation avait tenté de faire disparaître au profit de prêt à porter médiocre en qualité ou qui ressemble à des affiches publicitaires.
Bonne nouvelle encore, car le tricot, le crochet me fait penser à la veillée, où on partageait ensemble diverses activités. Désormais, il s’agit plutôt de tricot-thé qui sont tout aussi légitimes que les barcamps par exemple. Je suis d’ailleurs tenté par un mix des deux avec la mise en place de teacamp.
D’autre part, il est intéressant de voir que ces blogs mêlent diverses qualités qui démontrent que ces blogueuses ont une culture parfois supérieure à certains blogueurs masculins.
Elles s’expriment aussi bien voire mieux. Elle décrivent leurs activités, partagent photos et s’échangent fréquemment des patrons parfois complexes sur certains sites notamment anglosaxons, voire asiatiques.
Nous sommes clairement dans ce que Simondon nomme la culture technique. En effet, ces blogueuses n’en restent pas au simple usage, elles créent et ne se contentent pas toujours de refaire à l’identique mais innovent aussi. Une culture pas si éloignée de la culture hacker d’ailleurs.
Pour rappel, j’avais mentionné le travail en matière de crochet d’une scientifique australienne.
La même démarche se rencontre en cuisine et dans d’autres arts qui sont loin d’être mineurs et qui dépassent la kyrielle de blogs « techno » et pseudo branchés qui ne sont que le reflet de simples usages irréfléchis et de pression de la consommation.
Je note aussi que sur de nombreux blogs masculins bien classés et que je consulte souvent-et parfois avec plaisir d’ailleurs quand il y a de l’originalité, je retrouve sans cesse de l’information simplement adaptée de blogs anglophones avec la plupart du temps la simple expression d’opinions. Les analyses sont faibles et rares.
Techniquement, ce sont des blogs mineurs (à la fois au sens technique de Simondon, mais aussi au sens de Kant dans sa définition des Lumières) qui finissent par exceller dans rien mais qui publient sans cesse. Et on ne fait que s’entregloser comme le déplorait Montaigne. Nulle création de savoirs, une dominante de l’outil, du service à utiliser et à tester. On demeure dans le besoin d’affirmation plus que dans le besoin d’information. sans compter qu’au final, on n’échappe pas aux sphères de la publicité qui ne font que se déplacer et qui opèrent de manière différente. Le conformisme demeure de fait et se manifeste par les déclarations d’achat de tel ou tel produit Apple par exemple. De la même manière, très souvent les enjeux de citation et de backlinks participent surtout du conformisme et de stratégies de son besoin d’affirmation, et parfois également de stratégies de référencement à des fins publicitaires.
On se croyait à l’abri des stratégies commerciales qui opèrent sur les médias de masse, et nous nous trompions grandement. La blogosphère est complexe mais il semble que des modèles qui concernaient les entreprises glissent vers l’individu notamment avec les plateformes de réseaux sociaux. Et ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle quand de ce fait l’individu devient une marque. Nous nous transformons en pub et nous devenons de vulgaires camelots. Le personal branding en devient dès lors dangereux.
Cela ne peut que fragiliser l’individu. On imagine aisément les stratégies pour être en haut et les rumeurs et autres moyens de casser les réputations. L’autre risque c’est également celui de vouloir plaire et de séduire un auditoire large et consensuel…c’est le modèle TF1! Je n’ai aucune envie de cette blogosphère là pour ma part.
Il est donc nécessaire de reformer l’institution (notamment éducative mais pas seulement) non à des fins de surveillance (ce qui est sa tendance actuelle, ce qui témoigne à la fois de son efficacité limitée) mais de veille. Cela implique aussi parfois des hiérarchies non basées sur la popularité. Sur wikio, le lien fait par un éminent chercheur à moins de valeur que celui d’un blogueur professionnel. C’est Mallarmé qu’on ignore au profit de Johnny.
C’est le triomphe de la doxa. Le classement wikio est donc pertinent au sens sociologique pour connaitre ce qui est populaire et non pour décider de ce qui a de la valeur. Il reste qu’il manque d’autres liens comme ceux des flux et les liens twitter. D’ailleurs, je pressens une arrivée de wikio sur la mesure des liens twitter d’ici peu.
Cela signifie qu’il est insuffisant pour opérer une évaluation de l’information tout comme le Page Rank de Google ne constitue pas une garantie de fiabilité.
Puissent les parques blogueuses tisser de nouveaux liens et couper ceux qui ont déjà suffisamment déformé les esprits et ne pas se prendre dans les rets du pub system qui les menacent déjà.

11 réflexions au sujet de « Classement wikio : quand il n’y a que la maille qui m’aille »

  1. Content d’avoir découvert votre blog. La bonne surprise de ma soirée 🙂
    Je crois que vous mettez le doigt sur une tendance qui pointe le bout de son nez. Cette polémique autour des « tricoteuses » n’est, à mon avis, que le début d’un retour à la culture du « fait maison ». Et les temps s’y prêtent bien..
    Les français ne réalisent pas encore l’importance de cette culture, qui comme vous le suggerez, n’est pas si éloignée de la culture hacker :
    « Nous sommes clairement dans ce que Simondon nomme la culture technique. En effet, ces blogueuses n’en restent pas au simple usage, elles créent et ne se contentent pas toujours de refaire à l’identique mais innovent aussi. Une culture pas si éloignée de la culture hacker d’ailleurs. »
    Vous mentionnez plus tot Ravelry, mais pour faire le rapprochement avec la culture hacker, il suffit de se pencher sur les phénomènes Make et Craft (http://makezine.com & http://craftzine.com ).
    Deux sites traitant du « DIY », avec une affinité plus forte dans le cas de Craft pour les loisirs créatifs tels qu’on les considère en France.
    Ces sites/magazines sont édités par O’Reilly.. bien connu dans la culture hacker 🙂
    En tout cas, merci pour cette analyse.
    J’ajoute votre blog dans mon OPML 🙂

  2. Merci pour votre commentaire et vos références fortement intéressantes qui confirment ce que j’avançais.
    Je pense que cela mérite d’ailleurs une étude plus poussée et un article scientifique.

  3. très bon arcticle, je viens également de découvrir votre blog (via twitter d’ailleurs, en cherchant des tweets sur « le neuromancien ») et je regrette de n’avoir pas assez de temps pour lire vos archives, ce post fait bien plaisir, il est au antipodes de ce qu’on a pu lire récemment sur les modifs au classement, par exemple le post sur nowhereelse.fr est vraiment édifiant de Condescendance! http://www.nowhereelse.fr/classement-wikio-avril-2009-18503/

  4. D’accord avec vous et avec les écueils que vous soulignez:
    « On se croyait à l’abri des stratégies commerciales qui opèrent sur les médias de masse, et nous nous trompions grandement. La blogosphère est complexe mais il semble que des modèles qui concernaient les entreprises glissent vers l’individu notamment avec les plateformes de réseaux sociaux. Et ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle quand de ce fait l’individu devient une marque. Nous nous transformons en pub et nous devenons de vulgaires camelots. Le personal branding en devient dès lors dangereux.
    Cela ne peut que fragiliser l’individu. On imagine aisément les stratégies pour être en haut et les rumeurs et autres moyens de casser les réputations. L’autre risque c’est également celui de vouloir plaire et de séduire un auditoire large et consensuel…c’est le modèle TF1! Je n’ai aucune envie de cette blogosphère là pour ma part. »

  5. Ce que révèle Wikio dans son dernier classement, c’est l’existence d’un continent tout entier qui s’est construit en parallèle de la blogosphère dite influente, ce petit-monde de technophiles, de communiquants, de journalistes et de politiques qui depuis quelques années pensait être LE web et en incarner sa seule influence. Hors il n’existe pas un seul web tout comme il n’existe pas une seule influence. Le web, comme le tricot, est réticulé, en réseau, distribué et les communautés affinitaires s’y développent et s’y déploient pour la plupart sans se soucier de l’attention des médias spécialisés ou généralistes.
    La communauté des loisirs créatifs n’est pas nouvelle, cela fait plusieurs années que dans RTGI/linkfluence, nous l’utilisons comme exemple idéal typique de ce qu’est une communauté affinitaire sur le web à des années lumières justement de la blogeoisie qui, même si elle se définit en opposition, ne se construit que dans sa proximité aux médias traditionnels et dans ses tentatives de reproduire un modèle économique rentable adapté à ce média (régies publicitaire de « blogueurs influents », billets sponsorisés, marchandisation de l’influence par les agences RP etc. etc.).
    La communauté des loisirs créatifs est riche de contenus originaux, de pratiques innovantes, de maîtrise toujours croissante de l’objet technique qu’est le blog et des chaînes de traitement documentaires multimédia, de production de liens sociaux, de construction communautaire et d’une économie de la créativité et de l’échange dans laquelle le culte consumériste n’est non plus une fin en soi mais un simple vecteur (matières premières, outils) d’expression et de réalisation de soi.

  6. Tricoteuse et blogueuse, je suis toujours à la recherche de nouveaux moyens techniques pour communiquer. J’ai d’ailleurs participé à un Barcamp où j’ai découvert la richesse du monde internet et ces possibilités. Je pense que votre idée de teacamp est une très bonne idée. Trop de filles restent encore trop isolées car elles ne maîtrisent pas suffisamment l’outil internet !

  7. Bonjour, intéressant petit papier que j’ai découvert après avoir lu votre post dans le forum tricotin.
    Je tiens à relever ce passage de votre billet : « On se croyait à l’abri des stratégies commerciales qui opèrent sur les médias de masse, et nous nous trompions grandement. La blogosphère est complexe mais il semble que des modèles qui concernaient les entreprises glissent vers l’individu notamment avec les plateformes de réseaux sociaux. Et ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle quand de ce fait l’individu devient une marque. Nous nous transformons en pub et nous devenons de vulgaires camelots. Le personal branding en devient dès lors dangereux. »
    Oui, d’autant que certaines ne postent sur le forum que ce que les publicitaire appellent des teasing afin d’augmenter la fréquentation de leur blog. Sachant qu’elles le font pour être rémunérée par la pub. Je trouve cette façon de procéder très irritante et je n’ai AUCUNE envie de passer du statut de lectrice d’un blog à celui de pigeon attiré pour augmenter le trafic.
    Pour préciser, je ne parle pas de celles qui ont juste un peu de pub mais de celles qui postent avec des titres du style « venez donc voir sur mon blog » mais ne donnent rien dans le corps du message sur le forum.
    Je ne sais pas si je suis claire, mais ce type de comportement m’exaspère au plus haut point !
    Cordialment,
    E

  8. Malheureusement les tricoteuses, crocheteuses et autres passionnées de loisirs créatifs qui possèdent un blog se font aussi de plus en plus piéger par l’appât d’un gain totalement relatif.
    Dans ces blogs il n’y a pas d’articles personnels à proprement parler, pas de réel apport pédagogique, pas d’échange d’idées.
    Ces blogs véhiculent du contenu venant d’autres sites sans analyse personnelle, au même titre que les blogs dits « influent » avec moultes bannières publicitaires jusqu’à rendre le site énnervant.
    D’après une analyse que j’ai vu sur le net, pour vivre réellement de la publicité sur un blog il faut tourner autour de 8000 visites…….par jour !
    Je ne sais pas si cette analyse est sérieuse mais je doute que les blogs de loisirs créatifs puissent vivre de la publicité sur leur site.
    C’est comme vendre ses propres créations, on peut le faire pour le plaisir, pour se payer son hébergement, mais pas pour espérer en vivre il faut être réaliste.

    1. Il y a effectivement un vrai risque. Cependant, il y a quand même des échanges d’idées et des potentialités de partage et d’échanges qui sont intéressants à étudier. De même, ce sont des lieux d’apprentissage parfois.
      Pour ce qui est de la vente des créations, cela reste effectivement difficile…dans le contexte économique actuel basé sur une logistique polluante et qui permet aux revendeurs, aux grossistes de prospérer sur le dos des créateurs et des producteurs.
      Ce modèle est selon moi caduque, il faut donc envisager d’autres pistes.
      Je reviendrai prochainement sur les résultats de l’enquête que j’ai menée sur ces réseaux.

  9. Entièrement d’accord avec vous, il faut envisager d’autres pistes.
    Mais quand on y regarde de plus près, on est vite découragé, mettre ses créations en vente c’est le parcours du combattant face aux géants de l’industrie dont la concurrence est démentielle.
    Comment vendre des productions faites mains quand les industriels importent de Chine des produits qui ne coûtent parfois que quelques euros tout ça au mépris du droit du travail voir même des droits de l’homme !
    Un jour j’ai mis en vente dans une mercerie un manteau pour enfant que j’avais crocheté et que ma fille n’a jamais porté.
    J’ai laissé la mercière calculer le prix de vente (je n’ai pas d’expérience dans le domaine commercial), elle voulait l’afficher à……120€ !!!!
    Le prix du fil (angora et laine) + le prix des heures de travail.
    Je l’ai descendu à 80€ pensant qu’il ne se vendrait pas, qui aurait payé un tel prix ?
    Il s’est vendu pour Noël, je n’en revenait pas.
    Tout ça pour dire que le contexte économique actuel n’est pas propice aux ventes des produits de l’artisanat et il faut forcément avoir una activité annexe pour vivre.
    Mais ne désepérons pas !

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