Mandat pédagogique du professeur-documentaliste, sa faisabilité et le menace d’une transformation-disparition

Message posté également sur la liste e-doc ce vendredi soir en réponse notamment à des questions de faisabilité et sur le  débat actuel.
Sur les affaires de faisabilité, il y a évidemment une question en suspens  notamment sur comment on dégage les heures, comment on les fait, avec qui et quand et dans quel lieu. Vieille question d’ailleurs… mais qui ne semble pas impossible à remédier.
Toutefois, comme le dit Marion, on ne peut pas rester sur une problématique uniquement de terrain en évoquant telle difficulté locale voire telle impossibilité concrète sur le terrain. Il faut penser global de manière à avoir un territoire commun professionnel et surtout une forme de « programme commun ».
Or ce programme, ne peut être le PACIFI qui tente d’implémenter dans les programmes un saupoudrage informationnel de manière administrative.  La réelle présence de l’enseignement et sa réelle évaluation étant quasi nulle. De plus, le pacifi désintègre la cohérence  d’une réelle formation et de son contenu avec à un document administratif dont la valeur est faible pour ne pas dire nulle.  Clairement il ne s’agit pas de « culture de l’information » ou alors c’est du made in china qu’on nous fait passer pour du Louis Vuitton. Pas besoin d’être expert pour voir la falsification.
Denis, je sais que tu plaides pour le développement d’une ingénierie documentaire comme socle du métier plutôt qu’une transmission de savoirs de type information-communication. Sur les aspects « cours infocom », Pascal a déjà clairement répondu ici et sur les trois couronnes.
Je reviens donc sur les aspects d’ingénierie. Seulement, moi cette ingénierie me pose problème à plusieurs titres :
–          De quel niveau est-elle réellement ? S’agit d’une formation technique de pointe reposant principalement sur une autre discipline : l’informatique documentaire couplée avec des éléments d’infrastructures web ? Dans le cas présent, en quoi une telle ingénierie correspond-t-elle à un capes ? Je ne nie pas la nécessité d’un développement de ces compétences dans la formation des professeurs-documentalistes, je rejette simplement qu’elle en soit le cœur de métier.  Pour en avoir déjà parlé avec toi, je crois qu’en terme de faisabilité, on en est très loin en terme de faisabilité sur le terrain.
–          Tu vas me dire qu’il faut rajouter à ces compétences techniques, des compétences en gestion et en animation de projets et de ressources.  Soit, et je suis bien placé pour te dire qu’en effet ces éléments peuvent faire partie des compétences des professeurs-documentalistes, mais surtout des documentalistes d’abord.  Je suis bien placé pour le savoir vu que j’ai en charge des étudiants de ce type de formations et qu’on mêle bien des logiques de projets à des logiques plus d’informatique documentaire.  Au passage, ces compétences sont quand même souvent liées à l’infocom …ainsi qu’à l’administratif.
 
Dès  lors, en quoi si ces compétences devenaient principales, auraient-on besoin d’attribuer à son titulaire un capes dont l’objectif principal est bien la mission pédagogique ? Si on parle de faisabilité, pour le coup, il faut bien s’interroger aussi sur le fait qu’à force de dériver sur les vocabulaires de l’ingénierie, on risque de se tromper fortement et d’évacuer de fait la dimension pédagogique.  L’ingénierie technique ne doit figurer que pour permettre au professeur-documentaliste de maitrise la technique et donc d’être majeure face à elle (comme le dit Gilbert Simondon)
 
On peut  me rétorquer que certes la dimension pédagogique figure dans les nouveaux textes et dans les derniers projets de circulaire.
Mais le problème c’est que tout est pédagogique en ce moment et c’est bien le risque !
Tous les administratifs prétendent faire de la pédagogie, plus on en parle moins on en fait. Finalement, le professeur-documentaliste accompagne les dispositifs pédagogiques et contribue à son fonctionnement… ce qui ne signifie en aucun cas que son mandat pédagogique est reconnu. C’est même l’inverse dans la mesure où il finit de fait par contribuer de la même manière que le Cpe et le chef d’établissement.
 
De plus, sur cette ingénierie technique, il est évident que ça entraîne une nouvelle hiérarchie documentaire et notamment administrative avec un responsable du système d’informations qui aura lui le niveau ingénieur…et qui opérera sur plusieurs établissements  ou qui sera un adjoint d’établissement d’un nouveau type… qui aura sous sa coupe  des « documentalistes »  de niveau bac + 2 par exemple et qui assureront le bon fonctionnement et la bonne gestion du centre de doc.
Exit alors le capes… Et oui, quel intérêt de payer et de recruter des personnels à niveau capes une fois qu’on aura nié leur mandat pédagogique et qu’on aura développé des infrastructures totalement online avec des abonnements et des dispositifs clefs en main.  Car avec la restriction des budgets et un fléchage vers des ressources numériques en silos qui seront surtout choisis par les administratifs d’ailleurs…conformément à des incitations ministérielles bien encadrées. La politique documentaire du learning centre dans toute sa dimension.
 
Voilà pourquoi, défendre le mandat pédagogique signifie non seulement répondre à une mission de service public en matière de formation à l’information, aux médias et à la documentation, mais aussi défendre l’identité d’une profession dont il est aisé de précipiter la disparition programmée par petites touches successives.
 
Alors, oui la faisabilité d’un curriculum pose encore problème. Cela nécessite des affinements et une variété de dispositifs d’apprentissage. Cela ne signifie pas qu’il faille nécessairement considérer toutes les heures comme devant être effectuées en magistral.  Il existe aussi des moyens de prolonger le présentiel avec des cours en ligne notamment. S’il devait y avoir une ingénierie, cela pourrait être aussi dans ce domaine pour maximiser l’efficacité du présentiel pour un suivi plus individualisé sur des cours en ligne.
C’est pas facile mais pas infaisable, j’en suis persuadé.
 
Par contre ce qui est rapidement possible en terme de faisabilité, c’est de cesser de recruter des professeurs-documentalistes pour recruter des contractuels « documentalistes » chargés de faire 1600 heures annuelles. Et c’est d’autant plus facile si on accepte de céder le mandat pédagogique. Et c’est bien sur cette question qu’il s’agit de se prononcer et pas une autre.

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