Pourquoi il faut que l’ADBS signe le manifeste fadben (et vous aussi en tant qu’individu ou association)

Un débat agite actuellement les administrateurs de l’Adbs autour du manifeste Fadben. Une discussion se produit sur linkedin sur l’opportunité ou non de signer au nom de l’Association  ce manifeste. Ce manifeste s’inscrit dans une lignée similaire à celle de l’article d’Olivier Ertzscheid. Evidemment, je souhaite ardemment cette signature.
Selon moi, ce soutien s’inscrirait dans la lignée qui a poussé l’Adbs a être longtemps porteuse des premiers débats autour de la culture de l’information et de la nécessité de veiller à sa diffusion la plus large possible en dehors des sphères documentaires.
Une des critiques du débat sur linkedin provient du fait que la revendication de la Fadben serait corporatiste puisqu’elle constituerait une volonté de créer une nouvelle discipline à l’heure où il serait plutôt opportun de créer  du transdisciplinaire ou tout au moins de l’interdisciplinaire. L’accusation de corporatisme ne tient pas.  D’une part,  car le manifeste ne consiste pas à décrire la culture de l’information comme un territoire réservé aux seuls professeurs-documentalistes, d’autre part cette critique ne repose que sur des a priori négatifs sur l’enseignement et les processus de transmission qui ont conduit au développement des disciplines.  Ce ne sont pas les disciplines qui posent problème,  ce sont les cloisonnements qui s’opèrent du fait que le système scolaire accroit la césure avec des méthodes « disciplinaires » dans le sens foucaldien. En clair, les élèves segmentent très vite ce qu’ils apprennent du fait des effets d’emploi du temps et ne cherchent pas à réinvestir ce qu’ils ont appris dans une matière dans une autre.  Il est vrai que certains enseignants rencontrent des difficultés à tisser des ponts. Toutefois, la mise à mal des dispositifs transversaux,  peu encouragés par la politique actuelle, n’a pas facilité la tâche.  On rappellera donc que les professeurs-documentalistes sont déjà depuis longtemps des acteurs clefs de l’interdisciplinarité.  La critique corporatiste doit être écartée.
L’autre critique est celle que la culture de l’information se situe à une forme de méta-niveau et que par conséquent elle se retrouve partout.  C’est vrai… comme ça l’est pour les autres disciplines.  Cet argument ne tient donc pas très longtemps d’autant qu’il est souvent lié à celui du discours de l’importance. Tout le monde reconnait l’importance de la culture de l’information et note l’exigence de former à cette question.  Pourtant rien n’est fait réellement pour cette transmission. De ce fait, on ignore ou on feint d’ignorer les spécificités de la culture de l’information.
Autre aspect important : la donne a considérablement changé depuis la fin des années 80 et le début des travaux de l’adbs autour de la culture de l’information.  On sort du seul paradigme bibliothéconomique de la recherche d’information et des modèles procéduraux.
D’autre part, plusieurs travaux ont montré que cette situation de bricolage est inefficace.  Même les séances faites avec d’autres collègues de disciplines s’avèrent problématiques. Les concepts et compétences documentaires, informationnelles ou médiatiques passent sans cesse après les autres concepts disciplinaires si bien que la transmission ne se fait pas. Je ne parle même pas du fait qu’il n’est pas toujours aisé de mettre en place des séances et des projets ambitieux dans le domaine faute de temps et de moyens dédiés. La formation dépend clairement dès lors des enseignants volontaires et impliqués et notamment des professeurs-documentalistes. Si la culture de l’information n’appartient pas aux professeurs-documentalistes, ils sont toutefois les mieux placés pour la mettre en place.
Le manifeste a été signé par les principaux chercheurs en science de l’information, ce qui place ce texte sous le sceau d’une réelle expertise pour le coup.  Ce n’est pas un petit détail il me semble. Cela démontre d’une part qu’il existe des concepts et des savoirs scientifiques existants qui peuvent être scolarisés et didactisés. J’ai déjà dit que la didactique de l’information constituait un élément important dans la mise en œuvre de cette culture de l’information.  Sa non reconnaissance par l’institution est assez logique puisque les professeurs-documentalistes sont régis par la vie scolaire qui concerne également les principaux, proviseurs et cpe. Autant dire de manière triviale, que les professeurs-documentalistes sont régis et inspectés par des personnes bien souvent moins compétentes qu’eux dans ces domaines.  Autant dire aussi, que l’urgence est la sortie de la culture de l’information et des professeurs-documentalistes de l’égide  de plus en plus néfaste de la vie scolaire. La documentation et la culture de l’information ne peuvent plus demeurer dans cette forme de vassalisation.
Un pour tous = tous pour un.
Pour revenir à la critique d’une nouvelle discipline, il faut signaler que la recherche en liaison avec le terrain poursuit le cheminement didactique dans une optique de translittératie. L’objectif étant à terme de profiter du constat de la convergence numérique pour mettre en place une convergence de formation mêlant les forces de l’éducation aux médias, de l’éducation à l’information et de l’éducation à l’informatique pour transmettre ce qui pourrait se voir comme une forme de culture  numérique.  Cela ne signifie pas que les trois fusionnent mais qu’elles peuvent opérer en cohérence.
Pour l’instant, le ministère préfère persévérer dans sa vision « disciplinaire » dans son sens  négatif avec le développement des learning centers. L’appellation ne plaisant pas, la dernière tentative est de changer leur nom en 3C soit centre de connaissances et de culture  .  Une véritable politique commerciale en quelque sorte mais la ficelle est un peu grosse d’autant que les 3 C font penser au surnom des LC  « Computers, comfort and cappuccinos » ce qui ne fait pas très sérieux, je vous l’accorde. Bref, le développement d’une réelle culture de l’information passe par d’autres biais que celle des stratégies administratives de ces dernières années.
Les enjeux sont clairement d’importance. Ne pas signer pour une association telle que l’Adbs contribuerait à cautionner  une politique désastreuse et sans vision.  L’association se cherche un nouveau souffle, un nouvel état d’esprit.  Voilà sans doute l’occasion de démontrer qu’elle sait se saisir de telles opportunités.
Je n’ose imaginer que ce soit un rendez-vous manqué.
 
 

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