En pleine écriture d’un projet autour de l’existence numérique, je suis parfois tenté d’arrêter d’écrire pour ne conseiller que la lecture de Foucault et notamment de l‘herméneutique du sujet qui montre parfaitement l’importance du souci de soi.
Le souci de soi est probablement antérieur et plus important que le fameux connais-toi, toi-même dont on parfois fait le fondement socratique. Or Foucault démontre que le connais- toi, toi-même est en fait subordonné au souci de soi. Dans son exigence de recherche de la vérité, Socrate fait d’ailleurs cette critique aux citoyens athéniens :
« Quoi! cher ami, tu es Athénien, citoyen d’une ville qui est plus grande, plus renommée qu’aucune autre pour sa science et sa puissance, et tu ne rougis pas de donner tes soins (epimeleisthai) à ta fortune pour l’accroître le plus possible, ainsi qu’à ta réputation et à tes honneurs; mais quant à ta raison, quant à la vérité et quant à ton âme, qu’il s’agirait d’améliorer sans cesse, tu ne t’en soucies pas, tu n’y songes même pas. »[1]
Cet éloignement du souci de soi renvoie nettement à un éloignement de la vérité, vérité sur soi autant que vérité en général. Foucault distingue trois dimensions essentielles dans le souci de soi (Citation issue de l’herméneutique du sujet) :
« – premièrement, le thème d’une attitude générale, d’une certaine manière d’envisager les choses, de se tenir dans le monde, de mener des actions, d’avoir des relations avec autrui. L’epimeleia heautou, c’est une attitude: à l’égard de soi, à l’égard des autres, à l’égard du monde;
– deuxièmement, l’epimeleia heautou est aussi une certaine forme d’attention, de regard. Se soucier de soi-même implique que l’on convertisse son regard, et qu’on le reporte de l’extérieur, sur… j’allais dire « l’intérieur ». Laissons ce mot (dont Vous pensez bien qu’il pose tout un tas de problèmes) de côté, et disons simplement qu’il faut qu’on convertisse son regard, de l’extérieur, des autres, du monde, etc., Vers : « soi-même ». Le souci de soi implique une certaine manière de veiller à ce qu’on pense et à ce qui se passe dans la pensée. Parenté du mot epimeleia avec meletê, qui Veut dire à la fois exercice et méditation. (…).
– troisièmement, la notion d’epimeleia ne désigne pas simplement cette attitude générale ou cette forme d’attention retournée vers soi. L’epimeleia désigne aussi toujours un certain nombre d’actions, actions que l’on exerce de soi sur soi, actions par lesquelles on se prend en charge, par lesquelles on se modifie, par lesquelles on se purifie et par lesquelles on se transforme et on se transfigure. Et, de là, toute une série de pratiques qui sont, pour la plupart, autant d’exercices qui auront (dans l’histoire de la culture, de la philosophie, de la morale, de la spiritualité occidentales) une très longue destinée. Par exemple, ce sont les techniques de méditation ; ce sont les techniques de mémorisation du passe; ce sont les techniques d’examen de conscience; ce sont les techniques de Vérification des représentations à mesure qu’elles se présentent à l’esprit , etc »
Le souci de soi selon Michel Foucault
J’y reviendrai plus longuement sur le blog et dans un ouvrage à paraître dans un futur pas trop éloigné, espérons-le. Sur cette question, la lecture de l’excellent ouvrage de Bernard Stiegler sur la pharmacologie est à conseiller également.
[1] Platon. Apologie de Socrate. Disponible sur : < http://philoctetes.free.fr/apologiedesocrate.htm>
Une réflexion sur « Le souci de soi selon Michel Foucault »