La quête du plus grand nombre de likes conduit nécessairement à une guerre du faux dans l’agir réputationnel des marques et autres entreprises en quête de visibilité. Un article du guardian décrit justement les stratégies de la quête du like qui conduit à confier à des « fermes de likes » le soin d’augmenter stratégiquement son nombre de likes pour gagner en visibilité. Le journal cite l’exemple d’une page sur la courgette dont les likes sont artificiellement gonflés car une entreprise au Bangladesh vend 15 dollars le millier de likes. Cette stratégie ne concerne pas seulement les likes de Facebook mais aussi les likes sur Youtube. Les « likeurs » sont évidemment très peu payés, ce qui ne peut qu’interroger sur les logiques éthiques à l’œuvre.
Difficile de savoir alors la part de vérité dans cette mascarade du like qui dupe le consommateur et le citoyen.
On avait déjà dit à plusieurs reprises que le like était une dégradation du tag, qui s’inscrit dans la lignée de l’indexation. On évoque aussi dans cet ouvrage cette question du marché des likes. Cette monétisation totale de l’indexation et sa prise de contrôle par un marché qui ne vise que des opportunités peu durables ne peut qu’interroger sur l’avenir de ces pratiques. Car pour 15 dollars les mille likes, c’est bien la force de travail d’employés mal rémunérés que l’on achète. Pour ces mille fakes, qu’obtient-on réellement ? Est-ce une stratégie de visibilité ? Augmente-t-on ses ventes ? Finalement, ne s’agit-il pas d’une sorte de mensonge punissable par la loi ? On se doute que les entreprises s’en moquent. Il suffit de regarder les publicités à la télévision pour comprendre que la vérité ne soucie guère. Au passage, on se demande vraiment à quoi serve les bureaux de vérification de la publicité et autres CSA.
On peut aussi se demander quel est l’intérêt d’obtenir de faux likes, car cela distend le lien avec les vrais consommateurs qui ont effectué ce geste volontairement. Une nouvelle fois, dans cette logique d’affrontement entre le qualitatif et le quantitatif, il y a matière à réflexion. Cette guerre du fake, touche également les artistes qui cherchent à être les plus likés possibles, dans une nouvelle logique de classement de popularité, par crainte d’une désaffection. On sait aussi qu’on oblige à liker pour participer à tout un tas de concours. Le like ne semble donc pas valoir grand-chose au final.
Seulement, ces logiques perpétuent la dégradation de la satisfaction des désirs, réduisent la libido à une expression simple, à la logique de l’arène, pouce en l’air, pouce levé. Ce n’est pas seulement la logique qui présidait au sort des gladiateurs mais aussi celle de nos salles de marché où on vend ou on achète à la moindre crainte ou information, mais où aussi on pratique le fake depuis longtemps en achetant de façon stratégique.
La pénétration incessante dans nos existences de ces logiques calculées mais nullement raisonnables à long terme ne peut qu’inquiéter. Ce n’est donc pas seulement Facebook qu’il faudrait éventuellement réglementer mais des logiques impulsés par un capitalisme financier qui a perdu totalement sa raison d’être. Finalement, cette inflation du like augmente en parallèle de nos dettes ou prétendus dettes. Ce qui est bradé assurément dans cette histoire, c’est la valeur esprit qui est en déficit.
Face à cet index malmené et aux coups de pouce intempestifs, seule une réaction majeure semble requise.