Besoin d’affirmation versus besoin d’information (et de formation)

Les jeunes générations ne conçoivent pas les objets techniques dans une perspective pédagogique ou d’acquisition d’informations et de connaissances. Ce n’est en aucun cas, l’objectif premier de l’usage des blogs, des réseaux sociaux, des messageries instantanées ou du portable chez beaucoup d’usagers. Il s’agit d’une nécessité de s’intégrer et de montrer à la fois sa présence et son apport individuel au sein d’un collectif. Pour autant, il ne s’agit pas d’intelligence collective ou collaborative, mais davantage de sociabilité juvénile pour reprendre l’expression de Cédric Fluckiger (1). Les adolescents notamment cherchent à se distinguer également de la culture parentale ainsi que de la culture scolaire, démarche essentielle à la construction du jeune adulte. Pour autant, nous ne pouvons adhérer à une vision qui fait du jeune, un individu auto-formé par l’entremise des objets techniques et encore moins comme des experts du web 2.0 comme le qualifie de manière absurde un récent rapport (2) sur les européens entre 15 et 25 ans. Il ne faut donc pas confondre les différents besoins des jeunes générations. Les études sociologiques relèvent donc principalement le besoin d’affirmation qui repose notamment sur l’exhibition de son capital relationnel, et de son affiliation au groupe, partie intégrante de la définition de soi adolescente.
Il faut donc ne pas oublier les autres besoins et notamment les besoins d’information qui sont tout autant des besoins de formation.
Le besoin d’information n’est pas toujours perçu par les jeunes générations. Finalement ce n’est pas tant le besoin d’information qui devient préoccupant mais son dénuement. La conscience d’un besoin d’information n’est pas automatique. Nous observons à l’inverse plutôt un dénuement.
Faut-il pour autant parler de misère informationnelle au risque de retomber dans les discours quasi eschatologiques de la société de l’information ou bien dans certains textes revendicatifs de l’information literacy y voyant le kit de la survie dans un environnement informationnel souvent hostile ?
Qu’importe qu’elles soient négligentes (3) ou homo zappiens (4), ou digital natives, les jeunes générations ont un besoin de formation préalable au besoin d’information. Il n’est pas étonnant que des universitaires hollandais(4) constatent que la surinformation ne dérange pas les jeunes générations. Leur relation à la technique est fort différente, l’information est négligée car l’objectif est d’abord celui du besoin d’affirmation. Nous pensons qu’au contraire cette surcharge d’information n’est pas perçue du fait d’un manque de connaissance et de formation qui aboutit à un dénuement informationnel. Le fait de considérer l’institution scolaire comme désuète face à des adolescents branchés se trouve fortement accentué avec les enjeux institutionnels autour du phénomène web 2.0.
Nous songeons notamment aux mécanismes de popularité qui prennent le pas sur l’autorité. Nous constatons d’ailleurs que le besoin d’affirmation est le moteur de la popularité et que ce phénomène devient de plus en plus désagréable et observable sur la blogosphère, les réseaux sociaux, mais aussi twitter et…les incessantes manifestations diverses et variées sur le web 2.0 et ses dérivés divers selon les domaines :la mode des discussions sur l’identité numérique, les forums d’enseignants innovants où il faut sans cesse s’affirmer…C’est épuisant, lassant et cela ne fait que témoigner de cette prédominance du prophète sur le prêtre.
Quand va-ton enfin sortir de l’âge de la vitesse !
Il est au contraire grand temps de revaloriser la skholé, cette nécessaire prise de distance, cet arrêt pour se concentrer et réflèchir. Une formation à l’attention qui constitue une démarche d’éducation tout autant parentale qu’institutionnelle et qui repose sur la veille et la prise de soin et non l’agon (5)incessant qui nous guette au sein des communautés du web, c’est à dire cet échange-combat où il faut toujours s’affirmer par rapport à l’autre.
Comme disait Baschung, il faut savoir dire « STOP »
1. Cédric Fluckiger. L’évolution des formes de sociabilité juvénile reflétée dans la construction d’un réseau de blogs de collégiens. Doctoriales du GDR TIC & Société, Marne-la-Vallée.15-16 janvier 2007 < http://gdrtics.u-paris10.fr/pdf/doctorants/2007/papiers/Fluckiger_C.pdf
2. Wainer Lusoli, Caroline Miltgen. (2009) Young peopl and emerging digital services. An exploratory survey on motivations, perceptions and acceptantce of risk.JRC. European Commision < http://ftp.jrc.es/EURdoc/JRC50089.pdf>
3. Sur le concept de négligences, voir notre article :
Le document face aux négligences, les collégiens et leurs usages du document » InterCDI n° 2002, juillet 2006, p87-90
4. Wim Veen et Ben Vrakking, Homo Zappiens : growing up in a digital age (London: Network Continuum Education, 2006).
5. Olivier Galibert. (2002) Quelques réflexions sur la nature agonistique du lien communautaire. In Actes du colloque. Ecritures en ligne : pratiques et communautés. Sous la dir de Brigitte Chapelain. p.378-395 <http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/12/67/19/PDF/Actes_2_collo_ecritures_def2.pdf>
« Par moments, l’Homme a besoin de prendre le temps et de s’arrêter pour réfléchir… et cela, seul l’Homme est capable de le faire... » (Masamune Shirow faisant parler Daisuke Aramaki dans le manga Ghost In the shell)

Cactus acide a un an

Le projet cactus acide vient de passer sa première année avec quelques réussites et quelques difficultés également.
Je fais le bilan sur le projet et j’annonce une nouvelle fois que je recrute. Et j’annonce également qu’il faut de profonds changements et qu’il faut probablement changer de patron.
C’est donc parti pour la cactus acide academy où on ne recale personne (ou presque) ! Donc viendez, y a rien a gagner si ce n’est du temps à perdre pour écrire.
Autre précision en ce qui concerne le guide des égarés, le blog n’est pas en grève, mais le rythme est ralenti pour cause de thèse notamment.

Twitter est une grande cour de récré

Twitter, au final , il faut mieux y être parce qu’on y apprend pleins de trucs, parfois fort utiles, lorsqu’il s’agit d’une information qui vous intéresse ou d’un article ou billet de blog que vous n’avez pas encore lu.
Parfois, aussi il s’agit de plaisanteries, d’exutoires ou autres délires de personnes qui ne sont pourtant plus des écoliers mais qui pourtant en ont encore conservé des traces. On est comme des gamins à commenter la panne de gmail un peu à la manière où on se disait suite au film du mardi soir: « et tu as vu le moment où Machin il fait ça? »
Voilà pourquoi twitter connait un succès. Il est basé sur des conversations, courtes en apparence mais qui dépassent les 140 caractères en tissant d’autres fils invisibles.
Twitter, c’est la cour de recré des « knowledge workers » qui sont victimes de la loi du cool comme le dirait Alan Liu. Avec twitter, ils sortent un peu de leur cadre, tout en ne le quittant pas complètement, c’est une autre manière de voir et de s’exprimer dans un même milieu. C’est la cour de récré de l’Ecole, à la fois dans l’Ecole mais aussi un peu en dehors, un entredeux salvateur qui rend parfois la vie moins pénible. Sur twitter, on est peu un comme Titeuf même si on ne dit pas tcho mais d’autres expressions assez similaires se rencontrent. Alors on ne sait pas si on bosse encore ou si on se détend, c’est aussi ça les règles du personal knowledge management.
Évidemment la récré est un peu mondiale, mais au final on y retrouve ses camarades et on peut décider qui peut entendre nos conversations ou presque.
Il faudrait sans doute aussi étudier qui sont vraiment les utilisateurs de twitter, mais j’ai l’impression qu’il correspondent pleinement à ces classes moyennes qui voient l’ascenseur social en panne et qui voient dans ces lieux d’autres moyens de constituer un autre univers, loin de ceux qui nous gouvernent ou qui prétendent pouvoir le faire et à qui on reconnaît de moins en moins d’autorités sur nos vies. Sur twitter, on dit tout le mal qu’on n’en pense, histoire de refaire le monde. On n’est plus proche de l’aiguillon Stéphane Guillon, que l’apathique Aphatie. Une revanche des classes moyennes ? (sur ces sujets lire les billets d’Emmanuel Parody et celui de Narvic)
Il y a sans doute une volonté de partager autre chose que la médiocrité de TF1 et autres idées reçues.
Sur twitter, on a l’impression de jouer encore aux billes mais on espère qu’à force de les faire s’entrechoquer, il va bien se produire quelque chose de bien, de magique et de sortir de cette crise dans laquelle ces prétendus adultes au pouvoir nous ont plongé. Car ce n’est pas qu’un crise économique, ce serait trop simple : c’est une crise générationnelle et inter-générationnelle où l’héritage ressemble de plus en plus à des dettes impossibles à solder et encore moins au tribunal de l’histoire.

Quelques éclaircissements sur la didactique de l’information

Le Gr-CDI n’est pas l’antichambre d’indépendantistes de la didactique de l’information.

Contrairement à ce qu’affirme Anne Lehmans, le courant didactique de l’information français ne s’inscrit pas totalement à rebours de la démarche de l’information literacy :

« La didactisation de l’information dans les recherches actuelles sur la culture de l’information,à l’inverse du courant anglo-saxon de l’ »information literacy », tend à la construction d’une discipline légitimante. Cette construction, en contradiction avec les logiques institutionnelles, a des implications sur la professionnalisation des enseignants documentalistes. »

Premièrement pouvons-nous réellement affirmer qu’il y a un modèle international de l’information literacy ? Nous pensons avoir démontré à plusieurs reprises que ce n’est pas le cas et l’uniformité parfois observée vient de la mise en place de modèles souvent issus des Etats-Unis. Les adaptations sont effectivement fréquentes notamment en Asie. Il l existe des dominantes au sein de l’informatin literacy et notamment celles issues du monde économique et celles des bibliothèques. Ces dernières reposent d’ailleurs sur le modèles des référentiels de compétence.

Mais constituent-elles vraiment des réussites totales? Parviennent-elles à une réelle formation à la culture de l’information ?

De la même manière, la position de l’information literacy ne correspond pas toujours à une volonté de leurs acteurs mais des pressions de la réalité institutionnelle. Combien d’acteurs se plaignent de séances trop courtes, voire des one hour, one shot où il faut tenter d’enseigner le maximum de choses à un grand nombre d’étudiants en un minimum de temps. L’information literacy est contrainte d’être extrèmement pragmatique et demeure dès lors dans une logique utilitariste immédiate.

Le courant de l’information literacy est sans cesse en interrogation et beaucoup perçoivent des limites dans les modèles  actuels.

Force est de constater lors de nos discussions avec des acteurs de l’information literacy au niveau international que nombreux sont ceux qui reconnaissent les problèmes de reconnaissance institutionnelle ce qui nuit très souvent à la qualité de la formation.

D’autre part, les positions autour de la culture de l’information qui ne sont d’ailleurs pas uniquement françaises commencent à intéresser justement les anglo-saxons et notamment l’équipe de Sheila Webber qui est d’ailleurs dans une démarche davantage légitimisante au niveau disciplinaire que le courant français. Elle préconise avec Bill Johnston la création d’une nouvelle discipline scientifique comme science molle. Les britanniques travaillent plus sur les rapports avec le monde économique à l’instar des Australiens.

Anne Lehmans mentionne également l’existence de logiques inconstitutionnelles. Dès lors de quelles logiques institutionnelles s’agit-il ? Sur ce point, il n’y a pas de tracé défini et les logiques sont justement parfois étranges en ce qui concerne les processus à l’oeuvre, l’agrégation précédant parfois le caractère universitaire. Il n’y a donc pas de logique absolue à suivre. Et encore une fois la démarche est de chercher à faire acquérir un maximum de compétences aux élèves. A condition de comprendre le terme de compétences dans l’idée qu’il s’agit à la fois de savoirs et de savoir-faire.

Pour rappel, les objectifs de la didactique de l’information sont tout au moins assez simples :

– rationaliser les contenus à enseigner autour notamment d’un curriculum pour sortir de l’impression de bricolage qui est ressenti sur le terrain.

– Apporter des solutions pratiques et concrètes aux acteurs du terrain. Il ne s’agit pas de concevoir des séances uniquement magistrales qui consisteraient en l’apprentissage par cœur de notions. Mais au contraire de la construction à partir de projets, de situations problèmes de la construction d’une culture de l’information durable. La démarche didactique s’appuie sur un triangle qui mêle savoirs, acquisition par les élèves et démarche et stratégie pédagogique.

– Démontrer une autonomie des savoirs infodocumentaires dans une démarche progressive nécessitant une évaluation. Cela ne signifie pas que ces savoirs ne puissent pas être utilisés dans une démarche interdisciplinaire. Les deux ne sont donc pas en opposition.

Il reste évidemment des obstacles institutionnels pour la mise en place d’un curriculum réaliste. Mais ce travail ne peut se faire qu’en commun.

Je déplore que je n’ai pu trouver pour l’instant de repreneur pour le projet lilit et circé qui s’inscrivait justement dans cette démarche.

Pour autant, je crois qu’il faut arrêter de remettre en cause les caractères scientifiques de la documentation et des sciences de l’information et de la communication et au contraire s’inscrire dans un héritage qui est aussi celui des techniques de l’information. L’occasion aussi de répéter que la culture technique fait clairement partie de la didactique de l’information tout comme de la culture de l’information.

Cela devient de plus en plus pénible que ces doubles-jeux critiques à l’égard de la didactique de l’information et des entreprises de rationalisation des contenus à enseigner. Il ne s’agit pas d’en faire un carcan.

J’ai le sentiment que quelque part, il y a un fort problème lié à l’idée de prescription. Sans cesse, lorque vous parlez de formation : c’est l’idée de caractère prescriptif qui vous ait reproché en ce qui concerne la culture de l’information. Faut-il y voir une idéologie constructiviste qui rêve de voir l’individu tout apprendre par lui-même ? Une critique et une défiance vis à vis de l’institution ?

Il ne faut pas confondre l’examen et la critique de l’institution en vue de sa réforme ou plutôt de sa re-formation et sa destruction pure et simple.

J’ai l’impression que parfois c’est même l’éducation y compris parentale qui est niée.

Je ne suis pas certain que l’on est pris conscience de l’importance des enjeux et dans ce sens la didactique de l’information n’est pas un gadget. Et tant pis s’il faut passer pour cela pour un prescripteur. Je préfère de loin être dans une démarche à la Stiegler de prendre soin, sans quoi à défaut d’héritage, il ne nous resterait plus qu’un avenir de plus en plus incertain.

Attention…ils arrivent!

Bonjour les petits clous. Aujourd’hui, il est évident qu’ils ne vont pas tarder à débarquer, qui ça ? Mais les extra-terrestres bien sûr !

Nous notons ce mois-ci dans le super top classement science de Wikio que  les plus fortes progressions viennent de blogs qui nous parlent d’Ovnis avec des messages dans ce style à propos des hommes en noir :

« Moi-même, il y a peu de temps encore, je percevais leur présence et leur apparition de la sorte : une clique mystérieuse semi-Humaine, semi-Extraterrestre néfaste et conspiratrice contre notre espéce. Pourquoi le percevais-je ainsi ? parce-que justement, sont contactés par ces êtres, des gens qui ont des choses importantes à dire sur le sujet et qui me paraissent nécessaires d’apprendre au plus grand nombre de personnes possibles. »

Voilà qui démontre un caractère scientifique indiscutable en effet. Pour être sérieux, le sujet des hommes en noir peut être un sujet d’études. Selon moi, il faudrait déjà en faire une analyse au sein de la littérature en commençant par les habits noirs de Paul Féval mais dans ce blog, cela ne semble pas être le cas. Mais la plus forte progression (45 places!) vient d’un blog intitulé : ovnis, les meilleurs preuves. Seulement ce blog semble être en attente d’une mise à jour totale à moins que l’auteur, qui fait certainement des révélations, ait été enlevé peu après la publication du classement…Heureusement, il est consultable dans le cache de Google. Le site semble plus sérieux que le précédent en tout c’est ce qu’affirme son auteur avec cet avertissement : « Ce que vous devez absolument savoir sur les Ovnis, un site très sérieux, les meilleurs documents et preuves » Je n’ai pas examiné la totalité du site mais il y a un fort mélange selon moi de données fortement différentes. Les Ovni existent évidemment puisqu’il s’agit de phénomènes que nous ne pouvons pas expliquer. Seulement le passage s’effectue rapidemment avec les théories des anciens astronautes et les enlèvements extraterrestres. Tout cela pour dire, qu’il faut certainement renforcer les recherches réellement scientifiques sur ces domaines. A noter que d’autres blogs sur ces sujets sont présents dans le classement, mais j’avoue beaucoup aimer ufocenter et son design illisible et surtout sa publicité pour sa boutique Zlio où se trouve mentionné un ouvrage de la collection Arlequin intitulé « Nuits d’Orient » Souvent les auteurs sont difficiles à identifier, on parvient à trouver quand même des adresses mails. Le dernier cité s’appelle ainsi internaaze, voilà qui explique sans doute tout. Finalement, je crois qu’après un rapide examen de la situation, il faut se rendre à l’évidence : ils sont déjà là, tous plus bizarres les uns que les autres à l’image de ces étranges créatures que j’ai repérées grâce au blog boing boing.

Ce sympathique animal est quant à lui en voie d’extinction.

Finalement après le risque que tout devienne cuturel, nous courons le risque que tout devienne scientifique avec le classement wikio. C’est ainsi qu’en fait l’ensemble des requêtes effectuées sur les moteurs de recherche peuvent être considérées comme des éléments de réflexion démontrant une volonté de s’inscrire dans une démarche hautement scientifique.

Le top des recherches de yahoo nous le confirme d’ailleurs pleinement! Le pire dans ce top yahoo est la présence de Guy Môquet dans l’actualité, lui qui mérite durablement sa présence au sein de l’histoire.

Mais revenons au top wikio. Bref, finalement il me faut interpeller à la suite de Marlène, la caution scientifique de ce classement : Jean Véronis.

Un classement, je n’ai rien contre après tout mais les scientifiques et les bibliothécaires aiment bien les vrais classements avec des catégories et des décisions difficiles à prendre. Mais dans ce classement, je finis par me sentir un peu comme un ornithorynque.

Bon en même temps, j’ai beau critiqué, j’ai encore parler du classement wikio. Finalement Je rejoints également Olivier Ertzscheid et ses commentaires dans le billet de Marlène. Le classement de wikio est plus ouvert que d’autres systèmes basés sur des algorythmes qui sont eux quasi secrets.