Suite de la série . Pour rappel, l’épisode 1 est ici, le second est là et le troisième ici.
Kit de survie, et kits en tous genres sont régulièrement mis à disposition et conçus par différents acteurs, en ce qui concerne l’éducation à l’information et aux médias.
Que dire si ce n’est que l’expression de kit appartient au champ sémantique du bricolage.
Un bricolage dont nous avons montré qu’il accentuait la lassitude des acteurs du terrain du fait d’un balisage institutionnel et disciplinaire flou.
La didactique de l’information tente de répondre à cette situation en essayant de distinguer les éléments essentiels à transmettre. Ce travail se trouve plus difficile à réaliser avec les évolutions du numérique, qui bouleversent parfois des évidences et des notions qui semblaient stables comme celle de documents ou d’auteurs par exemple. Cependant, cette complexité et les difficultés d’évaluation de l’information qui en résultent accroissent la nécessité d’une transmission et d’une formation.
L’objectif est en premier lieu de sortir de la logique de l’énonciation de compétences, qui peut apparaître comme un moyen de clarifier des objectifs mais qui a souvent le défaut de demeurer sur une transversalité qui empêche la réelle définition des savoirs et savoir-faire à transmettre.
Evidemment, plus il y a de rationalisation, moins il semble y avoir de souplesse possible. Cependant, nous considérons que la souplesse actuelle, qui repose sur la transversalité et les dispositifs type B2I, constitue plutôt un obstacle voire un impensé. Nous avions d’ailleurs montré que le B2I s’avère être en fait un triple obstacle à une culture de l’information, à une culture technique et à une culture informatique. D’autant plus, que cette logique aboutit à des instruments de certification auxquels aucune formation n’est réellement adossée.
Par conséquent, la didactique permet de sortir de la déclaration d’intention pour tenter une mise en place concrète sur le terrain. Il convient de préciser que le projet de la didactique n’est pas totalement achevé. Cependant, nous pensons que sa mise en place sur le terrain, particulièrement dans le secondaire ne peut attendre. Elle doit donc se co-construire avec des allers-retours entre théorie et pratiques afin de sortir d’une éventuelle querelle entre les tenants d’un enseignement top-down face à ceux qui préconiseraient un bottom-up.
De la même manière, il n’y a pas nécessairement de progression clairement déterminée avec des étapes à franchir les unes après les autres. Même si certaines notions peuvent être plus facilement abordées en sixième, comme par exemple la notion d’auteur ou de document, qui pourront être revues et affinées au fur et à mesure de la scolarité, il s’agit aussi d’effectuer un apprentissage en situation face à des obstacles ou des difficultés. Il est opportun de travailler l’évaluation de l’information assez tôt sans pour autant mentionner la notion d’évaluation de l’information.
Quoiqu’il en soit, notre travail sur la culture de l’information montre que les objectifs ne font pas de cette dernière une discipline isolée, mais que certains enseignements méritent des temps de formation dédiés et distincts des autres disciplines. Par conséquent, l’acquisition d’une culture de l’information ne peut continuer à reposer que sur des courtes séances glanées d’ici de là, bricolées sans cesse à la marge et dont la reconnaissance institutionnelle est faible, du fait d’une identification inexistante voire de second plan, puisque passant toujours après d’autres objectifs disciplinaires ou des objectifs de dispositifs tels que le B2I.
La culture de l’information s’opère sur des temps longs. Nous avons pu le constater en ce qui concerne l’évaluation de l’information , qui mérite des temps de formation et des temps de pratique et d’incessants allers-retours entre les deux. Cela signifie, que le simple fait de déclarer officiellement quelques heures marginales dans la scolarité dédiées à la formation à l’information ne garantira pas l’acquisition d’une culture de l’information pour tous.
Elle repose également sur des logiques de projet. En ce sens, les supports numériques et nouveaux hypomnemata (e-portfolios, etc.) permettent une construction sur du long terme avec la possibilité de conserver des traces des recherches d’informations, des sélections effectuées, des évaluations et des annotions réalisées sur les ressources et de consulter les productions finales. Ce travail, nous l’avons testé au cours du projet historiae qui va enfin renaitre grâce à Gildas Dimier, l’actuel boss de Cactus Acide.
La rationalisation des enseignements n’implique pas qu’un élève connaisse par cœur la définition de telle ou telle notion, mais davantage la comprenne pour réellement la mettre en application dans des situations et des projets. Les temps de formation dédiés seront donc d’autant plus efficaces que s’ils peuvent être suivis de projets d’ampleur plus importante, tels que les itinéraires de découverte et les travaux personnels encadrés. Nous ne pouvons d’ailleurs que déplorer leur disparition progressive.
Nous notons également malgré le temps dont dispose les élèves face à des projets qui se déroulent sur plusieurs semaines, qu’ils éprouvent des difficultés voire rechignent à opérer des temps de réflexion et d’analyse véritablement conséquents. C’est pourtant là que se mesure pleinement l’exercice de la skholé.
Sans skholé, il ne peut y avoir de culture de l’information. La formation à l’attention est un défi éducatif général. La culture de l’information s’opère évidemment de manière transversale, elle est donc aussi transdisciplinaire. Mais quels enseignements de discipline ne le sont pas ? L’argument qui consiste à affirmer que la culture de l’information ne mérite aucune formation particulière puisqu’elle peut se retrouver dans d’autres disciplines est tout aussi absurde qu’inquiétant. Elle repose sur le fait que les disciplines reconnues à part entière ne pourraient être transdisciplinaires.
D’autre part, ce n’est donc pas parce que la culture de l’information est quelque peu transmise au sein de dispositifs transdisciplinaires, qu’elle ne doit pas reposer sur des savoirs et des savoir-faire ayant été rationalisés, ce que cherche à réaliser la didactique de l’information.
En cela, les tentatives administratives actuelles n’opèrent que par dispersion avec une illusion de cohérence. C’est même vraisemblablement, une opération bien rationnelle, pour ne pas dire un calcul, pour faire disparaitre le mandat pédagogiques des professeurs-documentalistes. C’est toute la différence entre le calcul et la raison. En ce qui nous concerne, nous privilégions la raison aux petits calculs. (affaire à suivre également au congrès de la FADBEN 2012)