L’ouvrage de Christian Jacomino est de ceux qui sont courts mais qui nous font réfléchir longtemps. (un extrait est disponible ici)
Il nous permet de nous rendre compte de l’importance de la transmission, de la culture et des savoirs dont l’oralité est souvent chargée. Le travail effectué durant les ateliers voix haute constitue une expérience intéressante pour tous ceux qui s’intéressent à l’apprentissage de la lecture et à ce qu’on nomme la maîtrise de la langue dans le socle commun.
Il faut également se souvenir que la lecture fut longtemps une activité orale notamment parce que l’écriture n’était que des traces n’attendant que le souffle de la voix. L’excellent livre Histoire de la lecture d’Alberto Manguel nous montre que rares sont ceux qui pratiquaient la lecture silencieuse. A l’exception d’Alexandre Le Grand qui lut silencieusement une lettre de sa mère devant ses soldats, il fallut attendre notamment des personnages tels Saint Augustin qui pratiquait une lecture silencieuse. Or cette lecture silencieuse est trop difficile d’accès pour des élèves qui ne possèdent pas le registre de langue suffisant. Une solution consiste ainsi à ne pas les laisser seuls face au texte, mais de les accompagner et ce de manière à ce qu’ils entendent et découvrent de nouveaux textes, expressions et auteurs. La découverte de textes projetés notamment au mur grâce au vidéoprojecteur rend le partage plus aisé et les stratégies de lectures diverses et variées pouvant se mêler de couleurs, de disparitions de mots, bref la lecture devient un jeu à la fois collectif et individuel mais permet également des efforts et un apprentissage qui auraient été stoppés si tout cela s’effectuait de manière individuelle et en lecture silencieuse. La lecture orale permet de renouer avec le plaisir du texte et s’inscrit dans l’apprentissage de sonorités et de registres de langue nouveaux.
Christian Jacomino lance également quelques pistes intéressantes au niveau éducatif et effectue une critique de ce que nous nommons la captivité. Il préconise aussi le travail sur projet avec des stages intensifs avec notamment l’étude d’une œuvre, son commentaire voire sa représentation durant une semaine entière :
« Vingt an après, les enfants grandis s’en souviendraient encore. Tandis que l’étude de la même œuvre, hachée et rabachée pendant un mois ou plus dans l’économie d’un emploi du temps où tout se mêle est bien faite, me semble-t-il, pour en gâter le goût. L’auteur lui-même n’y trouverait pas son compte. Il s’ennuierait et finirait par chahuter le professeur ou déserter son cours. »
C’est aussi un plaidoyer pour l’expérimentation et ce afin que le professeur soit également un peu chercheur un peu à l’instar du mode de recrutement qui s’effectue en Finlande d’ailleurs:
« Il n’est pas nécessaire que tous les professeurs inventent le didactique de la discipline qu’ils ont en charge. Mais il serait sans doute souhaitable que certaines écoles, surtout celles situées en zone d’éducation prioritaire, s’organisent sur le modèle des CHU, qui sont à la fois des centres de soin, d’enseignement et de recherche. Cela ferait rentrer l’éducation enfin dans le droit commun. »
Je ne saurai résumer en quelques lignes, la pensée et la réflexion contenues dans cet ouvrage. Au moins, il permet d’avancer en dehors des dogmatismes dont l’Education Nationale est trop souvent imprégnée.
Après l’école, de Ch. Jacomino, avec une préface de Raoul Mille
60 pages. Prix: 8,50€. ISBN n° 978-2-952439-19-0