Visiblement mes interrogations sur le phénomène de captivité de l’Ecole ne sont pas isolées tant je retrouve des similitudes dans le dernier billet de Teemu Arina (l’article complet est ici ) et sur celui de François Guité qui s’intitule ni plus ni moins « libérez les élèves de l’Ecole »
Le canadien et le finlandais vont encore plus loin que moi dans les propositions. Si Teemu n’hésite pas à parler de prison pour désigner l’Ecole, François Guité envisage sérieusement la sortie hors des murs :
« En habilitant les élèves à poursuivre leurs apprentissages hors des murs de l’école, on fera des économies sur le plan des infrastructures scolaires, du transport et du personnel. Ces économies pourront être réinvesties là où les besoins sont les plus pressants, que ce soit en éducation spécialisée, en soutien pédagogique, ou même en ressources en ligne. En outre, outiller les jeunes et les affranchir de l’école, c’est pratiquement remédier au décrochage scolaire. »
Il est vrai que j’ai souvent le sentiment que notre système actuel ne devient qu’une vaste mascarade où chacun essaie de jouer son rôle du mieux qu’il peut en y croyant de moins en moins. Il est vrai que certaines personnes préfèrent les systèmes fermés et les règles strictes qui ont le mérite d’éviter l’angoissante liberté. Néanmoins, il est vraiment temps de changer de stratégies. François Guité finit ainsi son article :
« L’école repose sur l’absurde prétention que l’apprentissage doit être érigé en système. Et tout le monde, bêtement, finit par y croire. Les élèves aussi, qui y abandonnent tragiquement leur destin. »
La dépendance sociale a un système dépassé peut être finalement pire qu’une dépendance technologique.
Teemu Arina avance quelques pistes et semblent désormais souhaiter que nous développions nos habiletés de Jedi en matière d’éducation :
« The new era requires jedi-like skills for process-based network formation. »
Finalement, ce n’est pas le mammouth qu’il faut dégraisser mais bien de l’Etoile Noire dont il faut s’emparer. Il faut dès lors oser non seulement la libération de la croissance mais également mettre en place la libération de la connaissance quitte à fâcher quelques corporatismes.
M’est avis que ce n’est pas parce qu’on change les moyens que la finalité serait meilleure. Pour faire des économies, il faudrait déjà arrêter les économies sur la réflexion, simple pourtant: à quoi ça sert l’école?
– A apprendre?
– A transmettre?
– A formater?
– A libérer?
– A aliéner?
Pas sûre que l’apprentissage dont parle Guité soit la réelle finalité.
Quant à libérer la connaissance à travers les NTIC, je doute que l’enjeu soit aussi simple.
Problème finalement très politique. Et plus que des corporatismes, j’y vois des idéologismes bien cachés.
Je n’ai certes pas pris le temps de lire l’ouvrage de Guité.
Ses propositions parent-elles les objections suivantes ? :
-responsabilité : Si l’on développe l’apprentissage « hors les murs », comment les parents et les enseignants se partagent-ils la responsabilité juridique de l’élève mineur ? (problème posé par les anciens TPE)
-socialisation : à l’école, l’élève se soustrait à l’autorité de ses parents même s’il se soumet à celle de ses profs ; c’est l’occasion pour lui de s’affranchir de sa famille et d’échanger avec des pairs. Dans le cadre de l’e-learning, l’élève n’échappe plus à l’espace familial et ne connaît même plus que ça. Par ailleurs, on veut affranchir l’élève de la tutelle de l’institution, que fait-on pour l’arracher aux autres tutelles (copains et communauté) ?
Pourquoi assimile t-on aujourd’hui institution et privation de liberté ? l’hétéronomie peut avoir bien d’autres origines, souvent plus obscures et moins légitimes.
L’école en tant qu’espace peut aussi être un lieu d’émancipation (lieu laïc où il est interdit le plus souvent de porter la livrée de sa confession)
-pédagogie : Une école qui ne soit pas un système : est-ce concevable ? Sortir du programme, est-ce possible ? Si l’éducation ne se résume pas au fameux socle commun il faut néanmoins assimiler des notions un tant soit peu communes pour partager un monde commun.
-Nouvelles technologies : elles diffusent de l’information ; pour que l’information soit convertie en connaissance, il faut un médiateur qui est l’enseignant. Celui-ci pose une problématique et les différentes étapes de sa résolution, la Toile n’offrira jamais qu’un panoptique d’informations sur un sujet donné. En d’autres termes, savoir poser les bonnes questions, c’est le fruit de l’expérience et cette expérience ne se communique pas par le net.
Le Net est utile dans le cadre d’une formation, il ne suffit pas lorsqu’il s’agit d’acquérir une culture (culture est ici entendue comme la faculté d’interroger ses connaissances et d’en connaître les limites)
Merci Damien pour tes questions qui sont autant de précisions.
Il s’agit selon moi d’ouvrir d’avantage le système en rendant plus riche la relation prof-élèves à la fois en présentiel et en prolongement de présentiel.
En clair, il ne s’agit pas de prôner un système totalement en ligne mais de mixer séquences en présentiel sous des formes variées et enseignement en ligne plus individualisé, plus différencié et plus motivant pour les élèves.
Evidemment cela change la relation profs-élèves mais je crois que cela peut la rendre plus efficace.
Quant à la culture commune, c’est un chantier peu évident car désormais c’est TF1 qui s’en charge.