Fiction du week end : le tragique destin du blogueur Antoine Durand

Pour les amateurs de prospective et de science fiction, voici un texte pour vous détendre (ou vous angoisser ?) ce week end. L’action se déroule en 2025
Antoine Durand est fatigué mais il continue comme chaque soir à bloguer pour la dizaine de fans irréductibles qui le suivent depuis 2007 et notamment depuis 2008. Année qui a vu sa consécration avec son entrée au top 10 des blogs français de Wikio grâce à son billet d’humeur mais néanmoins exclusif sur la prétendue fécondation in-vitro d’une ministre du gouvernement à partir de la donation d’un hybride né de la relation amoureuse entre un Extraterrestre dont l’ovni s’était écrasé à Roswell et la fille de Vannevar Bush.
Le succès s’était évidemment poursuivi, son blog abordait un peu de tout, notamment les dernières évolutions technologiques et les nouveautés de ce qu’on appelait à l’époque le web 2.O, phénomène dont les jeunes générations d’aujourd’hui n’ont jamais entendu parler.
Puis au fil du temps, son succès s’était amoindri. Il n’était plus parvenu à écrire aussi régulièrement, il ne savait plus si c’était à cause de ses problèmes familiaux ou si c’était le succès déclinant du blog qui avait été la cause de ses problèmes familiaux. Il y avait bien eu aussi cette incartade au cour d’une soirée de blogueurs influents avec une jeune blogueuse qui était attirée par son succès. Mais ce qui avait le plus nuit à son image, c’est sa photo en compagnie d’une prostituée qui ne faisait pourtant que l’importuner  et qui avait coulé un peu sa notoriété. Mal interprétée et prise par un jeune aux dents longues et sans scrupule qui traquait les blogueurs influents du moment en 2010, afin d’augmenter son classement et son page rank, cette photo avait été le début de la chute. Il avait petit à petit reculé dans les classements parce qu’au final c’était devenu totalement inopportun de le citer et même de le lire. Son nombre d’abonnés par flux rss diminua d’années en années et il ne pouvait que se désespérer de voir son nombre de visites quotidiennes suivre le même sort. Il recevait quelques photos d’irréductibles fans mais force était de constater qu’elles devenaient de plus en plus vielles et de plus en plus laides au fil des années. Il finit par ne plus apparaitre vraiment dans les classements et il n’était plus questionné par les journalistes qui s’intéressaient à la blogosphère. Depuis, le mot blog n’était même plus employé si ce n’est par les « poussières » comme disent les ados pour qualifier leurs ainés dont ils trouvent indignes les anciennes publications. Il entretenait soigneusement les archives de toutes ses publications qui constituaient un peu de lui-même, son œuvre comme il se plaisait à la confier parfois. Le pire sans doute, c’était que ses travaux même anciens étaient plagiés, enfin retravaillés et « bester » pour qualifier cette pratique qui consiste à sans cesse mixer la quantité de contenus disponibles afin d’en donner une version la meilleur possible. A ce jeu là, au classement qui n’était plus vraiment un classement de blogs mais un classement des « talents » basé sur des mécanismes de popularité, caracolait en tête une intelligence artificielle qui produisait avec une certaine aisance une kyrielle de contenus. Des chercheurs japonais avaient ainsi créé le meilleur « talent ». Depuis peu, les laboratoires de recherche avaient ainsi investi massivement dans la conception de talents basés sur l’intelligence artificielle et ce fut également un humanoïde qui remporta le prix Pulitzer en 2020. Puis les entités issues de l’intelligence artificielle raflèrent tous les prix Nobel à partir de 2021. Les choses avaient bien évolué depuis et Eric Dupin lui aussi en avait les frais. Une photo d’enfance le voyant arborer un maillot de l’AS Saint-Etienne lui avait beaucoup nuit. Les capacités d’indentification des outils de Google avait permis de l’identifier indubitablement sur la photo alors qu’il n’avait que 8 ans. La révélation de son passé stéphanois fut un désastre et il n’eut plus jamais le droit de rentrer au stade pour supporter l’OL. La plupart des anciennes stars de la blogosphère avait d’ailleurs mal finies hormis ceux qui avaient choisi de fuir l’exposition. Toutefois, la tentation était parfois trop grande notamment quand l’appât du gain avait poussé certains à participer au jeu « N’oubliez pas les poussières » qui permettaient à d’anciens blogueurs de revenir sur le devant de la scène.
Antoine Durand relisait et regardait parfois avec nostalgie ce que l’on disait sur lui au temps de sa gloire. Il conservait précieusement les vidéos avec quelques personnalités importantes de l’époque et aimait à rappeler qu’il avait bien connu notre actuel président qui laissait fréquemment des commentaires sur son blog. Ce dernier niait  d’ailleurs totalement ce passé qu’il jugeait peu glorieux. Antoine se consolait en se disant que s’il était devenu ringard, c’est qu’il avait bien fallu qu’il soit un moment donné sur le devant de la scène.

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