Repost : L’éducation doit sortir de la captivité

C’est les vacances,  et je n’ai pas le temps de bloguer véritablement. Je donne donc une nouvelle chance aux billets peu lus cette année et qui méritaient peut-être mieux. Voici donc le premier qui mérite cette remise au premier plan:
L’idéal d’une société de surveillance telle que celle que je décris sous le nom d’Arcadie pourrait être la possibilité de contrôler avant l’acte via un système de pré-voyance à la minority report c’est-à-dire sanctionnant avant la réalisation de l’hypothétique acte criminel. Ce fonctionnement pourrait être réalisé soit pas la détection précoce assistée par la génétique, soit par des processus normatifs conduisant à une autodiscipline.

Or l’institution scolaire doit faire face aux mêmes dilemmes et se trouve divisée par une ligne de divergences avec d’un côté les velléités de l’industrie de services et la vision managériale éducative basée principalement sur des critères, compétences, l’imposition de politiques diverses et plus ou moins cohérentes et de l’autre ce qu’on pourrait qualifier de vision pédagogique et éthique. Chacun d’entre nous piochant d’ailleurs de l’un ou l’autre côté.

La première se voudrait réaliste, la seconde idéaliste. Or, il est probable qu’aucune ne parvient véritablement à atteindre ses objectifs, la première confondant la réalité et les chiffres, la seconde en étant incapable de réagir et d’évoluer en partie parce qu’elle repose sur des a priori, des dogmatismes, voire des visions dépassées.

Mais notre propos est de montrer que toutes ces oppositions reposent sur un même principe : celui de la captivité et de la volonté disciplinaire qui en découle. Foucault affirmait :

« Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons. » (Foucault. P.264 Surveiller et punir.Ed. Gallimard)

Si les industries de programme sur lesquelles reposent la télécratie et probablement la culture du pitre a depuis longtemps changé de stratégie en parvenant à gagner d’années en années du temps de captation de l’esprit, qu’en est-il de l’éducation qui repose toujours des systèmes contraignants, inhibants et inefficaces au possible. Que l’on soit plutôt pro méthodes traditionnelles ou pro méthodes pédagogiques, le modèle demeure au final celui de « la petite écolière qui suit les consignes ». Bref, rien n’a véritablement changé entre les cours qui commencent vers 8h du matin et qui se termine vers 17-18h. Que dire si ce n’est que ce système de captivité devient dépassé, débilisant et qu’il est très loin de conduire à l’autonomie prisée dans le socle commun. Il n’est guère étonnant dès lors de voir des élèves réfractaires, d’autres peu motivés et un ensemble d’acteurs dont les enseignants qui au final ne semble guère heureux dans ce système. Les esprits de nos élèves sont souvent ailleurs : leur capacité d’attention ne pouvant tenir un tel rythme de manière optimale. D’autant que les médias sont déjà parvenus à récupérer une grande partie de cette attention en rendant captifs nos élèves de manière mentale et sensorielle. Tel est d’ailleurs le but de l’économie de l’attention dont les velléités se poursuivent sur le web, la téléphonie mobile et tout autre hypomnemata des technologies de contrôle. Or l’Ecole continue de procéder par captivité physique principalement et n’obtient qu’au final un fort rejet psychologique.

Que faut-il donc faire ?

L’Ecole doit procéder d’une autre manière c’est évident sans pour autant faire table rase du passé. Il faut imaginer des processus plus actifs, plus participatifs, co-contructifs, à la fois individualisés mais aussi collaboratifs notamment grâce aux nouvelles technologies. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’utopie, qui dit suivi individualisé, évoque également la possibilité technique de surveiller plus efficacement le réel travail de l’élève. Les plateformes d’enseignement en ligne sont ainsi très efficaces. Une démarche éthique et d’information des élèves devra donc s’opérer mais elle aura le mérite d’alerter les élèves sur la gestion de leurs traces en dehors de la sphère scolaire où l’éthique sera moindre. C’est pourquoi, je prône plus d’usages pédagogiques des outils informatiques et ce de manière non artificielle comme cela demeure encore trop le cas dans les dispositifs b2I. Pédagogique n’exclut pas non plus le ludique à condition que ce dernier nous permette de faire acquérir de manière plus agréable et efficace ce qui relève du fastidieux et de l’effort indispensable (tables, grammaire, conjugaison, rigueur, etc.)

Il convient de réagir vite avant que les industries de service n’opèrent le glissement vers la captivité virale qui fait de chacun de nous un instrument de la dé-formation collective. Il suffit d’observer les blogs de skyrock.com pour être conscient de l’avancée du phénomène. Le prochain objectif est de transformer les cibles passives en acteur prosélyte, diffuseur viral de la culture du pitre, privé de sa libido et de son individuation.

Les hypomnemata actuels évoluent. Il convient donc qu’ils soient avant tout le socle d’un milieu associé garant d’une individuation psychique et collective, d’une avancée privilégiant l’avancée vers une communauté de savoirs privilégiant la durée face à une société de l’information entropique sans cesse adaptionniste.

Il donc grand temps de réformer ou plutôt de re-former.

7 réflexions au sujet de « Repost : L’éducation doit sortir de la captivité »

  1. Remarquable billet, Olivier! Une seule remarque: Pour que l’école ne soit plus le système de captivité que tu décris, il me semble absolument nécessaire de libérer d’abord les enseignants. Tant que les professeurs resteront prisonniers d’une bureaucratie du savoir, ils ne trouveront ps l’énergie nécessaire pour libérer les élèves.
    Or, on sait que les professeurs ne luttent pas pour leur liberté mais seulement pour que leur captivité prennent des formes toujours plus radicales.
    La question est donc de savoir comment leur donner le goût de la liberté, qui se trouve tellement étouffé chez eux. Pour ma part, je l’ignore. J’ai renoncé à chercher. Mais ton billet m’a réjoui. Merci

  2. Je jette un pavé dans la marre
    Je jette un pavé dans la marre. Parce que c’est les vacances, donc je n’ai pas non plus le temps ; )
    Et si la faute venait des profs ?
    Est-ce que les profs ne contribuent pas à s’enfermer eux même, en étant si fiers de leur communauté bien restreinte de CEUX qui ont réussi le CAPES voire, oh consécration suprême : l’agrégation. Ne contribuent-ils pas à exclure les personnes extérieures : les « professionnels » des établissements d’enseignement (à l’exception de l’enseignement supérieur) ?
    Vont-ils seulement régulièrement en formation pour se tenir au courant des possibilités offertes par les nouvelles technologies ? En ont-ils franchement envie ?
    Est-ce que chaque prof a au fond de lui les capacités de captiver ses élèves pour transformer
    grammaire, math, philo… en quelque chose de soudainement passionnant ? Certainement non.
    Est-ce que chaque prof a envie de retravailler ses cours chaque année, d’organiser des sorties, de proposer des adaptations interactives ? Certainement non. Arrivera-t-il à convaincre ses collègues de participer à un projet interdisciplinaire ? Encore moins certain !
    Les profs ont quelque chose des élèves. Il y a bien quelques idéalistes qui se démènent pour émerveiller et « sauver » ceux qu’ils peuvent (avant d’être usés) mais aussi ceux qui sont là pour bien suivre les consignes du programme, faire bachoter les élèves pour faire gonfler les statistiques, sans forcément se poser beaucoup de questions. Parce que se poser des questions, ça prend du temps et à 20h45… il y a le début de la fiction à ne pas manquer… aussi pour les profs.
    Ce que je retiens de mon expérience d’ASSISTANTE dans le monde des PROFS est assez décevant :
    Logique de caste (on m’a bien fait sentir que je n’étais pas des leurs)
    Peu de passionnés par leur matière
    Pas de réelle réflexion sur les processus cognitifs et d’intérêt pour l’élève (Un document créé personnellement fait plus plaisir qu’une photocopie de livre ! Un jeu de piste sur l’actualité Internet est plus fun qu’un transparent d’il y a 3 ans. Si, si, je vous assure !).
    Peu d’ouverture sur l’extérieur…

  3. En fait c’est exactement ça, il faut que l’éducation parvienne à capter l’attention pour former les élèves.
    Toutes les logiques disciplinaires ne sont pas à blâmer mais il s’agit effectivement de mettre en place des stratégies et des techniques qui permettent à l’élève de rester concentré et motivé sur son travail.

  4. Bonjour,
    je prends connaissance de votre billet avec retard ! Après l’avoir lu et relu afin d’en saisir toutes les subtilités, je me heurte au tout dernier paragraphe (« Les hypomnemata actuels évoluent…adaptionniste ».) Auriez-vous l’extrême amabilité de m’éclairer ?
    Merci d’avance.

    1. Les hypomnemata concernent les supports de mémoire au sens large et peuvent être vus comme hypomnemata, l’ensemble des objets numériques.
      Sur le sujet, il faut voir l’article et le blog de Christian Fauré ainsi que les travaux de Bernard Stiegler.
      L’adaptionisme concerne la pression de s’adapter à la nouveauté par mode ou par incitation voire pression idéologique. Il vaut mieux lui privilégier l’innovation.
      Sur ces questions, la philosophie de Simondon est intéressante.

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