La sérendipité comme attention et la zemblanité comme mauvaise intention

Horace Walpole, 4th Earl of Orford
Image via Wikipedia

Ceci est un passage inspiré de ma thèse, réécrit pour l’occasion pour le blog.
Le document se trouve régulièrement confronté à des aléas communicationnels. Et il n’y a pas que des aspects négatifs puisqu’il est possible de trouver des documents pertinents et de pouvoir ensuite les exploiter correctement. Les découvertes sympathiques ne répondant parfois à aucun critère rationnel sont donc parfois plus profitables qu’après une collecte longue d’informations.
La sérendipité comme potentialité de l’attention
En cherchant de manière erronée, il est possible de trouver juste comme le montrent Olivier Ertzscheid et Gabriel Gallezot (1) avec la théorie de la sérendipité . Il est en effet possible de dénicher un document intéressant de manière fortuite. Le nom de sérendipité provient de l’ouvrage d’Horace Walpole et son île de Serendip, contrée merveilleuse qui a inspiré les aventures de Zadig à Voltaire. L’idée est séduisante et chacun a déjà pu la vérifier dans ses recherches personnelles et au cours de déambulation en bibliothèque comme le raconte Umberto Eco (2):
La notion de bibliothèque est fondée sur un malentendu, à savoir qu’on irait à la bibliothèque pour chercher un livre dont on connaît le titre. C’est vrai que cela arrive souvent mais la fonction essentielle de la bibliothèque, de la mienne et de celle des amis à qui je rends visite, c’est de découvrir des livres dont on ne soupçonnait pas l’existence et dont on découvre qu’ils sont pour nous de la plus grande importance.
Pour autant, il nous semble que le seul hasard ne suffit pas. La sérendipité nécessite une préparation au préalable. En ce sens, il semble que tous les élèves et les étudiants ne soient pas encore des Christophe Colomb. La sérendipité demeure subjective, un document pouvant paraître stimulant pour l’un et insignifiant pour un autre. Toutefois, la sérendipité repose pleinement sur l’attention ou l’état de veille, c’est-à-dire la capacité à rebondir sur une information, un événement, un lien pour aussitôt y puiser un intérêt notamment par rapport à un besoin. Elle repose encore une nouvelle fois sur la capacité d’évaluation de l’information. Il ne suffit pas d’errer sur le web en surfant de liens en liens, si ne s’ajoutent pas aux pérégrinations numériques, la volonté et la possibilité de s’arrêter. Nous retrouvons une nouvelle fois la skholé. (3)
Cette skholé ne repose pas sur des règles absolues, mais plutôt sur quelques « méthodes » que les élèves s’approprieront et transformeront. Cela nous conduit d’emblée à modérer le caractère trop strict qui pourrait résulter de l’observation de négligences. En effet, comme l’a montré Nicole Boubée (4) , notamment en matière de copier-coller, les élèves développent des stratégies et des méthodes qui peuvent sembler inadéquates pour l’enseignant, mais qui au final aboutissent à des résultats acceptables. Cela signifie que l’observation des élèves ne doit pas aboutir à un ensemble de règles strictes notamment en matière de processus, type référentiel. C’est un des enseignements de la psychologie cognitive : ne pas préconiser des modèles figés et donc articuler la formation en prenant en compte les différentes manières de procéder des élèves et étudiants. Nous retrouvons ici les relations du triangle didactique entre l’élève et les savoirs et l’élève et l’enseignant. Il s’agit donc d’éviter une formation qui repose sur du pré-formaté mais au contraire de songer à la transmission comme une nécessaire transformation et individuation. Ce qui explique les différences entre le curriculum prescrit et le curriculum effectif, tel qu’il est au final assimilé et utilisé par l’élève ou étudiant.
Cependant, cette découverte par sérendipité ne saurait être le lieu de la seule découverte de l’autodidacte. Il convient pour cela de former à l’attention sans quoi rien n’empêche que ce soit davantage des mauvaises découvertes ou rencontres auxquelles doivent faire face les jeunes générations. Et en cela les learning centre n’y changeront rien… (Teaser qui annonce un futur billet sur le sujet)

La zemblanité, lieu des mauvaises intentions ou du manque d’attention
La Zemblanité, terme forgé en référence à l’île de New Zemble, située aux antipodes de Serendip par William Boyd dans son roman Armadillo (5) , qualifie le fait de faire des découvertes malencontreuses. Elle est peut-être plus fréquente que la sérendipité si nous songeons aux négligences observées. Elle connaît selon nous, un essor avec des conséquences parfois dramatiques.
D’autant que si elle repose sur des mauvaises rencontres, notamment virtuelles, elle peut prendre diverses formes. Les jeunes générations devenant de plus en plus émettrices d’informations, il convient de remarquer qu’elles le font de manière parfois irréfléchie voire dévalorisante. Cela peut aussi s’effectuer à l’égard de tiers, camarades ou enseignants. Un phénomène parfois appelé cyber-intimidation et dont nous pouvons voir quelques développements sur les réseaux sociaux avec une ampleur plus importante que sur les blogs. Le phénomène préoccupe particulièrement la presse québécoise . (6)
Il s’agit donc d’un manque d’attention à la fois par mégarde mais également par manque d’attention à l’égard des autres. Nous avons le sentiment que de simples négligences n’avaient pas nécessairement des conséquences aussi importantes lorsque les moyens de communication étaient moins aisés qu’avec les outils du web. La conséquence des négligences va donc de plus en plus sortir du domaine scolaire pour aller sur l’espace public. Or, il faut rappeler que les jeunes générations négligentes sont encore mineures au sens de la loi. Elles sont également mineures face à la technique (Simondon) et mineures au niveau de l’entendement (Kant). Cela implique donc de repenser la formation par rapport aux négligences et leurs conséquences éventuelles.
Références :
(1) Olivier ERTZSCHEID, Gabriel GALLEZOT. « Chercher faux et trouver juste : sérendipité et recherche d’information. » 1ère conférence internationale francophone en Sciences de l’Information et de la Communication 10ème colloque bilatéral Franco-Roumain. Bucarest. Juillet 2003. Disp. Sur :
<http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/06/89/sic_00000689_02/sic_00000689.html>
(2)Umberto ECO. De biblioteca. L’Echoppe, 1986.
(3) Olivier Le Deuff. « La skholé face aux négligences : former les jeunes générations à l’attention », Communication & Langages n°163, mars 2010, p.47-61
(4) Nicole BOUBEE. « Le rôle des copier-coller dans l’activité de recherche d’information des élèves du secondaire ». Colloque ERTé 2008, L’éducation à la culture informationnelle. Université de Lille 3 <http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00344161/fr/>
(5)William BOYD. Armadillo: A Novel. Vintage, 2000
(6)Emilie COTE. Cyberintimidation: des exemples par centaines. La Presse. 12 janvier 2008.
Disp. sur : http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/internet/200801/12/01-8726-cyberintimidation-des-exemples-par-centaines.php

14 réflexions au sujet de « La sérendipité comme attention et la zemblanité comme mauvaise intention »

  1. ah la la mais c’est quoi ce post? On n’y comprend rien. (Si tu achètes mon livre je publierai un commentaire élogieux).

  2. Intéressant… Mais c’est quand même Merton qui est à l’origine de la notion de serendipity…

    1. Sur la définition donnée par Merton, ce sera peut-être l’objet d’un prochain billet.
      Ici le but était surtout de montrer que c’était parfois l’opposé qui avait tendance à devenir dominant.
      Sinon, je suis ravi que Pierre Moeglin vienne commenter sur mon blog!

  3. passionnant billet, merci beaucoup ! et le lien avec la formation me semble vraiment fécond
    cela fait quelques années que je me dis qu’il faudrait rassembler les gens qui travaillent et pensent avec la sérendipité, dans différents domaines : un groupe de princes et de princesses de serendip qui pourraient faire de jolis travaux, loin des programmations « robustes » actuelles…
    à la fin du mois va paraître aux éditions thierry marchaisse (tout juste créées) l’édition commentée du conte « les princes de serendip », assortie de trois articles : l’un à dominante littéraire sur le conte par aude volpilhac, l’autre sur l’histoire du mot par l’angliciste d. goy-blanquet et le troisième sur les rapports entre activité de recherche, science, mondes numériques et sérendipité, par moi-même – je ferai passer la ref sur twitter
    un billet intitulé « fortuité, princesse de serendip » qui porte justement sur l’impossibilité de réduire la sérendipité au hasard : http://penseedudiscours.hypotheses.org/1085

  4. JE viens mettre mon grain de sel pétillant et légèremnt décalé. Encore que, vous y saurez peut-être trouver…
    Je n’ai pas résisté au titre jouissif et raccoleur qui m’a amené ici lors d’un recherche de perles (oui, celles dont on fait les colliers…) et suis finalement ainsi restée dans mon thème.
    Moi qui ai découvert récemment, fortuitement et avec jubilation la notion de sérendipité ( amusant non ? d’ailleurs, la sérendipité est un nom plus précis pour une certaine forme de l' »à propos » du chercheur-cueilleur) je me suis dit : voilà qui me permet de l’approfondir.Ce qui n’a pas manqué.
    Eh bien, le jour où l’on appliquera l’idée de formatage non formateur aux enseignants eux-mêmes, la possibilité de réfléchir dans le métier aura fait un grand pas pour l’humanité (de la fonction). Si seulement…

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