Dans la lignée de ma réaction anti « éducation 2.0 » au niveau conceptuel, je pense qu’il faut faire attention à ne pas être dans une mutation permanente. Il faut donc envisager des éléments stables avec des éléments évolutifs et non pas adaptationnistes voire quasi darwinistes. Je m’inscris donc encore une fois contre le concept d’éducation 2.0 ou bien encore contre celui d‘apprentinuité proposé par la dynamique Florence Meichel qui cherche à fédérer toutes les bonnes volontés pour tirer profit au maximum des nouvelles technologies pour améliorer les performances éducatives. Je vous invite d’ailleurs à participer au réseau qui regroupe plusieurs usagers actifs dans le domaine et sur lequel vous trouverez liens et réflexions pertinentes. Même si nous ne sommes pas tous d’accord, la discussion reste courtoise, ce qui peut faire progresser le débat. Je vous invite également à lire la réflexion de Mario Asselin sur le sujet.
Je ne peux souscrire donc aux notions d’apprentinuité, ni de méta-élève pour la simple raison que cela entraine non pas une métastabilité telle que la voit Simondon mais une déstabilisation permanente. Une nouvelle fois, il s’agit d’être proactif comme le propose le finlandais Teemu Arina et pas seulement réactif. Je comprends malgré tout la volonté de prôner un enseignement qui ne soit pas en décalage, mais je rejoints Teemu sur la nécessité d’échapper à l’âge de la vitesse.
Dès lors, l’éducation demeure l’éducation et les apprenants demeure des apprenants et non des apprentinuants, barbarisme linguistique avec lequel j’ai beaucoup de mal puisqu’il s’agit d’un pléonasme, apprenant comportant déjà cette permanence d’apprentissage. Il ne s’agit donc pas de déstabiliser un peu plus des concepts et des institutions déjà en grande difficulté mais de permettre la transindividualisation notamment des élèves voire des enseignants grâce aux nouvelles technologies devenues hypomnemata des milieux éducatifs associés. Il s’agit d’adopter plutôt que de s’adapter.
Je pense pourtant que Florence partage les mêmes objectifs que moi, mais il faut être prudent et surtout efficace. L’institution scolaire doit se transformer et progresser à la fois dans une individualisation psychique et collective mais également afin que l’élève puisse se ré-approprier les moyens d’accès au savoir face aux tentatives de court-circuitage entropique des industries de service. (cf Stiegler)
Or, il faut être clairvoyant car les outils du web 2.0 peuvent également constituer des techniques dissociatives qui peuvent encore plus priver les usagers notamment de leur anonymat. Je songe ici au phénomène de l’Arcadie, prolongement du web 2.0, qui nous enferme dans un panoptique foucaldien permanent où nous sommes autant que voyeurs qu’observés. Je renvoie ici à mes articles sur urfist info et sur le site spokéo.
Par conséquent pour créer ces milieux associés, il faut prendre en compte la technique et notamment la culture technique qui implique que nous devenions majeurs au sens de Simondon et pas seulement mineur, c’est à dire qu’il nous faut comprendre le fonctionnement et la philosophie de ces outils qui n’ont probablement pas encore atteints leur concrétisation ultime.
Je rejoints néanmoins Florence sur le fait que nous non plus, apprenants et enseignants n’avons sans doute pas encore complèté notre transindividuation, mais il ne s’agit nullement d’augmenter l’entropie informationnelle et bien au contraire de construire la néguentropie des savoirs. Cela implique de l’association mais aussi de la distinction.
Par conséquent, ce n’est pas les concepts qu’il faut faire évoluer mais bel et bien le système. Il nous faut ainsi devenir des individus purs au sens de Simondon « médiateur entre la communauté et l’objet caché ou inaccessible »