Cela fait plusieurs mois que j’ai cette intuition mais je n’avais pas encore eu le temps de la formuler d’autant que j’escompte bien en faire un des travaux de recherche de cette année. Oliver Roumieux de l’Adbs m’avait incité à produire un billet. L’actualité m’oblige à le faire. On n’est pas encore au niveau de Print Brain technology mais on se situe sur des territoires bien connus des professionnels de l’information.
La doxa a tendance à présenter Google + comme un concurrent potentiel de Facebook, un aspirateur aux usagers adeptes du réseau de Zuckerberg. D’une part, il n’en est rien du fait que la tendance est celle de l’éparpillement des profils avec réinjection de flux si besoin. Les usagers font alors le choix d’être présents un peu partout et repoussent le choix de cibler davantage un réseau qu’un autre. Cette dispersion finit par être épuisante et pénible à terme. Google l’a compris et vise donc quelque chose de plus sérieux. Google + c’est le principe de Diaspora dans le sens inverse : on vise la concentration.
Dans cette querelle du choix des réseaux sociaux, Google va régler le problème en le déplaçant.
Pour rappel, il est très difficile de suicider son compte sans désagréments. C’est le cas chez Google : l’appartenance à son réseau social est définitive. Si vous souhaitez en sortir, vous réalisez alors un hara-kiri numérico-identitaire qui peut être tragique si vous êtes un vieil utilisateur des services google et notamment de sa messagerie. D’où les risques qu’il y a à utiliser un pseudo sous peine de fermeture de compte.
On l’aura compris, c’est une stratégie de captation efficiente : le temps investi et les données contenues sur ces services sont telles qu’il faut vraiment bien programmer son éventuel départ. C’est en effet toujours possible de cesser de dépendre au niveau de l’identité numérique de Google. Soit. Mais vous avez sans doute remarqué que vous pouvez quand même « cercler » des amis qui ne sont pas encore présents sur Google +… Une nouvelle fois, on n’échappe pas totalement à Google.
Seulement, l’objectif de Google et de son avancée Google + n’est pas celle de constituer un énième réseau social, c’est bien mieux que cela. Il s’agit clairement d’une stratégie de développement de l’application première : le moteur de recherche. Un moteur dont le leadership permet à la société américaine de générer 95% de ses revenus via la publicité. Si bien que chaque nouvelle application doit s’inscrire dans cette orientation de rentabilité. Et google + est clairement dans ce cadre.
Alors en quoi Google + va aider le moteur de recherche ?
Et bien Google + va permettre de mieux identifier les auteurs de contenus sur le web et d’associer finement une ressource web à un profil Google +. Il est même fort probable qu’une URI identifiée par un profil auteur lui aussi bien mis en valeur…sera mieux classée dans le page rank. De là à dire que google va réussir à produire le web de données… il n’y a qu’un pas.
Au niveau documentaire, Google + est en train de créer des « listes d’autorités » ! Et ces listes d’autorités vont se décliner avec l’indexation par les cercles thématique. Indexation que nous produisons nous-mêmes en créant des listes thématiques. Les folksonomies n’ont donc pas disparu réellement, Google les décline en cerclonomie. On retrouvera la stratégie du like, impulsée par Facebook au sein du réseau… ce qui produira un indice de popularité sociale qui sera aussi inclus à terme dans l’algorithme.
Si bien que le moteur va de plus en plus produire des résultats avec des références d’auteurs et obliger les webmasters à inscrire dans les métadonnées de leur site, la liaison avec leur profil Google +. Cela fait déjà quelques semaines que cette éventualité est possible. Elle va devenir obligatoire pour un bon référencement. Souvenons-nous de l’obligation faite par Google + que les profils comportent des vrais noms et pas des pseudos ! On notera au passage que c’est le retour progressif de la prise en charge des métadonnées dans le référencement. Cependant, on avance prudemment avec des métadonnées fiables avec celles de l’auteur dont on a établi l’identité. Le profil Google+ deviendra alors un pôle de gestion de son identité numérique avec les services attachés et externes. Ce sera celui qui sera visible depuis le moteur de recherche. Facebook demeurera alors qu’un sous-espace, une fête au village qui sera moins lucrative que le pôle des identités de Google.
Cela marque bien une volonté d’identification claire de la ressource. Cela pose évidemment tout un tas de question au niveau des potentialités d’anonymat. Mais si vous voulez être bien vu par le moteur… il faudra accepter l’encerclerment : rendez-vous, vous êtes cerné !
Pour rappel, le moteur comme beaucoup d’application a eu tendance à confondre autorité et popularité, en attribuant un indice d’autorité à ce qui relève clairement de la popularité via le page rank. Il faut rappeler que l’analyse des citations sur lequel repose le moteur emprunte beaucoup à la bibliométrie et à la scientométrie, sauf qu’en ce qui concerne les domaines scientifiques, la production de documents est quand même soumise à des processus d’évaluations.
Il semble désormais que Google cherche à mieux saisir cette question de l’autorité tout en conservant ses stratégies de popularité et d’indices de citations basés sur la scientométrie. Simplement, le déplacement ou la continuité plutôt s’opère : désormais le page rank ne concerne pas seulement les sites web mais bel et bien les auteurs. Voilà qui va donner de fil à retordre aux référenceurs car désormais le référencement aura partie liée avec la gestion de l’identité numérique. Car il est probable désormais que l’identification d’un spécialiste d’un domaine particulier va lui conférer une importance plus grande aux yeux du moteur en ce qui concerne la valorisation de sa production. C’était justement le gros point faible du moteur jusqu’à maintenant.
Cette tendance qui vise à mesurer l’influence et la notoriété d’une personne se développe avec les indices d’influence comme Klout. Mais on reste encore dans des mécanismes de popularité en mesurant le nombre de followers sur twitter, le nombre de retweet, etc. Google cherche davantage à affiner et à savoir qui est vraiment l’auteur et son degré de compétence. D’où l’intérêt premier d’avoir dans un premier temps, une liste d’initiés et de spécialistes. Google va aussi chercher à utiliser ses données pour personnaliser les requêtes et les affiner de plus en plus avec les résultats de production des personnes avec qui nous sommes liées sur Google +. On a donc récupérer notre travail d’évaluation relationnelle pour affiner les résultats de nos requêtes. Cette stratégie a déjà commencé depuis quelques mois avec l’affichage de données signalées par nos amis sur Google Reader.
Google cherche donc à attribuer un identifiant unique via son profil Google +. Cette stratégie s’opère également au niveau des chercheurs avec Google Scholar. Les projets d’identifiants uniques sur lesquels travaillent plusieurs éditeurs dont thomson risquent de se voir opposer un concurrent bien plus efficace : Google.
Google après avoir conquis le domaine de la popularité cherche à mettre la main sur l’autorité. Il est donc probable de voir à terme de nouvelles métadonnées prises en compte. Maiss Google a d’abord misé sur la plus importante : l’auteur. En effet, elle représente souvent le premier indice d’importance en matière d’évaluation de l’information. La redocumentarisation de nos identités prend alors tout son sens.
On pourrait donc voir l’entreprise américaine jouer de plus en plus un rôle prégnant en matière de gestion de la production de l’IST et en matière d’employabilité… ce qui signifie à terme un contrôle sur l’économie.
J’arrête les projections possibles à termes notamment l’accroissement des capacités prédictives du moteur qui pour l’instant connait surtout le passé de nos actions….
Une nouvelle fois « être ou ne pas être sur Google » devient l’aporie philosophique actuelle. On ne sait trop quelle histoire est en train d’écrire Google, ce qui est certain c’est que l’entreprise ne se contentera pas de faire de nous des personnages mais bel et bien des auteurs.
Dans tous les cas, voilà qui confirme ce que j’avançais en début d’année : on va avoir de plus en plus besoin de lecteurs de crâne de licorne
En fait, Google se créé son Edgerank pour le coupler à son PageRank. 😉
Je ne comprend pas bien en quoi cela va toucher l’autorité d’un auteur de manière « nouvelle » ?…
Aujourd’hui sur le web, l’autorité d’un auteur se mesure à l’aune de sa popularité/visibilité/notoriété : recommandations, citations, retweets, fans, etc. Bref, des critères déjà pris en compte dans l’algo Google pour faire gagner une source en visibilité.
La différence serait-elle que ce n’est plus une source qui gagne en positionnement mais une « identité numérique » (l’agrégation des productions supposant alors un regroupement des profils au sein d’un même réseau, en l’occurrence Google +) ?!
« Google cherche davantage à affiner et à savoir qui est vraiment l’auteur » => le « comment ? » reste encore une grande interrogation (malgré les évolution en termes de social search). Facebook peut développé son EdgeRank dans un système fermé, Google va devoir sévèrement dé-fragmenter son écosystème.
Si c’est le cas, cela va être amusant (ou pas) à observer au niveau des agences et organisations : le recrutement ne portera que sur des personnes ayant développé depuis longtemps leur présence. Renforçant ainsi Klout et les autres acteurs de l’industrie de la réputation…
Merci pour ces réflexions (et désolé de penser tout haut en commentaire :-)).
Oui il s’agit bien d’évaluer autant la ressource que son auteur.
« Être ou ne pas être sur Google » … en fait, le problème ne se pose plus puisqu’en tant qu’auteur (et encore plus en tant qu’auteur-webmaster) passer par Google est indispensable pour exister (cad être référencé), ce que tu expliques toi-même très bien. D’autant que tu montres aussi que Google sera incontournable pour centraliser ses profils dispersés pour qui tentera de maîtriser son identité numérique (et sa production écrite d’auteur). Autant dire que cette aphorie est celle de la décennie passée.
« Être sur Google sans sombrer dans la dépendance » ne serait-il pas aujourd’hui plus approprié ?