On a perdu la communauté biblio-fr !

La fin de biblio-fr est arrivée il y a quelques mois. Évènement tragique, mais qui semblait un choix opportun car on craignait que biblio-fr finisse par devenir mauvais tant certains messages ennuyeux y pullulaient même si l’ennuyeux pour certains pouvaient en passionner d’autres. Bref, on en avait tous un peu marre.
Mais seulement voilà, le temps passe et je m’interroge : que sont-ils devenus ces milliers d’abonnés, la plupart n’écrivant jamais d’ailleurs. Certes l’infopollution était de mise dans nos messageries avec ces messages sans fin mais cette liste nous rendait des services. Et dans ma situation présente, je suis bien embêté car je mène une enquête sur la bibliothèque 2.0 qui a bien du mal à décoller car il n’y pas biblio-fr pour la diffuser à grande échelle.
Je me rends compte de plus en plus que la fin de biblio-fr est bien plus que la fin d’une liste de diffusion. Elle a des conséquences innombrables notamment sociologiques et scientifiques (oui je pense encore à mon enquête…)
Biblio-fr jouait le rôle de mortier, c’était peut-être pas de la grand finesse, mais c’était robuste et efficace. En effet, qu’on soit d’accord ou pas d’accord, on pouvait débattre et se disputer sur l’agora, le lieu public de l’infodoc et des bibliothèques que constituait biblio-fr. Toute le monde pouvait écrire un petit message sans avoir besoin d’ouvrir son blog.
Les débats étaient plus animés que sur les blogs, avec plus de réactions notamment de personnes qui réagissent peu en commentaires sur les blogs. bibhybrideTout le monde pouvait être un peu alerté par les entêtes des messages même si pour certains des mots venus d’ailleurs comme flux rss, web 2.0, API, et autres circulaient parfois et leur faisaient un peu peur. Aujourd’hui, je crains que beaucoup ne consultant quasiment aucun blog, pensent que tout cela a disparu.
Certes la majorité des usagers semblait passive mais au moins on pouvait espérer être lu. J’en tiens pour preuve d’ailleurs qu’un message sur biblio-fr entrainait aussitôt sur votre site et blog, des centaines voire des milliers de visites. Ce qui est bien plus rare actuellement.
Alors, certes il y a désormais les logiques de flux qui semblent rendre caduques la messagerie et la liste de diffusion, mais quand même il faut avouer que la liste et la messagerie électronique conservent leurs vertus. Je peux me passer d’agrégateurs de flux pendant plusieurs jours, mais pas de messagerie. D’autre part, à force d’être partout, on finit par se disperser sur les agrégateurs, se ventiler sur les réseaux sociaux, et on se retrouve aux quatre coins de twitter éparpillé façon puzzle. Google finit par en savoir plus sur nous que nous n’en savons sur nous-mêmes!
Que dire si ce n’est que la livraison quotidienne de biblio-fr ne m’a pas manqué du tout au début. Quel soulagement, quelle décision écologique, je pensais. Mais je songe maintenant à l’ensemble de la communauté, dispersée façon grenade. Je m’inquiète aussi pour les « vieilles bibliothécaires » qui ont animé certains débats sur la liste. Certaines pensent désormaisbiblolab que tout est revenu normal et que les illuminés du cataloblog et de la mutualisation du catalogage sont morts. Elles ne sont sans doute pas au courant de l’existence du bibliolab et ne se sont pas rendues compte que le guide des égarés de votre serviteur a déjà 10 ans car elles ne voient pas le temps passer si vite. (moi non plus d’ailleurs…)
Bref, on a l’impression de n’être plus qu’un club VIP de la bibliothéconomie, des blogueurs et autres twitteux. Seulement voilà, à ce rythme là, l’ennui et l’autosatisfaction nous guettent. Pire la communauté de blogueurs déplorant l’absence de débats internes pourraient entraîner l’émergence de bandes rivales avec notamment celle de Silvère Mercier qui affronterait dès lors celle de Daniel Bourrion.bibblogenfer
Je songe aussi aux fans, à ceux qui en ont développé des addictions, notamment ceux qui lisaient tous les messages car ils avaient peur de rater quelque chose d’essentiel, ou ceux qui étaient persuadés de trouver trace d’une conspiration ou de traces de communication extra-terrestre. Beaucoup d’autres, et j’en fus, scrutaient biblio-fr dans l’espoir d’y trouver de précieuses annonces d’emplois. Il y a sans doute des fans déçus qui se contentent d’examiner les archives afin d’avoir leur dose quotidienne.
Je crois que la dépression biblioférique est un phénomène peu étudié car biblio-fr c’était une communauté, une communauté de pratiques certainement mais sans doute bien plus encore, un écho, un lieu où se tissaient des liens, où se jouaient certaines transmissions.
Désormais que faire ? Mais vous vous en doutez déjà, je n’ai qu’une chose à dire : il faut recréer biblio-fr !
Je sais qu’Hervé conserve l’adn de biblio-fr et qu’il peut refaire renaître la liste . Il est évident qu’il faudra l’imaginer quelque peu différente avec quelques manipulations pour l’améliorer. Sara Aubry reviendra telle Sigourney Weaver dans Alien, et s’il le faut on lui fera des injections ( à la liste, pas à Sarah) de bbiblio-frouillon ou de nectar.
D’ailleurs combien de personnes autrefois abonnées à biblio-fr connaissent le bouillon et le nectar ? Combien seraient-elles si biblio-fr existait encore ?

De la déformation à la désinformation : l’arnaque des baies d’Acai

Il est coutume de dire qu’il faut être autant vigilant sur Internet que lorsqu’on effectue des achats dans un magasin classique.

Pourtant, il semble que la crédulité y soit parfois plus forte notamment par le jeu des fausses recommandations (ou astroturfing) mais aussi parce que s’y projette toujours des imaginaires plus prononcés et des projections de fantasmes qui peuvent s’y trouver incarnés. Parmi eux, figurent celui de pouvoir devenir un acteur hollywoodien ou tout au moins en suivre les traces et les secrets.

De là arrive ce passage de la désinformation à la déformation, et ce dans tous les sens du terme. En effet, il n’est pas rare de rencontrer sur divers sites, des publicités pour devenir beau et musclé dans un temps réduit grâce à des substances miracles qui vous trans-forme en éphèbe que tout le monde envie.

Ces publicités utilisent la technique du blog bidon qui présente le cas d’une personne qui serait parvenue à dénicher le secret des acteurs qui réussiraient en peu de temps à se constituer un corps d’athlète. Le plus terrible, c’est que cette arnaque fonctionne car elle prétend offrir des garanties à la fois médicales (pas d’effets secondaires) et financières (échantillon gratuits et frais de ports allégés).

Hélas, c’est une double arnaque : d’une part, cela ne produit aucun effet sur les corps si ce n’est des désagréments, d’autre part, c’est la santé financière qui en prend un coup et le compte en banque qui se trouve dégraissé du fait des autorisations de prélèvement associées. En effet, les échantillons gratuits sont envoyés contre une forme d’abonnement pour recevoir régulièrement la potion miracle moyennant des sommes autour de 80 euros.

Le plus fort dans cette arnaque, c’est qu’elle se décline à l’international.

Ainsi le blog suivant dont j’ai trouvé la publicité ce matin sur un journal israëlien montre aussi le peu de déontologie de certaines presses -en ligne- qui bouffent à tous les rateliers que ce soit la publicité ou bien désormais les aides de l’Etat.

Cette arnaque est symbolique de la nécessité d’élargir les enseignements actuels en littératie à la fois en matière économique mais également en matière informationnelle. Il faut rappeler que la littératie médicale s’avère souvent ainsi proche de la littératie informationnelle quand il s’agit de rechercher de l’information sur des symptômes et des médicaments. Il est à craindre que des évènements de ce genre continuent à se produire du fait d’une incapacité des individus à évaluer l’information.

Pourtant un peu de recherche sur Internet donne quelques éléments de réponse notamment sur le forum des arnaques. Cela signifie qu’Internet est souvent également le remède à ses propres maux.

Mais d’autres habitudes ou d’autres outils permettent de vérifier rapidement la véracité d’une information. Dans le cas de ces blogs, un argument important est l’utilisation des photos qui montrent le changement spectaculaire de physionomie obtenue par l’absorption du produit miracle. Un outil permet de vérifier de suite si ces images ne sont pas déjà réutilisées ailleurs… Pour cela, l’évaluateur de l’information peut utiliser le moteur qui permet de comparer les images et notamment tinyeye. Pour ma part, je l’ai implémenté dans firefox et la recherche s’effectue automatiquement par un clic droit sur la photo.

Prenons cette image.

Tinyeye montre son utilisation multiple, ce qui devrait susciter déjà fortement le doute, du fait que le monsieur qui prétend que ce produit miracle a changé sa vie, est également doué de glossolalie car il cause aussi bien en français que dans bien d’autres langues. Le plus embêtant, c’est que la photo est déjà utilisée pour vanter les mérites d’un autre produit bien plus classique pour ceux qui souhaitent gagner du muscle.

 

La recherche via tinyeye permet de tordre le coup à l’autre technique de la double recommandation qui consiste à poster de faux commentaires de testeurs qui vont aussi ajouter des photos démontrant leur transformation.

Et voilà que nous retrouvons d’autres utilisations et un autre blog, quasi copie conforme de celui en français. On peut faire de même avec la photo du prétendu transformé. Il est vraisemblable que la photo provienne de ce site de soins pour homme. Ce qui est aussi étonnant, c’est que celui qui s’affiche comme David de Chateaugiron pour moi apparaît différemment en fonction de l’adresse Ip de votre ordinateur selon le lieu où vous habitez. Si je passe par un VPN qui m’identifie en hollande, le David devient Alex d’Amsterdam.

Normalement, cela devrait suffire à vous dissuader de passer une commande. Mais, vous pouvez être curieux et vouloir savoir qui se cache derrière les adresses internet que vous avez trouvées. La solution existe, il s’agit d’aller voir dans l’annuaire des noms de domaine, le who is. L’occasion de rappeler qu’Internet n’est pas un territoire sans règles comme on l’entend parfois. Cependant, note site ne donne pas de réponse car il a interdit la diffusion du nom du propriétaire. Le nom de domaine était étrange car notre David faisant référence à un alex dans le nom de domaine « alexmuscle.com »

Finalement, le mieux est d’aller sur le site qui nous propose les pilules miracles. Le who.is nous apprend qu’il s’agit d’un mystérieux support-logic-group. Le site vante alors les mérites des baies d’acai qui est la base du produit vendu. Et utilise alors une supercherie visant à faire croire que les médias ont parlé du produit que vend le site alors qu’ils n’ont fait qu’évoquer les fameuses baies. Une recherche sur google avec comme mots-clés « baies d’acai » met en premier lien un forum qui révèle l’ensemble de la supercherie. Les baies qui peuvent être orthographiées « açaï » sont riches en radicaux libres ce qui fait qu’on leur prête toutes sortes de vertues.

Souvent Wikipédia peut servir de rempart contre la désinformation, seulement il faut chercher un peu plus que traditionnellement du fait qu’il n’existe pas d’entrée directe pour les fameuses baies et que l’information se trouve en ce qui concerne son arbre porteur, comme quoi il faut toujours remonter à l’origine. L’article de wikipédia renvoie à des articles scientifiques sur les propriétés des baies vendues en poudre. Il est apparaît donc que les baies peuvent avoir quelques vertus mais il n’est nullement mentionné que cela va vous transformer rapidement et que Groquick va pouvoir devenir Brad Pitt en un mois.

Il me reste encore à étudier les messages des arnaqués des forums, car il y a beaucoup d’enseignements à en tirer. Il semble qu’une autre arnaque fonctionne de la même manière avec le miracle qui vous ferait blanchir les dents.

En matière de transformation, la plus intéressante est sans doute celle de Santa Claus qui ne s’est pas faite en un mois. Certains diront que l’arnaque des baies ressemble beaucoup à l’histoire du père Noël : cela fait rêver et il parvient à être partout. Reste à savoir, si les baies lui permettront d’affiner sa silhouette quasi obèse qui commence à faire jaser.

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Le secret de la bibliothèque 2.0 : elle fait-elle disparaître les mauvaises graisses ?

Je prépare actuellement un article sur le concept de bibliothèque 2.0, sa genèse, ses contradictions et les raisons de son relatif succès.

Par acquis de conscience, je suis allé vérifier quels étaient les premiers liens renvoyés par Google.

Le premier à partir d’une requête Google me renvoie à bibliopédia.

La publicité présente présente nous gratifie d’une magnifique explication sur le secret de la bibliothèque 2.0.

Pourtant, souvent dans les applications de la bibliothèque 2.0, il y a une tendance à en rajouter un peu de trop comme fonctionnalités issues du web 2.0.

Peut-être faut-il voir le fait que le catalogue, devient plus souple en tant que cataloblog. Dans tous les cas, c’est vrai que c’est mieux après qu’avant. Plus c’est souple, plus c’est facile d’innover et faire évoluer la bibliothèque.

Finalement, je me demande si cette publicité n’est pas encore une atteinte aux vieilles bibliothécaires ! (clin d’œil à biblio-fr)

Twitter : faut-il muscler la cour de Récré ?

Finalement, il aura fallu l’arrivée de Frédéric Lefebvre pour que le poids des listes soit le mieux compris sur twitter.

Ce dernier ne parvient pas à endiguer le flot de redocumentarisation malgré le fait qu’il bloque au maximum ceux qui le listeraient d’une manière qu’il juge inopportune. Il déplore dans son interview par Barbier (@C_Barbier c’est un peu l’intello de la cour de récré qui essaie de faire des exposés pour se faire bien voir des profs) que twitter n’est pas assez costaud notamment pour supporter des campagnes électorales. Mais est-ce le but de twitter ? Faut-il plus de contrôle …faut-il vraiment faire de Twitter, un lieu sérieux, sécurisé avec des comptes vérifiés ?

Je n’en suis pas certain car twitter demeure pour beaucoup de ses usagers une cour de récré plutôt agréable. Twitter présente beaucoup de réminiscences de ces lieux entre les cours où s’effectue la vie des établissements. Cour de récré, machine à café, in between difficile à cerner notamment des dirigeants qui sont quelque peu dépossédés de leur pouvoir en ces lieux. Il y a des modes sur twitter, les nouveaux hashtags c’est peu comme l’arrivée de nouveaux gadgets ou le port de badges dans les années 80. On commente tel ou tel évènement comme on le faisait le jeudi matin à propos du film du mardi soir. De plus les listes de twitter ce n’est rien parfois rien d’autre que le fait de figurer dans les listes des préférés des filles à l’école primaire. Je note qu’un phénomène similaire se développe sous Facebook à l’heure actuelle. Il y a sans doute aussi des logiques de bande également. Il faut en être comme dans «  le best-of de @Silvae » (Silvère Mercier)

Finalement, tout cela prouve qu’il demeure chez nous une part d’enfance. Etymologiquement, nous sommes tous un peu in-fans, c’est-à-dire incapables de pleinement exprimer le monde qui nous entoure et surtout de plus en plus incapables à en prendre le contrôle. Même si la plupart des twitteriens français rêvent de virer le dirlo et toute sa clique.

Twitter, ce n’est donc pas si sérieux que cela, mais cela peut être un instrument de veille, voire de bienveillance mais aussi de vigilance. Cela signifie aussi que dans la cour de Récré de twitter, on a bien envie de laisser enfermer dans les toilettes, la petite Edwige, le méchant Hadopi et le sournois Loppsi.

Redocumentarisation des individus et (bon) usage de la liste

Un cas qui ne déplairait pas à Umberto Eco qui aime beaucoup les listes.

Celui d’un petit nouveau qui débarque sur twitter et qui se voit d’emblée listé :

https://twitter.com/FLefebvre_UMP/lists/memberships

update : 2 minutes après
Olivier Ertzscheid d’Affordance nous en parle également.

Militer pour une culture technique…à nouveau

Bruno Devauchelle a raison de souligner que la culture numérique est absente une nouvelle fois des projets de réforme du Lycée. Et avec elle, la culture de l’information et la culture informatique, une nouvelle fois reléguées dans les oubliettes.

Ce n’est pas seulement la faute des responsables politiques, d’ailleurs tant le rapport de force au sein de l’Education Nationale est encore au favorable à une culture littéraire normée et qui méprise la culture technique. La culture mathématique semble plus proche des aspects techniques mais la conceptualisation à l’œuvre laisse parfois trop de côté les aspects de manipulation.

Le poids historique est important et la technique a été souvent jugée comme néfaste :
La répulsion qu’affiche la Culture pour la technique remonte très loin en France, en dépit d’efforts successifs et réitérés depuis ceux des Encyclopédistes pour l’y intégrer. Répulsion plus que dédain ou ignorance, car dans l’attitude des intellectuels vis-à -vis de la technique, il y a aussi l’impression justifiée qu’elle a contribué à asservir les hommes, tout en étant soutenue par un discours de propagande affichant qu’il s’agit de les libérer.
(Jacques Perriault, 1998)
Jacques Perriault a beaucoup milité pour la culture technique parmi d’autres intellectuels et philosophes dont notamment Gilbert Simondon sur lequel nous allons revenir sur ce blog avec notamment des extraits de notre thèse sur le sujet de la culture technique.

Tisser sa toile sur le réseau.

Depuis plusieurs années, la volonté de créer des graphes globaux du web s’amenuise en grande partie du fait que la somme de données devient trop importante. De plus, il existe plusieurs visualisations possibles tandis que le mythe du web interconnecté et équilibré est tombé depuis la publication du graphe du nœud papillon.

Les visualisations se reportent de plus en plus sur des communautés d’utilisateurs notamment en ce qui concerne les réseaux sociaux.

Néanmoins, malgré les nouveaux outils, les difficultés méthodologiques et d’interprétations demeurent. Cependant nous partageons l’analyse de Bernhard Rieder quant aux potentialités d’examen de corpus massifs qui permettraient d’allier les sciences mathématiques de l’étude des réseaux sociaux et leur étude socio-technique.

Il est clair aussi que le parallèle vie réelle/reproduction sur les réseaux sociaux n’existe pas. Notre réseau social de la vie quotidienne n’est pas celui de notre réseau social sur le web notamment car il s’agit plutôt d’excroissance, d’élargissement de nos « connaissances » dans les deux sens du terme, c’est-à-dire de systèmes et stratégies qui répondent pleinement à deux besoins, celui d’affirmation et celui d’information.

Dans les deux cas, les habitués des réseaux et notamment de twitter savent qu’il s’agit d’une prise de risque car on met sa réputation en jeu. Mais celui qui n’y est pas actif n’existe pas. Etre ou ne pas être, l’aporie existentielle est celle des réseaux sociaux.

Tel est le but de l’expression sur les réseaux, cela semble parfois utile, parfois futile mais il est souvent difficile de mesurer d’emblée la portée ou le poids d’un message. L’archéologue des savoirs ne peut connaître à l’avance la trace marquante, celle qui va faire date. Il est même probable qu’il va devoir lui-même se mouiller. Je ne crois pas au chercheur à l’abri. Ce dernier n’est qu’à la surface des choses, sur la face visible. Il ne voit que ce qu’on lui donne à voir.

Les systèmes de veille et nos réseaux d’amis et de followers correspondent à autant de casiers jetés à la mer voire de bouteilles dans l’espoir d’un retour gagnant. Sur twitter, l’usager-initié tisse sa toile avec patience, lentement. Il est une mygale. A moins que la métaphore qui ne convienne le mieux soit celle du corail, fonctionnant de manière fractale.


Une stratégie de réseau en mygale via twitter. (visualisation obtenue avec Nodelxl, en fruchteman-Rheingold à partir de notre réseau twitter)

La course aux suiveurs est une erreur qui témoigne surtout d’un hubris qui ne peut que conduire à l’inefficacité du dispositif au mieux et à l’affaissement sur soi même en un trou noir au pire. Nul ne peut incarner à lui tout seul le réseau.

Mais la prise de risque implique aussi le fait de pouvoir contrarier le réseau. Une expression provocatrice, un défi mal calculé et l’usager se trouve poursuivit par la pieuvre du réseau, le Kraken impardonnable qui ne demande qu’à vous avaler tout cru. Une erreur d’appréciation et vous envoyez le même DM (direct message) à l’ensemble de vos amis sur twitter et vous voilà assimilé à un spammeur ou un pénible infopollueur et votre réputation en prend un coup. Un moment d’égarement et vous laissez entrer une application néfaste et vous contaminez tout votre réseau de messages publicitaires notamment pour cette mafia family qui en a piégé plus d’un et pas des moindres d’ailleurs puisque des grands pontes du réseau et des grands penseurs du web s’y sont laissés prendre.

Cette prise de risque implique donc de tester mais aussi et surtout de faire des erreurs. Des erreurs qui vont nous amener à défendre outre le droit légitime à avoir accès au réseau Internet, celui de pouvoir garder un contrôle sur ses propres données ainsi que celui de pouvoir exercer un droit à l’oubli.

Le web et l’internet n’est sans doute pas une toile mais il nous faut néanmoins tisser la nôtre, lentement en étant conscient de la fragilité de cette construction.

Au-delà des murs

Le passage de la loi Hadopi et des autres lois de surveillance des activités des internautes témoigne de la volonté d’instaurer une société de surveillance qui ne peut inciter qu’à la création d’un cercle vicieux.

Dès lors, l’internaute lambda se sachant coupable potentiel et surveillé par les institutions et notamment des sociétés privées payées au frais du contribuable, cherchera à échapper de plus en plus à cette méfiance que porte à son encontre l’institution républicaine désormais aux mains des industries de service.

L’institution devenant peu digne de confiance, de la méfiance, le passage à la défiance s’en trouvera tout naturel.

Une défiance qui nous lancera dans une suite sans fin pour se cacher de l’œil de Sauron avec utilisations de nouveaux outils comme les VPN ou bien encore les nouveaux plugins Firefox qui nous permettront d’échanger dans un relatif anonymat.

Tout cela ne fait qu’accentuer la distance qui se creuse entre responsables politiques nationaux, chef d’entreprise du CAC 40 et autres lobbyistes qui cherchent à préserver leurs pré-carrés souvent mal acquis d’ailleurs. (Nous songeons notamment à la privatisation douteuse de TF1 et son attribution au groupe Bouygues mais à tous les autres attributions de marché qui malgré les règles font que nous ne pouvons distinguer les industriels de nos responsables politiques)

Il n’y a qu’une réponse face à une société de l’information et de la surveillance, celle de la culture et de la communauté. Communauté ne signifiant nullement communautarisme mais rassemblement de nos différentes identités au sein d’une communauté de partage de moyens et d’objectifs. La culture étant cette voie de la construction d’où l’opposition que je vois parfois entre culture de l’information et société de l’information.

Si nous ne pouvons plus avoir confiance en nos dirigeants, il nous désormais avoir confiance en nous. D’ailleurs, la nation, concept historiquement daté, ne peut constituer un cadre de réponse adéquat. Tout porte à croire d’ailleurs que depuis que le mur de Berlin est tombé, l’incapacité à penser un nouveau monde cosmopolite nous fait cruellement défaut. La chute du mur s’est transformée en triomphe des marchés financiers et nullement en triomphe de la démocratie. Sur ce point, Fukuyama s’est trompé en exagérant le pouvoir du capitalisme. Il ne s’agit donc pas non plus d’y répondre par une nouvelle internationale, mais par un au-delà des nations et des religions, un réel supranationalisme afin de pouvoir contrôler les flux financiers des multinationales et de pouvoir mettre en place des projets d’envergure mondiale.