Chevalier, prof ou gourou ? Pierre Bellanger et la discrétisation des industries de services au sein de nos existences

Portrait de Pierre Bellanger
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Je n’avais guère envie de bloguer depuis quelques temps, mais là, j’ai craqué après la découverte d’une information sur twitter me renvoyant au site d’owni qui évoquait une conférence qui ne pouvait me laisser de marbre.
On croit rêver quand l’Ecole normale supérieur prend l’initiative d’inviter un individu, Pierre Bellanger, qui n’a rien à envier à Patrick Le Lay pour vendre du temps de cerveau disponible sur les ondes radiophoniques et sur le pire réseau de blogs à la fois au niveau technique, esthétique et en terme de contenus : les skyblogs. Ces derniers qui ont longtemps fait du mal à l’image même du blog.
La conférence est parfois, notamment au début, d’une médiocrité incroyable avec des banalités et des métaphores à peine digne d’une mauvaise copie du bac. Evidemment, on n’y apprend rien et on est consterné avec la récurrente métaphore de la toile, métaphore depuis longtemps rendue caduque notamment par l’étude du « nœud-papillon ».
Bellanger évoque une pensée « web native » et ressort toutes les visions stéréotypées sur le papier. On croirait parfois revoir des réflexions d’il y a 10 ans, du moins au début…car il est du coup tentant de ne pas tout écouter et pourtant ! Internet et ses boîtes invisibles et un modèle « réseau-centrique » sont parmi les pseudos concepts scientifiques utilisés. Mais s’il faut trouver un intérêt à la démonstration, c’est la réflexion qui repose sur la volonté de capter l’attention des usagers à des fins publicitaires qui est bien le but recherché.
« La marque devient une personne », étonnante phrase à l’heure du personal branding. Mais c’est justement l’objectif du rapprochement, l’égalité de façade. Evidemment, le discours peut paraître séduisant avec ce renouveau publicitaire.
La « publicité active » qu’il évoque, devient un service intégré…soit disant pour être plus utile notamment pour faciliter les relations mais en fait c’est le summum des rétentions tertiaires et de la délégation technologique. Ce marketing relationnel que nous présente Bellanger, c’est l’étape suivante du triomphe des industries de service qui vont chercher à s’immiscer davantage dans nos vies, à devenir de plus en plus discrètes voire invisibles. Cette discrétisation est une forme de grammatisation publicitaire qui prolétarisera davantage l’individu qui n’aura plus les moyens de distinguer ce qui relève de la publicité avec cette marque devenue personne. Le pire de tout c’est que cette entreprise vise à nous transformer en outils publicitaires, ce n’est plus l’individu-citoyen qui devient l’objectif de la formation, mais l’individu-marque. Pour ma part, c’est un cauchemar, le summum de la culture de la déformation, la poursuite du paradigme informationnel. Sur tous ces aspects de grammatisation, de pharmaka, de discrétisation, etc. il faut aller voir au moins le site d’ars industrialis et bien sûr lire les travaux de Bernard Stiegler.
Le plus étonnant chez Bellanger, c’est le discours mensonger qu’il utilise en mettant toujours en avant les idées de liberté d’expression ou de services aux usagers. Or, il ne fait rien qu’enfermer intellectuellement et parfois davantage. Ce qui est intéressant, c’est que désormais les attaques de ce type vont se multiplier sur le web et l’Internet. Cela démontre l’extrême complexité à l’œuvre et l’enjeu urgent autour d’une culture des hypomnemata. Cependant, vu que la formation est désormais passée sous la coupe de l’Oréal, il est à craindre que les stratégies présentées puissent avoir le champ libre pendant pas mal de temps. Les Jedis des différentes littératies tenteront de veiller néanmoins.
La présence des poissons rouges est étonnante : au niveau feng shui, le placement d’un tel aquarium vise à capter les mauvaises ondes à la place des habitants. Si on se voulait sinistre, les poissons rouges dans leur pauvre bocal nous font surtout penser à notre future situation sur les réseaux.
J’en profite pour rajouter un extrait de ma thèse qui évoquait les skyblogs et les jeunes générations.

Le site skyrock.com et les blogs qui y sont associés ne sont pas conçus pour une lecture approfondie mais surtout pour attirer l’œil et l’envie de cliquer. Le zapping instinctif y est privilégié par rapport à une lecture réfléchie. Si la page d’accueil des blogs est plus fournie en textes, la qualité orthographique se trouve supplantée par un style proche du Sms. Le fond de page des sites de skyrock est un fonds publicitaire qui change quotidiennement. Pour un peu, voilà un système qui exploite au maximum les négligences, en incitant à cliquer sans réfléchir et en ne lisant que très succinctement.

Voilà qui démontre le fort éloignement de la skholé, ce qui a priori apparaît logique puisque la plateforme est justement à l’extérieur du domaine de l’étude (studium) et donc du studium legendi. Cependant, il ne s’agit pas pour autant du loisir de l’homme libre que constitue l’otium, car l’exercice d’écriture de soi que peut constituer le blog se trouve emprisonné dans des démarches de conformisme et d’invasion publicitaire. Nous sommes surtout dans le domaine du neg-otium, celui du des sphères marchandes.


Figure n°24. La prédominance publicitaire sur la page http://www.skyrock.com/blog/

Alain Giffard a également observé ce type de blogs et en conclut qu’il s’agit de systèmes non ouverts vers l’extérieur mais au contraire essentiellement tournés sur eux-mêmes et donc contraire à l’esprit du web :

Sur Skyblog, on recherche l’inverse : on met les jeunes à l’écart. On les sépare de l’ensemble du web en les empêchant de se mettre en relation avec cet espace.

Le milieu est donc celui d’un milieu dissocié où l’individuation ne peut se produire car elle se trouve court-circuitée par des modèles qu’il faut suivre, impulsés notamment par la publicité. Ce qui est recherché est la captation de l’attention à des fins publicitaires. Seulement, les jeunes utilisateurs de skyrock n’en sont pas conscients, tant le discours est celui de la libre expression. Or c’est pourtant tout l’inverse qui se produit. Les productions des adolescents sur les skyblogs se ressemblent énormément avec les mêmes processus d’écriture et d’utilisation des photos des autres. Finalement, la plateforme skyblog enferme l’adolescent dans des schémas préétablis.

<http://www.skyrock.com/> Sur la page d’accueil du site, il n’y pas de textes longs, que des mots courts ou des images animées qui donnent envie de cliquer à l’adolescent.

2 <http://www.skyblog.com/>

3 Ivan ILLICH. Du lisible au visible : La Naissance du texte, un commentaire du «Didascalicon» de Hugues de Saint-Victor. Op. cit.

4Interview d’Alain GIFFARD. Skyblogs, la grande secte molle. In L’école des parents N°577- Hors-série mars 2009 – Adolescents : Confidences sur Internet. Disp. Sur :
<http://www.ecoledesparents.org/revue/N577_libreacces.html>

update : Je trouvais guère novateur l’idée d’une networked literacy, mais après tout, ce n’est peut-être pas si idiot au vu des risques exposés.

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Sur l’attention informationnelle

Howard Rheingold
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Howard Rheingold qui demeure à la pointe de la réflexion et des pratiques sur les environnements sociaux et web, évoque de plus en plus les problèmes d’attention liés aux environnements multi-tâches.

Rheingold évoque le fait qu’il y a autant d’avantages que d’inconvénients dans ces environnements multi-tâches et qu’il conviendrait d’étudier les nouvelles potentialités offertes, ce qui ouvre un chantier scientifique transdisciplinaire.

Il y voit des risques évidents tant la gestion du multi-tâche ne peut se contenter d’une gestion simple des outils du web 2.0. En effet, il ne suffit pas de savoir comment taguer, comment récupérer un flux rss, ou suivre une personne sur twitter. Ce n’est donc pas seulement un problème d’usages mais bel et bien d’attention et de capacité à évaluer l’information. Howard évoque d’ailleurs bien le fait qu’une maîtrise des outils n’implique pas nécessairement une maîtrise de l’information. Des études, qui peuvent être toutefois critiquées, montrent que le multitache nuit parfois à la concentration et à la compréhension. C’est sans doute vrai dans la mesure où cette dispersion est généralement considérée comme intuitive aux digital natives. Or, il n’en est rien, elle implique une formation longue, qui peut être facilité par l’enseignant- si et seulement s’il s’avère capable de transmettre cette compétence- mais surtout par une pratique progressive des divers hypomnemata. Il est probable que des personnes possèdent des capacités accrues dans cette gestion du multi-tâche : des lecteurs rapides et efficaces au sein des environnements numériques, des transliterate people.

Rheingold a inventé un concept pour définir cette problématique, celui d’infotention qui mêle techniques mentales et techniques basées sur des outils. Ce concept que l’on peut traduire par attention informationnelle, se rapproche fortement de ce que j’ai cherché à définir dans ma thèse sur la culture de l’information même si ce travail définitoire n’a pas été compris ou apprécié. J’ai intitulé d’ailleurs une sous-partie de mon travail : la formation à l’attention.

L’enjeu de formation se trouve donc bien là dans cette attention informationnelle qui ne peut être qu’une qualité (Eigenschaft) individuelle mais à portée collective. Sans doute, le débat entre Pierre Lévy et Alan Liu pourra nous aider à y voir plus clair.

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Corrigé Epreuve 0 de composition du futur capes

J’ai été chargé de rédiger une correction de l’épreuve O de composition du futur capes de documentation.
Le sujet se trouve ici. Il s’agit d’un texte de Pierre Lévy. Et comme j’aime bien commenter Pierre Lévy, ça tombait bien.
Il a été finalement décidé de ne pas faire figurer les corrigés sur les sites officiels puisque certaines disciplines ne souhaitaient pas en proposer
Par conséquent, il a été convenu de la mise à disposition de ce corrigé sur mon site afin que les candidats puissent quand même en bénéficier.
Attention, ce n’est pas la panacée ni le modèle absolu. Les critiques sont donc encore possibles.
Vous pouvez consulter le document CAPES 2011 annale 0 corrigé Le Deuff
Il est également disponible sur scribd.
CAPES 2011 annale 0 ép 1 corrigé Le Deuff

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Pour une évaluation diversifiée et de nouvelles métries

Geo-metrie
Image by Mihr* via Flickr

Je reviens donc comme promis sur les métries et ce à quelques jours de la non-conférence du Thatcamp autour des digital humanities. Il n’y aura pas d’ateliers autour des métries. Je pense qu’il s’agit néanmoins d’un enjeu important tant il y a de nouveaux aspects à évaluer notamment autour du blog.

Parmi ces territoires à évaluer, ceux des rapports du blogueur « scientifique » et de son lectorat. Comment mesurer son influence et notamment ses apports en matière de valorisation de son travail, la manière dont il fait mieux connaitre sa discipline, les formations qu’il dispense, les diplômes dans lesquels il intervient voire la notoriété qu’il apporte à l’université. De la même façon, en quoi il permet de tisser des liens avec le monde professionnel.

De nouveaux indicateurs semblent nécessaires dans ce cadre. Sans vouloir en faire des indicateurs absolus, il pourrait être tout aussi opportun de mesurer la portée de ses travaux dans le monde professionnel. D’ailleurs pourquoi ne pas développer déjà des indicateurs bibliométriques dans ce cadre ? (nombre de citations dans la presse professionnelle, parutions dans la presse professionnelle, etc.)

En ce qui concerne le blog, l’indicateur devrait à l’inverse de Wikio être plutôt composé à partir non pas seulement d’autres blogs mais d’un plus grand nombre de sites web en accordant notamment un plus grand poids aux sites à portée institutionnelle (ministère, signets de bibliothèque, bibliographies thématiques, sites de laboratoires, carnets de recherche, réseau de blogs reconnu comme Culture visuelle, etc.), afin de mettre en place un algorithme de popularité à pondération basée sur l’autorité institutionnelle.

L’idéal serait la production cartographique ou en rosace des travaux d’un chercheur ou d’un laboratoire suivant différents axes. C’est d’ailleurs ces aspects qui intéressent Antoine Blanchard, alias Enro, notamment en faisant référence à l’intérêt des théories l’acteur-réseau. Cela démontre l’importance équivalente entre la production de savoirs et inscriptions de son nom en tant que chercheur ou laboratoire sur des articles, et la traduction c’est-à-dire l’opération de communication et de recherches d’alliés qui permet la diffusion (contagion ?) des idées.

 

En ce qui me concerne, l’article le plus téléchargé sur archivesic est sur la thématique du web 2.0. Il est également un des plus cités. Problème, sa reconnaissance en tant qu’article pose problème puisqu’il n’est paru dans aucune revue. Sa valeur en tant qu’article n’est d’ailleurs pas reconnue notamment par certains membres des autorités institutionnelles. Il est pourtant cité et je croise quelques collègues qui me disent l’avoir pas mal utilisé. Par conséquent, quelle est sa valeur ? En d’autres termes, est-ce la revue qui fait la valeur de l’article où est-ce la suite qu’on lui donne ? Vaut-il mieux être publié dans une revue de rang A et ne pas être cité ou au contraire voir son travail cité et source de divers intérêts. Il convient donc de s’interroger aussi sur une portée de l’économie de la recherche et de ses propres travaux.

Evaluer signifie surtout conférer de la valeur et pas seulement vouloir appliquer un ratio. Nul doute que tous les éléments évoqués ne sont pas tous pleinement calculables mais au moins pouvant être source d’une forme d’évaluation. Il demeure qu’elle est toujours relative. Je partage d’ailleurs le point de vue du message twitter d’ OlivierAuber « tout ce qui est compté (ou pas) traduit le point de vue de ceux qui comptent ». Ce qui nous ramène aussi à Protagoras.

Par conséquent, je prône dès lors de rechercher un maximum de points de vue. En cela, la prise en compte de l’avis des étudiants ne serait pas un luxe en ce qui concerne les enseignants-chercheurs.

Il reste qu’on a toujours besoin d’être évalué par les autres, pour progresser. Evaluer c’est aussi conseiller, ouvrir à d’autres points de vue et méthodes. Pour ma part, les critiques même celles qui sont douteuses voire agaçantes, m’ont toujours fait progresser. Elles sont nécessaires tout comme l’artiste qui doit sortir de son cercle familial. La critique est donc une condition obligatoire à la science.

Il reste que cette critique ne doit pas s’arrêter aux estampillage et accessits qui émaillent les carrières. Il n’a rien de plus pénible que les enseignants qui dotés du capes, de l’agrégation, ou recrutés comme maitres de conférences, estiment qu’ils ont reçu un double 00, le droit d’avoir raison dans leur discipline et dans leur manière de faire et d’enseigner. Le blanc-seing ne doit pas exister.

L’évaluation, c’est une remise en cause ponctuelle, un élément de la faculté à progresser individuellement et collectivement. Attention, toutefois, à ne pas glisser non plus dans le fantasme de la bêta perpétuelle. Il faut donc trouver un juste équilibre entre stabilité et remise en cause, une « métastabilité » simondonnienne en quelque sorte.

Je pense qu’il est temps de commencer à bâtir ces nouveaux indicateurs, ces nouvelles cartographies, ces nouvelles métries : autant scientométries que nétométries. J’invite tous ceux qui veulent me rejoindre dans cette entreprise pour esquisser de nouveaux types de métries afin de pouvoir mettre en place un document de travail afin d’éclaircir ce que je viens d’exposer confusément.

 

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Blog et science

 

Je publie ici la trame que j’ai à peu près suivie pour mon intervention à la table ronde du colloque international sur le numérique éditorial organisé par sens public à l’INHA.

La table ronde était modérée par Antoine Blanchard et s’intitulait « Nouveaux rapports des chercheurs aux publics » avec Ghislaine Chartron (CNAM, INTD), Bastien Guerry (Wikimédia France), Alexandre Moatti (Conseil scientifique du TGE-Adonis), Joëlle Zask (Université de Provence) .

Je vais plutôt adapter une position personnelle qui s’appuie principalement sur des expériences et des ressentis.

J’interviens donc en tant qu’hybride, à la fois en tant que docteur en information communication, mais aussi en tant que blogueur et également en tant que professionnel de la documentation et de la pédagogie de l’information car je suis également certifié en documentation.

Je m’intéresse par conséquent à ces espaces hybrides, à ces entredeux que constituent justement les blogs.

Mon blog « le guide des Egarés » a débuté en 1999. Il n’était donc pas originellement un écrit voué à la recherche, mais plutôt un objectif personnel de valorisation d’idées pour le monde des bibliothèques. Il n’a donc cessé en fait de suivre mon itinéraire personnel, s’orientant davantage vers la pédagogie à la suite de la réussite de concours de professeur-documentaliste. La réorientation progressive vers une démarche plus proche des sciences de l’information et de la communication s’est faite avec la reprise d’étude et la thèse.

Je vais donc aborder la relation entre le blog et la science sans chercher à démontrer qu’il existe une opposition mais au contraire qu’il y a plutôt des relations.

J’aime assez le propos d’Olivier Ertzscheid sur twitter récemment :

@affordanceinfo le blog c’est un peu l’archive ouverte de l’établi / du terrain scientifique

Par conséquent, ce n’est pas une perte de temps dans la recherche scientifique. Je pense même que les blogueurs possédant une activité de recherche, écrivent plus. Henry Jenkins revendiquait d’ailleurs la pratique du blog comme un exercice intéressant dans la mesure où il permet d’écrire et d’exprimer des idées et de les confronter. Il convient toutefois de ne pas demeurer évidemment dans ce seul exercice et donc d’opérer de réguliers détachements pour la production d’articles par exemple.

Institutionnellement, il est encore difficile de prétendre qu’il s’agit d’une pratique reconnue scientifiquement. La tendance est plutôt de ne pas trop mettre en avant cet aspect car il suscite encore de la méfiance. Personnellement, je crois que le succès relatif de mon blog dans la communauté professionnel de l’infodoc a quand même facilité mon recrutement en tant qu’Ater à l’université de Lyon 3.

Il reste que le blog se place davantage sur un terrain différent du processus universitaire classique qui est celui de l’autorité. Le blog est dans la lignée du web 2.0 dans une position qui est celle de la popularité. Cette opposition se voit notamment dans le classement wikio qui possède un top science qui fait d’ailleurs la part belle aux sciences de l’information. Il est possible d’ailleurs d’acquérir une notoriété importante par ce moyen.

Mais passons outre les classements pour se concentrer vers des actions plus hybrides qui sont fortement importantes pour la place des universitaires au sein de l’espace public.

Le blog est un espace de valorisation et pas seulement de vulgarisation dont le sens reste toujours péjoratif. Il constitue un lien entre différents acteurs. Sa présence dans l’espace public, même si elle peut paraître risquée, est une nécessité…justement du fait de la concurrence dans le monde de la recherche et de l’impératif d’attirer des étudiants et d’opérer des relations avec le monde professionnel.

Mon blog est un lien avec une communauté professionnelle qui me semble vital à la fois pour mes activités de recherche, mais également au niveau de l’enseignement. Je pense qu’une légitimité universitaire qui s’appuierait seulement sur ses pairs est insuffisante notamment dans le champ des SIC.

Cette visibilité est importante pour que la recherche soit lue en dehors d’une communauté scientifique restreinte et ce afin de faciliter l’interdisciplinarité, et pour inciter les étudiants à s’intéresser davantage à certaines thématiques, pour rapprocher le monde professionnel de la science et vice versa.

Je crois aussi que l’enseignement va rentrer dans des systèmes de plus en plus concurrentiels et que la reconnaissance universitaire repose également sur les étudiants et les partenaires extérieurs. Et si pour l’instant ces relations reposent sur des mécanismes différents de la reconnaissance par les pairs, ils existent néanmoins.

Par conséquent, tous les outils issus du web 2.0 laissent entrevoir de nouveaux développement et la production d’une variété de documents autre que l’article. Cela peut être des résultats d’enquête, des résumés orientés grand public ou à destination de professionnels. Il s’agit de s’orienter davantage dans le mouvement d’une science ouverte (open science ou e-science) et le blog participe de ce mouvement.

Je pense également que cette production diversifiée devra entrainer une évaluation riche et tout autant diversifiée, ainsi que de nouvelles métries qui peuvent intéresser autant les secteurs professionnels et éducatifs.

Je n’ai pas eu le temps d’aborder la question des nouvelles métries même si j’ai eu l’occasion d’en discuter avec Antoine Blanchard. Pourtant, il semble bien que de nouveaux enjeux peuvent se jouer ici. J’y reviendrai dans un prochain billet

L’information literacy a-t-elle le goût des épinards ?

épinards
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Je rebondis sur une phrase de Lorcan Dempsey prononcée dans un colloque – phrase que j’ai repérée car on a rapporté ses propos dans un twit :

lorcan dempsey – the term information literacy too much like ‘eat your spinach’ love the analogy! #emtacl10

Les propos peuvent apparaître un peu brutaux mais ils sont intéressants à plus d’un titre. D’une part, il révèle le sentiment que les formateurs à l’information manquent parfois de fantaisie et assène leurs interventions comme s’il tentait de faire avaler une cuillère d’huile de foie de morue.

C’est le défaut classique des formations à l’information et de ses représentations procédurales qui faisait dire à Barbara Fister [1] que certains bibliothécaires se comportaient comme des policiers avec le code de la route.

Le problème dans ce cadre, c’est que les élèves et étudiants que l’on souhaite former, sont persuadés justement de maitriser ce code de la route et que par conséquent les recommandations sont peu suivies.

Il est fréquent alors de constater que de nombreux articles sur l’information literacy insistent sur la nécessité d’application concrète afin de dépasser ce cadre incitatif. Nous sommes en partie d’accord avec cette vision. En partie seulement, car la mise en situation concrète ne signifie pas qu’il faille passer à côté des objectifs pédagogiques de types notionnels ou permettant une réflexion critique sur la recherche et le traitement de l’information.

Il est vrai que l’information literacy souffre souvent du manque de temps accordé par les institutions et il est tentant de parer au plus pressé en demeurant sur des usages à portée immédiate.

Outre le fait que les épinards peuvent être excellents notamment s’ils sont frais et cuisinés convenablement, il en va de même pour l’information literacy.

Il faut aussi considérer que de nombreux intervenants en culture de l’information ou en information literacy ne sont pas vraiment formés eux-mêmes pour l’enseigner. Une hypothèse possible serait de travailler davantage dans une optique de translittératie et d’envisager l’ouverture de formations universitaires estampillées « translittératie ». Cela permettrait d’avoir un plus grand nombre de formateurs compétents sur les différents terrains du secondaire et de l’université notamment. Ce cursus pourrait constituer aussi une piste ou tout au moins un programme obligatoire pour la formation de super instits qui pourraient intervenir en 6ème-5ème.

Je reviendrai prochainement sur d’autres pistes éducatives. Mais il est évident que vouloir développer la formation à l’information sans rien changer au système éducatif et universitaire est un leurre. Mettre du beurre dans les épinards quand ces derniers sont immangeables ne fera pas pour autant mieux passer l’ensemble. Tout cela pour dire qu’il faut probablement changer le menu et sans doute bien plus encore.

 

[1] FISTER, Barbara. (2005) Smoke and mirrors: Finding order in a chaotic world. Research Strategies. Volume 20, issue 3, p.99-105

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Enquête sur les utilisateurs de diigo

Image representing Diigo as depicted in CrunchBase
Image via CrunchBase

Je mène actuellement une enquête sur les utilisateurs de la plateforme de signets diigo.

L’enquête est en ligne et rapide.

La plateforme possède plusieurs sous-titres intéressants « research, share, collaborate » sur la page d’accueil qui reste dans l’esprit web 2.0 et lorsque vous êtes sur une page d’utilisateur, cela devient « Annotate, archive, organize » qui s’inscrit davantage dans l’organisation des connaissances. Elle est aussi une des plateformes les plus riches en potentialités.

Je cherche surtout à distinguer des pratiques notamment en lien avec la mémoire et les hypomnemata et des formes d’organisation des connaissances. Le traitement statistique des réponses sera secondaire dans la mesure où je n’attends pas des centaines de réponses.

Si vous souhaitez faire part de vos pratiques, l’enquête permet également de s’exprimer librement.

Si vous n’êtes pas utilisateur de diigo (delicious, autres), vous pouvez toutefois indiquez vos pratiques en commentaires de ce billet ou me laissez votre mail si vous voulez être contacté pour d’autres questions.
Un diaporama sur diigo

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La droguerie…ou le modèle propriétaire dans les loisirs créatifs

J’étudie depuis plusieurs mois, les réseaux de loisirs-créatifs et plus particulièrement les réseaux autour du tricot.

J’y vois d’immenses potentialités mais il faut bien avouer que tout n’est pas idyllique pour autant et que des stratégies mercantiles sont évidemment à l’œuvre.

Les marques cherchent donc à gagner des parts de marché et les boutiques « la droguerie » en constituent un exemple flagrant.

La droguerie, c’est un peu Apple pour les loisirs créatifs, c’est-à-dire surtout des signes extérieurs de richesse et des instruments de flatterie et une certaine « branchitude ». On y retrouve d’ailleurs des volontés d’être a priroi innovants et un désir de proposer une variété de couleurs.

Knitspirit met les pieds dans le plat sur la montée en puissance virale sur les blogs de « la droguerie attitude » et les commentaires vont bon train.

Outre les reproches de sponsoring caché sur certains blogs bien classés au top wikio, c’est le modèle propriétaire qui est critiqué.

En effet, les patrons proposés sont peu faciles à exploiter. Il faut dire que la droguerie met en place un système propriétaire. Il vous faut acheter les laines pour obtenir gratuitement le patron désiré. De plus, la droguerie ne vend pas de la laine en pelotes mais au poids ce qui fait qu’il est difficile d’évaluer le métrage. Le patron propose d’ailleurs généralement l’équivalent en pelotes…bref c’est on ne peut plus fermé. On pourrait inciter à hacker le système mais fort heureusement, les modèles ouverts sont plus riches. Il suffit de se balader sur ravelry.

De plus, vous ne savez jamais combien ça va vous coûter avec cette laine au poids, enfin si une fortune. De plus, il est évident que s’opère une démarche sociale de signe extérieur de richesse qui est aussi une forme d’exclusion.

Il ne me reste plus qu’à étudier si les utilisatrices de la droguerie et les blogueuses qui présentent leurs créations à partir de laines estampillées « la droguerie » sont aussi des utilisatrices de mac…

Literacy versus fluency

Il est fréquent de rencontrer de manière parfois équivalente les expressions d’information literacy ou information fluency.

Mais un récent projet présente une vision qui me semble préoccupante. Merci à Pintini d’avoir repéré et analyser ce projet en traduisant d’ailleurs les principales définitions :

1. Solution fluency: savoir en temps réel définir un problème, planifier une solution, l’appliquer et évaluer le résultat
2. Information fluency: être capable, inconsciemment et de manière intuitive, d’interpréter une information, quelle que soit sa forme (ou son format), pour en extraire l’essentiel et évaluer sa pertinence, sa signification dans un contexte donné
3. Collaboration fluency: parvenir à travailler en partenariat (en ligne et/ou en présentiel) de manière automatique (toujours cette notion d’inconscience)
4. Creativity fluency: faire ressortir l’artiste qui sommeille en nous (peut devenir intéressant si vraiment on possède ce don: par exemple dans la conception ou la rédaction – storytelling)
5. Media fluency: être capable d’interpréter analytiquement les communications (les messages), quels que soient les médias; être capable de créer du contenu numérique original (en choisissant judicieusement le média adéquat pour le message à transmettre)

Le passage de la literacy à un état qui serait celui de fluency est une erreur manifeste. En premier lieu, cette compétence serait une capacité peu rationnelle mais cependant pouvant être attestée un peu comme dans le domaine de la maîtrise des langues. En effet, certains éléments traduits plus haut semblent relever du don ou en tout cas pleinement de l’intuition. Or l’intuition est bien ce qui ne peut être vraiment enseignée ou tout au moins aucunement didactisée. D’autre part, le projet est surtout à visée lucrative et il n’est guère étonnant qu’une diversité d’acteurs cherche à s’emparer de ces terrains mal balisée par les institutions éducatives.

La fluency ou aisance numérique, selon la traduction de Pintini, me semble par conséquent une régression totale dans la mesure où cette aisance n’est décrite que par le vide, mentionnant encore le fameux esprit critique.

Le projet s’inscrit dans une lignée proche de la transliteracy mais semble se démarquer pourtant de la notion de littératie pour ne retirer principalement que ce qui relève du trans mais de manière peu rationnelle.

C’est aussi une position ouvertement non définitoire et qui laisse des boîtes noires et qui rendent de fait impossible toute réelle progression. La volonté de se démarquer de la maitrise technique est également un leurre du fait que ce n’est qu’une lecture partielle du terme de technique. C’est d’ailleurs une tendance actuelle de vouloir se démarquer d’une vision technique en confondant la technique elle-même et les investissements matériels.

La fluency apparait ici comme une maitrise quasi intuitive totalement contraire de la culture technique. Or, l’intuition ne peut suffire et être satisfaisante d’autant qu’elle est dés lors justement impossible à caractériser. La littératie, c’est cette connaissance tierce qui consiste à pouvoir expliquer ce que l’on réalise. C’est la conscience du processus de grammatisation tel que le démontre Sylvain Auroux. Il s’agit aussi de cette connaissance métalinguistique que Cucioli décrit comme le vrai savoir, c’est-à-dire le savoir conscient, pouvant être exprimé, construit et manipulé en tant que tel. La fluency consistant en fait dans un savoir épilinguistique, inconscient.

Nous avons déjà expliqué que cette connaissance doit être selon nous justement « exprimée ». Elle devient dès lors une réelle compétence mêlant savoirs et savoir-faire.

Privilégier la fluency est donc vraisemblablement une double erreur, à la fois dans la définition qui en est faite de la considérer comme une maitrise différente de la technique et en la faisant reposer sur des habiletés qui ne sont d’ailleurs pas vraiment originales.

La littératie nous parait pleinement plus efficiente à condition de ne pas la faire reposer sur des éléments entièrement calculables basés sur du procédural. C’est d’ailleurs ce chemin que je tente d’esquisser ici.

Appel à communication. Colloque satellite sur la maîtrise de l’information

 

Je relaie cet appel pour un colloque pour lequel je ne serai malheureusement pas présent.

 

Congrès annuel de l’IFLA 2010 : Réunion satellite

Appel à communication

Maîtrise de l’information : contexte, communauté, culture

http://www.ifla.org/en/calls-for-papers/2416

 
 

 
 

La Section Maîtrise de l’information de l’IFLA organise une réunion satellite à l’Université de Göthenburg (Suède) les 8 et 9 août, en collaboration avec l’Université de Göthenburg. Cet événement se déroulera le dimanche 8 août au soir et le 9 août toute la journée.

 
 

Les objectifs principaux de l’événement sont :

                  Comprendre les différentes significations de la notion de maîtrise de l’information dans des contextes, des cultures et des communautés spécifiques

                  Apprendre à connaître leurs différents besoins informationnels

                  Offrir aux participants l’occasion de réfléchir sur ce qu’ils peuvent en retirer dans leur pratique personnelle

 
 

Nous recherchons des communications pour le programme de la matinée. L’après-midi consistera en une « non-conférence » pendant laquelle les personnes présentes seront en mesure de proposer et d’approfondir des thèmes qui les intéressent plus particulièrement. Des informations complémentaires sur cette partie seront diffusées prochainement.

 
 

Les communications retenues viendront de professionnels qui

                  ont pratiqué les formations à la maîtrise de l’information dans des contextes, des communautés et des cultures spécifiques.

                  ont exploré les différentes facettes de la maîtrise de l’information en fonction de la culture et de la communauté, et des besoins spécifiques qui en découlent. Les auteurs devront décrire clairement le contexte et les objectifs ainsi que leur démarche de recherche.

Par exemple, le cas d’une bibliothèque publique et d’une communauté professionnelle locale, ou celui de professeurs de collège et d’élèves, ou encore celui d’enseignants à l’université et de groupes d’étudiants

                  ont développé leurs interventions (activités, pédagogie, programmes) en se basant sur la connaissance de ce contexte. Il devra être clairement présenté comment les formations sont adaptées au groupe ou à la communauté spécifique.

Nous sommes particulièrement intéressés par des pratiques participatives ou collaboratives avec les groupes ou communautés en question,  illustrées par des citations ou des vidéos.

 
 

Les communications seront en anglais, d’une durée de 30 minutes maximum

 
 

Calendrier

  1. Les propositions doivent être envoyées pour le 21 avril 2010, par mail à il.satellite2010@googlemail.com

Les propositions doivent inclure : titre, résumé de 250 mots, coordonnées de l’auteur (nom, adresse complète, téléphone, fax, mail), et son affiliation

  1. Les résultats de la sélection seront connus autour du 10 mai
  2. Les auteurs devront fournir un résumé plus important de 800 mots en anglais, et une courte biographie pour le 6 juin pour diffusion sur le site web
  3. Les présentations complètes devront être envoyées pour le 31 juillet

 
 

Merci de bien noter que les orateurs choisis sont attendus en personne et qu’ils sont responsables des frais liés à leur participation au congrès.

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