Mandat pédagogique du professeur-documentaliste, sa faisabilité et le menace d’une transformation-disparition

Message posté également sur la liste e-doc ce vendredi soir en réponse notamment à des questions de faisabilité et sur le  débat actuel.
Sur les affaires de faisabilité, il y a évidemment une question en suspens  notamment sur comment on dégage les heures, comment on les fait, avec qui et quand et dans quel lieu. Vieille question d’ailleurs… mais qui ne semble pas impossible à remédier.
Toutefois, comme le dit Marion, on ne peut pas rester sur une problématique uniquement de terrain en évoquant telle difficulté locale voire telle impossibilité concrète sur le terrain. Il faut penser global de manière à avoir un territoire commun professionnel et surtout une forme de « programme commun ».
Or ce programme, ne peut être le PACIFI qui tente d’implémenter dans les programmes un saupoudrage informationnel de manière administrative.  La réelle présence de l’enseignement et sa réelle évaluation étant quasi nulle. De plus, le pacifi désintègre la cohérence  d’une réelle formation et de son contenu avec à un document administratif dont la valeur est faible pour ne pas dire nulle.  Clairement il ne s’agit pas de « culture de l’information » ou alors c’est du made in china qu’on nous fait passer pour du Louis Vuitton. Pas besoin d’être expert pour voir la falsification.
Denis, je sais que tu plaides pour le développement d’une ingénierie documentaire comme socle du métier plutôt qu’une transmission de savoirs de type information-communication. Sur les aspects « cours infocom », Pascal a déjà clairement répondu ici et sur les trois couronnes.
Je reviens donc sur les aspects d’ingénierie. Seulement, moi cette ingénierie me pose problème à plusieurs titres :
–          De quel niveau est-elle réellement ? S’agit d’une formation technique de pointe reposant principalement sur une autre discipline : l’informatique documentaire couplée avec des éléments d’infrastructures web ? Dans le cas présent, en quoi une telle ingénierie correspond-t-elle à un capes ? Je ne nie pas la nécessité d’un développement de ces compétences dans la formation des professeurs-documentalistes, je rejette simplement qu’elle en soit le cœur de métier.  Pour en avoir déjà parlé avec toi, je crois qu’en terme de faisabilité, on en est très loin en terme de faisabilité sur le terrain.
–          Tu vas me dire qu’il faut rajouter à ces compétences techniques, des compétences en gestion et en animation de projets et de ressources.  Soit, et je suis bien placé pour te dire qu’en effet ces éléments peuvent faire partie des compétences des professeurs-documentalistes, mais surtout des documentalistes d’abord.  Je suis bien placé pour le savoir vu que j’ai en charge des étudiants de ce type de formations et qu’on mêle bien des logiques de projets à des logiques plus d’informatique documentaire.  Au passage, ces compétences sont quand même souvent liées à l’infocom …ainsi qu’à l’administratif.
 
Dès  lors, en quoi si ces compétences devenaient principales, auraient-on besoin d’attribuer à son titulaire un capes dont l’objectif principal est bien la mission pédagogique ? Si on parle de faisabilité, pour le coup, il faut bien s’interroger aussi sur le fait qu’à force de dériver sur les vocabulaires de l’ingénierie, on risque de se tromper fortement et d’évacuer de fait la dimension pédagogique.  L’ingénierie technique ne doit figurer que pour permettre au professeur-documentaliste de maitrise la technique et donc d’être majeure face à elle (comme le dit Gilbert Simondon)
 
On peut  me rétorquer que certes la dimension pédagogique figure dans les nouveaux textes et dans les derniers projets de circulaire.
Mais le problème c’est que tout est pédagogique en ce moment et c’est bien le risque !
Tous les administratifs prétendent faire de la pédagogie, plus on en parle moins on en fait. Finalement, le professeur-documentaliste accompagne les dispositifs pédagogiques et contribue à son fonctionnement… ce qui ne signifie en aucun cas que son mandat pédagogique est reconnu. C’est même l’inverse dans la mesure où il finit de fait par contribuer de la même manière que le Cpe et le chef d’établissement.
 
De plus, sur cette ingénierie technique, il est évident que ça entraîne une nouvelle hiérarchie documentaire et notamment administrative avec un responsable du système d’informations qui aura lui le niveau ingénieur…et qui opérera sur plusieurs établissements  ou qui sera un adjoint d’établissement d’un nouveau type… qui aura sous sa coupe  des « documentalistes »  de niveau bac + 2 par exemple et qui assureront le bon fonctionnement et la bonne gestion du centre de doc.
Exit alors le capes… Et oui, quel intérêt de payer et de recruter des personnels à niveau capes une fois qu’on aura nié leur mandat pédagogique et qu’on aura développé des infrastructures totalement online avec des abonnements et des dispositifs clefs en main.  Car avec la restriction des budgets et un fléchage vers des ressources numériques en silos qui seront surtout choisis par les administratifs d’ailleurs…conformément à des incitations ministérielles bien encadrées. La politique documentaire du learning centre dans toute sa dimension.
 
Voilà pourquoi, défendre le mandat pédagogique signifie non seulement répondre à une mission de service public en matière de formation à l’information, aux médias et à la documentation, mais aussi défendre l’identité d’une profession dont il est aisé de précipiter la disparition programmée par petites touches successives.
 
Alors, oui la faisabilité d’un curriculum pose encore problème. Cela nécessite des affinements et une variété de dispositifs d’apprentissage. Cela ne signifie pas qu’il faille nécessairement considérer toutes les heures comme devant être effectuées en magistral.  Il existe aussi des moyens de prolonger le présentiel avec des cours en ligne notamment. S’il devait y avoir une ingénierie, cela pourrait être aussi dans ce domaine pour maximiser l’efficacité du présentiel pour un suivi plus individualisé sur des cours en ligne.
C’est pas facile mais pas infaisable, j’en suis persuadé.
 
Par contre ce qui est rapidement possible en terme de faisabilité, c’est de cesser de recruter des professeurs-documentalistes pour recruter des contractuels « documentalistes » chargés de faire 1600 heures annuelles. Et c’est d’autant plus facile si on accepte de céder le mandat pédagogique. Et c’est bien sur cette question qu’il s’agit de se prononcer et pas une autre.

Juste une mise au poing : Françoise Chapron remet les choses à leur place

kick it!
Creative Commons License photo credit: gagilas

Un billet important de Françoise Chapron qui fait suite au dernier billet de Pascal Duplessis et qui fait écho à ma « gueulante » de mercredi.

Chapron Françoise. « Bas les masques » ou comment on tente de « reprofiler » une profession sans décision réglementaire ! Les Trois couronnes, novembre 2011.
http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/bas-les-masques-ou-comment-on-tente-de-reprofiler-une-profession-sans-decision-reglementaire
Françoise revient notamment sur le « hold-up » qui s’effectue devant nos yeux :
« II y a eu en somme une forme de « hold up » sur notre mission, pour laquelle nous avons compétence par notre activité et notre statut, au profit de collègues qui ne l’ont pas demandé, ne sont pas formés et qui, légitimement, ne peuvent travailler les compétences info-documentaires que de leur point de vue didactique disciplinaire, s’ils en ont le temps et l’envie. »
N’hésitez pas à commenter le billet de Françoise.
Pour rappel, tous les billets de mon blog à propos des professeurs-documentalistes sont dans la catégorie « professeur-documentaliste ou le combat de Françoise ». C’est d’abord un hommage, mais c’est aussi une réalité…permanente qui méritait bien cette « mise au poing ».

La culture de l’information en cartes… pour mieux la différencier de l’information literacy

Les récents débats autour du Pacifi, qui privilégie davantage une position proche de l’information literacy dans ses principes premiers, et la démarche de culture de l’information qui présente des liens mais aussi des divergences peuvent être parfaitement illustrés et expliqués par des cartes mentales.
Ces cartes sont issues d’un travail réalisé par des M1 de l’université d’Angers suite à mes interventions sur la culture de l’information à la demande de Pascal Duplessis.
Il s’agit aussi pour moi de bien marquer le fait qu’information literacy et culture de l’information ne peuvent être nécessairement synonymes. Je considère même qu’il s’agit de deux idéologies différentes. La carte réalisée ici avec Cmaptools par Julie Soularue est donc en ce point éclairante. Je rappelle que l’information literacy opère souvent en liaison avec la société de l’information.

Il est vrai que l’information literacy pourrait constituer une véritable culture des hypomnemata comme l’indique dans sa carte Pierre Daviau. Mais il faudrait pour cela développer davantage la conception citoyenne et critique de l’information literacy, conception toujours minoritaire. Une position qui semblait  pas mal avancée en France et en francophonie. Pourtant, il semble qu’on soit tenté par une démarche adaptionniste en ce moment qui nous place à rebours de ce qu’il serait opportun de construire.  La tendance est un retour aux « eighties » de l’information literacy avec les parallèles autour de la société d’information, le paradigme du besoin d’information de la psychologie cognitive, conception ralliée à l’économique et à la bibliothéconomique.

J’espère que ces cartes contribueront un peu à percevoir ces quelques différences et divergences qui ne sont pas sans incidence aujourd’hui sur la manière de penser l’avenir de la profession de professeur-documentaliste.

Circulez

Circulez..

Le projet de circulaire couplé avec la diffusion du Pacifi ne peut qu’interroger voire au final inquiéter une profession en quête de légitimité permanente : les professeurs-documentalistes. Le projet éclaire quelque peu le but réel du pacifi que Pascal Duplessis tente de décortiquer depuis quelques semaines. Vous retrouverez également sur son blog des textes intéressants dans la partie invité en ce qui concerne le pacifi et la circulaire.

Vu que nous sommes sommés de répondre avant le 24 janvier, on va faire de l’écho numérique… la circulaire se nommant « Missions des professeurs documentalistes à l’ère du numérique »

Il ne suffit pas de placer l’expression de culture de l’information dans un texte pour la rendre concrète d’autant plus lorsqu’elle se trouve mise en parallèle avec des expressions contradictoires notamment celle d’ « ère numérique » ou pire celle de « société de l’information ».

Si la première (« ère numérique ») est ridicule, car elle donne l’impression d’un passage d’une ère quasi préhistorique – dans laquelle le prof-doc en était resté à se consacrer au Dieu Dewey et ne parvenait que très rarement à produire une étincelle- à une ère nouvelle … du prof-doc new age dont les qualités ne sont pas celles d’un homo sapiens mais d’un mutant.

La seconde expression est celle de société de l’information. Ce n’est pas faute d’avoir critiqué voire démontrer les présupposés d’une expression qui s’est imposée comme une évidence. La culture de l’information s’oppose même à la société de l’information.

C’est même sa différence principale avec l’information literacy qui repose sur une idéologie qui est celle de l’informationalisme et de la société de l’information. Sur ces aspects, sans vouloir faire d’autopromo, j’en parle longuement dans ma thèse. Alors autant que ce soit utile…

Il est vrai que j’ai émis parfois l’hypothèse que « culture de l’information » pouvait être une traduction possible d’information literacy… seulement et seulement s’il s’agit d’assumer un héritage et de porter de nouvelles ambitions. Sans quoi, il convient  de ne pas tenter de traduire information literacy tant le concept affiche ses proximités avec la société de l’information dans ses objectifs d’adaptabilité.

Or, il semble que le pacifi a fait ce choix du rapprochement information literacy/culture de l’information sans pour autant développer une vision plus ambitieuse. En clair, ce n’est pas de la culture de l’information. La meilleure preuve en est que le concept dominant du pacifi demeure… en l’occurrence le fameux besoin d’information…qui est le fondement  même des travaux de l’information literacy des années 80.

Le paradigme de la culture de l’information est différent,même s’il ne s’agit pas de figer une définition de la culture de l’information.  Il repose davantage sur le besoin de formation. Certes on trouve dans la circulaire encore la fameuse éducation critique, qui est toujours portée comme une évidence, mais dont les moyens pour y parvenir sont indéfinis. La circulaire ne précise guère comment y parvenir et avec quels moyens. C’est ici que l’on comprend que la liberté pédagogique réitérée aux enseignants n’est en fait qu’un « démerdez-vous », que  le dynamitage façon puzzle de la formation des enseignants ne vient que confirmer.

Quelque part, le renforcement pédagogique affiché par la circulaire est illusoire : il s’agit surtout d’une évacuation didactique au profit d’une instance de mise en œuvre déléguée. Le professeur-documentaliste devient un maître d’ouvrage délégué (soumis à des injonctions hiérarchiques) tandis que la mise en œuvre concrète est directement exercée par ses collègues enseignants dont les compétences dans le domaine de la culture de l’information sont parfois douteuses.

A l’heure où l’on a de cesse de parler de développement durable, il serait bon de ne pas céder aux impératifs de la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication pour privilégier le développement d’une culture et pas seulement de compétences procédurales.

Mais pour cela, il faudrait changer de politique.

Olivier Le Deuff, professeur-documentaliste et définitivement empêcheur de tourner en rond.
PS :
Vous pouvez signer la pétition de retrait de la circulaire.
Je joints aussi le message paru sur une liste professionnelle :
Pour alimenter le débat et manifester nos désaccords de fond et de forme, sur la dernière mouture de la circulaire de missions des professeurs documentaliste, voici en fichier joint l’analyse critique de ce texte par l’ANDEP (association des professeurs documentalistes de l’enseignement privé).

Nos critiques se portent notamment sur :

le déni de la didactisation des savoirs info-documentaires,

le désaveu de toutes les publications universitaires en SIC (GRCDI entre autre),

la promotion des diverses publications institutionnelles (PACIFI en tête) érigées comme texte officiel,

les inégalités d’apprentissages dans les établissements scolaires face au credo d’une pédagogie de collaboration.

Qui va légiférer sur la bonne mesure, la validité, les modalités et la mise en œuvre de la formation info-documentaire des élèves si elle est seulement incorporée aux programmes disciplinaires ? Qui va fixer les priorités de collaboration, notamment en dehors des dispositifs interdisciplinaires ou transversaux ? Quels vont être les critères pour asseoir ce parcours de formation ?

Nous trouvons là les limites d’un modèle non-didactisé axé sur une compilation d’usages et pratiques méthodologiques, bien loin d’une réflexion autour d’un véritable curriculum garant de la formation des élèves à la culture informationnelle.

Bonne lecture et bon débat

Pour l’ANDEP

Emmanuelle Mucignat

présidente de l’ANDEP


Wikipédia comme source unique ?

Tous les postes du CDI sur une même page en même temps. J’en rêvais, mes élèves l’ont fait.
Il est vrai que la thématique s’y prêtait : une recherche documentaire sur la pile volta. La page de wikipédia rassemble la totalité des éléments qui intéressaient les élèves qui devaient reproduire le schéma de la pile.
Quelques dictionnaires auraient pu rivaliser à condition d’en avoir en nombre suffisant.
Il y a bien la page universalis mais qui n’est accessible en totalité que par abonnement.
Wikipédia concentrait tous les éléments.
La preuve en image : (merci lanschool, logiciel qui vaut une fortune mais qui me rend encore plus plénipotent au cdi)

La prochaine fois qu’une recherche du même type se produira…je bidouillerai un peu wikipédia, histoire de voir si les élèves remarqueront une anomalie.

Typologie religieuse des documentalistes.

Je mets en ligne l’autre partie du document paru dans intercdi 205 en 2007. Une petite typologie à prendre avec humour…ou pas ! (Avertissement : toute ressemblance avec des personnages existants est volontaire !)

 

La typologie est sans doute un peu caricaturale mais je suis sûr que vous vous y reconnaitrez ou que vous reconnaitrez même certains collègues.

 

 

Les exemples à éviter (à notre avis)

 

Le moine reclus (équivalent féminin : la clarisse)

Il a généralement un âge avancé mais pas toujours. Il garde son CDI jalousement et personne n’ose y entrer de peur de subir sa colère. Il déteste le bruit ou bien que quelqu’un cherche un ouvrage qui ne figure pas dans les vieux tiroirs qui contiennent les fiches cartonnés. Le CDI doit toujours demeurer parfaitement rangé pour lui. Tout désordre est une offense. Les élèves en ont peur et ses collègues ne lui parlent guère, certains pensant d’ailleurs qu’il a fait vœu de silence. Pour lui un CDI idéal est définitivement sans élève.

 

L’inquisiteur :

Personnage peu aimable et soupçonneux. Il surveille avec une grande vigilance les emprunts des élèves ainsi que les recherches sur Internet. De nombreux ouvrages jugés pernicieux ont été déplacés dans une pièce dans lui seul a la clef, nommée l’enfer. La plupart des sites Internet est filtrée tandis que la moindre discussion est aussitôt perçue comme un éventuel complot.

 

L’ermite :

Le CDI tombant en ruine et étant déserté, l’ermite n’y est même plus. Déprimé, il erre parfois dans l’établissement, mais nul ne sait s’il reviendra un jour vraiment exercer ses fonctions. Sa quête du mysticisme et sa volonté de se détacher de la bassesse de ses collègues et de la faiblesse d’esprit des élèves n’est qu’une façade pour masquer une addiction prononcée au Prozac.

 

Les voies à suivre ?

Le prophète :

Comme beaucoup de ses collègues, le prophète tente de s’imposer par son charisme vis-à-vis de ses collègues et de ses élèves. Il prêche parfois en vain mais ses efforts lui apportent néanmoins des résultats et de la reconnaissance.

 

Le découvreur-architecte :

Il débarque un beau matin dans son nouvel établissement et constate que le CDI n’a de CDI que le nom. Tout est hideux, rien n’est informatisé. Il prend souvent la succession d’un moine ou d’un ermite. Il lui faut avoir des qualités de prophète pour mobiliser les volontés et surtout les fonds pour reconstruire. Parfois dans ce fatras de départ, il a la chance de découvrir un trésor architectural ou un document fantastique. L’avantage vient du fait qu’il pourra éviter certaines erreurs de choix de matériels ou de reconfiguration en participant à la reconstruction du lieu.

 

L’initié :

Il a déjà quelques années d’exercice dans le milieu. Ancien prophète ou découvreur-architecte, il a acquis des savoirs que jalousent ses condisciples. Il continue d’ailleurs à se former sans cesse et manie aussi bien les informations qui circulent sur les réseaux que les vieux écrits. Il se complait parfois dans un rôle de précepteur pour former également ses collègues, notamment les jeunes reçus au concours ou les aspirants-documentalistes.

 

Hors norme : L’Education Nationale n’ayant effectué aucune canonisation à ce jour.

Le saint :

Il est partout, il fait tout et on peut tout lui demander. Il répond toujours oui avec un enthousiasme débordant. Il peut être aperçu à la fois dans son CDI en train de mettre à jour la base, en train d’aider un élève dans sa recherche, être également en salle multimédia car c’est la panique et être en salle des professeurs pour travailler sur un projet avec un collègue. Son don d’ubiquité est évident, mais peu l’ont remarqué. Il devrait normalement mourir jeune à moins qu’il n’ait eu l’idée de changer de profession.

 

La porte est en dedans : l’avenir du lieu CDI et de son gardien.

J’ai décidé de diffuser cet article paru en janvier 2007 dans Intercdi 205. (avec l’accord de la revue bien sûr !) Je vous donne d’ailleurs rendez-vous dans le prochain numéro d’intercdi. (teaser)

 

 

Où l’on disserte de l’avenir du lieu CDI et du professeur-documentaliste en usant de parallèles religieux.

 

Terribilis est locus iste, ce lieu est terrible, voilà l’avertissement inscrit sur l’église de Rennes-le-château selon la volonté de l’abbé Saunière. Nous avions reproduit cette phrase sur la porte du Cdi dans lequel nous exercions. Peu l’ont remarqué, pourtant sur l’autre battant de la double porte en figurait une autre : la porte est en dedans, inscription qui figure encore sur une autre église, celle de Tréhorenteuc au sein de Brocéliande. Il peut semble étonnant voire déconcertant de parler d’églises pour s’interroger sur l’avenir du lieu CDI. Pourtant il nous semble que l’espace théoriquement laïc du CDI présente des similitudes religieuses. En effet, d’abord par une crainte similaire à celle que connaisse les curés au sujet du nombre de ses paroissiens : nos CDI vont-ils eux- aussi peu à peu se vider de leur public ? Les CDI ont certes évolué et remportent encore du succès grâce à leurs formes hybrides bibliothèques et multimédia. Cependant, il nous semble selon nos observations que ce soit surtout l’aspect multimédia qui soit plébiscité. Or si la logique de l’ENT (espace numérique de travail) se poursuit avec en parallèle le développement du nomadisme des médias (pc portables et wi-fi), l’avenir du lieu physique CDI s’avère de fait menacé. Et la question peut également se poser pour son gardien : l’enseignant-documentaliste.

 

  1. La légitimité du documentaliste : les déboires du prophète.

De plus en plus, les enseignants doivent tirer leur légitimité d’eux-mêmes. Comme l’exprime, le professeur en sciences de l’éducation, Jean-Manuel de Queiroz: l’enseignant est désormais devenu un prophète et non un prêtre avec une autorité conférée par l’institution. L’Education Nationale ne peut accorder actuellement qu’un poids insuffisant pour susciter de par sa fonction respect et autorité à l’enseignant. Pour l’enseignant-documentaliste, le problème s’avère accru du fait que sa légitimité n’est pas totale au sein même des enseignants. Il en va de même pour le lieu principal dans lequel il exerce. Pour tisser la métaphore, l’Education Nationale en tant qu’Eglise au sens institutionnel s’avère de moins en moins respectée tandis que le CDI en tant qu’église, lieu physique se voit menacé de disparition. Pas facile de réaliser correctement son « sacerdoce » dans ces conditions. Bien souvent la légitimité du documentaliste provient donc de ses capacités charismatiques. Ce n’est pas totalement un mal en soi, mais cela peut être épuisant à la longue. C’est apparemment ce que ressentent de nombreux collègues. La faute en incombe à un statut sans doute peu clair. La mission du documentaliste n’en demeure pas moins religieuse au sen étymologique dans le sens où il lui faut créer du lien entre les documents, entre les documents physiques et les secondaires qui sont dans la base et surtout entre les documents et les élèves. Pour cela, il lui faut rassembler le plus grand nombre à sa cause. Mais quel avenir pour les prophètes quand l’institution cherche à diminuer les recrutements ?

 

  1. Trouver le trésor au sein de son église.

Finalement pour sauver le lieu, il faudrait à l’image de Bérenger Saunière parvenir à trouver un trésor caché ou des documents qui permettraient d’assurer la pérennité du lieu. Le trésor peut provenir d’ouvrages rares, mais aussi d’une politique documentaire efficace, ou bien encore d’un aménagement attractif de l’espace. Mais cela peut ne pas suffire. Il faut que le prophète du lieu parvienne à convaincre élèves, enseignants et administration. Le lieu désacralisé n’en reste pas moins beau à condition que l’élève comprenne que la porte est en vraiment en dedans et qu’il peut y trouver accès vers différents voyages extraordinaires parmi la culture et l’information. L’image du lieu CDI ne peut donc être détachée de celle du documentaliste. Nous serions tentés de dire qu’il devrait être l’architecte de l’information de l’établissement au sens numérique mais aussi au sens physique. Il lui faut donc concevoir de nouvelles formes de CDI privilégiant d’autres aspects mêlant des lieux de débats ouverts à des endroits plus propices au dialogue et au conseil (un confessionnal ?) Que ce soit comme le recteur Henri Gillard à Téhorenteuc où l’abbé Saunière à Rennes-le-château, qui avaient trouvé un lieu d’exercice à priori peu séduisant, des documentalistes arrivent parfois au sein de CDI délaissés et en triste état. Il leur faut alors mobiliser et concevoir un lieu attractif ce qui n’est pas toujours évident. Le chemin de croix commence alors bien souvent. Mais pourquoi ne pas se servir ainsi de l’image du chemin de croix justement pour construire un parcours documentaire mêlant panneaux d’informations, bornes wi-fi, panneaux historiques, nouvelles acquisitions, le tout menant jusqu’au CDI…Parfois l’imagination du pauvre peut conduire à la quête du graal documentaire.

 

  1. L’ubiquité du saint.

Les collègues le constatent de plus en plus, il faut souvent être partout au sein de l’établissement. L’idéal serait donc d’avoir le don d’ubiquité comme saint Antoine surtout quand le documentaliste est administrateur réseau et responsable TICE ! Cela peut devenir vite fatiguant lorsqu’il se voit ainsi interpellé sans cesse. Et puis si vous enviez les dons de Saint Antoine, sachez quand même qu’il est mort à 36 ans. Certes il a été canonisé un an plus tard, mais ne comptez pas obtenir un tel statut posthume avec l’Education Nationale. La solution est de placer des avatars de sa propre personne un peu partout en exerçant sa médiation au sein des espaces numériques via l’administration de blogs et de sites Internet et la mise en place d’aide en ligne. D’autres pistes peuvent être évoquées avec des catalogues de CDI enrichis et devenus cataloblogs.

Et puis si vraiment le statut de saint vous parait encore trop faible, sachez que vous pouvez avoir l’impression d’être un Dieu (à moins que ce ne soit Big Brother) avec les outils de prise de contrôle à distance des ordinateurs comme VNC. Certes il s’agit de surveillance, mais cela permet aussi de rendre bien des services sans avoir besoin de se déplacer sans arrêt.

 

Conclusion :

Les risques sont donc présents et il est un danger qui guette le prophète, c’est celui de devenir un ermite peu écouté dans un lieu qui tombe en ruine quand ce n’est pas le moine reclus (pour ne pas dire la clarisse…) La figure de l’initié apparaît donc plus souhaitable en tant que personne qui connaît les arcanes de la culture et de l’information et qui peut en transmettre les clefs. L’enseignant-documentaliste se doit de chercher et de comprendre avant les autres, un peu comme Guillaume de Baskerville dans le nom de la rose. Le contre exemple figure également dans l’ouvrage d’Umberto Eco, c’est la figure de l’inquisiteur Bernard Gui auteur d’un terrible manuel où la tolérance n’a pas de place car il apparaît qu’il faut être un peu hérétique pour faire avancer les choses. Ce n’est pas la première fois que nous utilisons le biais religieux pour exprimer nos idées, notre site internet « le guide des égarés » reprend le titre d’un ouvrage rédigé en arabe par le théologien juif Moïse Maimonide.

La porte est en dedans doit donc pousser chaque élève à effectuer sa propre quête et le documentaliste peut être un de ceux qui lui apporte de l’aide dans cette tâche.

 

Béranger Saunière, le mystérieux curé de Rennes-le-Château.

 

Bibliographie :

 

Le Deuff, Olivier. Le guide des égarés. [www.guidedesegares.fr]

Markale,Jean. Brocéliande et l’énigme du Graal. Paris :Watelet-Pygmalion. Paris 1

Markale,Jean. Rennes-Le-Château et l’énigme de l’or maudit. Paris :Watelet-Pygmalion. 1989

Eco, Umberto. Le nom de la rose. Paris : Grasset, 1982

Corrigé Epreuve 0 de composition du futur capes

J’ai été chargé de rédiger une correction de l’épreuve O de composition du futur capes de documentation.
Le sujet se trouve ici. Il s’agit d’un texte de Pierre Lévy. Et comme j’aime bien commenter Pierre Lévy, ça tombait bien.
Il a été finalement décidé de ne pas faire figurer les corrigés sur les sites officiels puisque certaines disciplines ne souhaitaient pas en proposer
Par conséquent, il a été convenu de la mise à disposition de ce corrigé sur mon site afin que les candidats puissent quand même en bénéficier.
Attention, ce n’est pas la panacée ni le modèle absolu. Les critiques sont donc encore possibles.
Vous pouvez consulter le document CAPES 2011 annale 0 corrigé Le Deuff
Il est également disponible sur scribd.
CAPES 2011 annale 0 ép 1 corrigé Le Deuff

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Le triangle de la didactique de l’information

Comme tout schéma, il est quelque peu réducteur mais il faut prendre conscience qu’il existe évidemment des feedbacks entre les différents axes et actants. Il est possible de se demander également si la psychologie cognitive n’aide pas également à la constitution des savoirs scolaires info-documentaires. C’est le cas de manière indéniable en ce qui concerne les référentiels de compétences et la mise en place de bonnes pratiques, ça l’est sans doute un peu moins au sein de la didactique tout au moins de manière moins réductrice et avec un travail plus construit notamment en ce qui concerne la reconnaissance du besoin d’information.
Le triangle démontre bien également que la didactique n’est pas une simple transposition de savoirs savants en savoirs scolaires et que les trois axes sont à la base d’une construction systémique.
Le triangle de la didactique de l’information d’après Astolfi, Halté et Duplessis
triangledidactique
Taille réelle

De la formation des usagers à la didactique de l’information.

A la suite de notre précédent billet sur la didactique, nous avons schématisé les différentes phases qui nous conduisent aujourd’hui à la mise en place de la didactique.
Je vous livre le schéma ci-dessous avec des explications.
formationdidactique
Taille entière
Nous pouvons ainsi distinguer quatre phases qui conduisent jusqu’au « chantier didactique » :
 La Formation des usagers aux outils correspond à une vision issue clairement des bibliothèques. Il s’agit de la phase avant le développement de l’information literacy en bibliothèques. En ce qui concerne les CDI, il s’agit d’une phase qui est bien évidemment nettement antérieur à la création du capes de documentation. Il s’agit donc de former aux méthodes bibliographiques essentiellement.
 La Méthodologie documentaire constitue une étape supplémentaire marquant le passage à la nécessité d’apprendre des méthodes pour pouvoir rechercher et trouver l’information notamment dans les usuels, type dictionnaire et encyclopédie puis dans les documentaires et via le logiciel documentaire le cas échéant.
 La Formation à la maitrise de l’information s’inscrit dans une démarche proche de l’information literacy. Il s’agit de mettre en place des séances d’apprentissage plus évoluées. Les séances d’initiation documentaire en sixième en sont le meilleur exemple même si elles demeurent toujours ancrées dans une perspective méthodologique très souvent faute de temps. C’est encore aujourd’hui l’essentiel de la formation délivrée aux élèves du secondaire avec la formation aux usuels et au logiciel documentaire. S’y rajoute parfois la formation à la recherche d’information sur Internet.
 La didactique de l’information est donc plus récente et n’est pas pleinement reconnue institutionnellement. Elle n’apparaît que donc que via l’entremise de professeurs-documentalistes qui souhaitent cesser le bricolage dans les séances pour tenter une transmission plus ambitieuse dans un objectif de culture de l’information.