Espace de fous. Avant-propos de l’ouvrage « C’est de plus en plus fou tout ce qu’on peut encore faire au CDI »

Je publie mon avant-propos à l‘ouvrage « C’est de plus en plus fou tout ce qu’on peut encore faire au CDI » dirigé par Philippe Marhic qui cherche à montrer le dynamisme des professeurs-documentalistes sur le terrain au quotidien.
Le livre est disponible chez vos libraires habituels. L’occasion pour ceux qui exercent la profession de piocher des idées et de partager des situations vécues. L’ouvrage est aussi utile à ceux qui se destinent à la profession afin d’avoir un aperçu des potentialités.
Voici mon avant-propos :
 Espaces de fous !
par Olivier Le Deuff, Maître de conférences en sciences de l’information, Université de Bordeaux 3, Laboratoire Mica. Professeur-documentaliste toujours dans l’âme et raisonnablement fou.
Je ne sais pas si ce livre est fou, mais je rejoins Chesterton lorsqu’il disait que le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison. Et je crois en effet que ce qui resterait au professeur-documentaliste si on devait continuer à fragiliser son équilibre professionnel : c’est bien sa part de folie.
Entre raison et folie, un bel univers en tension entre d’une part les évolutions techniques d’un côté et d’autre part les pressions institutionnelles qui veulent faire du CDI et du professeur-documentaliste, une sorte de remède à tous les maux. Paradoxalement, cet état instable voire menaçant a obligé les professeurs-documentalistes à étudier un grand nombre de questions diverses et variées ce qui a parfois permis de renforcer leur légitimité.
Beaucoup ont pu ainsi étoffer leurs propres compétences et leur panoplie d’interventions. Le présent ouvrage n’y fait pas exception.
L’inscription du CDI dans ces univers fluctuants en fait un objet évoluant et à géométrie variable et ce sans pour autant tomber dans la perspective du learning center, qui n’est en fait qu’une redécouverte par nos collègues anglo-saxons de la perspective pédagogique inscrite dans le document et la documentation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les CDI se sont développés en France, car la documentation est un terme peu connu ailleurs que dans la francophonie où on lui préfère bien souvent celui de sciences de l’information et des bibliothèques (LIS = Library and information science). La bibliothèque marque un attachement étymologique et physique à la notion de livre, ce qui n’est pas le cas dans la perspective des centres de documentation bien davantage tournés vers le document et l’information. Le cas particulier des CDI réside dans le fait que c’est la dimension d’apprentissage qui est soulignée. En cela, les learning centers ne sont que des redécouvertes de ce qui se produit en France depuis bien longtemps.  Et sans doute certains collègues ont raison de craindre que le risque ne soit au final que le CDI ne devienne un lieu où on n’y fait en fait plus grand-chose, un « glanding center » [1] comme l’évoquent parfois les listes de diffusion.
Il est donc opportun de rappeler cette place historique du CDI dans l’histoire de la documentation et de bien considérer que la documentation constitue un territoire d’apprentissage de toutes natures. En cela, le CDI a dès le début constitué un lieu alternatif, dans la mesure où les processus ne sont pas ceux du cours traditionnel. Cette logique demeure car il s’agit de concevoir le CDI comme un moyen d’apprendre de différentes manières… ce qui n’exclut pas pour autant des méthodes plus classiques.
Il est vrai qu’actuellement se pose à nouveau la question de l’avenir des CDI. Faut-il les faire disparaitre pour privilégier une approche davantage numérique ? Faut-il les décentrer finalement en disséminant la culture de l’information dans les savoirs disciplinaires ? Faut-il changer totalement les lieux pour faire des établissements des CDI géants  comme c’est plus ou moins le souhait de Bruno Devauchelle [2]?
Ces réflexions suscitent débats et expérimentations. Bref, il y a vraiment de quoi devenir fous ! Et pourtant, paradoxalement, cette incertitude peut être encore source d’imaginations et d’innovations  car peut-être plus que le lieu, fut-il richement doté et architecturalement bien conçu, c’est particulièrement les projections pédagogiques des acteurs qui permettront la réussite des diverses initiatives et qui susciteront le plaisir d’apprendre et de comprendre des élèves.
Voilà pourquoi ce livre montre un certain enthousiasme, une volonté d’aller au-delà des injonctions institutionnelles. S’il devait y avoir une liberté pédagogique affirmée, ce livre en est un bel exemple. D’ailleurs, ces lieux ne sont pas que la demeure réservée du professeur-documentaliste mais davantage le lieu partagé où à chaque recoin de nouvelles portes doivent s’ouvrir.
J’avais  d’ailleurs placé sur la porte du CDI du collège dans lequel j’exerçais en basse Normandie à Isigny-Le-Buat, deux citations en exergue :
–          La première est la même que celle qui se trouve à l’entrée de l’Eglise de Rennes-le-Château : « TERRIBILIS EST LOCUS ISTE», ce lieu est terrible car s’y trouve savoirs et connaissances si bien que celui qui y pénètre en sortira nécessairement changé. En cela, j’ai toujours considéré que celui qui rentrait dans le CDI devait s’y trouver transformé, si possible en bien, c’est-à-dire « augmenté » dans ses connaissances mais aussi très souvent en reconnaissance.
–          La seconde « la porte  est en dedans ». se trouve initialement au-dessus de la porte de la petite église de Tréhorenteuc.  Et je crois que c’est bien là l’essentiel. Bien d’autres portes se trouvent au sein du lieu CDI comme c’est le cas dans bien des bibliothèques. Cela signifie aussi qu’il ne suffit pas de rendre ce lieu plus agréable et plus attractif, – ce qui est certes plus que souhaitable- mais il faut surtout donner les moyens et donc les clefs pour ouvrir les autres portes. C’est principalement le rôle du professeur-documentaliste et de ses collègues enseignants, mais c’est aussi le but de l’élève de parvenir à décrocher des clefs. C’est aussi pleinement un lieu où les élèves apprendront parfois par eux-mêmes mais très souvent par transmission entre camarades. Les transmissions sont donc diverses.
Il peut être étonnant de voir deux exergues religieux dans un établissement public. Mais ce n’est pas le caractère sacré qu’il faut y avoir mais plutôt le sens religieux au niveau étymologique. Religion signifie ce qui relie et donc créer du lien. C’est à mon sens pleinement le rôle du CDI et du professeur-documentaliste d’impulser une dynamique de créations de liens.
En cela, il s’agit de permettre à l’élève de se situer et de trouver de quoi ce constituer sa culture personnelle d’honnête homme, telle que la conçoit Hannah Arendt :
« en toute occasion, nous devons nous souvenir de ce que, pour les Romains- le premier peuple à prendre la culture au sérieux comme nous -, une personne cultivée devait être : quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé. » [I]

 
Finalement on le voit tout semble confiner plutôt au « décentrage », ce qui ne signifie pas pour autant dispersion et absence de cohérence. En effet, il apparait opportun de travailler sur comment créer des liens et leur donner du sens dans de nouvelles logiques hypertextuelles. Ce n’est donc pas sur le centre qu’il faut insister mais plutôt sur « ce qui fait lien ».
A l’inverse des logiques de décentrement, on observe celles qui tendent vers les convergences médiatiques. En effet,  la recherche d’informations, la lecture d’informations et la publication d’informations se déroulent  autour d’une convergence d’outils que sont les moteurs de recherche, les blogs, les wikis, les forums et les réseaux sociaux parmi les plus importants.  Cette convergence est clairement d’essence numérique et lié à l’accroissement des moyens de se connecter.
A cette convergence dans les usages et les outils, il est tentant de répondre par une convergence de la formation.  Les  segmentations autrefois opérationnelles entre les différentes littératies (notamment informationnelles et médiatiques)  ne sont pas idéales et optimales pour comprendre et former les usagers.  Ce constat avait été déjà fait par Alexandre Serres qui en appelait  au rassemblement de la formation à l’information, la formation à l’informatique ou tout au moins aux outils informatiques et l’éducation aux médias :
« Il faut donc prendre toute la mesure de la numérisation et de la généralisation d’Internet et des TIC à toutes les sphères de la réalité et repenser, à partir de là, les « litéracies » informationnelles. Autrement dit, il faudrait faire une « révolution copernicienne » dans la conception et la définition des différentes formations à l’information : partir de la réalité des pratiques et des techniques de l’information, des enjeux qui leur sont liés et bâtir ensuite une culture informationnelle globale, intégrant toutes les dimensions de l’information, notamment ces trois cultures spécifiques, portant d’une part sur les médias, la documentation et les bibliothèques, d’autre part sur l’informatique et les outils. Il faudrait y intégrer l’éducation aux images, plus que jamais nécessaire à l’heure de l’explosion des documents vidéos. Il resterait à y ajouter la «cinquième dimension », essentielle (…) : la dimension communicationnelle. [3] »
Le CDI est depuis longtemps un lieu de convergence. Cette prise de conscience de l’influence et de l’intérêt des médias n’est pas non plus nouvelle. Simplement, de plus en plus le  numérique facilite et oblige à une formation plus complète et plus ambitieuse qui comporte davantage de phases de productions de contenus. Les expériences d’utilisation décrites ici s’inscrivent dans cette lignée. C’est d’ailleurs pleinement la dimension communicationnelle évoquée par Alexandre Serres qui peut prendre forme dans des travaux qui permettent de réaliser des processus complets et aboutis en matière de traitement et d’analyse d’information jusqu’à sa diffusion que ce soit sous la forme d’un journal papier, sous une forme radiophonique ou sur un site web dédié.
Cette phase de production change également le rôle de l’enseignant qui prolonge souvent son action en dehors des temporalités classiques et qui effectue de la médiation sous forme numérique pour valider et corriger les contenus produits par les élèves. Cette médiation est bien évidemment plus individualisée et permet de mieux suivre la progression des élèves et de les motiver davantage. C’est en quelque sorte le prolongement numérique de l’ « effet-maître », un effet qui concerne également les professeurs-documentalistes qui peuvent jouer d’une position souvent originale dans la transmission. Cette position originale mérite un réinvestissement au sein des espaces numériques notamment pour prolonger l’action de formation à l’information et aux médias qui ne s’opèrent que trop souvent à la marge et dans une fréquente impression de bricolage. Certes, on peut y trouver un état d’esprit propice à l’innovation et les actions décrites dans cet ouvrage sont là pour en témoigner mais on peut regretter, si ce n’est parfois un manque de reconnaissance pour les projets mis en place ayant permis de belles réussites, surtout un manque de cohérence qui conduit à différents niveaux de formations à l’information et aux médias selon les établissements.
En effet, la culture de l’information souhaitée par de nombreux acteurs n’a pas obtenu encore la place qu’elle mérite dans les cursus. Pour cela, un travail de rationalisation est sans doute à produire tant la culture de l’information repose sur des temps longs et donc des actions parfois lourdes à mener lorsqu’il s’agit de mêler recherche de l’information, analyse et évaluation puis la production. Cela implique des projets qui sortent des séances trop courtes et à la marge pour aller vers des démarches qui comportent obstacles, défis, objectifs et productions qui démontrent une progression et qui peuvent autant constituer des mises en valeur (c’est-dire étymologiquement des « évaluations ») des élèves et par ricochet des enseignants.
Les actuels projets de recherche au sujet d’une translittératie démontrent cette richesse d’interactions que le numérique accélère. La translittératie est définie comme « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux »[ii]
Le CDI et le professeur-documentalistes sont donc amenés à opérer au sein de nouvelles transes. Cela donnera peut-être une énième suite à cet ouvrage.
 
Sans doute l’objectif le plus important (pour ne pas dire le plus fou), c’est d’être désormais vraiment pris au sérieux par l’institution et les collègues…tout en demeurant toujours un peu fous, c’est-à-dire sans jamais vraiment se prendre trop au sérieux soi-même. Ce qui signifie que les coups de folie ne sont pas finis. [4]



[1] Cela nous fait songer à dessin animée japonais « Le collège fou, fou, fou » où le chanteur du générique clame qu’il faudrait inventer « un collège fou, fou, fou, où on ne fait rien du tout !».
[2] Devauchelle, Bruno. Comment le numérique transforme les lieux de savoirs : Le numérique au service du bien commun et de l’accès au savoir pour tous. FYP éditions, 2012.
[3] Serres, Alexandre. « Tentative de comparaison des trois cultures : culture des médias, culture de l’information, culture des TIC. Document annexe », Séminaire du GRCDI, Rennes, 14 septembre 2007. URFIST de  Rennes, 2008. Disp. sur : <http://culturedel.info/grcdi/wp-content/uploads/2008/06/seminairegrcdi_aserres_territoirescultinfo.doc>
[4] Une petite référence musicale à Thierry Pastor.


[i] Hannah ARENDT. La crise de la culture. Paris, Gallimard, 1989, Op. cit., p.288
[ii] La traduction en français a été trouvée sur le blog de François GUITE. In Guitef. Disp. Sur : <http://www.opossum.ca/guitef/archives/003901.html> Citation originale : « Transliteracy is the ability to read, write and interact across a range of platforms, tools and media from signing and orality through handwriting, print, TV, radio and film, to digital social networks.” 

Pour en finir avec Le Learning center E01: l’intrusion administrative dans la pédagogie pour casser les disciplines au profit d’une autre logique disciplinaire

Voici donc la nouvelle série de l’année. J’espère qu’il n’y aura qu’une saison d’ailleurs.
La liberté pédagogique tant clamée n’est qu’un leurre. On proclame d’un côté, et de l’autre on tente d’avancer la casse disciplinaire qui consiste à nier les travaux disciplinaires et notamment didactiques. De plus en plus, les administratifs de l’Education Nationale se mêlent de pédagogie avec comme logique idéologique celle de la DGESCO qui sous couvert d’innovation dézingue petit à petit l’Education Nationale. Le cas de l’information-documentation est symptomatique car elle présente le défaut d’être sous la coupe de la « vie scolaire » au même titre que les CPE et les directeurs d’établissements. Bref, le professeur-documentaliste subit plus qu’autre chose les évolutions administratives et les injonctions qu’on lui demande.
Le rapport Fourgous qui sous couvert d’un discours pro-numérique n’est en fait qu’un instrument de destruction massive de l’EN, enterre les CDI, ces trucs d’un autre âge avec des livres dedans (je caricature à peine) au profit d’un truc clinquant super bien : le Learning Center. Évidemment, on tente de trouver un autre nom pour faire « plus mieux », mais bon, personne n’est dupe.
Bien sûr, tout cela s’est décidé en haut entre ceux qui s’y connaissent tellement en pédagogie qu’ils n’ont plus enseigné depuis un grand nombre d’années. Personne n’a été contacté parmi les professeurs-documentalistes car ils ne sont pas dignes des débats. Ils doivent obéir et surtout s’adapter. Mais la vérité est ailleurs et plus glauque : on transforme le CDI en Learning Center pour mieux placer ce lieu sous la coupe de la vie scolaire et donc changer peu à peu les missions à réaliser en son sein. On commence par les CPE et les professeurs-documentalistes qu’on va placer dans le Learning Center… puis le vieux rêve pourra se poursuivre… On donnera plus de pouvoirs aux chefs d’établissements « patrons » qui étendront leurs pouvoirs sur toutes les disciplines. Car les disciplines sont devenues le mal absolu.
Sur ce sujet, il y a une confusion entre les possibilités transdisciplinaires, multidisciplinaires et interdisciplinaires. Il y a surtout l’envie de tout fusionner dans un fatras sans nom dans le modèle B2I où on valide sans enseigner (le socle commun subit la même logique). Enseigner quelle idée ! Surtout quand on peut transmettre avec la machine via des programmes payés par l’Etat pour favoriser les ressources privées des copains. On notera quand même que les projets type IDD et TPE qui favorisaient l’interdisciplinarité voire la transdisciplinarité avec un professeur-documentaliste impliqué n’ont pas été réellement développés et bien au contraire peu soutenus.
La multidisciplinarité et la transdisciplinarité permettent d’envisager des travaux communs sans pour autant qu’un concept, une notion ou une méthode soit strictement équivalente entre les disciplines. Le but est au contraire de travailler à la fois sur les convergences et les divergences. C’est d’ailleurs l’objectif de la translittératie et son orientation française actuelle Limin-R qui cherche à distinguer similitudes et différences entre l’information-documentation, l’éducation aux médias et l’informatique. Un projet qui n’intéresse pas l’inspection générale qui préfère se voir en grand bâtisseur… mais qui ne se privera pas de réutiliser les concepts pour mieux les dévoyer.
Depuis des années sont niés les travaux didactiques en information-documentation au profit d’une logique qui est celle d’utiliser le CDI rénové comme faire-valoir et instrument de de valorisation des principaux, proviseurs et inspecteurs généraux. Au final, la transmission est inefficace. Au passage, quand tira-t-on les conséquences de l’échec du B2I à conférer une véritable culture numérique ?!
Mais non, on veut encore aller plus loin et rentrer dans la logique disciplinaire du contrôle des corps et des esprits et même des corps intermédiaires au sein du Learning center ou du merveilleux 3C (Contrôle, Catalepsie et Cacahuètes).
Au 3C, opposons les 3 R d’Alexandre Serres : (Réalisation, Réflexion et Résistance).
Prochain épisode : Vive la documentation libre…

Le Gr-CDI : La culture et la didactique de l’information.

La culture de l’information et la didactique de l’information sont des sujets passionnants et il existe des ponts bien sûr entre les deux.
Le Gr-Cdi regroupe quelques personnes qui travaillent autour de ces questions et qui tentent à la fois d’éclairer les concepts mais aussi de forger les bases d’une didactique de l’information efficace.
Le groupe est né d’une volonté conjointe de se retrouver autour de ces questions et de rassembler les efforts afin qu’ils puissent aboutir à des projets communs et des avancées intéressantes sur ces domaines.
Souhaité depuis longue date par Alexandre Serres et impulsé également par la volonté de Jacques Kernéis, le groupe rassemble principalement des personnes engagés dans des travaux de recherche.
Un séminaire a eu lieu en septembre 2007. Vous pourrez retrouver les textes des interventions sur le site du GR-CDI qui est hébergé sur le site de l’Urfist de Bretagne-Pays de Loire.
Vous pouvez visualiser le support de ma présentation, n’ayant rédigé aucun texte pour l’occasion, thèse oblige. Mon intervention tournait autour des cultures de l’information et des différentes conceptions de l’information literacy.
La présentation sur slideshare

J’ai rencontré le désenchantement…des campagnes

Il est fréquent de dire que les élèves de banlieue sont souvent désœuvrés et manquent de structures à la fois familiales et mentales. On pourrait croire nos campagnes épargnées, …et bien non!
Le collège où j’exerce en est un exemple flagrant. Le niveau y est très médiocre et le comportement disciplinaire très loin d’être parfait. Il est vrai que le collège est petit et que ce n’est donc pas le far-west pour autant.
J’ai parfois l’occasion de discuter avec mes élèves et on apprend pas mal de choses sur le mode de vie et c’est souvent alarmant quand on examine leurs modes alimentaires et culturels.
Hier, j’ai pu discuté avec un sixième en grande difficulté qui relève de la segpa et qui m’a confié qu’il avait dans sa chambre : une télévision avec canal plus, une playstation et qu’il regardait évidemment tous les soirs la télévision et notamment canal plus…même si les programmes s’adressaient à un public adulte.  Cet élève espère bientôt recevoir de son parrain une nouvelle console, et devrait (enfin) avoir la TNT dans sa chambre. Je passe sur les étranges aventures avec la mini-moto surpuissante et la passivité des autorités locales sur cet aspect. Il y avait probablement de l’exagération dans ses propos, mais il est bien l’archétype du désenchantement dénoncé par Stiegler avec un désir jamais assouvi et reporté sans cesse sur la dernière nouveauté technologique qui sera achetée un jour et dont l’intérêt sera remplacé par la future nouveauté.
Finalement il n’y a jamais de stabilité du dispositif sociotechnique et le zapping demeure permanent ce qui explique l’incapacité à demeurer concentré en cours plus de 20 minutes. La fracture n’est pas encore une fois numérique. Les parents usant souvent des diverses allocations pour s’équiper en écran plats et autres objets techniques clinquants et  vantés sans cesse par la publicité et qui permettent de paraitre pour un temps plus riche que le voisin.
Il n’y a pas de transindividuation mais une tranformation du ghost out of the shell.  Y-a-t-il vraiment des « digital natives »? Ce n’est pas certain, mais la question est plutôt : Y-a-t-il des individus ? L’état de minorité face à la machine est alors permanent et il nous faut d’urgence refonder le projet des lumières pour aller vers une « neue Aufklärung »

Vol au CDi

Désormais les voleurs se mettent en scène et ne se cachent même plus, au contraire :
http://fr.youtube.com/watch?v=nE-d0joXNIs
C’est un peu dans la lignée de ce que je ressens parfois, les élèves ne cherchent même plus à se cacher. La vidéo fait débat sur la liste cdi-doc actuellement.
Est-ce la conséquence du triomphe de la société du spectacle sur celle de la culture ? Probablement surtout que la confusion entre les deux est entretenue par les médias et les politiques puisque tout serait devenu culturel.
La crise de la culture ce n’est pas le vol d’un livre, c’est sa mise en scène pour le spectacle, pour la performance et l’éphémère. Le voleur ne cherche pas à profiter de son larcin en tentant de s’en emparer de son contenu intellectuellement. L’objet livre est ici réduit à une triste performance, choisi au hasard, victime du passage du savoir au c’est à voir…