J’ai rencontré le désenchantement…des campagnes

Il est fréquent de dire que les élèves de banlieue sont souvent désœuvrés et manquent de structures à la fois familiales et mentales. On pourrait croire nos campagnes épargnées, …et bien non!
Le collège où j’exerce en est un exemple flagrant. Le niveau y est très médiocre et le comportement disciplinaire très loin d’être parfait. Il est vrai que le collège est petit et que ce n’est donc pas le far-west pour autant.
J’ai parfois l’occasion de discuter avec mes élèves et on apprend pas mal de choses sur le mode de vie et c’est souvent alarmant quand on examine leurs modes alimentaires et culturels.
Hier, j’ai pu discuté avec un sixième en grande difficulté qui relève de la segpa et qui m’a confié qu’il avait dans sa chambre : une télévision avec canal plus, une playstation et qu’il regardait évidemment tous les soirs la télévision et notamment canal plus…même si les programmes s’adressaient à un public adulte.  Cet élève espère bientôt recevoir de son parrain une nouvelle console, et devrait (enfin) avoir la TNT dans sa chambre. Je passe sur les étranges aventures avec la mini-moto surpuissante et la passivité des autorités locales sur cet aspect. Il y avait probablement de l’exagération dans ses propos, mais il est bien l’archétype du désenchantement dénoncé par Stiegler avec un désir jamais assouvi et reporté sans cesse sur la dernière nouveauté technologique qui sera achetée un jour et dont l’intérêt sera remplacé par la future nouveauté.
Finalement il n’y a jamais de stabilité du dispositif sociotechnique et le zapping demeure permanent ce qui explique l’incapacité à demeurer concentré en cours plus de 20 minutes. La fracture n’est pas encore une fois numérique. Les parents usant souvent des diverses allocations pour s’équiper en écran plats et autres objets techniques clinquants et  vantés sans cesse par la publicité et qui permettent de paraitre pour un temps plus riche que le voisin.
Il n’y a pas de transindividuation mais une tranformation du ghost out of the shell.  Y-a-t-il vraiment des « digital natives »? Ce n’est pas certain, mais la question est plutôt : Y-a-t-il des individus ? L’état de minorité face à la machine est alors permanent et il nous faut d’urgence refonder le projet des lumières pour aller vers une « neue Aufklärung »

Le désenchantement du monde

Je régis à cette vidéo [ Insulte du pêcheur à Nicolas Sarkozy] qui démontre bien une tendance que j’observe depuis longtemps et contre laquelle je mettais en garde dans un de mes articles sur l’autorité et la popularité sur la blogosphère et qui je le crains est en train de s’accélérer fortement.

C’est pourquoi ce billet sort de l’habituel sphère infodocumentaire.


  • On voit désormais que plus aucune autorité n’est respectée au sein de la République. Les profs le savent depuis longtemps, les policiers et pompiers également, désormais le chef d’Etat également. Il suffit de regarder l »emission « incroyable talent » pour comprendre qu’aucun jury désormais ne peut avoir de légitimité. L’égalitarisme est partout et tout se vaut désormais.
    C’est le triomphe de l’égalitarisme et du populisme industriel qui conduit au désenchantement du monde.
    Plus rien n’est digne de respect, il n’y a plus de symbole, plus de repères si ce n’est l’angoissante liberté, la jalousie envers les autres, l’insatifsfaction permanente et le triomphe des prophètes éphémères que nous sommes tous condamnés à être jusqu’à épuisement.
    La vidéo est d’ailleurs terrible dans le sens où le pêcheur se trouve en haut dans un étrange renversement de perspective.
    C’est la victoire de la société du spectacle de l’Arcadie, du Big Brother communicationnel et du vide intellectuel.
    Les politiques en sont doute une grande part de responsabilité dans le manque de soutien à leurs représentants sur le terrain et dans leurs manque de clairvoyance. Le fait d’avoir voulu tout rendre culturel n’a sans doute rien arrangé non plus.
    Il faut donc reconstruire car s’il n’y a plus d’autorité, il ne reste que l’autoritarisme, s’il n’y a plus de légitimité, plus de règles, ne demeure que le populisme et le règne de celui qui saura convaincre pour un temps afin de devoir à son tour laisser la place. Bref au sein de l’Arcadie, c’est les jeux du cirque où chacun d’entre nous peut avoir ses 20 minutes de gloire pour de longs instants de désespoir.
  • Le paradoxe de cette Arcadie communicationnelle, c’est qu’on ne sait plus communiquer : ça parle, ça crie, ça s’insulte, mais ça n’écoute pas et ça ne négocie pas si ce n’est par la force (bloquage d’universités par des assemblées fantoches d’un côté et envoi massif de Crs de l’autre)
  • Sur ces quelques réflexions, je ferme la parenthèse…