Licences pros et intitulés. Logique de l’annuaire versus logique du moteur ?

Vouloir simplifier les intitulés de diplômes parait une velléité plutôt louable de prime abord. Il est en effet difficile de distinguer la somme des licences et masters possibles pour un étudiant ou pour des parents quelque peu inquiets. Seulement, est-ce le choix le plus opportun quand il fait suite à une logique qui était celle d’une individualisation des diplômes, une concurrence souhaitée, voire d’ancrages territoriaux ? C’est la question que pose avec justesse, comme bien souvent d’ailleurs, Pierre Dubois.

Alors que dans mon Iut, on s’interroge sur cette réduction des intitulés et qu’il faut bien avouer qu’on ne parvient pas à s’y retrouver du tout, si ce n’est qu’on a l’impression d’être un peu partout à la fois et donc nulle part en fait. Cette problématique est bien connue, c’est celle des arborescences. Simplifier les intitulés finit par présenter des risques, notamment celui d’être mal catégorisé, d’autant qu’on ne peut l’être qu’à un seul endroit. On est en train en train de nous rejouer le coup de l’annuaire, alors que c’est la logique du moteur qui prime. La logique de l’annuaire est hiérarchique et on comprend de suite que la vision réductrice du ministère l’est également. Plus on peut caser le tout dans des boites qui s’empilent, plus cela parait mieux organisé. Or c’est en fait l’inverse, s’il est bien quelque chose d’évident, c’est qu’un classement ou une indexation est toujours discutable et qu’il est préférable quand c’est possible et c’est ici le cas, comme pour un document numérique, d’opter pour plusieurs critères de classement plutôt que de choisir des intitulés. Car finalement, les grandes catégories existent déjà, ce sont les départements responsables de ces diplômes. Au final, il est préférable d’opérer pour des titres de diplômes avec de la liberté, du moment qu’il est bien adossé à des départements officiels. Car les responsables de diplôme n’ont guère envie de voir leur licence mal classée du fait de contraintes ministérielles.

C’est la logique du moteur qui prédomine désormais. Que vous soyez étudiants ou parents, vous allez aussi passer par ce biais pour trouver des diplômes qui correspondent à vos attentes. La logique de l’annuaire est trop contraignante pour des usagers habitués au bouton poussoir. Une erreur d’aiguillage, c’est autant de diplômes intéressants qui sont laissés de côté, car on n’a pas pensé à aller voir la catégorie voisine, dont on n’a pas bien saisi l’intitulé.

On s’éloigne totalement de la logique du web 2.0 et c’est dommage. Il faudrait davantage offrir différentes catégorisations au diplôme quitte à faire une classification fermée réalisée par des professionnels qui pourraient être complétée par des mots-libres. Et pourquoi ne pas envisager une base des fiches de diplômes qui permettraient aux diplômés de rajouter des tags voire des commentaires ? Cela sent la révolution ? On est loin du catalogue 2.0 pour le moment. Il est vrai que l’évaluation des enseignements par les étudiants reste encore taboue en France. Pour combien de temps encore ? Il faut incontestablement introduire un peu de popularité dans nos systèmes d’autorité. Cela devient nécessaire, la légitimité repose sur un juste équilibre entre autorité et popularité.

L’idéal serait donc de ce fait de quitter les arborescences pour se rapprocher des graphes et de proposer des visualisations de diplômes à partir de requêtes en mixant sur les catégories déterminées, les tags et toute autre stratégie de recherche d’informations. Cela aiderait bien aussi les conseillers d’orientation.

Voilà de quoi, lancer un projet de recherche avec la réalisation d’une application bien utile pour tous plutôt que d’opter pour la solution hiérarchique compressive. A noter qu’étrangement, les mouvements de réunification des universités aboutissent à des logiques inverses, puisqu’ils ne font que créer des entités nouvelles, si bien que les couches hiérarchiques ne cessent de s’amonceler. Il y a de plus en plus d’échelons entre le ministre de la Recherche et un simple salarié. Cette inflation administrative a déjà condamné l’Education Nationale à une asphyxie dont elle ne se relèvera probablement plus en produisant des mandarins tout aussi incompétents qu’indéboulonnables.

Il est temps d’ouvrir nos champs de vision et nos méthodes d’organisation de l’information au plus haut niveau. Car une des leçon de la documentation, c’est que derrière tout classement ou méthode d’organisation des éléments, il y a toujours une vision politique.

Gagnez du temps et boostez sa créativité avec le mind mapping

On ne cesse de parler depuis des années du mind mapping et des cartes mentales. Quand j’évoquais le sujet il y a une dizaine d’années, les échos étaient variables et la pratique peu répandue. Par chance, désormais, les cartes mentales connaissent un succès grandissant et une réelle inclusion dans le système scolaire, même si ça reste encore insuffisant.
L’explosion logicielle se poursuit, même si on observe une certaine stabilité désormais entre les logiciels libres type freemind, les logiciels possédant une version gratuite comme Xmind, les logiciels à destination professionnelle comme mind manager et les services en ligne comme mindomo ou mindmeister. Pour avoir plus de renseignements sur les choix logiciels, l’idéal reste de consulter le site Pétillant.
Pour ma part, j’utilise plusieurs logiciels selon les circonstances et je ne déteste pas utiliser cmaptools, plus orienté carte de concepts, ce qui se destine mieux à des travaux de recherche mais aussi pour mieux décortiquer les relations conceptuelles au sein d’un texte et d’un ouvrage, car cmaptools permet de qualifier les relations entre deux termes (voir aussi pour la didactique de l’information). Le simplissime bubbl.us est très pratique aussi, car il permet de faire aussi bien des cartes de concepts que des cartes mentales et ne nécessite d’aucune inscription. C’est opportun, si on veut lancer un groupe-classe sur un outil.
Je déplore que ma version de mind manager ne fonctionne plus. J’avais bénéficié en 2006 de la version gratuite offerte aux blogueurs qui en faisait la demande. C’est un très bon outil, très performant mais je ne peux plus l’utiliser avec mon système d’exploitation. C’est à vous de tester et de choisir vos outils qui vous paraissent les mieux adaptés.
Pour rappel, ce support de formation qui est en ligne et que vous pouvez utiliser à volonté pour des formations :

 
Alors pour en revenir au titre du billet, et bien il s’agit de faire un retour sur deux ouvrages réalisés par Xavier Delengaigne, qui est un praticien avéré de ces systèmes cartographiques. Il a écrit de nombreux ouvrages à ce sujet et parmi les derniers, je souhaite revenir sur deux en particulier.
Le premier concerne la fameuse question de la gestion du temps, il s’agit d’organisez votre temps avec le mind mapping. A noter que vous avez une version kindle également moins onéreuse. Cet ouvrage est méthodologique et vous apprend à réaliser des cartes efficaces de façon simple. L’ouvrage aborde des questions liés à la gestion du temps, un défi quotidien désormais qu’il est difficile de relever. Le mind mapping peut être efficace dans ce contexte. Toutefois, Xavier Delengaigne rappelle à bon escient qu’il n’y a pas de solution miracle et que seule une pratique régulière permet réellement de gagner du temps. J’avais eu le plaisir d’échanger avec lui par skype à propos de ces méthodes de travail et c’était très intéressant de remarquer ses méthodes de visualisation et d’organisation de l’information. Son ouvrage aborde justement une autre technique : le Kanban, un tableau inspiré des méthodes de Toyota et qui permet d’afficher ce qu’il y a à faire et qui réside sur un flux ou processus de travail à maîtriser. Appliquer à l’échelon personnel, cela permet d’améliorer la sacrosainte to do list de façon plus visuelle avec des processus à suivre. L’idéal est alors de disposer d’un grand tableau dans son bureau pour pouvoir jongler avec des post-its notamment. Je signale à cet effet aux utilisateurs d’Evernote, qu’il est possible de prendre en photo ses post-its pour les transformer en notes evernote. En tout cas, le lecteur pourra puiser dans l’ouvrage une série d’idées et de conseils qu’il mettra en application à sa façon.
Le second ouvrage se rapporte à ce qui semble être parfois une qualité rare : la créativité. Boostez votre créativité avec le mind mapping. De la suite dans les idées (version kindle ici). L’ouvrage ne se prétend pas non plus un remède miracle, mais il montre une nuance quant aux théories qui se rapportent au mind mapping, notamment celles des deux cerveaux, basés sur des qualités intrinsèques à chaque hémisphère. On ne retrouve donc pas le discours du consulting  à l’américaine, mais une position réfléchie et qui parle davantage au lecteur. Plusieurs méthodes et entrainement sont proposés et notamment une volonté de nous inciter à dessiner et à utiliser nos doigts dans ses dispositifs de carte. Les interfaces tactiles devraient nous rendre service de cette manière en nous offrant une meilleure préhension et de possibilités d’interactions à l’avenir. L’ouvrage est également agrémenté des dessins et illustrations de Luis Garcia qui maitrise parfaitement la logique créative dans les cartes mentales. Pas évident d’atteindre un tel niveau, mais tel n’est pas l’objectif, tant il s’agit à la fois d’impulser sa créativité par des logiques de cartes, mais aussi de pouvoir mémoriser ses idées. Chose peu aisée, tant on ne prend pas toujours le réflexe de noter ce qui nous passe par la tête.
Pour les habitués à Freemind et xmind, cet ouvrage de Xavier est également intéressant. Il peut aider les enseignants à monter des séances notamment, car il s’agit de bien savoir prendre en main les logiciels.
A vous de découvrir ces ouvrages, voire d’en proposer d’autres en commentaires.
 

Un univers inspirant : celui de Murakami. Sur « La fin des temps »

Je poursuis un cycle de billets sur Murakami et à nouveau en évoquant le premier roman que j’ai lu de lui et que j’ai eu plaisir à relire : La fin des temps. Ce cycle s’effectuera de manière très irrégulière, mais il s’agit de mettre en avant l’œuvre de l’auteur japonais dont on attend chaque année qu’on lui décerne le prix Nobel de littérature. Ce sera sans doute l’année prochaine. En attendant, voici de quoi vous donner envie de vous plonger dans quelques lectures.
La force de Murakami est de mêler des univers réalistes et fantastiques. Bien que l’action se déroule majoritairement au Japon, le lecteur pourra toujours y trouver des potentialités de comparaison avec sa propre existence car Murakami est un écrivain de la transmission et du ressenti.
Murakami, c’est aussi l’histoire du Japon qui se cherche entre le Japon d’avant 1945 voire celui d’avant l’ère Meiji, et le nouveau Japon industriel et occidentalisé qui a tiré un trait sur le passé et tout recommencer après 1945. C’est aussi ce pays qui fait si bien le lien entre l’Orient et l’Occident et qui partage espoirs et désespoirs d’un monde qui se voulait et croyait libre mais dont les ombres du passé continuent de le hanter. Cette dichotomie est forte dans l’œuvre de Murakami et plus particulièrement dans l’excellent La fin des temps dont la première lecture alors que j’avais 17 ans, m’avait déjà donné l’intuition que cet ouvrage était important notamment pour ma vie personnelle.
Quand je lis du Murakami, je sais que je retourne dans d’autres lieux, dans d’autres moments, ceux-là où je le lisais dans le train pour aller travailler à Lyon par exemple. Une lecture marquante, parce qu’elle nous marque dans l’instant, mais parce qu’elle laisse des marques, qui sont autant de points de retour qu’on aime réactiver.
Bizarrement, Murakami évoque ces possibilités de réactivation mais en puisant dans la science-fiction et l’imaginaire de l’informatique (l’ouvrage date de 1985 :

« C’était l’équipe de scientifiques de System qui avait mis au point ce « feuilleton ». J’avais été soumis pendant un an à un entraînement spécial pour devenir programmeur, puis, après avoir réussi l’examen final, j’avais été congelé pendant deux semaines, au cours desquelles l’équipe de System s’était livrée à un examen poussé de mes ondes cérébrales, avait extrait de mon cerveau l’élément qui devait être le siège de la conscience, y avait fixé le « feuilleton » permettant l’accès au shuffling, puis l’avait réimplanté dans mon cerveau. Ils m’avaient appris que le titre en était Fin du monde et que c’était mon mot de passe pour le shuffling. Ainsi, ma conscience avait maintenant une double structure. Autrement dit, il y avait à la périphérie cet ensemble chaotique appelé conscience, et à l’intérieur, comme le noyau d’une prune, un noyau de conscience qui résumait ce chaos. Mais ils ne m’avaient pas parlé du contenu de ce noyau. (…)

Ils m’enseignèrent alors la méthode de shuffling. Procéder seul, de nuit, l’estomac ni trop plein, ni à jeun. Écouter trois fois l’enregistrement prévu à cet effet, qui me donnerait accès au programme appelé Fin du monde.Mais, au moment où je ferais appel à ce programme, ma conscience sombrerait dans le chaos. C’est au cœur de ce chaos que je procéderai au shuffling des valeurs. Une fois le shuffling terminé, j’éteins le programme Fin du monde et ma conscience émerge du chaos. Le shuffling est fini, et moi je n’en garde aucun souvenir. Pour revenir en sens inverse, je fais littéralement le contraire. Pour retrouver mon état normal, j’écoute l’enregistrement d’arrêt du programme. »

Murakami, c’est un peu comme un programme installé quelque part en vous et qui ne demande qu’à s’activer. Je ne vais pas chercher à raconter davantage l’histoire, car on ne peut vraiment la raconter de façon efficace sans l’avoir lu.

Je vous livre un autre extrait qui montre l’épaisseur des enjeux et le fait qu’on est tenté d’y voir des fortes similitudes avec le monde actuel, et les pertes de sens qu’il nous inflige :

« Bon, donc le professeur a démissionné. Évidemment, quand il a arrêté, l’organisation des pirateurs est venue lui faire des propositions. En général, quand un programmeur laisse tomber le boulot, il passe du côté des pirateurs. Mais le professeur a refusé. En disant qu’il avait des recherches personnelles à terminer. Du coup, cela a fait de lui l’ennemi commun des programmeurs et des pirateurs. C’est-à-dire que, pour les programmeurs, il connaissait trop de secrets et que, pour les pirateurs, il appartenait toujours à l’organisation rivale. Pour ces types-là, celui qui n’est pas de leur côté est d’office un ennemi. Comme le professeur était bien placé pour savoir ça, il s’est construit un labo de recherches tout près de l’antre des ténébrides. »

Entre programmeurs ou programmés, pirateurs et piratés et autres créatures comme les ténébrides qui vivent dans les sous-sols, on pressent un danger et le besoin de trouver une sortie, une nouvelle aspiration. Murakami nous oblige à un retour de soi, comme une nouvelle renaissance.

Mes publications en ligne

Ménage d’automne, je commence à mettre de l’ordre dans mes publications diverses. Tout devrait être bientôt bien rangé dans mon espace recherche.
En attendant, je livre ici une série de publications avec leurs liens directement accessible la plupart du temps. Vous êtes nombreux à me demander parfois : « mais où sont tes articles ». J’avais l’habitude de répondre : tout est sur hal ou sur archivesic, mais j’ai l’impression que cela s’avère pas toujours pertinent. Du coup, je livre ici en vrac  les publications les plus importantes. J’ai du en oublier quelques unes et bien évidemment les publications de 2013 où celles à venir n’y figure pas encore. 2014 devrait être d’ailleurs assez chargée au niveau publications…
Quand il n’y a aucun lien, et bien c’est simple, il faut me demander le texte à oledeuff@gmail.com
Thèse
– La culture de l’information en reformation. (sous la dir. d’Yves Chevalier). Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication. Université Rennes 2, Septembre 2009
Revues
Revues scientifiques à comité de lecture
–        (­2012) Humanisme numérique et littératiesSemen n° 34, p.117-134
–        (2012) Introduction. Le document numérique dans sa dimension éducative : entre logiques documentaires et enjeux didactiquesDocument numérique. « Logiques documentaires et enjeux éducatifs », vol. 15, N°3, 2012, P.7-17 (Numéro que j’ai coordonné)
–        (2012) Littératies informationnelles, médiatiques et numériques : de la concurrence à la convergence ? Etude de communication n°38, p.131-147
–        (2012) Le réseau personnel de gestion des connaissances et la redéfinition du travailTerminal n°110, p.39-54
–        (2012) « Journalisme, culture technique et reformation didactique ». Cahiers du journalisme, n°24, été 2012, disponible sur : http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/24/12_LE_DEUFF.pdf
–    Avec Yves Chevalier. (2011)  « Les systèmes d’information sont-ils des outils techniques ? » RIHM 11, 2  63-79
–    (2011) « Education et réseaux sociaux. Des environnements pour la formation ou qui nécessitent une formation ? », Hermès n°59, p. 67-73
–    (2011) « Contrôle des métadonnées et contrôle de soi», Etude de communication n°36, p.23-38
–    (2010) « Réseaux de loisirs créatifs et  nouveaux mode d’apprentissage», Distances et savoirs. Vol.8, n°4, p.601-621
–    (2010) « Quelles mnémotechniques pour l’Internet ? » In Nicole Pignier et Michel Lavigne (Dir.), Mémoires et Internet, revue MEI, n° 32. Déc, p.41-51
–    (2010) « La culture de l’information et l’héritage documentaire »,  Documentaliste-Sciences de l’information. 3/2010, p.4-11
–    (2010) « La bibliothèque 2.0 », Les Cahiers du Numérique. Numéro spécial. « Du web 2.0 au concept 2.0 »,  p.97-118
–    (2010) « La skholé face aux négligences : former les jeunes générations à l’attention », Communication & Langages n°163, mars 2010, p.47-61
–    (2009) « Penser la conception citoyenne de la culture de l’information»,  Les Cahiers du Numérique. « La culture informationnelle ». Paris Hermes-Lavoisier, vol.5, n°3, p. 39-49
–    (2009) Avec Gabriel Gallezot  « Chercheurs 2.0 ?»,  Les Cahiers du Numérique.  « Enjeux actuels de la communication scientifique ». Paris Hermes-Lavoisier, vol.5, n° 2, p. 15-31
Articles dans un ouvrage
–    (2013) «Nouveaux outils et science : l’archéologie pour faire sens » in L’histoire contemporaine à l’ère digitale.sous la dir. de Frédéric Clavert et Serge Noiret Peter LangP. 213-222
–    (2011) « The Library 2.0: origins of the concept, evolutions, perceptions and realities”. In Proceedings of the IFLA Stockholm Pre-conference. Marketing libraries in a web 2.0 world. De Gruyter Saur, p.3-12
– –    (2010)  « Bouillon de cultures : la culture de l’information est-elle un concept international ? » in Colloque l’Education à la culture informationnelle (sous la dir. de Chapron Françoise et Delamotte, Eric). Presses de l’Enssib. Collections Papier, p.49-57
–    (2009) « Du bon usage de Google. » in L’entonnoir, Google sous la loupe des sciences de l’information. sous la dir. de Simmonnot, Brigitte et Gallezot, Gabriel, CF éditions, p.83-88
–    (2009)  (avec Serres, Alexandre) « Outils de recherche : la question de la formation » in L’entonnoir, Google sous la loupe des sciences de l’information. sous la dir. de Simmonnot, Brigitte et Gallezot, CF éditions, 2009, p.93-111
–    (2009) « De l’autorité à la popularité : de nouvelles formes de recommandation ? » Le Web 2.0 en bibliothèques. Cercle de la Librairie, p.137-144
–    (2008-209-2010) « Les besoins d’information » Repere – Ressources électroniques pour les étudiants, la recherche et l’enseignement. Enssib, édition mise à jour de 2010, p. 7-10
–    Disponible sur < http://repere.enssib.fr/Repere2010.pdf >
Autres revues
(2013). Un blog scientifique. MédiumN° 36(3), 82–97. doi:10.3917/mediu.036.0082
Revues professionnelles
2013 :
Cultures et humanités numériques : quelles métamorphoses, Dazibao n°36, mars 2013, p.31-33
2012:
(2012) Curation et logique documentaire, pour des maîtres d’armes numériques, Médiadoc n°9
(2012) « Méthodologie générale d’un projet de veille ».  Outils et efficacité d’un système de veille, Guide pratique archimag, n°47, P.32-34
« Qu’est-ce que la translittératie ? » Intercdi n°237, p. 62-64
« Curation, folksonomies et pratiques documentaires: quelle prise de soin face à l’incurie? »
Documentaliste-Sciences de l’information, 49 (1), 51-52
2011.
–    « La translittératie en débat. » Argus. Vol.9, n°3, p.
–    « Le document enseignant ou la didactique engrammée. » Mediadoc, n°6, p.12-14
2010
– “Library 2.0 and the culture of information : new paradigms ?” Cadernos BAD 1, 2009/2010 (2011) 20-28
–    « Les technologies permettent-elles l’intelligence collective ?», Argus. Vol. 39 n° 2, p.31-33
–     « la bibliothèque 2.0 entre réalités et illusions », Argus. Vol.39 n°1. p.16-19
–    « La formation à l’identité numérique ». Documentaliste-Sciences de l’Information. 47/01,  p.42-44
–    «  Quel impact pédagogique pour les manuels numériques ? » Archimag 238, 10/2010, p. 28-29
–    « Les sept piliers de la culture de l’information. » Intercdi n°227. Septembre 2010, 9-13.
–    Analyse critique de l’ouvrage « Technologies de l’information et intelligence collective » sous la dir. de Juanals Brigitte et Noyer, Jean Max. BBF, 2010, n° 6, p. 94-95
–    Analyse critique de l’ouvrage « La richesse des réseaux : marchés et libertés à l’heure du partage social » de Benkler, Yochai, BBF, 2010, n° 5, p. 110-111 <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0110-006>
2009 :
–    « La culture de l’information en sept leçons », Argus. Vol.38 n°2
–    « Les signets sociaux ou le tiers de confiance », Argus. Vol.37, n°3. Hiver 2009, p14-15
–    « Travailleurs du savoir » critique de l’ouvrage de Christophe Deschamps. Le nouveau management de l’information. Argus, vol.38 n°3, p.39
–    « Former à la culture de l’information », in Le Mensuel de l’université, 25 novembre 2009. <http://www.lemensuel.net/2009/11/25/former-a-la-culture-de-l%E2%80%99information/>
–    « Le réveil de la veille : prendre soin plutôt que surveiller » InterCDI n°220. Juillet/août 2009, p.66-68
–    « La convergence médiatique » Médiadoc n°2, avril 2009, p.40-41
–    «La conception cybernétique de l’information. » Argus. Vol. 38, n°1, 2009 (Résumé critique de l’ouvrage de Mathieu Triclot. Le moment cybernétique : la constitution de la notion d’information. Champs Vallon, 2008
–    « Historiae : la culture de l’information en action » Les cahiers pédagogiques n°470 « dossier : les élèves et la documentation » < http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article4227>
2008 :
–    « La culture plutôt que le culte ».   Argus, vol.37, n°2, automne 2008, pp.38-39 (Critique de l’ouvrage d’Andrew Keene. (2008) Le culte de l’amateur. Comment Internet détruit notre culture. Paris : Scali.)
–    « Les littératies et l’imago », InterCDI, numéro spécial, juillet-août 2008, n° 214, p.110-111
–    « La caverne d’Ali Baba version web 2.0. ». Guide pratique n°33 d’Archimag. La bibliothèque à l’heure du web 2.0., juillet 2008, p38-39
2007 :
–    « La porte est en dedans » InterCDI n° 2005, janvier 2007, p.6-7
2006 :
–    « Le document face aux négligences, les collégiens et leurs usages du document » InterCDI n° 2002, juillet 2006, p.87-90
–    Article pour la rubrique mot-clé de l’oeil de l’adbs : « Information literacy » in Œil de l’Adbs. Adbs. Mars 2006   <http://www.adbs.fr/site/publications/oeil_adbs/06/oeil_adbs_no6.html#metiers_interview>
–    «Folksonomies : Les usagers indexent le web », BBF, n° 4, p. 66-70
Document collectif
–    Avec Serres, A. et al. (2010) Culture informationnelle et didactique de l’information. Synthèse des travaux du GRCDI, 2007-2010.  < http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00520098/>
Revues en ligne
–    (2008) « De la méfiance à la défiance : analyse informationnelle du mythe du complot. », Revue internationale en intelligence informationnelle. « Les sources »
–    (2008) « Permanence du texte et esprit documentaire. », Horizon Sémiologie. Aout 2008

Les professeurs-documentalistes doivent d’abord obtenir leur autonomie !

Les prochaines rencontres Savoirs-cdi « Autonomie et initiative : Comment le professeur documentaliste peut-il accompagner les élèves ? » marquent un recul inquiétant.
Ce recul s’explique car la direction en place chargée de la documentation n’a pas changé depuis trop longtemps. L’affiche des rencontres exprime bien cette volonté de transformation-disparition du métier. Le mot « documentaliste » a été d’abord privilégié à celui de professeur-documentaliste. Après quelques protestations, visiblement il y a eu un changement. Ce n’est pas une erreur d’inadvertance, c’est bien sûr volontaire. Cette stratégie a été répétée depuis de nombreuses années afin de nier sans cesse la fonction pédagogique et didactique de la profession. Pour preuve, la copie d’écran conservée dans le cache.

Le foutage de gueule, c’est également ce retour sur cette autonomie qui est conceptuellement difficile à bien cerner mais qui surtout on prétend demander aux professeurs-documentalistes de transmettre, d’enseigner … pardon d’accompagner. L’accompagnement, voilà une belle métaphore. L’accompagnement à l’école, étymologiquement, ça renvoie à la pédagogie, enfin à l’esclave chargé d’amener l’enfant à l’école. Ici, le nouvel esclave de nos inspecteurs généraux, ce sont les professeurs-documentalistes. L’autonomie, c’est aussi ce qui manque justement aux professeurs-documentalistes, une autonomie disciplinaire inexistante et refusée y compris dans sa légitimité didactique. Or c’est bien de cette autonomie dont il faut d’abord parler. En effet, comment peut-on encore accepter en 2013 des inspections par des personnes nullement issues du corps de base, qui n’ont jamais exercé la profession et qui n’ont pas non plus le bagage disciplinaire adéquat ? Comment imaginer des présidents de capes qui n’ont pas les diplômes en sciences de l’information et de la communication quand on sait qu’actuellement les historiens démissionnent en masse de l’agrégation car le président n’est pas un professeur des universités !
Il est vrai qu’au niveau du capes de documentation, difficile d’envisager une telle démission car les jurés ont été nommés depuis dix ans par la même personne… Et le nouveau président récemment nommé ne doit guère changé la donne. Beaucoup jouent serrés et craignent pour leur carrière. Je ne leur en veux pas et ils tentent d’agir du mieux qu’ils peuvent pour ne pas mettre en situation délicate les candidats.
Les rencontres à Amiens seront bien mieux policés qu’avec les précédentes à Rennes (lieu de résistance ?), avec bien sûr la stratégie du Learning-Center maquillé en 3C qui sera bien sûr le haut lieu de cette autonomie. Des rencontres où Jean Louis Durpaire n’aura pas besoin d’interrompre Alexandre Serres, interruption qui sera bien sûr effacée au montage. Le dialogue se fera entre Jean-Louis Durpaire et Jean-Pierre Véran qui s’amusent à distiller leur vision du CDI, de la documentation, enfin du learning center et dont on ne sait plus trop quoi d’ailleurs. Ils vont bientôt nous inventer ou plutôt piquer et transformer une autre idée venue d’ailleurs qu’ils auront trouvé sympathique. Du coup, on va avoir bientôt des LC managers, ah mince c’est en anglais, du coup ça va devenir des animateurs de 3C. Il suffira d’une courte formation pour faciliter les reconversions rapides… qui ne cessent d’agacer.
Il serait tant vraiment que la roue tourne. Les rencontres incitent les professeurs-documentalistes à accompagner à l’autonomie et à l’initiative. Et bien l’initiative, il est vraiment temps de la prendre. Si j’étais encore professeur-documentaliste, j’écrirai un texte au ministère ou je le ferai avec mes collègues et je demanderai une inspection dédiée et autonome par rapport à « la vie scolaire » et surtout de nouveaux inspecteurs généraux qui soient vraiment légitimes.
Je ne suis plus professeur-documentaliste officiellement, mais je reste attaché à la profession. Je souhaite dorénavant que les revendications autonomistes viennent du terrain et qu’elles puissent s’exprimer et ce d’autant plus si cette autonomie prend la forme, non pas d’un like mais plutôt d’un « coup de pied au cul ».
 
Ps : J’ai un peu hésité à pousser un nouveau coup de gueule, mais comme personne ne s’en est vraiment chargé, je m’y risque à nouveau. Je ne risque plus grand-chose, n’étant plus membre du capes sans avoir été réellement démissionnaire, mais plutôt démissionné et encore moins réintégré, bien que le ministère ait fini par me donner raison. Cela m’a couté un black-listage à l’Esen, rien de dramatique.
 
 
 

Du tag au pif-paf

J’ai failli écrire bang, teut-teut à la place de pif-paf, mais je ne savais guère quelle onomatopée choisir pour illustrer l’actualité de la page de soutien au bijoutier de Nice. Pif-paf, c’est le bruit qu’on retrouve parfois dans Tintin quand le pistolet n’a pas d’effet meurtrier et que celui qui tient le pistolet, s’y reprend à plusieurs reprises. C’est le cas du savant devenu fou dans les cigares du Pharaon.  Le tireur a toujours l’air ridicule dans ce cas-là. Quel poison a-t-on infligé à nos stupides likeurs ?

Le succès de la page facebook de soutien au bijoutier de Nice pose plusieurs questions. Il y a bien sûr l’hypothèse de fakes. Il y en a certainement mais force est de constater que nous sommes en présence d’une somme de likes bien réelle que l’on peut constater, en vérifiant qui parmi ses amis Facebook à liker. A l’heure où j’écris ces lignes, j’en connais 12. 

Cela ne me ravit guère et je ne mettrai pas de lien vers cette page. Vous pourrez constater qu’il en existe d’autres et que l’initiative n’avait donc pas été isolée. 

On est bien ici en présence d’une réaction qui est bien sûr de l’ordre de la pulsion, cette dégradation de l’exercice de réflexion de l’indexation que constitue le like. On est aussi dans un mouvement de foule numérique et dans l’idée qu’il peut être finalement agréable de partager son ras-le-bol et sa soif de vengeance. On est aussi dans la confusion du like, tant les likes sont probablement tous différents au niveau de leur portée.

Mais ce soutien démontre aussi la confusion entre la compréhension d’un geste et le fait de soutenir le fait de se faire justice lui-même. J’ai envie de dire que le bijoutier est finalement peut-être moins à blâmer moralement que ceux qui le soutiennent en le likant. Ce dernier qui possédait tout de même une arme, instrument par essence de mort potentiel qui témoigne néanmoins d’un achat et d’une mise à disposition clairement réfléchie, a finalement réagi probablement dans un registre de l’impulsion qui devient dangereux lorsqu’on est armé. Son acte est irréfléchi a priori. Encore que finalement, nous ne savons pas grand chose du déroulé réel.

On pourrait croire que le like laisse pourtant le temps potentiel à une certaine réflexion, à un temps distancié entre le fait d’aller liker et l’évènement. Et bien non, ceux qui ont liké se sont mis à la place du bijoutier exaspéré. Ils ont manifesté leur envie de faire pif-paf, mais aussi leur envie morbide de tuer.  Et c’est bien ce qui est inquiétant. Cette incapacité grandissante à effectuer une différence, et donc une différance montre la prolongation d’un temps présent médiatique qui nuit à toute réflexion. Un court-circuit entretenu par les médias classiques mais qui trouve un prolongement pulsionnel dans le like de Facebook. Un like, pif-paf, comme on like un message d’un ami, le fait d’aimer un film, etc.  Quelle confusion entre le fait de pouvoir éprouver une pulsion similaire à celle du bijoutier et la capacité à comprendre que justement une société ne fonctionne que par une capacité de distance et une justice non immédiate ! 

Les tontons flingueurs du week-end sont de plus en plus nombreux. La contagion de la connerie prendra de l’ampleur encore un peu. Finalement, nos tontons sont surtout des caves… il ne faudra pas leur mettre d’autres joujoux dans les mains sinon on les verra s’amuser avec des drones bientôt.

De toute façon, ils rétorqueront en  pastichant Billy Joël  » I don’t care what you said anymore, this is my LIKE »… Rappelons simplement que la licence to like, n’est pas une licence to kill…

Quelle conversion numérique ?

Les politiques numériques éducatives ou économiques offrent leur lot de convaincus et de réticents. Il peut être tentant de considérer qu’il reste évidemment à convaincre les plus obtus et les technophobes. Le concept d’une « grande conversion numérique » que décrit Milad Doueihi en effectuant notamment un parallèle avec la conversion religieuse et l’impact culturel qui en résulte, parait alors une possibilité intéressante, voire séduisante. Cette conversion qui oblige le nouveau lettré a maîtrisé désormais aussi bien les lettres anciennes que modernes, mais également le code informatique, mérite cependant une interrogation. En effet, dans cette capacité à examiner les diverses écritures, et leur signification, leurs traces et références, les schémas opérants, de quel type de conversion s’agit-il réellement ?

Quelles conversions numériques ?

Michel Foucault distingue deux types de conversion, pour schématiser rapidement : disons qu’il y en a une « platonicienne » et une autre qui est chrétienne. Chez Platon, la conversion est d’abord est une manière de se détourner des apparences en constatant notamment sa propre ignorance. À partir de là, la conversion consiste à un retour sur soi et à la prise de soi nécessaire à l’amélioration de soi et de sa propre connaissance. La conversion chrétienne est de l’ordre du changement immédiat, du renouvellement de l’esprit qui passe en quelque sorte de l’obscurité à la lumière. Dans les deux types de conversion, il y a le constat d’une nécessité d’un nouveau cheminement vers la vérité. Les deux conversions entraînent aussi la pratique de techniques de contrôle de soi voire d’ascèse. Ce n’est donc pas l’accumulation, que ce soit de richesses ou de connaissances disperses pour « fanfaronner » qui doit être recherchée, mais la qualité intrinsèque de ses actions. Un contrôle de soi peu évident, tant les mécanismes de popularité actuels incitent à l’inverse à rechercher des satisfactions personnelles. Les tentatives de mesure d’influence qui se développent en ce moment sur le web, démontre cette prépondérance.

Parler de conversion numérique finalement signifie que ce choix doit être celui d’une amélioration de soi pour son propre bénéfice, mais aussi pour celui des autres. De plus, cette conversion ne doit pas être une renonciation aux anciennes pratiques, ce n’est pas une rupture dont il s’agit. Il est en effet préférable de rechercher et de redécouvrir des méthodes et des pratiques plus anciennes qui peuvent connaitre des déploiements facilités avec les nouveaux outils. Par exemple, les signets sociaux se révèlent être une forme renouvelée des « lieux communs », ces cahiers utilisés par des étudiants à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance pour prendre des notes durant des cours ou des lectures avec parfois la constitution d’index.

La conversion numérique a commencé avec différents évangélistes et autres prophètes du numérique qui incitent parfois à des changements trop radicaux ou qui privilégient les outils clinquants et autres objets qui ne visent qu’à valoriser son propriétaire.

Il est dès lors actuellement tentant d’envisager une véritable « réforme » plutôt qu’une refondation sans véritable fondement. Du coup, c’est un appel à ce que les enseignants, les parents et les élèves s’emparent des nouvelles thèses numériques en ne cherchant plus le miracle chez ceux qui dirigent l’institution et qui portent le dogme.

1.Milad DOUEIHI. La Grande Conversion numérique, paris, Seuil, 2008

2. Sur cette question, voir Michel FOUCAULT. L’herméneutique du sujet. Cours au collège de France. 1981-1982. Gallimard, Le Seuil, 2001, p.199, sq

Ce billet est inspiré d’un passage de notre ouvrage La formation aux cultures numériques.

La veille n’est pas homophobe

L’expression de « veilleurs » appartient à tout le monde. Toutefois, on ne peut que déplorer l’usage qui en est fait par des personnes qui n’ont rien à voir avec un champ professionnel existant, et encore moins avec une certaine éthique de la veille.

Le fait d’associer l’expression et de fait le concept de la veille avec une visée homophobe ne peut qu’ajouter de la confusion autour d’un concept qui mérite bien mieux, d’autant que des formations, des professionnels et des associations (notamment l’Adbs, l’Association des professionnels de l’information et de la documentation) tentent de valoriser la veille. Or désormais, les résultats des moteurs de recherche sont pollués par des veilleurs qui se réfèrent davantage à des veillées funèbres qu’à la traditionnelle veillée paysanne d’antan, bien décrite d’ailleurs par Noël du Fail (voir l’extrait sur wilkipédia).

La veille est un secteur professionnel qui prend diverses formes depuis la veille informationnelle, la veille technologique ou bien encore la veille économique et commerciale. Mais il ne faut pas oublier des formes plus collaboratives, facilitées par de nouveaux outils de partage de l’information, et portées par des volontés individuelles de se rassembler dans un collectif plus large pour apporter un travail de sélection au plus grand nombre. Parmi ces initiatives, on peut citer dans la sphère des professionnels de l’information et de la documentation et des bibliothèques, le bouillon des bibliobsédés.

La veille est autre chose que de la simple surveillance, elle est même bien différente car il s’agit surtout de veiller sur l’information et les flux qui circulent, mais aussi sur les personnes mais pas nécessairement dans un sens d’espionnage. La veille, c’est aussi veiller les uns sur les autres et donc prendre soin, dans le sens donné par le philosophe Bernard Stiegler pour faire face à l’incurie et à la bêtise particulièrement bien portée par la télévision. Le cathodique ayant succédé d’ailleurs au catholique dans cette entreprise de contrôle des esprits.

Cette prise de soin est une attention qui n’est pas captée par des tiers, mais au contraire utilisée pour s’améliorer soi-même et surtout pour aider et conseiller les autres. Or la démarche des pseudos « veilleurs » représente un dogme inverse. Il s’agit non pas de veiller mais de rechercher à capter l’attention des médias pour continuer à diffuser des propos dénigrants ceux qui sont jugés différents et à qui on cherche par tous les moyens à limiter les droits. Ces « veilleurs » sont des usurpateurs qui nous proposent une veille sans lendemain et qui se tournent vers un passé qui n’existe pas, en détournant textes, auteurs et concepts.

Des veilleurs il en existe et ils sont bien meilleurs que ceux qui tentent de capter l’attention des médias à leur seules fins. Il s’agit ici de défendre leur image et de veiller justement à l’avenir d’étudiants et de professionnels qui ont choisi cette voie.

Il serait donc opportun que les veilleurs de l’ombre et ceux qui veillent au quotidien puissent avoir un relai médiatique au moins équivalent à ceux qui déversent leur propagande nauséabonde chaque jour dans tous les médias.

Du Like au Fake

La quête du plus grand nombre de likes conduit nécessairement à une guerre du faux dans l’agir réputationnel des marques et autres entreprises en quête de visibilité. Un article du guardian décrit justement les stratégies de la quête du like qui conduit à confier à des « fermes de likes » le soin d’augmenter stratégiquement son nombre de likes pour gagner en visibilité. Le journal cite l’exemple d’une page sur la courgette dont les likes sont artificiellement gonflés car une entreprise au Bangladesh vend 15 dollars le millier de likes. Cette stratégie ne concerne pas seulement les likes de Facebook mais aussi les likes sur Youtube. Les « likeurs » sont évidemment très peu payés, ce qui ne peut qu’interroger sur les logiques éthiques à l’œuvre.

Difficile de savoir alors la part de vérité dans cette mascarade du like qui dupe le consommateur et le citoyen.

On avait déjà dit à plusieurs reprises que le like était une dégradation du tag, qui s’inscrit dans la lignée de l’indexation. On évoque aussi dans cet ouvrage cette question du marché des likes. Cette monétisation totale de l’indexation et sa prise de contrôle par un marché qui ne vise que des opportunités peu durables ne peut qu’interroger sur l’avenir de ces pratiques. Car pour 15 dollars les mille likes, c’est bien la force de travail d’employés mal rémunérés que l’on achète. Pour ces mille fakes, qu’obtient-on réellement ? Est-ce une stratégie de visibilité ? Augmente-t-on ses ventes ? Finalement, ne s’agit-il pas d’une sorte de mensonge punissable par la loi ? On se doute que les entreprises s’en moquent. Il suffit de regarder les publicités à la télévision pour comprendre que la vérité ne soucie guère. Au passage, on se demande vraiment à quoi serve les bureaux de vérification de la publicité et autres CSA.

On peut aussi se demander quel est l’intérêt d’obtenir de faux likes, car cela distend le lien avec les vrais consommateurs qui ont effectué ce geste volontairement. Une nouvelle fois, dans cette logique d’affrontement entre le qualitatif et le quantitatif, il y a matière à réflexion. Cette guerre du fake, touche également les artistes qui cherchent à être les plus likés possibles, dans une nouvelle logique de classement de popularité, par crainte d’une désaffection. On sait aussi qu’on oblige à liker pour participer à tout un tas de concours. Le like ne semble donc pas valoir grand-chose au final.

Seulement, ces logiques perpétuent la dégradation de la satisfaction des désirs, réduisent la libido à une expression simple, à la logique de l’arène, pouce en l’air, pouce levé. Ce n’est pas seulement la logique qui présidait au sort des gladiateurs mais aussi celle de nos salles de marché où on vend ou on achète à la moindre crainte ou information, mais où aussi on pratique le fake depuis longtemps en achetant de façon stratégique.

La pénétration incessante dans nos existences de ces logiques calculées mais nullement raisonnables à long terme ne peut qu’inquiéter. Ce n’est donc pas seulement Facebook qu’il faudrait éventuellement réglementer mais des logiques impulsés par un capitalisme financier qui a perdu totalement sa raison d’être. Finalement, cette inflation du like augmente en parallèle de nos dettes ou prétendus dettes. Ce qui est bradé assurément dans cette histoire, c’est la valeur esprit qui est en déficit.

Face à cet index malmené et aux coups de pouce intempestifs, seule une réaction majeure semble requise.

Entrez dans la chrysalide des DH

« — C’est ça la sortie, sans erreur possible, dit-il. Maintenant, cette ville ne peut plus nous garder enfermés dans son emprise. Nous allons être libres, libres comme des oiseaux ! (Il tourna le visage droit vers les cieux, ferma les yeux, offrant son visage à la neige comme à une manne.) Quel temps magnifique ! Le ciel est clair, le vent léger, ajouta l’ombre avec un rire.

Il semblait recouvrer ses forces à vue d’œil, comme s’il s’était enfin débarrassé de lourdes entraves. Il s’approcha de moi sans aide, en traînant légèrement les pieds.

— Je le sens, dit-il. Le monde extérieur se trouve là de l’autre côté de cet étang. Et toi ? As-tu encore peur de plonger dedans ? » Haruki Murakami, La fin des temps,

 

Deux univers en parallèle. Difficile de savoir exactement où se situe la brèche ou la fêlure entre les deux, mais rien n’est plus comme avant. A l’instar du roman 1Q84 de Murakami, il s’est produit quelque chose qui change la donne et perturbe la création. Des formes d’attachements nouvelles relient les protagonistes des digital humanities comme une poignée de main marquante qui ne s’oublie pas, un nouveau contrat digital. En cela, le qualificatif de digital permet aussi de rappeler le contact physique entre de nouveaux objets, de nouveaux liens et des collaborations qui se déroulent autant dans les espaces physiques que virtuelles. Dans le roman de Murakami, il est question d’une chrysalide de l’air. La tentation de tisser la métaphore est ici tentante.

La chrysalide numérique des DH est transformatrice, on en ressort différent. La maturation n’est pas immédiate, elle nécessite une certaine lenteur, un temps intermédiaire avant de passer de l’autre côté. Un nouveau regard s’avère alors nécessaire, les choses prennent une nouvelle ampleur, une autre épaisseur. Dans 1Q84, les personnages principaux voient une seconde lune qui caractérise et symbolise leur nouvel univers. Dans les monades numériques, il y a aussi de nouvelles lunes, certaines sans doute illusoires, d’autres bien réelles et tangibles qui doublent la réalité d’une couche supplémentaire et augmentée. La chrysalide va bientôt avaler l’ensemble de nos espaces traditionnels, notamment les lieux de savoirs et les institutions de « discipline ». Les enjeux sont donc bien ceux d’une libération y compris en dehors de l’objet livre traditionnel qui est devenu sacralisé au point d’en devenir à son corps défendant un objet emprisonnant. Le colloque de Lausanne sur les Humanités délivrées tombe à cet effet à point nommé. Il faut donc sortir du cocon livresque ou du codex pour continuer à tisser de nouvelles pistes comme autant de filagrammes numériques. De nouvelles lectures et de nouvelles écritures comme autant de promesses d’actions futures.

Ne nous méprenons pas, ce qui est en train de changer est surtout un autre regard sur le monde, une nouvelle Weltanschaaung. Là où le naïf verra cet avènement avec les Google Glasses, l’initié usera d’outils circonstanciés pour mieux appréhender la réalité actuelle et ancienne. Deux types d’augmentations vont s’affronter, celle facile de l’augmentation par simple greffe et celle plus raisonnable de l’augmentation de soi et de ses capacités personnelles par une utilisation optimale des techniques appropriées. Les sciences humaines et sociales sont en train de rentrer dans la chrysalide. Espérons que la transformation ira au-delà des seuls domaines institutionnels pour aller sur celui de la société toute entière.

Si vous voulez aussi commencer à mesurer l’ampleur de la métamorphose, l’enquête menée dans le cadre du projet Humanlit peut vous intéresser si vous êtes chercheur ou dans une démarche de recherche.

Alors cette chrysalide sera aussi celle du Thatcamp malouin dans laquelle nous vous invitons à rentrer.


Le logo du Thatcamp et sa petite chrysalide.(vous pouvez y voir toute autre représentation symbolique aussi)