Pour en finir avec le learning center E03 : la culture de l’information mérite mieux que ça

Le learning center ne peut constituer un instrument satisfaisant pour développer une culture de l’information. Je voudrais revenir aujourd’hui sur les enjeux internationaux autour de l’information literacy. Ce territoire de la formation à l’information présente différentes visions même si le dogme dominant est états-unien.
Toutefois, d’autres voies existent notamment européennes :
Il y a notamment celles des britanniques autour de Sheila Webber.
Il y a la voie française quelque peu liée à la voie pionnière québécoise de Paulette Bernhard.
Sinon, les australiens travaillent depuis longtemps sur les transferts de compétences au niveau du marché du travail.
Thomas Hapke, bibliothécaire allemand et spécialiste des compétences informationnelles, présente d’ailleurs ces différentes approches en prenant position pour une culture de l’information (InformationsKultur) un peu dans la lignée française.

Alors évidemment, ça devient assez drôle quand on voit que les partisans de learning center dans les collèges et les lycées prétendent s’inspirer de l’International. C’est d’ailleurs symptomatique dans le fait qu’au niveau international, la recherche française a pris de l’avance notamment dans la liaison culture de l’information et didactique de l’information, ce qui m’a d’ailleurs été clairement dit par les collègues canadiens lors d’une intervention à l’EBSI il y a un an.
Même la situation française avec des CDI (qui n’ont pas attendu les learning centers et les discours quasi sarkozyste de prétendu retard en la matière) et surtout un corps dédié reconnu dans sa capacité à enseigner (capes) constitue une exception qui est une avancée. Prétendre que vouloir un meilleur enseignement n’est qu’une revendication syndicale est un comble.

La culture de l’information mérite mieux qu’un pacifi ou des learning centers.
L’Adbs a choisi de ne pas signer le manifeste Fadben (en fait elle a choisi ne pas choisir puisqu’une bonne partie du conseil d’administration n’a pas souhaité se prononcer, les pour et les contres faisant match nul) Enfin, il y a des élections prochainement à l’ADBS, espérons que le changement ce sera maintenant.
Je finis avec un peu d’autopromotion avec la vidéo de deux heures de mon intervention au CDDP de gironde à mettre en liaison avec ma série sur les leçons de la culture de l’information et notamment le dernier épisode où se trouve le support de l’intervention.
Le lien de la vidéo : http://crdp.ac-bordeaux.fr/conferences/showvideo.asp?id=114
Merci à la collègue qui a réalisé le pearltree de la série sur la culture de l’information
La culture de l’information par Olivier Le Deuff dans Professeur documentaliste / (docnicha)

Pour en finir avec le Learning Center E02 : Vive la documentation libre !

A l’heure où la funeste Dgesco vide ses poubelles (dernier texte en date : l’évaluation des enseignants), le fameux vademecum sur le Learning Center repaptisé 3C est en préparation. Il devrait être transmis aux inspecteurs (IPR) rapidemment. On note au passage le processus très top-down quand les mêmes vont nous parler de nouveaux usages et de pratiques ascendantes innovantes… la bonne blague. Ce vademecum issue d’une réflexion ni scientifique, ni pédagogique et encore moins démocratique marque la volonté de quelques uns d’imposer leur manière de voir et de faire. On notera pour l’occasion que la proximité politique de cette stratégie du learning center n’est même plus dissimulée. Si on pouvait avoir encore un doute, il n’y en a plus : le learning center appartient à cette lignée du sarkozysme éducatif mené par Luc Chatel et Jean-Marie Blanquer …et ceux qui auront appliqué avec Zèle cette politique dans un jusqu’auboutisme consternant ou dans l’espoir d’un revirement politique qui leur serait favorable aux législatives.
La propagande a apparemment encore continué durant le séminaire national sur les ressources numériques. Les tweets ayant même fait état d’une prospective peu réjouissante avec évidemment le discours facile de l’autodidaxie qui pourrait évidemment s’exprimer dans le learning center. Il faut rappeler quand même que les décideurs de cette politique n’ont jamais exercé dans un CDI… ce qui rappelle à nouveau l’inconvénient d’avoir une inspection non spécifique.
Il a encore été souligné durant la partie « prospective » que les professeurs-documentalistes comme les bibliothécaires n’ont pas à se soucier d’appropriation car les documentalistes ne sont pas « professeurs de discipline ». Toujours ce même discours qui fait de la documentation, une forme annexe, un élément vassalisé et au service de. C’est vrai que ça a de quoi faire fantasmer les hommes de pouvoir que de pouvoir vassaliser une discipline.
Sans doute, la documentation n’est pas une discipline comme une autre puisqu’elle reste attachée à des formes physiques, des lieux et des ressources et que le CDI s’est développé sur le terreau de pédagogies alternatives. Soit. Mais la documentation n’a eu de cesse d’évoluer notamment avec le numérique. Et les résultats montrent bien que la formation sur le terrain demeure encore insuffisante et que les travaux pour rationaliser la formation et les efforts réalisés par les acteurs du terrain mériteraient davantage d’encouragement. On pense évidemment aux perspectives ouvertes par la didactique de l’information (voir également le blog des trois couronnes) qui rejoint pleinement le développement d’une réelle culture de l’information ainsi que la participation à une culture numérique diverse qui soit aussi bien technique que réfléchie.
Le lieu n’est pas de redire ici ce qui a déjà été écrit et c’est que j’ai avancé dans ma thèse (ou encore dans mon livre) comme bien d’autres collègues dans d’autres travaux et acteurs de terrain. Il existe des savoirs, des notions, des méthodes propres à la documentation. Le learning Center cherche à les dissimuler pour mieux les enfermer et les contrôler tout comme le pacifi n’était au final qu’un instrument d’éparpillement des forces.
La documentation ne doit pas céder et se voir affublée de nouveaux fers à ses pieds.
Vive la culture de l’information ! Vive la documentation libre !

Pour en finir avec Le Learning center E01: l’intrusion administrative dans la pédagogie pour casser les disciplines au profit d’une autre logique disciplinaire

Voici donc la nouvelle série de l’année. J’espère qu’il n’y aura qu’une saison d’ailleurs.
La liberté pédagogique tant clamée n’est qu’un leurre. On proclame d’un côté, et de l’autre on tente d’avancer la casse disciplinaire qui consiste à nier les travaux disciplinaires et notamment didactiques. De plus en plus, les administratifs de l’Education Nationale se mêlent de pédagogie avec comme logique idéologique celle de la DGESCO qui sous couvert d’innovation dézingue petit à petit l’Education Nationale. Le cas de l’information-documentation est symptomatique car elle présente le défaut d’être sous la coupe de la « vie scolaire » au même titre que les CPE et les directeurs d’établissements. Bref, le professeur-documentaliste subit plus qu’autre chose les évolutions administratives et les injonctions qu’on lui demande.
Le rapport Fourgous qui sous couvert d’un discours pro-numérique n’est en fait qu’un instrument de destruction massive de l’EN, enterre les CDI, ces trucs d’un autre âge avec des livres dedans (je caricature à peine) au profit d’un truc clinquant super bien : le Learning Center. Évidemment, on tente de trouver un autre nom pour faire « plus mieux », mais bon, personne n’est dupe.
Bien sûr, tout cela s’est décidé en haut entre ceux qui s’y connaissent tellement en pédagogie qu’ils n’ont plus enseigné depuis un grand nombre d’années. Personne n’a été contacté parmi les professeurs-documentalistes car ils ne sont pas dignes des débats. Ils doivent obéir et surtout s’adapter. Mais la vérité est ailleurs et plus glauque : on transforme le CDI en Learning Center pour mieux placer ce lieu sous la coupe de la vie scolaire et donc changer peu à peu les missions à réaliser en son sein. On commence par les CPE et les professeurs-documentalistes qu’on va placer dans le Learning Center… puis le vieux rêve pourra se poursuivre… On donnera plus de pouvoirs aux chefs d’établissements « patrons » qui étendront leurs pouvoirs sur toutes les disciplines. Car les disciplines sont devenues le mal absolu.
Sur ce sujet, il y a une confusion entre les possibilités transdisciplinaires, multidisciplinaires et interdisciplinaires. Il y a surtout l’envie de tout fusionner dans un fatras sans nom dans le modèle B2I où on valide sans enseigner (le socle commun subit la même logique). Enseigner quelle idée ! Surtout quand on peut transmettre avec la machine via des programmes payés par l’Etat pour favoriser les ressources privées des copains. On notera quand même que les projets type IDD et TPE qui favorisaient l’interdisciplinarité voire la transdisciplinarité avec un professeur-documentaliste impliqué n’ont pas été réellement développés et bien au contraire peu soutenus.
La multidisciplinarité et la transdisciplinarité permettent d’envisager des travaux communs sans pour autant qu’un concept, une notion ou une méthode soit strictement équivalente entre les disciplines. Le but est au contraire de travailler à la fois sur les convergences et les divergences. C’est d’ailleurs l’objectif de la translittératie et son orientation française actuelle Limin-R qui cherche à distinguer similitudes et différences entre l’information-documentation, l’éducation aux médias et l’informatique. Un projet qui n’intéresse pas l’inspection générale qui préfère se voir en grand bâtisseur… mais qui ne se privera pas de réutiliser les concepts pour mieux les dévoyer.
Depuis des années sont niés les travaux didactiques en information-documentation au profit d’une logique qui est celle d’utiliser le CDI rénové comme faire-valoir et instrument de de valorisation des principaux, proviseurs et inspecteurs généraux. Au final, la transmission est inefficace. Au passage, quand tira-t-on les conséquences de l’échec du B2I à conférer une véritable culture numérique ?!
Mais non, on veut encore aller plus loin et rentrer dans la logique disciplinaire du contrôle des corps et des esprits et même des corps intermédiaires au sein du Learning center ou du merveilleux 3C (Contrôle, Catalepsie et Cacahuètes).
Au 3C, opposons les 3 R d’Alexandre Serres : (Réalisation, Réflexion et Résistance).
Prochain épisode : Vive la documentation libre…

La convergence médiatique : la culture de l’information sur la piste de la translittératie

Avec un peu de retard, je mets en ligne le support de mon intervention lors du dernier congrès Fadben.
A lire en silence… pour mieux se l’ouvrir après.

La C.I en sept leçons E07 (épisode final) : La culture de l’information repose sur le contrôle de soi et la prise de soin (de l’autre)

Fin de série. Voici le dernier épisode de la série.

l’épisode 1 est ici, le second est là , le troisième ici , le quatrième puis le cinquième et le sixième.
La culture de l’information repose sur des hypomnemata qui présentent un caractère double. La formation aux objets techniques notamment numériques constitue une piste intéressante afin de montrer aux élèves les possibilités pédagogiques et les potentialités de construction. Les blogs peuvent ainsi constituer de possibles supports d’apprentissage et des réponses aux usages domestiques qui sont souvent ludiques voire mimétiques et basés sur le besoin d’affirmation.
Le besoin d’information demeure souvent inconscient et la priorité notamment des jeunes générations se situe ailleurs dans des démarches de reconnaissance et d’inscription au sein de groupes. Les natifs du numérique n’existent pas et il ne s’agit donc pas de montrer les jeunes générations comme des experts du web 2.0.
Ce genre de description nous fait demeurer dans une vison tantôt technophile, tantôt technophobe. La question est certes celle du contrôle, mais pas celle de savoir qui de la machine ou de l’homme domine l’autre. Cette querelle ne fait qu’aboutir au final à un oubli : celui du contrôle de soi.
Un contrôle de soi qui s’opère par la skholé, cette capacité à s’arrêter, à prendre le temps de l’analyse et de la réflexion, cette distance critique sans laquelle il ne peut y avoir de culture de l’information. C’est durant ce temps d’arrêt que peut s’exercer l’esprit critique. Malheureusement, nous avons constaté fréquemment que cette opération est court-circuitée, ce qui entraine très souvent des négligences, concept que nous avons créé pour désigner l’ensemble des activités de mauvaises lectures et de non-lectures. Leurs conséquences pourraient être de plus en plus graves, tant ces négligences concernent de plus en plus non seulement des activités de recherche d’information mais également l’émission de données en ligne. Parmi ces conséquences, figurent notamment la cyberintimidation et la circulation de rumeurs visant à la dégradation de la réputation.
Ce contrôle de soi, passe par l’attention, la capacité à se concentrer durablement sur un objet. Une attention qui permet également l’état de veille, à la fois en permettant la sérendipité mais aussi en portant l’attention sur l’autre. Le contrôle de soi implique la prise de soin individuelle et collective. La culture de l’information ne s’inscrit pas dans une logique de surveillance et de concurrence exacerbée, telle que peut l’être parfois l’intelligence économique. Il s’agit davantage de veille dans une logique disciplinaire qui ne repose pas sur le contrôle des uns par les autres. La culture de l’information vise à la constitution de milieux associés mêlant hypomnemata numériques ou analogiques et collectifs d’humains. Dans ce cadre peut s’opérer l’individuation, qui correspond notamment à l’inscription de l’individu dans un collectif qui lui permet à la fois de se valoriser personnellement (individuation) et de participer au travail commun.
 
Je joints à cet épisode, le support de mes communications en mars 2012 au CDDP de Gironde…en attendant la version filmée.
Prochaine série… sans doute sur le Learning Center….
 

 
 
 

Intervention humanités numériques et littératies. Journées d’études humanités digitales. 3&4 avril 2012 à Bordeaux

Mon intervention de mercredi dernier ayant été quelque peu écourtée aux journées d’études digitales de Bordeaux, voici le support de l’intervention.
J’introduis ce document d’un passage de réflexion qui est celui de mon article en préparation sur le sujet.
Le passage au numérique semble procéder d’une déshumanisation via un transfert dans la machine voire à une fusion un peu étrange dans un technohumanisme en train de s’effectuer (Balsamo, 2006, Davidson). Sans pour autant s’arrêter à ce désaccord de façade, il convient plutôt de s’interroger sur le fait que les humanités ainsi posées servent parfois d’alibi à des recherches et des politiques qui sont surtout des opérations automatisées et qui servent surtout à des quantifications. Est-ce que le rapprochement entre la science informatique (computer science) et les humanités ne se fait pas au détriment de cette dernière ? Ne faut-il pas craindre un choc des cultures ? En premier lieu, la culture littéraire fortement présente dans les sciences humaines et sociales peut constituer un frein dans la mesure où les aspects numériques présentent le risque d’une intégration forcée, adaptée et non adoptée par les chercheurs.
Il convient de s’interroger aussi sur le fait que l’évolution du terme de « litterary and linguistics computing », « humanities computing »)à digital humanities marque un réel changement ou le passage à une autre influence idéologique. Dans les deux cas, la question est celle de savoir si dans cette juxtaposition, ne se cache pas des oppositions fortes voire une tentative de domination entre des domaines fortement éloignés initialement.
 

Pourquoi il faut que l’ADBS signe le manifeste fadben (et vous aussi en tant qu’individu ou association)

Un débat agite actuellement les administrateurs de l’Adbs autour du manifeste Fadben. Une discussion se produit sur linkedin sur l’opportunité ou non de signer au nom de l’Association  ce manifeste. Ce manifeste s’inscrit dans une lignée similaire à celle de l’article d’Olivier Ertzscheid. Evidemment, je souhaite ardemment cette signature.
Selon moi, ce soutien s’inscrirait dans la lignée qui a poussé l’Adbs a être longtemps porteuse des premiers débats autour de la culture de l’information et de la nécessité de veiller à sa diffusion la plus large possible en dehors des sphères documentaires.
Une des critiques du débat sur linkedin provient du fait que la revendication de la Fadben serait corporatiste puisqu’elle constituerait une volonté de créer une nouvelle discipline à l’heure où il serait plutôt opportun de créer  du transdisciplinaire ou tout au moins de l’interdisciplinaire. L’accusation de corporatisme ne tient pas.  D’une part,  car le manifeste ne consiste pas à décrire la culture de l’information comme un territoire réservé aux seuls professeurs-documentalistes, d’autre part cette critique ne repose que sur des a priori négatifs sur l’enseignement et les processus de transmission qui ont conduit au développement des disciplines.  Ce ne sont pas les disciplines qui posent problème,  ce sont les cloisonnements qui s’opèrent du fait que le système scolaire accroit la césure avec des méthodes « disciplinaires » dans le sens foucaldien. En clair, les élèves segmentent très vite ce qu’ils apprennent du fait des effets d’emploi du temps et ne cherchent pas à réinvestir ce qu’ils ont appris dans une matière dans une autre.  Il est vrai que certains enseignants rencontrent des difficultés à tisser des ponts. Toutefois, la mise à mal des dispositifs transversaux,  peu encouragés par la politique actuelle, n’a pas facilité la tâche.  On rappellera donc que les professeurs-documentalistes sont déjà depuis longtemps des acteurs clefs de l’interdisciplinarité.  La critique corporatiste doit être écartée.
L’autre critique est celle que la culture de l’information se situe à une forme de méta-niveau et que par conséquent elle se retrouve partout.  C’est vrai… comme ça l’est pour les autres disciplines.  Cet argument ne tient donc pas très longtemps d’autant qu’il est souvent lié à celui du discours de l’importance. Tout le monde reconnait l’importance de la culture de l’information et note l’exigence de former à cette question.  Pourtant rien n’est fait réellement pour cette transmission. De ce fait, on ignore ou on feint d’ignorer les spécificités de la culture de l’information.
Autre aspect important : la donne a considérablement changé depuis la fin des années 80 et le début des travaux de l’adbs autour de la culture de l’information.  On sort du seul paradigme bibliothéconomique de la recherche d’information et des modèles procéduraux.
D’autre part, plusieurs travaux ont montré que cette situation de bricolage est inefficace.  Même les séances faites avec d’autres collègues de disciplines s’avèrent problématiques. Les concepts et compétences documentaires, informationnelles ou médiatiques passent sans cesse après les autres concepts disciplinaires si bien que la transmission ne se fait pas. Je ne parle même pas du fait qu’il n’est pas toujours aisé de mettre en place des séances et des projets ambitieux dans le domaine faute de temps et de moyens dédiés. La formation dépend clairement dès lors des enseignants volontaires et impliqués et notamment des professeurs-documentalistes. Si la culture de l’information n’appartient pas aux professeurs-documentalistes, ils sont toutefois les mieux placés pour la mettre en place.
Le manifeste a été signé par les principaux chercheurs en science de l’information, ce qui place ce texte sous le sceau d’une réelle expertise pour le coup.  Ce n’est pas un petit détail il me semble. Cela démontre d’une part qu’il existe des concepts et des savoirs scientifiques existants qui peuvent être scolarisés et didactisés. J’ai déjà dit que la didactique de l’information constituait un élément important dans la mise en œuvre de cette culture de l’information.  Sa non reconnaissance par l’institution est assez logique puisque les professeurs-documentalistes sont régis par la vie scolaire qui concerne également les principaux, proviseurs et cpe. Autant dire de manière triviale, que les professeurs-documentalistes sont régis et inspectés par des personnes bien souvent moins compétentes qu’eux dans ces domaines.  Autant dire aussi, que l’urgence est la sortie de la culture de l’information et des professeurs-documentalistes de l’égide  de plus en plus néfaste de la vie scolaire. La documentation et la culture de l’information ne peuvent plus demeurer dans cette forme de vassalisation.
Un pour tous = tous pour un.
Pour revenir à la critique d’une nouvelle discipline, il faut signaler que la recherche en liaison avec le terrain poursuit le cheminement didactique dans une optique de translittératie. L’objectif étant à terme de profiter du constat de la convergence numérique pour mettre en place une convergence de formation mêlant les forces de l’éducation aux médias, de l’éducation à l’information et de l’éducation à l’informatique pour transmettre ce qui pourrait se voir comme une forme de culture  numérique.  Cela ne signifie pas que les trois fusionnent mais qu’elles peuvent opérer en cohérence.
Pour l’instant, le ministère préfère persévérer dans sa vision « disciplinaire » dans son sens  négatif avec le développement des learning centers. L’appellation ne plaisant pas, la dernière tentative est de changer leur nom en 3C soit centre de connaissances et de culture  .  Une véritable politique commerciale en quelque sorte mais la ficelle est un peu grosse d’autant que les 3 C font penser au surnom des LC  « Computers, comfort and cappuccinos » ce qui ne fait pas très sérieux, je vous l’accorde. Bref, le développement d’une réelle culture de l’information passe par d’autres biais que celle des stratégies administratives de ces dernières années.
Les enjeux sont clairement d’importance. Ne pas signer pour une association telle que l’Adbs contribuerait à cautionner  une politique désastreuse et sans vision.  L’association se cherche un nouveau souffle, un nouvel état d’esprit.  Voilà sans doute l’occasion de démontrer qu’elle sait se saisir de telles opportunités.
Je n’ose imaginer que ce soit un rendez-vous manqué.
 
 

La C.I en 7 leçons. E06 La culture de l’information est une culture technique

Le printemps arrive.  Il est temps d’achever notre série sur la culture de l’information. Voici l’épisode 6. Le sujet n’est pas nouveau tant je l’ai plusieurs fois évoqué notamment sur le blog. Un épisode somme toute logique et qui arrive à point avant l’épisode final.
Pour rappel, l’épisode 1 est ici, le second est là , le troisième ici , le quatrième puis le cinquième.
Nos recherches ont placé de manière centrale la question technique au sein de l’examen de la culture de l’information. Deux raisons principales peuvent être évoquées.
– La première raison provient du fait que la formation à l’information tend à se confondre fréquemment à la formation à des techniques ou plutôt à l’usage de dispositifs techniques comme les bases de données et les moteurs de recherche. Dans le même temps, l’expression « société de l’information » opère en privilégiant la mise en place d’infrastructures et de matériels, certes nécessaires, mais qui reposent sur une stratégie économique visant à accroitre le nombre de consommateurs.
– La seconde vient de la désignation de jeunes générations comme vivant dans un milieu numérique, « peuplé » d’objets techniques communicationnels.
Il en résulte deux oublis paradoxaux, voire deux impensés. Le premier, était celui de l’information, non définie ou plutôt vue comme une matière étrangement informe, aboutissant de fait à un paradoxe étymologique. La seconde omission était celle de la technique sans cesse présente, tantôt louée, tantôt montrée du doigt, et pourtant non réellement pensée.
Les travaux de Bernard Stiegler sont venus éclairer ceux de Simondon en ce qui concerne cette prise en compte de la technique. Simondon préconise l’acquisition d’une culture technique qui ne repose pas sur un simple usage.
La culture technique repose sur un état de majorité face à la technique, c’est-à-dire la capacité à comprendre la machine et éventuellement à pouvoir la modifier. Elle repose sur une logique de transmission qui permet d’hériter des avancées du passé.
La culture de l’information est une culture technique de par son héritage documentaire qui recouvre à la fois les techniques de la documentation mais également tous les systèmes de gestion des traces, métadonnées, index et autres systèmes pour se repérer.
Elle est une culture technique car elle repose sur une relation non de simple usage mais de majorité via des techniques, qui permettent à l’individu d’apprendre, de comprendre mais aussi de produire. Ces techniques sont en premier lieu celles de l’écriture et de la lecture, qui ne disparaissent pas pour autant dans les environnements numériques.
Elle est en somme bien plus une « culture numérique lettrée » qu’une culture littéraire :
Car ces nouvelles techniques et ces nouveaux supports doivent être considérés par l’école comme de nouveaux instruments du savoir et du sentir, un nouveau milieu de connaissance et de création, à comprendre, à promouvoir et à transmettre, et qui vient non pas se substituer mais s’ajouter et même s’articuler, quoiqu’encore difficilement, à la culture proprement livresque. [1]
Ces nouvelles techniques, qui ne se substituent nullement aux anciennes, sont plutôt de nouvelles combinaisons. Ce sont des hypomnemata.
D’ailleurs, la culture de l’information est probablement et avant tout une culture des hypomnemata. L’expression rend d’ailleurs mieux compte à la fois de la convergence médiatique actuelle et des origines de la technique au sein de la pensée. Il va de soi que cette expression demeure totalement incompréhensible en dehors d’un public de spécialistes. Toutefois, parler de culture des hypomnemata, c’est aborder la relation entre l’homme et la technique et poser la question de la construction des savoirs et de la mémoire. Les hypomnemata sont les instruments de la construction de soi et de pratiques qui diffèrent de celles d’un simple usager :
De telles pratiques, qui n’ont rien à voir avec un « usage » de l’écriture, cultivent une différence : celle qu’il convient de faire, de produire et de prouver.[2]
Cette différence réside plus particulièrement dans le contrôle de soi. (en attendant le dernier épisode)



[1] Julien GAUTIER. « Vers une culture numérique lettrée. » in Médiadoc.n°2/2009 Fadben . p30-35. p.32
[2] Bernard STIEGLER. Constituer l’Europe. T. 1. Dans un monde sans vergogne. Paris. Galilée, 2005, p.85

Humanités numériques : un concept en définition

Les humanités numériques sont une des tendances fortes du moment. Il reste qu’elles constituent encore un territoire parfois obscur qui ressemble nettement à une forme d’auberge espagnole puisque chacun semble pouvoir y projeter ses propres désirs  voire ses propres fantasmes scientifiques. Je ne pense pas y faire exception moi-même.
Parfois, je me demande si ce terme ne correspond pas à un prolongement de l’effet web 2.0 mais dans la recherche. Cette dernière reprenant toutefois le contrôle en étant à nouveau le public prioritaire dans la recherche et le traitement de l’information.  L’intégration des fonctionnalités sociales du web 2.0 s’avérant intéressantes mais insuffisantes, les humanités numériques refondent les intérêts pour de nouvelles formes de données peu exploitées ou sous-exploitées jusque-là.
Cependant, si le concept est à la mode, les réflexions sur ces réels enjeux et implications sont encore en balbutiement tant c’est clairement la vision de l’outil qui domine au détriment des autres aspects. Ce que démontrait déjà à juste titre René Audet qui plaidait pour une meilleure prise en compte de la culture dans les débats et projets :
« Autant dans l’étude des productions culturelles que dans les propos sur la diffusion du savoir, la technologie tend à obnubiler les commentateurs. Les possibilités techniques, les technologies retenues accaparent le discours. Du côté des productions littéraires, ce sont les notions d’interactivité, de ludicité, d’hyperlien et de réseau qui prédominent, comme si l’écriture, au premier niveau, ne pouvait pas être profondément bouleversée par le contexte numérique. La diffusion du savoir, pour sa part, navigue entre les protocoles (OPDS, OAI, Onyx) et les formats (epub3, mobi, PDF/A) ; les questions de fond et d’écriture rencontrent une fin de non-recevoir.
Ce sont évidemment des éléments nécessaires au moment du développement de nouveaux usages. Mais ils absorbent la totalité des espaces de discussion et des occasions (scientifiques, financières, expérimentales). »
En effet, le besoin premier semble tourner autour de la production d’outils, voire de formats utiles aux chercheurs sans d’ailleurs que ne soient réellement interrogés les usages potentiels. On reste dans une logique de la mise à disposition de l’outil en escomptant sur des usages et pratiques en émergence.
Soit, mais c’est pourtant, ce qui tourne autour des savoirs, c’est-à-dire la conscience, (cum-scio) qu’il faut pleinement interroger surtout lorsqu’on évoque les humanités et l’humanisme. Une nouvelle fois, la question technique est posée. Science sans conscience… Mais cette conscience désormais repose surtout sur la conscience de la conscience, c’est-à-dire de cet arsenal d’outils et de méthodes qui permet la production scientifique et sa diffusion.
Les humanités numériques ne peuvent et ne doivent s’affranchir de cette réflexion sur cette évolution environnementale qui fait que le chercheur se constitue progressivement son Memex personnel, sa tool-box qui lui offre les moyens de traiter l’information et les données et de pouvoir s’inscrire dans une démarche de production à son tour.
Et il faut bien considérer que nous sommes face à des disparités colossales qui font que la césure entre sciences humaines et sociales et les sciences dures n’ont plus grand sens. Avec Gabriel Gallezot, nous avions posé la question de l’émergence de chercheurs 2.0. Je crois en effet désormais que la césure se constitue entre ceux qui disposent des moyens et méthodes pour utiliser cet arsenal d’outils et ceux qui s’en sont écartés, jugeant la technique néfaste ou non noble et faisant le choix de la délégation.
Je ne reviendrai pas sur le fait que de se placer en délégation face à la technique constitue une position minoritaire face à la technique comme le décrivait Simondon. Il me semble qu’il n’est guère soutenable qu’un chercheur soit dans une telle position actuellement.
C’est ici qu’il me semble que les aspects définitoires des humanités numériques prennent tout leur intérêt. En effet, la définition porte non pas sur ce champ précis mais bien sur les définitions mêmes de ce que constitue la recherche actuellement et donc de l’identité même du chercheur.
Pour rappel, le manifeste du That camp proposait les définitions suivantes :
1. Le tournant numérique pris par la société modifie et interroge les conditions de production et de diffusion des savoirs.
2. Pour nous, les digital humanities concernent l’ensemble des Sciences humaines et sociales, des Arts et des Lettres. Les digital humanities ne font pas table rase du passé. Elles s’appuient, au contraire, sur l’ensemble des paradigmes, savoir-faire et connaissances propres à ces disciplines, tout en mobilisant les outils et les perspectives singulières du champ du numérique.
3. Les digital humanities désignent une transdiscipline, porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liés au numérique dans le domaine des Sciences humaines et sociales.
L’idée d’une transdiscipline pose nettement une question que je connais bien au niveau des littératies. Celle d’une translittératie, c’est-à-dire des compétences (en tant que savoirs+ savoir- faire) qu’il faut mobiliser au sein des divers environnements de travail notamment de plus en plus numérique.
Il reste à comprendre de quelle transdiscipline il s’agit. S’agit-il d’une discipline de type propédeutique pour les chercheurs ? Dans ce cas, elle pose la question des territoires communs et celles des concepts, méthodes et familles d’outils qui mériteraient une formation.

On le sait, bien souvent, il est reproché aux chercheurs et plus particulièrement aux sciences humaines d’être peu utiles voire peu efficaces en dehors de leurs champs disciplinaires. Il est vrai que les apparatchiks de certaines disciplines, y compris en SIC, n’ont pas aidé à travailler sur le trans. Ce reproche se retrouve porté à nouveau à l’égard des humanités numériques ce que rappelle bien Hubert Guillaud (voir encore ici).

Les humanités numériques pourraient alors constituer un élément d’ingénierie qui pourrait s’inscrire dans les cursus doctoraux. Un travail pourrait s’opérer notamment dans ce cadre avec les URFIST.  Mais l’objectif pour le chercheur, ce serait bien l’inscription dans une communauté de pratiques (comme le rappelle à juste titre Nicolas Thély) qui permette au chercheur de développer lui-même son propre environnement personnel de travail.
Mais tout cela n’est pas sans conséquences sur le métier de chercheur et l’environnement universitaire qu’il nécessite.
La question de l’utilité n’est pas seulement celle de l’accès à de nouvelles données rendues plus ou moins compréhensibles par le biais de bases de données ou de visualisations.
C’est là que la conscience et de la conscience, telle que nous l’avons définie précédemment prend son importance. C’est l’occasion non pas de se placer sur le terrain d’un pragmatisme peu clair (d’où l’étrange tendance à produire des formes de libéral-stalinisme dans le monde universitaire) mais bien de replacer les sciences et en l’occurrence les sciences humaines et sociales dans la société en démontrant non pas seulement sa capacité à observer et penser le monde tel qu’il se fait, mais à l’améliorer et le faire changer.
Oui aux humanités numériques si elles sont forces de changement. Non, si elles ne constituent que des moyens de dissimuler un renoncement qui sous le voile scientifique permet de se réfugier derrière une neutralité de façade.  Aucune neutralité n’est possible dans un environnement et une société qui ne l’est pas.
Certains diront que ce n’est pas le rôle du chercheur mais celui de l’intellectuel. Pour ma part, j’ai du mal à m’imaginer chercheur sans ce volet intellectuel.
Sapere Aude !
 
 
 
 
 

Hé M’sieur, ils vont rien faire que copier !

Et oui, c’est l’évènement ! La copy party va avoir lieu très bientôt en France, en exclusivité intergalactique ! Elle se déroule certes dans une ville qu’il ne vaut mieux pas copier, mais vous y retrouverez pleins de copains copieurs.  Le menu de la BU promet d’être copieux également. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il n’y aura pas JF. Coppé qui a piscine, ni ses potes d’ailleurs qui préfèrent les enveloppes. Je devine que l’ambiance sera licencieuse (mais surtout creative commons bien sûr) tant il est vrai que « c’est grâce à la copie qu’on forme ! »
A défaut d’être présent, n’hésitez pas à copier le texte suivant. En effet, tout est dit dans le communiqué de presse suivant :
QU’EST-CE QU’UNE COPY-PARTY ? Un évènement permettant aux usagers équipés de scanners, de téléphones ou d’ordinateurs portables de les amener et de copier des livres, cd, ou dvd en provenance des collections des bibliothèques !
A QUELLES CONDITIONS PEUT-ON PARTICIPER A UNE COPY-PARTY ?
●    Ces copies doivent être réservées pour votre usage personnel
●    Chaque personne doit faire ses propres copies avec son propre matériel de reproduction (appareil photo, téléphone portable, etc.)
●    Elles doivent être réalisées à partir des documents originaux consultés dans une bibliothèque
●    L’acte de copie ne doit pas briser une mesure de protection technique (DRM)
QUEL EST L’OBJECTIF D’UNE COPY-PARTY ? Au travers d’une action symbolique, militante et festive, il s’agit :
●    de sensibiliser les usagers à la législation sur le droit d’auteur et la copie privée ainsi qu’aux problématiques du partage des oeuvres aujourd”hui
●    d’attirer l’attention sur l’intérêt et le rôle des bibliothèques dans la diffusion, le partage et l’accès aux connaissances au XXI ème siècle.
●    de questionner les acteurs politiques nationaux et locaux sur l’essor des politiques de criminalisation des pratiques numériques et sur l’urgence de maintenir une libre circulation des savoirs dans le cadre d’une offre légale.
DE QUOI A-T-ON BESOIN POUR PARTICIPER ?
D’un peu de matériel. Au choix, un smartphone équipé d’un appareil photo et ou d’une application permettant de scanner des documents, et/ou un ordinateur portable avec un scanner, et/ou un appareil photo numérique, de quelques DVD vierges si vous souhaitez copier des DVD.
Et d’un peu d’engagement : à votre arrivée, vous devrez signer un document par lequel vous vous engagez à ne réutiliser le produit de cette copy-party qu’en conformité avec le code de la propriété intellectuelle, dans le cadre d’un usage strictement personnel.
QUEL EST LE CADRE JURIDIQUE D’UNE COPY PARTY ? 100% légal :-)

●    Les contrats conclus entre les bibliothèques et les ayants-droits des oeuvres, pour pouvoir les mettre à disposition des usagers dans les rayonnages
●    L’exception de représentation dans le cercle de famille prévue par l’alinéa 1 de l’article L  122-5 du CPI (Code de la propriété intellectuelle / CPI)
●    La nouvelle rédaction de l’alinéa 2 du même article 122-5 du CPI sur l’exception de copie privée
●    Le règlement intérieur de la bibliothèque
C’EST QUAND LA 1ère COPY PARTY ?  Le 7 Mars 2012. A 18h. A la bibliothèque universitaire de La Roche sur Yon (85). Une première mondiale. Tout simplement.
CONTACTS PRESSE.

  • Baptiste Sorin. baptiste.sorin@univ-nantes.fr 02 51 45 93 75 / 06 71 94 00 01
  • Olivier Ertzscheid – olivier.ertzscheid@gmail.com ou olivier.ertzscheid@univ-nantes.fr – 06 12 50 60 07
  • Lionel Maurel – calimaq@gmail.com
  • Silvère Mercier – bibliobsession@gmail.com

Baptiste Sorin est Chargé de communication du Pôle universitaire Yonnais.// Olivier Ertzscheid est Maître de conférences à l’université de Nantes //.Lionel Maurel est juriste et Conservateur des bibliothèques, en poste à la Bibliothèque Nationale de France.// Silvère Mercier est bibliothécaire. Chargé de la médiation numérique à la BPI.
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