Cartographie et enjeux géopolitiques

La cartographie du cyberespace et les enjeux géopolitiques.

« Marcher et se perdre, marcher encore, sans se repérer ni s’orienter : vous traversez l’espace, vous traversez le temps. Vous parvenez en utopie, nulle part, ailleurs et autrefois. L’errance, propédeutique aux savoirs interdits, épreuve qualifiante pour l’initiation ultime, parcours qui prend du temps et qui dessine sur le soi d’étranges arabesques, itinéraire indispensable pour sortir de toutes les cartes du monde et parvenir en ce lieu qui, de toute façon, vous serez le seul à connaître. »

H.P Lovecraft. Lui.

La cybergéographie s’accompagne de son essentielle compagne : la cartographie. Le nouveau monde du cyberespace réclame ses cartographes comme à l’époque des grands découvreurs et navigateurs. Il est d’ailleurs remarquable de noter que le vocabulaire fréquemment employé dans le cyberespace emprunte au lexique de la navigation : nous utilisons un navigateur, un explorateur de fichier, le logiciel de Netscape affiche comme image un gouvernail, etc. Le gouvernail dont on retrouve la trace dans le mot cyberespace, cyber implique la commande, le pouvoir. Cette notion de pouvoir se retrouve dans la cartographie qui a pour but de délimiter, de pouvoir contrôler un territoire en le réduisant sur un espace manipulable. La cartographie ne peut être neutre, nous le savons par les choix de projection ou de placement au centre de certains territoires. Nous pensons qu’il en est de même pour les cartographies du cyberespace. Les propos de Jean Loup Rivière exprime parfaitement les rapports qui existent entre la carte, le corps et la mesure1 :

« Le tout premier geste d’organisation du territoire est la mesure, et c’est le corps appliqué à l’espace qui commence à compter : le pouce, le pas, la coudée, l’aune…L’analogie entre le corps et le territoire ne se soutient pas que dans la mesure : habiter, c’est comprendre (prendre avec soin) l’espace périphérique et la carte peut toujours apparaître comme une projection du corps propre, l’espace qui m’entoure étant celui qui « moule », « informe » mon corps. »

Ces rapports sont-il totalement modifiés au sein du cyberespace ? Nous avons vu en quoi une géographie du cyberespace était possible car nous pouvions retrouver dans le cyberespace les mêmes actions que dans l’espace terrestre avec quelques variantes (cf. tableau ). Cependant l’enjeu qui revient le plus souvent est la question de la frontière.

La frontière. L’enjeu géopolitique.

La frontière constitue une limite par excellence. Un découpage qui permet une mesure plus aisée. La frontière, voilà l’enjeu géopolitique par excellence et nous comprenons qu’il ne s’agit plus seulement d’avoir une vision globale d’Internet et de son diamètre. Internet n’est plus vu comme un territoire unique mais au contraire partagé.

Mais il nous faut revenir aux définitions. Qu’est-ce qu’une frontière ? Si nous reprenons la définition d’Yves Lacoste dans son dictionnaire politique 2:

« Du point de vue géopolitique, la frontière est la ligne ou la zone qui forme la limite du territoire d'un Etat ou bien d'un ensemble politique que ses dirigeants cherchent à constituer en Etat plus ou moins indépendant. »

La frontière s’avère donc être une construction politique voire intellectuelle, souvent matérialisée sur une carte. Peut-on trouver des frontières sur Internet et plus particulièrement au sein du cyberespace ? Patrice Flichy remarque que l’idée de frontière revient lorsqu’il s’agit d’un espace nouveau 3:

« La thématique de la frontière est associée à celle de la découverte et de l’aménagement d’un nouvel espace encore vierge où les pionniers pourront se saisir d’opportunités inconnues, mobiliser leurs compétences, leur enthousiasme, leur capacité à innover, tout en établissant leurs propres règles sociales. Faire de la frontière une valeur, c’est également choisir la mobilité et le changement par rapport à la stabilité. Le cyberespace constitue évidemment cette nouvelle frontière virtuelle où les internautes pourraient s’installer. En attendant leur venue, les hackers et les cow-boys de Gibson y vivent déjà, en toute liberté. Ils ont construit les premières règles de la vie collective. »

Nous poussons la réflexion plus loin en nous aidant des travaux d’Alexandre Boucherot et Arnaud Jacob4 . La frontière peut donc être conçue comme « une limite, une interface privilégiée entre des systèmes différents »5 . Boucherot et Jacob poursuivent la comparaison entre la frontière et l’interface :

« (…)il est possible de multiplier les comparaisons terminologiques avec le registre géographique : "passerelles", "accès", "flux", "ports", "canaux"… Même constat côté
utilisateur avec le "navigateur" bien sûr, et autres "portails" pour éviter de se « perdre »sur Internet. Le réseau peut se concevoir dès lors comme un univers "géographique" à part entière que l'internaute est invité à explorer en voyageur. Les interfaces (les frontières) entre l'homme et la machine et entre les différents protagonistes du réseau révèlent une fonction essentielle : l'échange. La frontière est par excellence un lieu de communication, un lieu riche, privilégié. Faut-il pour autant parler de frontières sur Internet, ou la métaphore doit-elle rester simplement terminologique et technique ? »

En effet, Internet n’est pas un espace neutre où la question politique est absente. Plusieurs termes sont parfois évoqués pour désigner cette politique de l’Internet. Nous entendons parfois parler de gouvernance6. Certains n’hésitent pas à parler de « maîtres du réseau »7. Une géopolitique de l’Internet est dès lors nécessaire. C’est l’avis de la journaliste indépendante Solveig Godeluck La Géopolitique d’Internet paru en 2002. Elle y affirme d’ailleurs qu’il ne peut exister des frontières au sens traditionnel 8:

« Dans le monde virtuel, il ne peut y avoir de lignes blanches matérialisant la séparation entre le territoire d'un Etat et de son voisin. Tout au plus peut-on réserver un bout du territoire en ligne en lui attribuant une adresse soumise à réglementation, telle que .mil pour le secteur de la Défense aux Etats-Unis, ou .fr pour les sociétés immatriculées en France. Mais ces délimitations n'ont rien des frontières modernes que l'on peut garder. L'information circule à peu près librement sur Internet, une communication entre Paris et Berlin peut emprunter la route de New York, et de toute façon aucune route n'est écrite à l'avance : cette multiplicité des routes est le fondement architectural du réseau. La seule manière de rétablir des frontières physiques dans le cyberespace consiste à détruire ce principe de "redondance", ce qui fait qu'Internet est Internet et non un réseau de télécoms lambda. Au lieu d'un réseau décentralisé à la très grande fluidité, on reviendrait à un schéma en étoile, avec une autoroute unique pour chaque trajet, et des coûts élevés. Effectivement, il est possible d'installer un douanier à cet endroit. Mais c'est au prix de la destruction du Net. »

Mais l’auteur n’exclut pas totalement l’idée de frontière même si sa vision est clairement journalistique.9 Pierre Mounier rappelle qu’Al Gore avait parlé de la nouvelle frontière à conquérir10 et souligne la justesse de la définition :

. « C’est peut-être la définition la plus juste que l’on puisse donner à l’histoire du cyberespace : comme un espace colonial, un espace vierge, ou perçu comme tel, vers lequel se précipitent des individus et intérêts aux motivations profondément divergentes. »

En clair, les frontières sont ces « lieux de friction » où se nouent les échanges. Finalement, nous avons quelque peu l’impression qu’il y a des frontières partout sur Internet si nous donnons au mot frontière un sens large : frontières entre l’homme et les différentes interfaces, frontières entre les différents réseaux et ordinateurs, etc. Par conséquent, il est évident que s’il existe un nombre incommensurable de frontières, il existe aussi un grand nombre de cartes du réseau. La représentation dépend de beaucoup des choix individuels. D’ailleurs il est peu aisé de savoir où se situe la frontière, comme le montrait Michel Serres11  :

« De même, lorsque nous organisons une conférence visuelle à 3 ou 4, dispersés en Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Scandinavie et France : où se situent le point d’intersection de ces zones ?. »

La frontière est un terme géopolitique par excellence. Et finalement si les traces les plus nettes des frontières étaient les fameux noms de domaine ? L’attribution des DNS (domain name servers) se fait par l’ICANN dont nous reparlerons plus loin dans les acteurs-réseaux.

Le Territoire et sa représentation.

La frontière découpe souvent un territoire. Un territoire souvent nié dans le cyberespace :

« Le cyberespace, identifié à un espace fait uniquement de réseaux, est caractérisé par l’interconnexion sans fin. En effet, ce territoire n’a pas de topographie, mais uniquement une topologie. Si le cyberespace fait allusion au territoire, il est en fait, un espace sans histoire, un espace non territorialisé : il n’est pas une « terre-histoire ». Neuf, il est donc susceptible de toutes les représentations. » 12

Nous reviendrons plus tard sur le problème de la topographie que soulève Musso. Pour savoir si vraiment Internet et le cyberespace en particulier peut être représenté de multiples manières, il nous faut élucider le rapport entre territoire et représentation. H
enri Desbois qui fait partie de l’équipe « Réseaux, savoirs et territoires » de l’ENS explique clairement ce fait 13 :

« Pour un territoire donné peuvent coexister des représentations très variées, voire contradictoires, car ce qui véritablement institue le territoire, autant que le contenu de chaque représentation prise individuellement, c'est le fait qu'un objet unique «le territoire» soit l'objet de représentations multiples. »

La question est évidemment posée pour la cas d’Internet. Avons- nous affaire à un territoire global et unique ? Et si oui, quelle représentation peut-on lui conférer ? Une nouvelle fois, Henri Desbois exprime ce conflit 14:

« Avec Internet apparaît un nouveau vecteur de représentations. On peut légitimement supposer que de nouvelles représentations du territoire sont liées à ce nouveau vecteur, et cela à différentes échelles. Il existe tout d'abord une mise en scène du territoire d'Internet, plus ou moins identifié à la planète entière, comme en témoignent les nombreuses icônes de globes et les planisphères qu'on rencontre sur le réseau. Internet se représente abondamment lui-même sous la forme d'un réseau planétaire, traduction géographique d'une supposée communauté des internautes (apparemment plus unie que, par exemple, la communauté des abonnés au téléphone). Il serait intéressant de comparer la géographie réelle du réseau à ces représentations. (…)Hors des applications de courrier électronique, qui rendent sensible l'extension géographique du réseau en mettant en contact des personnes qui se savent physiquement éloignées, une part de la fascination que peut exercer Internet vient sans doute, autant que de la quantité d'informations disponibles, du fait qu'elles sont dispersées. La conscience de cette dispersion et sa mise en scène font qu'on peut bien parler d'un territoire d'Internet. L'image fondamentale de ce territoire (ou, pour employer la notion développée par Jacques Van Waerbeke, la «métaphore du territoire» d'Internet) est bien entendu celle du réseau, c'est à dire justement la figure par excellence du territoire ordonné. Sans doute cela peut-il susciter quelques réflexions. (…)Il n'est pas étonnant que la constitution d'un réseau international s'accompagne d'une affirmation des identités locales sur ce même réseau. Cette affirmation peut se faire par de nombreux biais, tels que la langue, l'iconographie, ou l'utilisation de divers symboles. Ces représentations appellent plusieurs questions. Ces représentations reprennent-elles des représentations préexistantes, ou sont-elles nouvelles? Comment s'articulent-elles avec la réalité et l'idéologie mondialiste du réseau ? »

Le territoire d’Internet ne possède ni représentation parfaite ni mesure précise et si beaucoup d’internautes partagent une vision globale du cyberespace, la plupart en ont une vision fort différente notamment selon leurs usages. Il faudrait les comparer avec la véritable géographie d’Internet selon Desbois. Mais quelle est-elle ? Est-ce la géographie des backbones, des plus gros réseaux, ou bien celles des plus grands flux de données ? La difficulté provient du fait que le cyberespace est un univers en expansion et qu’une carte ne peut être qu’un produit opéré par des choix singuliers à un moment donné dans le but d’obtenir une vue globale comme le montre Olivier Ertzscheid :

« Probablement plus que tout autre phénomène se prêtant à une représentation cartographique, l’organisation hypertextuelle pose, à chacun de ses niveaux de réalité physique et de représentation mentale, le problème de déterminer quelle est la meilleure cartographie possible pour un territoire donné, qu’il s’agisse du territoire qui peut être parcouru dans une session de navigation ou de celui constitué par l’ensemble de ces unités (et donc toujours à un moment donné). La carte de l’organisation hypertextuelle -et c’est là la première propriété qui la distingue de tout autre-est donc liée non seulement à un espace, à un territoire, mai également à une temporalité particulière. »

Quoiqu’il advienne, c’est bien l’utilité de pouvoir se repérer, de se situer qui prime dans la carte, même si cette dernière est imparfaite. La carte est bien le symbole de la nécessité de guider, de celui qui connaît les cartes, le « navigateur ». Pour devenir nous aussi des navigateurs du cyberespace, il nous faut maintenant étudier les cartes.

1 Jean Loup Rivière. La carte, le corps, la mémoire in Cartes et figures de la Terre, Paris, Centre Georges Pompidou, 1980

2 Article "Frontière" In Dictionnaire de géopolitique, sous la direction de Yves Lacoste, Larousse, Paris, 1993.

3 Patrice Flichy. Op. cit. p. 256

4 Alexandre Boucherot, Arnaud Jacob. Territoires virtuels et territoires "relationnels" : Sur la notion de "frontières" appliquée au cyberespace [en ligne]

http://www.fluctuat.net/tourdumonde/img/Final_Frontier.pdf

Alexandre Boucherot est le fondateur de la revue culurelle en ligne « fluctuat.net ». Arnaud Jacob collabore à la revue. Ce tr
avail a été réalisé en collaboration avec le centre Pompidou.

5 A.Bierce cité in " In Roger Brunet, Dictionnaire critique de géographie. Bordas, Paris. Article "Frontière ».

6 Richard Delmas, Françoise Massit-Folléa. La gouvernance d’Internet. Les cahiers du numérique. vol 3-2, Paris : Hermès. 2002

7 Pierre Mounier. Les maîtres du réseau. Les enjeux politiques d’Internet. Paris : La Découverte, 2002. Ce dernier explique les raisons des enjeux politiques :

« Et de fait, le cyberespace est infini ; rien n’empêche à priori que les uns et les autres mènent pacifiquement leurs activités sans se marcher sur les pieds. C’était oublier qu’Internet présente plusieurs points d’étranglement—les noms de domaine, la bande passante, l’écran de l’utilisateur final, et bientôt les adresses IP, qui sont à l’origine des nombreuses bousculades qui émaillent son histoire. » p. 16

8« L'Internet, un paysage en perpétuelle reconfiguration »
Interview de Solveig Godeluck [en ligne]

http://www.fluctuat.net/tourdumonde/godeluck2.htm

9 Ibidem :« Cela en effet ne signifie pas que toute frontière ait disparu du réseau. D'abord, il existe certains points de passage obligatoires sur le Net, malgré sa grande décentralisation. Ce sont les points faibles, les lieux où l'on peut tout à la fois percevoir des taxes d'utilisation, contrôler l'identité, interdire la circulation : les serveurs du fournisseur d'accès ; puis les backbones internationaux des opérateurs télécoms qui transportent le trafic en gros. Les décisions à ces niveaux ne doivent pas être laissées à la seule initiative du marché : le régulateur doit intervenir pour faire prévaloir des choix politiques.
Ensuite, j'utilise l'idée de frontière
au sens figuré. Cela me semble particulièrement approprié dans un univers de virtualité. Les frontières sont les lieux de séparation entre deux représentations du cybermonde, lieux de friction, de conflit, mais aussi paradoxalement de rencontre et donc de négociation. Ces frontières sont tout bonnement la cristallisation de la géopolitique ! Elles se dressent ici et là, ne se superposent pas entièrement, et portent plus souvent que jamais sur les champs culturel et juridique. Car sur Internet, on ne verse pas son sang sur une frontière : on y perd sa réputation, on y gagne son avenir, on y mène la guerre de l'information. »

10 Pierre Mounier. Op. cit. p. 16

11Michel Serres. Atlas. Op. cit. p. 196.

12 Pierre Musso. Op. cit. p .34

13 Henri Desbois. Représentations et territoires sur Internet. [en ligne] http://barthes.ens.fr/atelier/articles/desbois-mai-98.html

14 ibid.

La cybergéographie.

La cybergéographie.
Une nouvelle discipline ?
Il existe peu de références sur la cybergéographie hormis les ouvrages de Martin Dodge1 et son site. Nous avons également utilisé la traduction du site effectuée par Nicolas Guillard ainsi que l’excellente analyse d’Eric Barthes2 dont nous reprendrons beaucoup d’éléments dans l’analyse.
En effet, Barthes résume bien la diversité et la complexité de cette discipline émergente 3:
« En attendant l’avènement d’une science « globale » de l’Internet, la cybergéographie constitue une première tentative de rendre compte de l’inter-réseau, en insistant sur l’aspect spatial et les techniques de visualisation. A travers un certain nombre de travaux fondateurs, comme ceux de Martin Dodge et Rob Kitchin un méta-discours fédérateur est en train de se mettre en place, fournissant un cadre conceptuel pour penser les relations entre les diverses pratiques et approches qui composent la cybergéographie.
Inter-discipline novatrice et dynamique, la cybergéographie entretient des relations complexes avec d’autres disciplines et zones d’activité plus fortement institutionnalisées : la géographie, l’informatique, l’urbanisme et l’aménagement, les sciences cognitives, la linguistique, la sociologie, le marketing, etc. Au fur et à mesure de sa disciplinarisation, on assistera sans doute à des tentatives de délimiter ses frontières, d’exclure certains discours et de délégitimer certains objets d’étude. »
C’est Martin Dodge qui a popularisé le terme de « cybergéography » après l’avoir lu pour la première fois en 1994 dans un article de Steve Pile paru dans la revue Environment and planning A. Nous n’avons pas lu cet article mais l’information a été donné à Barthes par Dodge lui-même.
La cybergéographie est donc issue de la géographie mais elle en diffère par des méthodes de cartographie différentes. Cette discipline est avant tout une science sociale de l’Internet car elle cherche à prendre en compte les relations et enjeux de pouvoir et de territoires. Elle est au cœur de la mesure du Web puisqu’elle prend en compte de nombreuses données et domaines différents. Mais il est possible qu’elle finisse à son tour par se diviser voire qu’elle finisse par changer de nom. Nous songeons ici aux travaux de Reinhold Grether qui cherche à impulser une science du net « Netzwissenschaft ».4
Cette étude nous fait partager en quelque sorte « l’aventure » de ces cybergéographes, de ces cartographes d’un nouveau monde. Nous suivons en cela l’exemple donné par Michel Serres :
« Construisons ou, mieux, dessinons, le nouvel atlas, par entrelacs, stocks et circulation ensemble, et pensons, ensemble, mot, phrase, langues, image, sciences, valeurs, information … semblables éléments prêts à se féconder les uns les autres. L’accumulation laisse place au mélange. »5
Fin de l’Histoire ou de la géographie et téléologie : problèmes pour une « discipline » de l’Internet.
« In that Empire, the craft of Cartography attained such Perfection that the map of a Single Province covered the space of an entire City, and the Map of the Empire itself an entire Province. In the course of Time, these Extensive maps were found somehow wanting, and so the College of Cartographers evolved a Map of the Empire that was of the same Scale as the Empire and that coincided with it point for point. Less attentive to the Study of Cartography, succeeding Generations came to judge a map of such Magnitude cumbersome, and, not without Irreverence, they abandoned it to the Rigours of sun and Rain. In the western Deserts, tattered Fragments of the Map are still to be found, Sheltering an occasional Beast or beggar; in the whole Nation, no other relic is left of the Discipline of Geography. »
Jorge Luis Borges, From « Of exactitude in science » in A Universal History of Infamy.
L’émergence d’une telle discipline ne peut se faire sans s’interroger sur sa place au sein des sciences mais aussi de l’histoire tout court. En effet, nous rappelons que le World Wide Web a vu le jour en 1989, une année charnière puisqu’elle marque aussi la chute du mur de Berlin6.
Pierre Lévy prolonge la vision de Fukuyama7 :
« « L’humanité consciente d’elle-même naît en même temps politiquement (chute du mur de Berlin), intellectuellement ( le courrier électronique, les communautés virtuelles, le Web), économiquement (mondialisation, montée des politiques libérales, virtualisation de l’économie). Le processus n’est bien sûr pas achevé, mais il est maintenant bien engagé. »
Pourtant, il nous semble qu’il est impossible de parler de cybergeographie sans s’interroger sur les liens du Web avec l’histoire. Le Web fait-il partie de ce processus décrit par Fukuyama ?
Martin Dodge cite le penseur américain Sardar qui perçoit dans le Web une idéologie sous jacente 8 :
« Cyberspace dit not appear … from nowhere…It is conscious reflections of the desire, aspirations, experiential yearning and spiritual angst of western man ; it is resolutely designed as a new market, and is an emphatic product of the culture, worldview and technology of western civilizations… cyberspace, then, is the american dream writ large ; it marks the dawn of a new american civilization…cyberspace is particulary geared up towards the erasure of all non-western histories.”
Selon Sardar, le Web ne serait pas neutre mais au contraire la concrétisation de l’idéalisme américain. Martin Dodge partage cette opinion en établissant le lien entre les flux de capitaux et les flux de données 9:
« It is recognized that the development and promotion of ICTs and cyberespace is bound to capitalist modes of production – cyberspace is a commercial product to be economically exploited, used to open new market of opportunety. »
Les transformations opérées par les nouvelles technologies de l’information sont de trois sortes pour Dodge :
– Culture commune et globalisation.
– Restructuration globale et mobilité.
– Le corps est fluide et non fixe, et la communauté est fondée plus sur l’intérêt que sur la localisation.
Les deux premières caractéristiques convergent effectivement avec le développement du capitalisme et l’avancée de la culture américaine qui l’accompagne. La troisième ressemble surtout aux flux des capitaux. Evidemment il faut s’interroger sur les liens entre l’idéologie capitaliste et l’Internet. La mesure peut-elle dès lors s’effectuer à partir du moment où l’objet Internet serait idéologique ? Nous avons vu précédemment les liens qui existent entre le concept de postmodernité et la culture cyberpunk. Le cyberespace marque-t-il la fin de l’histoire au sens de Fukuyama ? En tous cas, Pierre Musso résume une pensée proche de Pierre Lévy 10:
« Liberté, égalité, fraternité : l’utopie sociale de 89 (1789-1989) se réaliserait enfin grâce à l’utopie technique réticulaire. « le cyberespace peut apparaître comme une sorte de matérialisation technique des idéaux modernes. »
De la même manière que dans la vision cyberpunk, certes différente, il semble qu’il y ait donc confusion entre un Internet utopique et idéal et celui que nous pratiquons.
Il est vrai aussi que nous ne parlons pas de « cyberhistoire »11 mais de cybergéographie. En effet, Dodge tente plutôt de démontrer que le cyberespace introduit des changements mais qu’il ne signifie pas pour autant la fin de la géographie. Et si la géographie traditionnelle perdure, l’histoire qui lui est intimement liée continue dans le cyberespace. Cependant il est évident que le cyberespace est vecteur de certaines idéologies que dénonce Sardar.
Paul Virilio voyait dans l’avènement du Web et le développement de la mondialisation cette fin de la géographie 12:
« Totalité ou globalité ? Comment ne pas se poser la question de savoir ce que recouvre le terme sans cesse répété de « mondialisation » ? S’agit-il d’un mot destiné à renouveler celui d’internationalisme, trop marqué par le communisme, ou, comme on le prétend souvent, d’une référence au capitalisme du marché unique ? Dans un cas comme dans l’autre, on est loin du compte. Après la « fin de l’histoire », prématurément annoncé par Francis Fukuyama il y a quelques années, la mondialisation annonce, en fait, la fin de l’espace d’une petite planète en suspension dans l’éther électronique de nos moyens modernes de télécommunications…La ville réelle, localement située et qui donnait jusqu’à son nom à la politique des nations, cède sa primauté à la ville virtuelle, cette « métacité » déterritorialisée qui deviendrait ainsi le siège de cette métropolitique dont le caractère totalitaire, ou plutôt globalitaire, n’échappera à personne. »
Dodge ne partage pas cette vue de globalisation totale. L’analyse de Virilio est toujours technophobe mais selon nous il demeure dans une vision de la fin de l’histoire pessimiste en lui ajoutant le concept de la fin de la géographie.
Plutôt que de parler de fin de la géographie, il faut constater en fait des modifications dans les lois géographiques. Dodge cite Mitchell qui décrit le cyberespace comme ceci13 :
« profoundly antispatial…You cannot say where it is or describe its memorable shape and proportions or tell a stranger how to get there. But you can find things in it without knowing where they are. The net is ambient- nowhere in particular but everywhere at once. You do not go to it ; you log in from wherever you physically happen to be…the net’s despatialization of interaction destroys the geocode’s key.”
Néanmoins, Dodge reconnaît ces changements mais il suggère que tous les habitus géographiques n’ont pas disparu. Gibson qualifiait le cyberespace de géographie mentale commune (« common mental geography »).
Dodge remarque surtout qu’il est impossible de séparer totalement l’espace traditionnel de celui du cyberespace. Nous remarquons qu’il s’agit plutôt d’un processus d’accroissement virtuel de la cité. En effet, les TIC induisent de nouvelles conceptions urbaines14 avec la création de « soft cities » comme le note Dodge en citant l’exemple de la ville de Singapour qui a fait un gros travail de recherche sur les réseaux pour impliquer les TIC dans la ville. Il y a donc une sorte de prolongement entre les habitus des anciennes géographies et économies et la géographie du cyberespace15 :
« For example, cyberspaces, far from dissolving geographic communities into a state of placelessness, is in many cases being used too foster and support such communities. Similarly, computer-mediated communication are helping to reproduce political structures, not dismantle them.”
Une nouvelle géographie ?
La cybergéographie peut-elle prétendre être la nouvelle « discipline » capable de mesurer le Web ? Si elle tente de se donner les moyens de réussir, il convient une nouvelle fois de la penser comme une « discipline » élargie et non comme une science à part entière.
Nous avons donc effectué un travail comparatif à partir des actions géographiques essentielles. En ce sens, nous avons travaillé à partir d’un simple manuel de géographie pour effectuer de réelles comparaisons entre l’ancienne géographie et la nouvelle. A cet effet, nous nous appuierons sur nos propres analyses mais aussi sur celles de la géographe allemande Inga Klas et son étude entre les relations entre Internet et la géographie culturelle.16
Cette dernière cite Tim Berners Lee qui opère une intéressante distinction qui nous apparaît essentielle dans la mesure du cyberespace et de l’Internet 17:
« On the Net you find computers – on the Web, you find document, sounds, videos,… information. On the Net, the connections are cables between computers; on the Web connections are hypertext links.”
Nous n’avons pu retrouver les références exactes de la citation. Mais Inga Klas poursuit cette affirmation de Berners Lee en soulevant la difficulté d’une vision globale de l’Internet:
« Diese Definition zeigt eine weitere Möglichkeit, das Internet darzustellen: Neben der Software-Ebene können auch die physischen Komponenten betrachtet werden, die für den Datentransfer benötigt werden. Die vollständige Darstellung dieser globalen Internet-Architektur, das heißt eine Übersicht über sämtliche Übertragungsmedien, wie Datenleitungen, Funk- oder Satelliteneinrichtungen, ist aufgrund der hohen Komplexität und der Vielzahl an Netzbetreibern heute nicht mehr möglich.“18
La séparation entre la géographie physique de la géographie culturelle peut nous être utile en ce qui concerne Internet. Parler de fin de la géographie en ce qui concerne le cyberespace s’avère par conséquent absurde. Nous retrouvons d’ailleurs beaucoup de comportements proches de ceux de l’espace terrestre dans le cyberespace. Les manuels de géographie distinguent couramment cinq actions majeures d’une société dans l’espace :
s’approprier ou approprier.
Exploiter l’espace.
Habiter
Communiquer et échanger
Gérer.
Ces dernières actions sont valables aussi sur le réseau des réseaux. Elles sont également valables au sein des « deux géographies ».
Tableau 1: Comparaison des différentes géographies terrestres, réseaux physiques et espaces numériques.
Terre
Internet : Réseaux physiques :
Internet :Réseau de données et d’informations :
Le cyberespace.
S’approprier ou approprier
Permet de disposer d’un espace.
Les réseaux, « backbones » sont la propriété de grosses entreprises ou opérateurs publics.
L’espace numérique appartient à des sociétés, Etats, universités, particuliers.
Exploiter l’espace
Exploitation de l’espace approprié.
Amélioration techniques pour la transmission des informations.
Production de contenus et d’informations.
Habiter
Manière d’exploiter l’espace par le logement.
Pas vraiment des lieux d’habitat si ce n’est pour les futures nanotechnologies.
Espace « habité » par les communautés et les identités virtuelles.
Communiquer et échanger
Le lieu implique un espace d’échanges et de transactions.
Lieux d’échanges permanent.
Echanges maximisés via le mail, chat, etc.
Gérer
Action qui coordonne les précédentes avec ses règles.
Amélioration du système avec règles communes et recherches.
Instauration de protocoles et de nétiquettes.
Il est évident qu’il existe une géographie de l’Internet et qu’elle présente des analogies avec la géographie classique. Néanmoins, il demeure des différences ou tout au moins des singularités.
Parmi ces différences, il est souvent noté qu’il se passe un processus de « cyborgisation », c’est à dire que le cyberespace est un espace de décorporation, de libéralisation de l’esprit selon la vision idéaliste. Le propre de l’individu (self) est délocalisé dans un espace libéré du contexte géographique et de la communauté. En fait, l’action produite par l’individu est plus communicationnelle que physique. Il est cependant difficile d’affirmer que nous abandonnons notre corps lorsque nous nous connectons. Il est vrai qu’il s’opère des transformations lors de nos connections, car nos communications sont codées et décodées. Il n’y a pas de réelle décorporation mais plutôt une transmission voire une augmentation de nos possibilités de communiquer19. Cependant Howard Rheingold se montre lui pessimiste quant aux capacités à mesurer efficacement les identités sur le Web 20:
« mapping identity in « geographic » space, given it’s fluid, multiple and fragmented natures, is fraught with difficulties . »
Dès lors, il faut sans doute chercher ailleurs les vraies différences, car le processus d’imitation est évident comme le souligne Dodge 21:
« Like geographic communities, these online communities have behavioural norms, differing personalities, shared signifiance and allegiances.”
Il y a donc bien similitude dans les principales actions dans l’espace comme nous l’avons montré dans le tableau précédent mais la mesure du cyberespace s’avérerait fausse et tronquée si nous ne tentions de montrer les différences. Le cyberespace résulterait d’une autre géométrie ou les lois cartésiennes et euclidiennes ne seraient plus seules valables. Michael Benedickt voit le cyberespace comme un lieu qui n’est pas astreint aux principes de l’espace et du temps et qui ouvre d’autres perspectives plus spirituelles 22:
« After all, the ancient worlds of magic, myth and legend to which cyberspace is heir, as well the modern worlds of fantasy fiction, movies, and cartoons, are replete with violations of the logic of everyday space and time : disappearance, underworlds, phantoms, warp speed travel, mirrors and doors to alternate worlds, zero gravity, flattenings and wormholes, scale inversions, and so on. And after all, why cyberspace if we cannot (apparently) bend nature’s rules there ?
Nous avons vu précédemment les liens du cyberespace avec l’imaginaire, mais il est évident que le cyberespace ouvre des potentialités accrues, notamment au niveau des possibilités de créer de nouveaux univers. Mais encore une fois, il nous semble qu’il n’y a pas de séparation totale mais au contraire augmentation. Un joueur en réseau accède certes à des univers totalement distincts de ceux de sa vie réelle, néanmoins nous ne pouvons pas dire qu’il se sépare de son corps. Il s’agit de développer son imaginaire : une augmentation ludique.
Dodge observe une transformation de l’espace-temps dans le cyberespace. Ce dernier suit une forme binaire entre le 0 et le 1, entre la présence et l’absence entre le « now » et le « never ». Dodge cite à cet effet l’analyse de Stalder 23:
« Cyberspace is a binary space where distance can be measured in only two ways : zero distance (inside the network) or infinite distance (outside the network) ; here or nowhere.”
Dodge partage également le cyberespace en deux parties : l’espace de circulation (space of flows) et l’espace des places (space of places). Tout se joue entre les « places fortes » du cyberespace et les vecteurs de circulation d’informations. Seulement, la question mérite d’être posée : ou se trouve l’individu entre ces deux parties ?24 D’ailleurs que signifie être au sein du cyberespace ? Quelles sont les identités qui sont présentes ? Il est vrai que nous avons vu que le cyberespace permet un accroissement de communautés déjà existantes mais il est aussi la source des « subcultures » qui se développent en son sein comme les cyberpunks ou les hackers. Par conséquent la cybergeographie devra s’accompagner d’une géographie culturelle afin d’examiner les relations sociales nouvelles qui s’y nouent. Il s’agit donc avant tout de « Kulturgeographie », « human geography » ou bien encore de géographie humaine. Nous préfèrerons les termes de géographie sociale. 25
La cybergéographie a choisi de développer l’outil le plus utilisé en géographie : la cartographie. Plutôt que de véritables cartes, ce sont avant tout des représentations graphiques. Nous parlerons donc de cartographie dans un sens élargi. Cette volonté de cartographier s’explique par peut-être par le phénomène de désorientation qui règne dans le cyberespace. Nous établissons alors des cartes lorsque nous nous sentons un peu perdu, tel Robinson sur son île. 26

Les cartes mentales ou l’avenir de l’Education.

 

La diffusion sur France3 d’un reportage d’un enseigant Finlandais travaillant avec ces cartes relancent l’intérêt pour le mind mapping.

Le jt du 07/12 midi est en ligne sur cette page http://videojts.france3.fr/ Le passage sur l’éducation commence vers la 15éme minute

L’Education Nationale ignore bien de trop ce dispositif que je considère comme une technique d’apprentissage qui mériterait d’être introduite. Je l’avais déjà mentionné dans mes articles sur le collège unique mais il convient d’en faire le point aujourd’hui. Pour ma part, je m’intéresse aux représentations de la connaissance ce qui explique mon intérêt pour le mind mapping. « as we may think », l’article pionnier de Vannevar Bush allait déjà dans cette direction et l’hypertexte n’est qu’une des expressions de notre foisonnement cérébral. Les cartes mentales sont une des manières d’exprimer cette réflexion. Mais il s’agit aussi d’un excellent moyen de prendre des notes ou de faire un résumé d’un cours ou de tout ou partie d’ouvrage. Le café pédagogique a réagi à ce sujet et renvoie sur le site de Pétillant. Je joints à ce texte un document qui montre un exemple de mind mapping. Mais vous pourrez en trouver bien d’autres sur le net et en consultant les ouvrages de Toni Buzan dans la bibliographie. Mais bientôt vous en ferez vous-même.

Bibliographie :

BARON, Georges Louis, BRUILLARD, Eric (sous la dir. de) Les technologies en éducation. Perspectives de recherche et questions vives. Actes du symposium international francophone. Paris : Iufm de Basse Normandie. 2002

BUZAN, Tony, BUZAN, Barry. Dessine moi l’intelligence. Paris : Les éditions d’organisation. 1995

BUZAN, Tony. Une tête bien faite. Paris : Les éditions d’organisation. 1998

DYENS, Ollivier. Le web et l’émergence d’une nouvelle structure de connaissances.[en ligne] http://www.interdisciplines.org/defispublicationweb/papers/11

LEGROS, Denis, GRINON, Dominique. Psychologie des apprentissages et multimédia. Paris : Armand Colin. 2002

MORIN, Edgar (sous la dir. de) Le défi du XXIème siècle. Relier les connaissances. Paris : Seuil. 1999

RHEINGOLD, Howard Tools for thought. The history and future of mind-expanding technology. The MIT Press. 2000. Une partie de l’ouvrage est également en ligne : http://www.rheingold.com/texts/tft/14.html

RHEAUME, Jacques. Les hypertextes et les hypermédias. [en ligne] http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/reveduc/html/vol1/no2/heht.html (dernière consultation le 19/08/2003)

VANDENDORPE, Christian. Du papyrus à l’hypertexte, essai sur les mutations du texte et de la lecture. Paris : La Découverte.1999.

UNIVERS IMMEDIA. Le principe non-hiérarchique dans l’organisation du Web. Vers un nouveau paradigme ? [en ligne] http://perso.wanadoo.fr/universimmedia/nohi/nohip. htm

 

Quelques explications à la crise des banlieues

Le texte suivant a été envoyé une liste de diffusion concernant les chercheurs en information-communication. Un des membres de la liste s’interrogeait de l’absence de réactions et de débats suite aux évènements qui ont frappé les banlieues françaises. Je tente ici d’apporter quelques explications.

Finalement, si’l n’y a pas eu de réponses c’est peut-être pour éviter une réaction trop rapide et non scientifique. Le risque eut été sans doute de répondre selon ses convictions politiques. Il faut donc tenter d’analyser les causes de façon globales. Après réflexion et évolution des évènements, j’ai le sentiment qu’il y a des responsabilités multiples voire des coresponsabilités. Les actes de violence sont donc inexcusables mais néanmoins explicables et étaient sans doute prévisibles.

 

Outre les explications traditionnelles qui remontent aux années 60, d’autres peuvent être avancées et qui sont plus récentes.

 

D’une part le phénomène correspond à une microgénération. (des 15-20 principalement) dont on sait que les visions politiques et technologiques sont très différentes de leurs ainés de 25-30 ans. Ils n’ont pas connu et compris la chute du mur de Berlin. Leur monde n’est pas idéal mais très pragmatique et fortement influencé par une culture américaine. (Il y a sans doute des manipulations islamiques mais elles ne sont que des facteurs aggravants et non déclenchants).Ils ont surtout des désirs matériels. L’échec de l’intégration de la masse des diplomés qui a concerné tout le monde et pas seulement les jeunes d’origine immigrée explique ce sentiment. Les français d’origine étrangère ont vécu plus fortement cette exclusion. Dès lors quel intérêt pour un gamin de croire en la réussite scolaire quand cette dernière n’est pas forcemment source de réussite sociale ? En clair, ces jeunes traversent une crise de la culture.

 

La deuxième cause est plus évidente. La diminution de l’encadrement socioéducatif et sportif dans ces zones résultent de la suppression des emplois jeunes et des moyens alloués par le gouvernement. L’encadrement devenant uniquement répressif et surtout provocateur, la violence ne peut qu’engendrer que la violence. Cette crise est aussi un échec politique évident.

 

La troisième explication vient du fait que les instances de pouvoir sont exercées par des personnes qui défendent leur pré carré. La france est devenue extrémement corporatiste et cette crise n’est qu’un révèlateur. Beaucoup de diplomés aujourd’hui occupent des emplois bien inférieurs à leur niveau d’études et leurs capacités. Les générations moins compétentes résistent et rusent pour rester en place prônant l’expérience. Elles n’ont donc fait que dévaloriser les diplômes et l’enseignement en remettant en cause sa qualité. Ce travail de sape porte ses fruits car le système scolaire devient il est vrai moins performant. De plus elles n’ont eu que trop peu l’habitude de vivre et de partager des moments avec des gens d’origine étrangère. Dès lors il n’y a pas pu avoir d’intégration. Je crois sérieusement que le sentiment d’amertume n’est pas présent que chez les français d’origine immigrée mais chez des générations de diplomés de moins de 35 ans.

 

La crise est donc bien plus grande. Une meilleure reconnaissance du système scolaire via une réforme réelle et une revalorisation de l’Université est une des solutions. Sinon ne nous étonnons pas que certains qui semblent si français d’apparence ne le soient plus vraiment et succombent aux sirènes de l’étranger.

 

Je m’excuse d’avoir été si long. Je propose sur mon site personnel en ce moment quelques propositions sur la réforme de l’éducation nationale qui ne peut être que le socle de la résolution de la crise. Faut-il encore que tout le monde joue le jeu.

Propositions pour une réforme de l’Education Nationale

 Suite au débat lancé par le café pédagogique, j’ai décidé de me lancer dans une contribution. La mienne se voulant d’abord globale, elle s’étale sur cinq pages.

Reforme de l’Education Nationale : quelques propositions au niveau institutionnel.

 

 

 

Préambule :

Ma contribution est certes personnelle mais se veut également la plus globale possible. Je tente donc modestement de prendre en compte le maximum d’éléments possibles. Il est clair que les propositions que je vais faire peuvent être discutées et suscitées de gros désaccords. Malgré tout mon but est d’aller au delà du traditionnel affrontement entre pédagogues et républicains qui demeure trop souvent stérile.

Même si je suis plutôt proche des pédagogues, comme en témoigne mon appartenance au mouvement pour le collège unique, je partage tout de même certains constats des dits « républicains ». Mes propositions se veulent pragmatiques et tentent de répondre à la problématique : comment permettre à chaque individu d’obtenir la meilleure formation possible de la manière la plus égalitaire.

 

1. Constats et questions

 

Par conséquent, à la traditionnelle question : est-ce que le niveau baisse ? Je répondrai hélas par l’affirmative notamment en ce qui concerne la maîtrise de la lecture-écriture. Et ce phénomène ne fait que s’accroître. Le niveau baisse donc fortement actuellement. Qu’importe si cela choque, je pense que ce constat est partagé par beaucoup d’enseignants. Plus aucun ouvrage ne paraît désormais pour nous prouver le contraire. Je parle ici donc de générations très récentes. Et c’est d’ailleurs un problème pour l’Education Nationale qui doit faire face à des « micro-générations » fort différentes et qui ont vécu en peu de temps des évolutions techhnologiques : portables, Internet, jeux video accaparants…Bref la concurrence face à la lecture et à l’enseignant s’est accrue et diversifiée.

 

Quel est la situation de la France par rapport aux autres pays de l’Ocde ?

Pas terrible. Malgré un budget important, nos performances sont insuffisantes. Il est même probable que des élèves de pays défavorisés possèdent un niveau de base supérieur à celles de nos jeunes élèves.

 

Faut-il revenir aux vieilles méthodes ?

Globalement non. Il y a certes de bonnes idées ou stratégies à reprendre ou à poursuivre mais le mythe de l’Ecole Républicaine est un vaste mensonge que les sociologues et les historiens ont déjà démontré. Dès lors, il faut sortir du dogmatisme pour privilégier le pragmatisme. C’est à dire qu’il ne faut pas non plus passer du mythe républicain à la tendance gauchiste. Je crois sérieusement que les idéaux passéistes issus du communisme doivent être une fois pour toutes également abandonnés. L’histoire a déjà démontré leur erreur. Il ne s’agit donc pas pour les porteurs de propositions de véhiculer des idées faciles et d’être porteur d’illusions malhonnêtes. C’est pourquoi l’hostilité d’une partie du monde enseignant au traité européen est une caractéristique très nette d’une inadaptation au changement. Le mur de Berlin est tombé et c’est tant mieux. Malgré tout la réelle égalité des chances doit être défendue. Beaucoup de nos propositions vont dans ce sens.

 

 

Faut-il réformer alors ?

Oui et mille fois oui. J’étais plutôt favorable au débat sur l’Ecole ainsi qu’aux conclusions du rapport Thélot. Actuellement nous en sommes à appliquer la réforme Fillon qui n’a pas tenu du compte du rapport et qui est mis en ouvre par Gilles de Robien visiblement incompétent en la matière. En clair, la nouvelle loi n’a aucun sens ni aucune volonté politique. C’est du mauvais bricolage.

Il faut donc une vraie réforme qui prennent de vraies décisions donc de réels changements.

 

Faut-il quand même se battre pour plus d’égalité ?

Oui, je le crois et je pense que des solutions sont possibles. Il faut pour cela chercher à être plus efficace.

 

2. Propositions

 

2.1 Les enseignants.

 

La Finlande est parvenu au premier rang du classement Pisa en grande partie grâce à ses enseignants.

Il faut donc revoir la formation de ces derniers. L’idéal serait de ramener la formation à deux ans après la licence. Le concours ne concernerait pas seulement la discipline mais aussi les questions éducatives et pédagogiques. La licence pourrait proposer aux étudiants qui se destinent à ces métiers des modules spécialisés. Dés lors l’étudiant chercherait d’abord à devenir enseignant général avant d’être enseignant de discipline. L’idéal serait donc une formation non plus étalée sur un an mais sur deux et bien sûr rémunérée. De nombreuses sessions seraient communes aux différents enseignants qu’ils soient de collège, de lycée ou de primaire. La polyvalence serait encouragée ainsi que les spécialisations en master ou en thèse.

Dès lors le système changerait. A la fin de la première année de formation, l’enseignant choisirait son type d’établissement selon son classement à la fin de la première année :

         Primaire

         Collège

         Lycée.

Ceux qui auront fait le choix du lycée auront l’obligation d’avoir ou de suivre une formation complémentaire (master) dans la discipline qu’ils auront choisie.

 

En clair, ce nouveau mode de recrutement serait attractif et plus adapté. Il marquerait aussi la suppression de l’agrégation devenue inutile et désuète. Il symboliserait également l’unité de l’éducation depuis la maternelle jusqu’à l’arrivée à l’université. Il y aurait également ainsi moins de disparités salariales entre enseignants. Les enseignants resteraient plus de temps au sein de l’établissement et effectuerait sur leur temps de service des heures de remédiation ou de tutorat pour au moins 25% de leur temps de présence. Pour cela, il faut que les locaux soient adaptés pour que les professeurs puissent travailler de manière correcte et agréable au sein de l’établissement. Sinon, c’est impossible. Des locaux agréables sont source de motivation pour les élèves et leurs professeurs.

 

Il va sans dire que le salaire des enseignants se doit d’être revalorisé et ce d’au moins 25% dans les 5 années qui viennent. L’écart entre le salaire enseignant et le smic ne cesse de diminuer sans compter le fait que les impôts et les avantages sociaux diminuent encore cet écart. Il ne peut y avoir de réussite si les enseignants ne sont pas bien considérés sur l’échelle sociale. Apparemment les gouvernants français ne semblent pas l’avoir compris. Il ne peut y avoir de réformes sans revalorisation de la profession.

 

2.2 Les établissements.

 

Ecole maternelle :

Je n’ai pas d’avis tranché sur la question. Il est peut-être souhaitable de revenir parfois à des objectifs plus modestes. Les référentiels sont trop exigeants et irréalistes.

 

Ecole Primaire :

Les exigences sont souvent trop grandes si bien que la maîtrise des bases est grandement insuffisante. Peu importe la méthode d’apprentissage, seuls les résultats devront compter. Par conséquent, un examen devra être organisé en fin de cm2 pour l’entrée en sixième. Cet examen permettrait ainsi de mieux se consacrer à l’essentiel. Seuls les élèves l’ayant réussi pourront entrer au collège. Ceux qui auront échoué auront le choix entre le redoublement ou bien l’orientation en classe spécialisée ou SEGPA. Cette mesure peut sembler une sélection bien précoce mais je pense qu’elle a surtout pour but d’obliger l’Ecole à être plus efficace. A priori au moins 90% des élèves de CM2 devraient être capables de le réussir. Ceux qui n’y parviendraient pas serait suivis alors de manière plus individualisés afin qu’ils parviennent à acquérir un niveau de compétences minimum pour une orientation efficace. Beaucoup trop d’élèves n’ont rien à faire dans la filière générale du collège. Ils n’auront jamais un niveau suffisant et pire nous perdons beaucoup d’énergie souvent inutile à tenter de les aider en soutien.

Le soutien en collège doit être consacré aux élèves qui ont des difficultés mais qui ont le potentiel pour réussir dans la voie générale.

 

Quant au B2i premier niveau, il devrait s’étalonner clairement en 2 ans entre le cm2 et la sixième.

 

Collège :

Je reste convaincu de l’utilité du collège unique. L’intégration de classes spécialisées et Segpa dans l’établissement collège me paraît également plausible. Des enseignants peuvent intervenir d’ailleurs avec les deux types de public.

Mais il faut que les élèves qui entrent au collège aient acquis un niveau de base contrôlé par l’examen. Les enseignants perdent trop de temps à revenir sur ce qui n’a pas été acquis.

La sixième doit constituer un prolongement efficace du cm2. Par conséquent, le nombre d’enseignants intervenant en sixième sera limité. L’idéal serait donc d’encourager les polyvalences comme cela se fait en Finlande. Un enseignant sera chargé des disciplines scientifiques, un autre des disciplines littéraires. Le tout étant modulable. Le but est d’encourager la transdisciplinarité et d’éviter la segmentation. Le même système serait reconduit en cinquième. Dès la quatrième, la division disciplinaire pourrait être étendue.

 

Notation

 Le système de notation doit aussi évoluer. Une note de participation et d’activité sera crée et qui mesurera les compétences de travail en classe, de coopération, de dynamisme et de citoyenneté. Elle sera présente dans chaque pôle de compétences. Elle sera une sorte de contrôle continu. Chaque trimestre un examen commun à chaque niveau serait effectué. Nous y reviendrons dans des propositions pédagogiques notamment avec la perspective du portfolio.

 

Soutien, tutorat et études du soir

Le redoublement serait désormais extrêmement rare. Par contre des modules de niveau et de remédiation serait mis en place afin que les élèves puissent travailler leurs points faibles. Aucun groupe ne devrait excéder 10 personnes. Les études du soir devraient alors être effectuées par des professeurs qui prendraient ainsi des petits groupes d élèves pour les aider à faire leurs devoirs. Il ne s’agit donc pas de supprimer les devoirs mais de permettre au plus grand nombre de les effectuer au sein de l’établissement avec des personnels compétents. Des stagiaires de première ou deuxième année d’enseignement pourraient également renforcer le dispositif ainsi que des étudiants préparant les concours d’enseignants(assistants pédagogiques) Ce système ne doit pas fonctionner sur le bénévolat, il doit être rémunéré. Seul un tel système peut diminuer les inégalités sociales et permettre aux élèves motivés d’y parvenir.

Par conséquent ces petits groupes pourront être parfois de niveau afin que les meilleurs potentiels soient encouragés. Les moyens financiers devront être mis en œuvre notamment dans les zones défavorisées.

 

Post-collège :

Si le travail de suivi individuel s’améliore ainsi, le niveau des élèves devraient être meilleur au lycée. De même les lycées professionnels, agricoles ou les CFA verront des élèves motivés et qui auront fait le choix de leur orientation.

Le travail de préparation à l’orientation devra se poursuivre y compris pour les élèves de section générale. Un bon résultat au bac général n’est plus un rempart anti-chômage.

Tous les niveaux post-collège devront avoir une formation juridique de formation de citoyen.

Je n’ai pas de propositions précises en matière structurelle ici si ce n’est des prolongements avec le collège en matière de suivi des élèves.

 

Universités.

 

1. L’inégalité sociale bat encore ici son plein à cause de l’éclatement du système entre grandes écoles, formation de courte durée et université classique. L’université en pâtit beaucoup en termes de moyens et surtout de reconnaissance sur le marché du travail. L’exception française n’a pas lieu d’être. Les sections de khâgne, de BTS et de la plupart des grandes écoles devront être…supprimées.

Il est évident que cela peut faire hurler mais elles sont totalement inégalitaires et de plus elles dévalorisent le baccalauréat.

Les Bts n’ont rien à faire en lycée. Les lycées doivent avant tout s’occuper des lycéens.

Les formations courtes seront rassemblés à l’université sous forme de DUT. La sélection s’il y a lieu se fera sur les notes au bac et sur la motivation du candidat.

 

2. La première année d’université se verra doté d’un tronc commun comprenant des enseignement de méthodologie et de culture générale. Les autres modules seront de spécialisation. La plupart des universités commencent d’ailleurs à développer ces perspectives.

 

3. Des modules de préparation aux concours d’ingénieurs ou d’écoles spécialisées seront ouverts aux meilleurs élèves de l’université afin de permettre la formation d’une élite de pointe dans ces domaines. Ces dernières se verront rattachées d’ailleurs à l’université.

 

4. Chaque étudiant recevra une formation sur la gestion d’une entreprise afin que les créations d’entreprise par les universitaires soient encouragées et favorisées.

Le but est de permettre à l’étudiant d’obtenir une formation générale performante et d’acquérir des compétences recherchées sur le marché de l’emploi mondialisé.

 

5. La remise des diplômes seraient effectuée par les directeurs de sections. C’est le minimum de respect à donner à un étudiant qui trop souvent apprend son résultat sur une feuille bien terne au milieu de la bousculade.

 

6. L’étudiant serait encouragé à enrichir son CV qui répondrait à la norme du CV européen. Les institutions publiques veilleront donc à recruter des étudiants en tant que surveillant, assistant pédagogique, moniteur de bibliothèque, médiateur socio-culturel. Aucun de ces travaux ne pourra être effectué à plein-temps. Des modules de validation d’acquis professionnels pourront être insérés aux diplômes. De même les stages pourront être valorisés grâce à des attestations de réussite en milieu de travail.

 

 

Conclusion

D’autres idées peuvent encore être ajoutées. Je les formulerai peut-être de manière postérieure.

Je m’arrête ici en matière de fonction institutionnel. Je proposerai quelques pistes pédagogiques dans un autre texte car la réussite éducative tient à la fois à l’institution et à la pédagogie.

 

 

 

Fougères, le20-11-2005

Olivier Le Deuff

oledeuff@gmail.com

Enseignant-documentaliste.

Boycott du concours capes troisième voie ?

 

Ce texte rassemble deux de mes intervention sur la liste e-doc.

C’est une interrogation sur la dérive des troisièmes concours. Je demeure dans l’optique de la défense des diplômes et contre la mise en place de passe-droits n’impliquant pas une vraie validation d’acquis.

Intervention numéro 1 :

Il serait quand même bien que ce concours troisième voie soit plus clair. Il me parait même inégalitaire voire illégal. Il est en effet

injuste que des cadres C ayant une licence ne puisse pas le passer quand des personnes exerçant une profession dans le privé n’ayant rien à voir avec l’Education Nationale aurait ce droit. Je vois dans ce concours un grand mépris : d’une part pour les diplômés, d’autre part pour les fonctionnaires.

De plus, cela entraîne à nouveau des situations de passe-droit étranges. Le troisième voie était destiné surtout aux emplois-jeunes. Il ne devait donc pas durer dans le temps. Or les nouvelles conditions sont synonymes de pérennité.

Finalement il faut que nous demandions qu’une expérience dans l’Education Nationale ou dans un domaine proche soit inscrite comme condition obligatoire. De plus il faut que ces concours soient provisoires.

Si ces deux conditions ne devaient pas être réunies, seul un boycott des épreuves pourrait être la solution. Je lance donc le débat : comment faut-il donc réagir car le troisième voie tel qu’il est en train de devenir est une menace pour la fonction publique.

 

Suite à ces propos, d’autres personnes ont réagi arguant notamment que ma réaction résultait du corporatisme de l’Education Nationale.

 

J’ai donc tenté de leur répondre (intervention numéro 2) :

Bonjour,

J’ai bien lu les remarques des personnes qui souhaitent passer ce concours. Pour ma part, je suis pour que l’expérience soit prise en compte et validée. Seulement pourquoi un troisième concours dans ce cas ? Car c’est bien là que se situe l’inégalité. D’ailleurs en matière d’inégalité, lorsque j’étais en recherche d’emploi, j’ai été souvent recalé sur les profils d’emploi-jeune car j’étais trop diplômé et personne ne s’en offusquait. L’idéal serait que l’externe soit simplement plus ouvert avec plus de postes s’il le faut. Dans ce cas tout le monde serait sur le même plan d’égalité.

Je persiste à dire qu’il y a une menace pour la fonction publique à terme si ce genre de concours venait à se généraliser : troisième voie et titularisation via la loi Sapin.

Je sais aussi que pour beaucoup la réussite au concours constitue une fin en soi et que l’hétérogénéité des candidats serait positive. Mais il faut que les chances soient les mêmes pour tous, il n’y a aucune raison qu’un salarié ayant 5 ans d’expérience professionnelle soit privilégiée par rapport à un jeune candidat sortant de ses études avec une licence. J’ai le sentiment que les diplômes commencent de plus en plus à devenir un handicap en France ce qui explique sans doute la tentation des élites à s’exiler.

Pour ma part, je reste convaincu que le concours troisième voie reste inacceptable dans l’état et que le boycott risque d’être une des solutions. L’autre serait un recours administratif au conseil d’Etat à moins que des solutions de médiation ne soient proposées.

 

Pour conclure ces deux interventions:

 

Oui à l’ouverture des concours à un plus grand nombre pour que l’Education Nationale fasse rentrer en son sein des personnes de différents horizons, seulement il faut que les règles soient les mêmes pour tous.

A ceux qui répondent qu’il vaut mieux être passé par l’IUFM pour réussir le concours, je dirai que de nombreux candidats dont je fais partie l’ont réussi sans.

Malgré tout, les critiques sont bonnes à prendre et le concours doit permettre de mieux détecter des aptitudes qui peuvent s’avérer intéressantes pour la formation des élèves mais il est clair que c’est déjà un autre débat.

 

Le dieu google

L’emprise de Google devient préoccupante. Peut-être parce qu’il ressemble à un dieu…

Le terme employé est volontairement provocateur mais il est vrai que le statut du moteur de recherche est tel que je suis tenté d’examiner son caractère divin.

Les adeptes de Google sont nombreux et j’en fais partie. Une "religion Google " semble même se former. En effet une religion est étymologiquement ce qui relie. Et c’est ce que fait le moteur en nous reliant dans nos pratiques et en servant de lien entre nous et des sites. Nous lui demandons beaucoup comme s’il était omniscient, comme s’il connaissait toute l’immensité de l’Internet. Or c’est faux : certaines zones lui sont encore ignorées : notamment ce qu’on appelle le web invisible. Mais le moteur gagne du terrain et l’invisible devient de plus en plus visible.

Etonnant aussi le fait qu’Aristote et notamment son interprétation via Averroès parle de Dieu comme du moteur immuable ou bien encore du premier agent…

Immuable c’est discutable car il est probable que l’algorithme de Google est fluctuant. De plus la renommée de Google va en s’accroissant. Le triomphe du site s’était fait par le bouche à oreille. La « bonne parole » avait ainsi circulée. Les initiés avaient convaincu alors les néophytes. Et le paganisme d’Altavista allait s’en ressentir. Google c’est le monothéisme informatique. Et comme tout Dieu, il a ses saints et ses Eglises. Google n’est plus seulement un moteur, c’est aussi une barre de recherche à télécharger, un moteur qui recherche sur votre disque dur, un système de blog (http://www.blogger.com/start), un service webmail performant (http://gmail.google.com) et bien d’autres encore. Google va bientôt finir pas incarner le web à moins que ce ne soit l’inverse.

Le plus inquiétant dans cette idolâtrie vient du comportement de mes élèves. A croire qu’il y a quelque chose de vraiment magique dans Google.

En effet malgré la formation, certains de mes élèves de cm2 commencent déjà à devenir des adeptes de Google à tel point que dans leur esprit Google est à la fois un moteur, un navigateur et tout ce qui est possible d’imaginer. ! Malgré le fait de travailler sur différents navigateurs, traitements de texte et d’user de plusieurs moteurs de recherche, s’il ne devait retenir qu’un seul mot après Internet c’est « Google ». Décidément Benoit XVI est bien dépassé. Les humains utilisent déjà plus Google qu’ils ne prient. A moins qu’utiliser Google ne soit une forme de prière ?

 

Il est vrai que ce moteur est parfois vraiment étonnant. Certains sites donnent les clefs pour user de requêtes opportunes sur le moteur afin d’accéder à des données théoriquement confidentielles. A croire que plus rien ne va être invisible au moteur. Par ce biais nous sommes parvenus à prendre le contrôle de plusieurs caméras de surveillance un peu partout sur la planète ! Google a ainsi ses initiés : ceux qui savent l’utiliser au mieux, ceux qui pensent connaître le secret de l’algorithme, ceux qui savent bien se faire référencer par son biais, etc. S’il n’y a pas vraiment de bible Google, il y a déjà une kabbale.

Il est vrai que l’on ressent un certain plaisir à taper son propre nom dans le moteur et de voir apparaître des réponses. Google risque de devenir un instrument de mesure de l’importance d’une personne au sein du cyberespace. Et la question : « T’es pas dans Google ? » va devenir croissante. Etre ou ne pas être ? Telle est la question.

Il est vrai que Google est le meilleur. Malgré les critiques que l’on peut émettre la société (l’Eglise ?) propose des services supérieurs aux autres. Et il ne sert à rien de le déplorer. Si on veut mettre fin à sa suprématie ( près de 80 % des recherches sur les moteurs en France passent par Google : http://www.barometre-referencement.com/) il faut être au moins aussi bon. Et s’il n’y avait que le moteur !

Le service mail de Google dont je suis devenu adepte est redoutablement efficace. Finalement mes CM2 ne font peut-être qu’anticiper. Google pourrait bien devenir aussi un navigateur en plus d’un moteur et d’un service mail. Et puis pourquoi pas un système d’exploitation ? Pierre Lévy y verrait dans ses délires la suprématie du virtuel sur le réel. Mais tout en désormais envisageable.

Alors on a beau parler de Kartoo, ou d’Exalead aux usagers. Rien n’y fait. Le paganisme ne semble pas en vogue dans cette sphère. Faut-il résister alors ? Des projets en open source voient le jour : Nutch : http://incubator.apache.org/nutch/ ou bien encore Frutch http://frutch.free.fr/ mais tout cela est loin d’être encore abouti.

Seulement ces projets posent les bonnes questions. Google n’est qu’un télescope du web. Il nous renvoie sa propre vision, une vision non humaine. Le site [spider-simulator->http://www.spider-simulator.com]/ montre comment les robots des moteurs voient en fait votre site.

De plus nous ne savons pas exactement quels sont les critères exacts que Google retient. Et cette invisibilité est antidémocratique.

Il nous faut donc rester vigilant pour garder notre point de vue indépendant.

Google n’est pas obligatoirement un miroir à moins que vous ne le percevez comme le Dieu de Maître Eckart : « Dieu nous voit avec le même regard que nous portons sur lui. »

 

Bibliographie :

P.S

Vous pouvez retrouver le Dieu Google sous forme de BD : Dieu google

Un article intéressant sur la question de S. Genevois. :

LUTTONS CONTRE LA « GOOGOLISATION » DE L’INFORMATION !

http://sgenevois.free.fr/googolisation.htm

 

 

Article publié sur l'ancien site :

http://membres.lycos.fr/ledeuff/gde/article.php3?id_article=27

 

La nécessité de former à la documentation

Les adeptes du bookcrossing mettent un peu de nostalgie dans nos anciennes méthodes de recherche. Autrefois nous cherchions au sein de la bibliothèque parmi les rayons le livre qui allait nous faire vibrer. Parfois un nom d’emprunteur sur une carte pouvait nous convaincre de notre bon choix. Il est encore possible heureusement d’errer et de chercher par hasard un livre intéressant. Nos recherches sur Internet peuvent parfois s’avérer également fructueuses par le jeu d’un pur hasard. (concept de serendipité d’Olivier Ertzscheid)

Cependant le déplacement physique pour accéder au document se fait rare, d’où l’intérêt du bookcrossing qui peut nous entraîner d’aventures en énigmes et dont le but final est un livre. En quelque sorte c’est un moyen de retrouver la valeur des choses. Mais il faut dire que ce petit jeu n’exclut par le monde d’Internet puisque les indices pour retrouver le livre figurent souvent sur un site. Une nouvelle hybridation fort intéressante qu’il faudrait peut-être étudier pour inciter les élèves à la lecture. Quoique ce ne soit pas gagné car l’élève risquerait d’adopter un comportement similaire à celui d’Internet. Il croira sa tâche finie une fois le livre en main. Erreur de novice qui n’a pas encore acquis la sagesse. Cela reviendrait à trouver un coffre contenant des richesses et à ne jamais l’ouvrir. Et pourtant nombreux sont ceux qui après une errance sur les océans du cyberespace sont fiers lorsqu’ils pensent avoir atteint leur but. Le non-initié imprime et puis pense avoir achevé sa quête grâce à l’intercession du dieu « Google ». Mais le saint Graal est ailleurs : dans la lecture et l’analyse processus nécessaire dans l’acquisition de la connaissance. En effet l’accès à l’information autrefois physiquement situé devient désormais plus aisément accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté au réseau Internet. Mais si autrefois le filtrage était effectué au sein de la bibliothèque et du centre de documentation, ce n’est plus le cas quand l’usager est en complète situation d’autonomie. Bref comme le dit Martin Lessard : la barrière s’est déplacée de l’accès du document à son traitement.

Un tâche difficile qui nécessite une culture et une formation adaptée. Il est évident que c’est au sein de cette sphère formative que les spécialistes des documents vont devoir s’investir pleinement pour faire acquérir aux élèves, étudiants et usagers les moyens de s’y retrouver. La difficulté est grande car la tentation de passer outre les conseils du professeur, du documentaliste ou bien encore du bibliothécaire est forte. Une mission rendue d’autant plus difficile que les qualités de lecture sont clairement en baisse chez nos élèves du fait des nombreuses concurrences cathodiques et ludiques. A cela s’ajoute le besoin de rapidité qui devient permanent alors que le temps d’apprentissage s’avère impossible à éluder. Un travail qui doit s’accompagner également de l’exercice critique et du développement des qualités citoyennes.

En clair nous ne pouvons plus continuer à bricoler. Il faut que les autorités nous donnent les moyens et incluent dans les référentiels de compétences et autres programmes la formation documentaire. Il faut des professeurs de documentation ! Il faut des heures dans l’emploi du temps ! Evidemment cela signifie apparemment encore rajouter. Mais il s’agit surtout de créer des fondations sans quoi le reste des programmes restera sans incidence pour nos élèves.

Certains diront que la documentation n’est pas une discipline. Peut-être. Mais doit-on garder alors nos savoirs sous ce seul prétexte ? Car il est évident que nous avons des choses à faire apprendre et que d’ailleurs nous tentons de le faire. Mais ce n’est pas toujours évident car nous le faisons sans cesse dans l’urgence. Hors la formation documentaire demande du temps et de la réflexion.

Il faut dès lors nous donner réellement les moyens d’accomplir au mieux notre mission.

Mutants et mutations dans le cyberespace

Alors que le débat porte sur l’emprise du moteur google, des avancées technologiques méritent une réflexion plus poussée.

Notre univers est en plein bouleversement. Ce n’est pas pour faire peur mais il n’est pas impossible que devienne réalité ce qui autrefois faisait partie de la science fiction.Voici un petit panorama pour ne pas être trop surpris.

1. Les BCI. Bientôt les cyborgs ?Les « avancées » dont je vais parler sont encore a priori au stade expérimental et réservé aux publics handicapés. Seulement il n’est pas interdit d’envisager de rapides incidences sur nos manières de surfer.

C’est dans ce cadre que rentrent les recherches en BCI (brain cerebral interfaces) également appelées interfaces-cerveau-ordinateur en français. Il s’agit de controler l’ordiannateur par la pensée. Il existe deux techniques actuellement pour y parvenir : Les techniques dites intrusives : des capteurs sont implantés chirurgicalement au sein du cerveau. Les techniques non-intrusives : les capteurs sont placés sous forme d’électrodes sur la tête.

Je ne vais pas détailler ici tout ce qui concerne les BCI. Il y a un excellent article sur ce sujet : Le contrôle par la pensée : l’interface ultime ? http://www.internetactu.net/index.php ?p=5854

Pour le cas des techniques intrusives, nous ne pouvons nous empêcher de songer à une mutation de l’être humain en cyborg. Il est clair que les BCI rendent cette vision désormais possible. Qui sait à l’avenir comment seront les interfaces ? Elles seront bien différentes et peut-être aussi plus sensuelles. L’univers de Gibson n’est finalement pas bien loin. Faut-il s’en inquiéter ? Sans doute, mais il est clair que le mouvement est amorcé et que les mutants ne vont pas tarder à arriver. Qui sait si nos descendants useront de chappe de pensée comme dans les romans d’Arthur.C. Clarke parvenant ainsi à accèder instantanément à des milliers d’informations ? Il est vrai qu’il ne faut pas mélanger science-fiction et réalité. Malgré tout ces visions fantasmatiques font partie de l’univers culturel de nombreux informaticiens.

2.Les androïdes et autres robots.Après les mutants et les cyborgs, peut-on envisager de nouvelles entités basées sur l’Intelligence Artificielle ? Le mythe semble désormais repoussé par les informaticiens qui ne cherchent pas nécessairement à faire du robot un équivalent de l’homme. Malgré tout si le rêve de pygmalion semble s’être envolé, celui des robots domestiques semble connaître des progrès évidents. Les chercheurs japonais sont d’ailleurs en pointe dans ce domaine :

http://solutions.journaldunet.com/afp/depeche/hightech/050315105042.ugkajz66_i.shtml

Les humanoïdes de Star Wars arrivent bientôt serait-on tenter de dire quand on lit les articles de ce genre. a quand R2D2 chez vous ?

3.Les agents intelligents

Et que dire aussi de ces nouvelles entités que sont les agents intelligents capables d’effectuer de la veille documentaire, de vous avertir de vos mails, etc. Pour en savoir plus, il suffit de se rendre sur ce site : www.agentland.fr/ Vous y retrouverez de nombreux logiciels dont certains ne vous sont pas inconnus. Parmi ces agents les plus tentants mais aussi les plus énervants sont les agents intelligents animaliers ou à l’effigie d’un avatar. J’ai ainsi eu un singe violet qui lisait mes mails il n’y a pas si longtemps. Ce secteur est en tout cas en plein développement. Qui sait d’ailleurs si les futurs catalogueurs ne seront pas des agents intelligents ? ( Je sais que cette phrase va faire jaser à la suite du récent débat sur le catalogage.)

4.Les entités virtuelles. Que dire si ce n’est que la faune du cyberespace révèle d’étonnants spécimens dont certains seront peut-être inquiétants à l’avenir. Faut-il craindre une révolte des machines façon Odysée de l’Espace ou plutôt un ghost dans la machine ? (cf. Ghost in the shell) En effet qui sait si vous n’allez pas finir par "chater" avec une entité virtuelle totalement indépendante qui aura passé avec succès le test de Turing (test surprême de la mesure de l’intelligence d’une machine) Il existe déjà des robots qui peuvent répondre de manière automatique sur les « chats ». Mais ils n’ont subi qu’une simple programmation. Demain peut-être la jeune fille sympa avec qui vous aurez causé sur les modules de « chat » ne sera ni un canon ni un laideron mais une créature née du cyberespace. A moins que ce ne soit un des nombreux avatars des pirates du cyberespace. Une nouvelle jungle se prépare donc.

Bon je m’arrête ici dans ces perspectives parfois inquiétantes mais déjà amorcées. Je ne parlerai donc pas des virus informatiques qui finiront bien par faire l’objet d’une somme médicinale pour les traîter. Dès lors il est facile de comprendre que le débat sur Google est probablement déjà dépassé. Toute oeuvre finira bien par être numérisée et indexée par les moteurs de recherche. Il ne s’agit pas de résister de manière franchouillarde. Les frontières du cyberespace sont différentes et fluctuantes.

Il faut donc des « guides des égarés » ( réels, mutants, virtuels ?) afin que les connaissances continuent à se lier de manière à ce que cultures et droits de l’homme soit mieux partagés. Bibliothécaires et documentalistes se doivent de demeurer à la pointe des innovations pour pouvoir mieux influer sur les transformations. Il s’agit certes d’avertir et de conseiller mais certainement pas de refuser tout changement en prônant un repli ou un retour en arrière. Si nous voulons influer sur ces changements il faut participer à la vie des laboratoires de recherche, aux colloques multidisciplinaires et montrer aux informaticie
ns les réels besoins des usagers et des citoyens.

Le catalogage : l’art de décrire un livre sans l’avoir lu. Réflexions sur une nécessaire évolution des bibliothèques pour « sauver la lecture. »

Retrouvez l’article original sur l’ancien site avec les débats qui s’en sont suivis :
http://membres.lycos.fr/ledeuff/gde/article.php3?id_article=22

Critique du catalogage et avenir des bibliothèques. Quelques réflexions qui reviennent dans l’esprit du projet initial du guide des égarés.

Depuis quelques temps sur la liste Biblio-fr, certaines personnes s’insurgent du fait qu’elles sont jugées inaptes au métier des bibliothèques sous prétexte qu’elles ne savent pas cataloguer. Je les comprends. Je me souviens que lorsque je postulais en bibliothèque en tant que lauréat du concours de bibliothécaire territorial, je me voyais par fois reprocher mon manque de formation professionnelle. Malgré une maîtrise et licence d’histoire avec une mention documentation, il aurait mieux valu avoir un Dut probablement. Après quelques années passées en tant que documentaliste de collège, mon opinion n’a guère évolué. Les apôtres du catalogage me font bien rire. Le catalogage ne cessera d’évoluer au gré des progrès des logiciels. Bref, il suffit de savoir mettre les bonnes données dans les bonnes cases. Une tâche qui ne nécessite ni d’extraordinaires compétences intellectuelles et encore moins de compétences informatiques poussées. En clair, si vous savez vous débrouiller avec des logiciels bureautiques, vous saurez sans peine cataloguer.

 

Le plus absurde dans tout cela, c’est que le catalogage s’accompagne le plus souvent d’un vide étonnant : l’absence de résumé notamment en bibliothèque. Et oui, le catalogage est bien l’art de décrire un livre sans l’avoir lu. Le catalogueur n’est pas critique littéraire certes, mais le fait de cataloguer ne lui donne aucune supériorité qui mérite d’être autant soulignée lors des recrutements. A moins qu’il ne voie dans la classification Dewey une nouvelle bible dont il se ferait le plus pur exégète. Une personne ayant une bonne culture générale, une bonne pratique informatique et des facilités d’adaptation me semblent plus apte qu’un catalogueur inculte. Et puis le « progrès » se faisant, ses tâches de catalogage se verront de plus en plus automatisées et les nombreux catalogueurs disparaîtront petit à petit. Peut-être alors verrons- nous enfin apparaître les vrais médiateurs du livre et de la culture. Sinon, il est à craindre que tout ne se robotise à tel point qu’il n’ y ait plus beaucoup de personnel en bibliothèque. De toute façon, il faudra faire des choix. Mais à mon avis, il vaut mieux recruter des personnels dynamiques, cultivés, motivés et sachant s’adapter plutôt que des « techniciens » du catalogage voués à disparaître. Les « purs techniciens » qui resteront seront ceux qui sauront veiller à la conservation du media.

 

Je trouve pour ma part toujours scandaleux qu’il y ait autant de personnes en bibliothèque occupées à cataloguer. Il serait fortement intéressant de voir les moyens qu’il y aurait pour réaliser ainsi des économies d’échelle. Des personnes qui cataloguent pourraient se voir confier d’autres tâches plus intéressantes. (animations, expositions, conseils, etc.) La nécessité fait apparaître le besoin de recrutement de plus de cadre A. Et ces derniers devraient avoir une expérience de la recherche soit au moins le niveau maîtrise. Je ne vois pas comment on peut guider avec efficacité des chercheurs sans un tel niveau. De plus, il en va aussi de l’image du bibliothécaire et de sa considération. Il est grand temps d’en finir avec la paupérisation d’un lieu clef de la culture. J’ose affirmer que les bibliothèques ne sont pas assez considérées en France. La lecture que ce soit par n’importe quel support (livres, journaux, multimédia) reste le meilleur moyen pour apprendre. Il ne sert à rien d’augmenter le budget de la culture si ce n’est que pour favoriser le spectacle et les manifestations voyantes. La France prétend être un pays de culture. Et elle l’est sans doute. Seulement la lecture me semble en baisse notamment chez les plus jeunes. Un travail en commun doit être donc fait avec l’Education Nationale. Si on dispose de bibliothèques c’est pour que les livres y soient lus vraiment. Or, il faut constater que dans la chaîne du livre, plus grand monde ne semble vraiment lire les ouvrages. Depuis le processus éditorial qui laisse place de plus en plus à des coquilles en passant par le catalogage sans résumé jusqu’au lecteur emprunteur qui lira parfois au mieux la quatrième de couverture pour l’intégrer ensuite à sa bibliographie. Evidemment ce constat est un peu poussé mais il n’est pas totalement faux non plus. La lecture me semble par conséquent en danger. Je ne serai nullement choqué que soit compris dans l’emploi du temps du personnel travaillant en bibliothèque quelques heures de lecture obligatoire aboutissant à des résumés ou des conseils de lecture. Le responsable de la bibliothèque aurait pour charge de confier ainsi des lectures « obligatoires » à réaliser. Il faudrait que ce travail ne soit pas perçu comme une tâche ingrate mais au contraire qu’il soit gratifiant. On va me rétorquer que les vrais professionnels lisent beaucoup. Je suis d’accord. Mais je pense que beaucoup ne lisent pas assez. Finalement, la meilleure technique à apprendre ne serait pas le catalogage mais la lecture rapide.

 

Le ton est volontairement polémique. Le débat est ouvert…

P.S Cet article n’a pas pour but de critiquer les personnes qui passent l’essentiel de leur temps à cataloguer. Mais il s’agit de leur faire prendre conscience qu’une réorganisation du travail leur permettrait d’apporter un réel plus en bibliothque en sollicitant bien d’autres de leurs capacités.