Nous avons de plus en plus besoin de lecteurs de crânes de licorne

J’écris peu sur le blog depuis quelques temps. Beaucoup de projets et de travaux monopolisent mon temps et mon attention. Disons ce que ce dernier billet de l’année augure l’esprit et la volonté qui m’animeront en 2011.

On a cru sans doute hâtivement que la fin de l’histoire était survenue lors de la chute du mur de Berlin tant la destinée semblait écrite et le triomphe démocratique semblait inéluctable.
20 ans après, il n’en est rien. Au contraire, la démocratie recule y compris au sein de ses bastions premiers.
Le sens de l’histoire est devenu bien incertain et il est évident que le premier réflexe est de tenter de se retourner vers le passé pour tenter de mieux « prospectiver ». Un sens à construire, une histoire à écrire de manière « poétique » en suivant Réné Char : « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres ». Hélas il semble que ce soit bien les ténèbres qui nous entourent désormais du fait d’une césure qui s’est produite dans notre rapport à l’espace-temps. Finalement, nous sommes comme le héros de «  la fin des temps » de Murakami, quelque peu coupé en deux, contraint d’avoir abandonné une partie de nous dans un passé de plus en plus inaccessible. Seul celui qui est capable de déchiffrer les mémoires contenues dans les crânes des licornes et seul celui qui sait trouver du sens et le chemin parmi les données (et notamment les Big Data) parvient à relier les deux mondes : l’archiviste ou le bibliothécaire qui n’est pas seulement un gardien.
En effet, l’archive semble la mieux à même de pouvoir répondre à notre situation en nous permettant de nous situer dans les méandres de nos destinées. Cette archive, c’est celle que décrit Michel Foucault :

  • « Mais l’archive, c’est aussi ce qui fait que toutes les choses dites ne s’amassent pas indéfiniment dans une multitude amorphe, ne s’inscrivent pas non plus dans une linéarité sans rupture, et ne disparaissent pas au seul hasard d’accidents externes, mais qu’elles se groupent en figures distinctes, se composent les unes avec les autres selon des rapports multiples, se maintiennent ou s’estompent selon des régularités spécifiques »
  • (Foucault, L’archéologie du savoir, 1969 p.170)

Mais nous ne distinguons plus nécessairement l’archive ou le document porteur d’une importance historique. Les crânes de licorne évoqués par Murakami sont également une belle métaphore de nos documents produits par des outils ou programmes désormais obsolètes.
On croyait que le numérique nous apporterait un accès facilité à la connaissance, il n’en est rien. La littératie se complexifie au contraire et l’illusion de la transparence dissimule délégations techniques et intellectuelles. Cela signifie qu’il est grand temps de développer une culture de l’information et une translittératie qui soit réellement durable, faite de savoirs et de savoir-faire qui puissent être réinvestis sans cesse sans quoi l’archéologie de nos savoirs est grandement menacé et sa futurologie celle décrite par Lévi-Strauss.
Par conséquent, un simple esprit « culture informationnelle » ajoutée à la marge ne saurait répondre à cette mission. La construction de learning center n’y suffira pas non plus car il ne s’agit pas de confondre le bâtiment avec l’institution. Le chantier est bien celui de la culture des esprits, une construction hautement plus ambitieuse et plus difficile. J’appelais dans ma thèse en 2009 à une reformation de la culture de l’information. En appelant à la reconstitution de l’Ecole à partir de la skholé, cette capacité d’attention qui est la base de notre capacité à comprendre, à reformuler et à écrire, je souhaitais démontrer que les compétences et savoirs exigés ne pouvaient se contenter de simples injonctions politiques et encore moins économiques. Au contraire, la culture de l’information ne doit opérer en parallèle de la prétendue société de l’information ce que tend trop souvent à faire les théoriciens de l’information literacy. Cette culture dont nous avons besoin, c’est celle qui permet l’accès à la majorité de l’entendement au sens Kantien. Cette culture demande un effort, une capacité de résistance qui permet de trouver la sortie hors de la minorité de l’entendement. Hélas, les mineurs sont de plus en nombreux, enfermés dans des cavernes qui les déforment et les privent des Lumières et se contentant de d’inter-médiaires comme directeurs de conscience. C’est donc autant d’un humanisme numérique que des Lumières numériques dont nous avons besoin.
Pour cela, il nous faut aussi sortir des évidences et des discours qui les accompagnent. Nous avons besoin de plus en plus de savants, « savant » au sens de celui qui sait lire et écrire parmi cette diversité médiatique convergente.
Nous avons de plus en plus besoin de lecteurs de crânes de licorne.

Quelles littératies au CDI ?

Ce petit professeur vous lit le début de ce texte, histoire en même temps d’illustrer mes propos « translittératiques ».

Ce n’est pas exceptionnel de constater que les activités des élèves au sein du centre de documentation de l’établissement ne correspondent  pas aux usages prescriptifs qui en fait principalement un lieu d’études. Nos observations ne font que confirmer une tendance qui se constate déjà depuis plusieurs années en CDI ainsi qu’en bibliothèque. Les aspects de convivialité ayant pris de plus en plus d’importance. Les centres de documentation et les bibliothèques apparaissent dès lors multi-facettes pour attirer et satisfaire un plus grand nombre d’usagers qui ne sont pas tous d’ailleurs de véritables lecteurs au sens traditionnel .
Néanmoins, si les usages observés peuvent apparaitre quelque peu hors cadre dans la mesure où il ne s’agit ni de pratiques studieuses ni de lectures et d’emprunts, comment pouvons nous les qualifier ?
Nous avions déjà observé des usages, des mésusages que nous avions qualifiés de négligences (neg-lego : ne pas lire. Les négligences rassemblent toutes les activités de non-lecture ou de « mauvaise lecture »).  Il nous semble que toutes les négligences ne sont pas toutes à exclure des pratiques de lecture et de l’écriture, bref de la littératie. Il en va de même pour des usages que nous avons repérés dans l’espace CDI de notre lycée professionnel depuis la rentrée.
Nous souhaitons rappeler que la littératie peut être associée à la notion de texte qui définit ce qui mérite ou nécessite une lecture. Cela élargit donc la littératie à l’ensemble des supports et pas seulement le livre ou les supports alphabétiques. Le numérique contribue à l’élargissement de la notion de texte avec le développement des écrits d’écrans, d’où d’ailleurs les perspectives ouvertes par la translittératie.
Observations :
Il est intéressant de noter que la lecture sur écran semble poser moins de rejet notamment quand il s’agit de recherche des scantrads de mangas. Cette pratique semble fréquente et bien avancée chez les lycéens. Ce constat nous incite à nous demander s’il ne serait pas opportun de proposer davantage de supports mobiles permettant ce type de lectures. Autre aspect intéressant est le passage fréquent entre la version papier et la version animée du manga qu’effectue les lycéens qui viennent à la version papier via l’animé et vice versa. Il y a ici comme une continuité entre les différents supports. Il serait opportun par ailleurs de veiller au transfert des supports de manière plus fréquente notamment entre les versions littéraires et leurs diverses adaptations. Il apparait que la lecture sur écran permet de réaliser plus facilement cette tabulation culturelle entre un manga dans sa version numérique, dans sa version animée voire dans les versions plus traditionnelles qui ont pu inspirer son histoire.  Pourquoi ne pas envisager une telle continuité avec les œuvres classiques ?
Des parcours peuvent être également réalisés via des applications tel pearltrees peuvent constituer des éléments intéressants de parcours de translittératie. L’avantage serait que quelque soit le parcours réalisé initialement, il puisse être réinvesti dans un autre.
L’enseignant peut évidemment tracer de tels parcours qui permettent à l’élève et à l’étudiant de parcourir et de découvrir, mais il est tout aussi opportun pour l’élève de co-construire également son parcours en usant des outils tels des hypomnemata qui constituent des traces de ses découvertes et de ses apprentissages. La césure entre loisirs/culture devenu moins prégnante, l’élève co-construit de manière plus volontaire et plus valorisée sa progression ainsi que son écriture de lui-même.
Cette écriture de soi peut alors prendre des formes  plus ambitieuses et plus participatives, incitant à l’échange et à la découverte avec autrui. La translittératie s’opérant pleinement au sein de milieux associés.
Cela signifie aussi qu’il est possible d’apprendre par le biais des loisirs. Le milieu des loisirs créatifs constituant ainsi une piste à observer.
L’enjeu étant désormais de faciliter les relations entre les diverses données de façon à créer autant des échanges que des relations trans-culturelles et décloisonnées. Il est tout  autant gênant que l’Ecole ne s’ouvre pas aux acquisitions de compétences issues de la sphère domestique que l’inverse.  Trop souvent, les élèves ne parviennent pas à établir des ponts, ils ont une représentation du scolaire et une projection qui se relève encore plus plan-plan qu’elle ne l’est vraiment. Cette césure n’est plus possible et en tout cas pas acceptable, sinon ce serait renoncer et laisser la place à ceux qui distillent le mieux leurs messages sur les réseaux et les nouveaux médias : territoire dont tend à s’emparer les industries publicitaires et de service.
C’est dans ce contexte, qu’il va falloir expérimenter et proposer de nouvelles solutions. J’espère pouvoir en apporter quelques unes cette année.

Sur l’attention informationnelle

Howard Rheingold
Image via Wikipedia

Howard Rheingold qui demeure à la pointe de la réflexion et des pratiques sur les environnements sociaux et web, évoque de plus en plus les problèmes d’attention liés aux environnements multi-tâches.

Rheingold évoque le fait qu’il y a autant d’avantages que d’inconvénients dans ces environnements multi-tâches et qu’il conviendrait d’étudier les nouvelles potentialités offertes, ce qui ouvre un chantier scientifique transdisciplinaire.

Il y voit des risques évidents tant la gestion du multi-tâche ne peut se contenter d’une gestion simple des outils du web 2.0. En effet, il ne suffit pas de savoir comment taguer, comment récupérer un flux rss, ou suivre une personne sur twitter. Ce n’est donc pas seulement un problème d’usages mais bel et bien d’attention et de capacité à évaluer l’information. Howard évoque d’ailleurs bien le fait qu’une maîtrise des outils n’implique pas nécessairement une maîtrise de l’information. Des études, qui peuvent être toutefois critiquées, montrent que le multitache nuit parfois à la concentration et à la compréhension. C’est sans doute vrai dans la mesure où cette dispersion est généralement considérée comme intuitive aux digital natives. Or, il n’en est rien, elle implique une formation longue, qui peut être facilité par l’enseignant- si et seulement s’il s’avère capable de transmettre cette compétence- mais surtout par une pratique progressive des divers hypomnemata. Il est probable que des personnes possèdent des capacités accrues dans cette gestion du multi-tâche : des lecteurs rapides et efficaces au sein des environnements numériques, des transliterate people.

Rheingold a inventé un concept pour définir cette problématique, celui d’infotention qui mêle techniques mentales et techniques basées sur des outils. Ce concept que l’on peut traduire par attention informationnelle, se rapproche fortement de ce que j’ai cherché à définir dans ma thèse sur la culture de l’information même si ce travail définitoire n’a pas été compris ou apprécié. J’ai intitulé d’ailleurs une sous-partie de mon travail : la formation à l’attention.

L’enjeu de formation se trouve donc bien là dans cette attention informationnelle qui ne peut être qu’une qualité (Eigenschaft) individuelle mais à portée collective. Sans doute, le débat entre Pierre Lévy et Alan Liu pourra nous aider à y voir plus clair.

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L’information literacy a-t-elle le goût des épinards ?

épinards
Image by bloggyboulga via Flickr

Je rebondis sur une phrase de Lorcan Dempsey prononcée dans un colloque – phrase que j’ai repérée car on a rapporté ses propos dans un twit :

lorcan dempsey – the term information literacy too much like ‘eat your spinach’ love the analogy! #emtacl10

Les propos peuvent apparaître un peu brutaux mais ils sont intéressants à plus d’un titre. D’une part, il révèle le sentiment que les formateurs à l’information manquent parfois de fantaisie et assène leurs interventions comme s’il tentait de faire avaler une cuillère d’huile de foie de morue.

C’est le défaut classique des formations à l’information et de ses représentations procédurales qui faisait dire à Barbara Fister [1] que certains bibliothécaires se comportaient comme des policiers avec le code de la route.

Le problème dans ce cadre, c’est que les élèves et étudiants que l’on souhaite former, sont persuadés justement de maitriser ce code de la route et que par conséquent les recommandations sont peu suivies.

Il est fréquent alors de constater que de nombreux articles sur l’information literacy insistent sur la nécessité d’application concrète afin de dépasser ce cadre incitatif. Nous sommes en partie d’accord avec cette vision. En partie seulement, car la mise en situation concrète ne signifie pas qu’il faille passer à côté des objectifs pédagogiques de types notionnels ou permettant une réflexion critique sur la recherche et le traitement de l’information.

Il est vrai que l’information literacy souffre souvent du manque de temps accordé par les institutions et il est tentant de parer au plus pressé en demeurant sur des usages à portée immédiate.

Outre le fait que les épinards peuvent être excellents notamment s’ils sont frais et cuisinés convenablement, il en va de même pour l’information literacy.

Il faut aussi considérer que de nombreux intervenants en culture de l’information ou en information literacy ne sont pas vraiment formés eux-mêmes pour l’enseigner. Une hypothèse possible serait de travailler davantage dans une optique de translittératie et d’envisager l’ouverture de formations universitaires estampillées « translittératie ». Cela permettrait d’avoir un plus grand nombre de formateurs compétents sur les différents terrains du secondaire et de l’université notamment. Ce cursus pourrait constituer aussi une piste ou tout au moins un programme obligatoire pour la formation de super instits qui pourraient intervenir en 6ème-5ème.

Je reviendrai prochainement sur d’autres pistes éducatives. Mais il est évident que vouloir développer la formation à l’information sans rien changer au système éducatif et universitaire est un leurre. Mettre du beurre dans les épinards quand ces derniers sont immangeables ne fera pas pour autant mieux passer l’ensemble. Tout cela pour dire qu’il faut probablement changer le menu et sans doute bien plus encore.

 

[1] FISTER, Barbara. (2005) Smoke and mirrors: Finding order in a chaotic world. Research Strategies. Volume 20, issue 3, p.99-105

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Literacy versus fluency

Il est fréquent de rencontrer de manière parfois équivalente les expressions d’information literacy ou information fluency.

Mais un récent projet présente une vision qui me semble préoccupante. Merci à Pintini d’avoir repéré et analyser ce projet en traduisant d’ailleurs les principales définitions :

1. Solution fluency: savoir en temps réel définir un problème, planifier une solution, l’appliquer et évaluer le résultat
2. Information fluency: être capable, inconsciemment et de manière intuitive, d’interpréter une information, quelle que soit sa forme (ou son format), pour en extraire l’essentiel et évaluer sa pertinence, sa signification dans un contexte donné
3. Collaboration fluency: parvenir à travailler en partenariat (en ligne et/ou en présentiel) de manière automatique (toujours cette notion d’inconscience)
4. Creativity fluency: faire ressortir l’artiste qui sommeille en nous (peut devenir intéressant si vraiment on possède ce don: par exemple dans la conception ou la rédaction – storytelling)
5. Media fluency: être capable d’interpréter analytiquement les communications (les messages), quels que soient les médias; être capable de créer du contenu numérique original (en choisissant judicieusement le média adéquat pour le message à transmettre)

Le passage de la literacy à un état qui serait celui de fluency est une erreur manifeste. En premier lieu, cette compétence serait une capacité peu rationnelle mais cependant pouvant être attestée un peu comme dans le domaine de la maîtrise des langues. En effet, certains éléments traduits plus haut semblent relever du don ou en tout cas pleinement de l’intuition. Or l’intuition est bien ce qui ne peut être vraiment enseignée ou tout au moins aucunement didactisée. D’autre part, le projet est surtout à visée lucrative et il n’est guère étonnant qu’une diversité d’acteurs cherche à s’emparer de ces terrains mal balisée par les institutions éducatives.

La fluency ou aisance numérique, selon la traduction de Pintini, me semble par conséquent une régression totale dans la mesure où cette aisance n’est décrite que par le vide, mentionnant encore le fameux esprit critique.

Le projet s’inscrit dans une lignée proche de la transliteracy mais semble se démarquer pourtant de la notion de littératie pour ne retirer principalement que ce qui relève du trans mais de manière peu rationnelle.

C’est aussi une position ouvertement non définitoire et qui laisse des boîtes noires et qui rendent de fait impossible toute réelle progression. La volonté de se démarquer de la maitrise technique est également un leurre du fait que ce n’est qu’une lecture partielle du terme de technique. C’est d’ailleurs une tendance actuelle de vouloir se démarquer d’une vision technique en confondant la technique elle-même et les investissements matériels.

La fluency apparait ici comme une maitrise quasi intuitive totalement contraire de la culture technique. Or, l’intuition ne peut suffire et être satisfaisante d’autant qu’elle est dés lors justement impossible à caractériser. La littératie, c’est cette connaissance tierce qui consiste à pouvoir expliquer ce que l’on réalise. C’est la conscience du processus de grammatisation tel que le démontre Sylvain Auroux. Il s’agit aussi de cette connaissance métalinguistique que Cucioli décrit comme le vrai savoir, c’est-à-dire le savoir conscient, pouvant être exprimé, construit et manipulé en tant que tel. La fluency consistant en fait dans un savoir épilinguistique, inconscient.

Nous avons déjà expliqué que cette connaissance doit être selon nous justement « exprimée ». Elle devient dès lors une réelle compétence mêlant savoirs et savoir-faire.

Privilégier la fluency est donc vraisemblablement une double erreur, à la fois dans la définition qui en est faite de la considérer comme une maitrise différente de la technique et en la faisant reposer sur des habiletés qui ne sont d’ailleurs pas vraiment originales.

La littératie nous parait pleinement plus efficiente à condition de ne pas la faire reposer sur des éléments entièrement calculables basés sur du procédural. C’est d’ailleurs ce chemin que je tente d’esquisser ici.

Appel à communication. Colloque satellite sur la maîtrise de l’information

 

Je relaie cet appel pour un colloque pour lequel je ne serai malheureusement pas présent.

 

Congrès annuel de l’IFLA 2010 : Réunion satellite

Appel à communication

Maîtrise de l’information : contexte, communauté, culture

http://www.ifla.org/en/calls-for-papers/2416

 
 

 
 

La Section Maîtrise de l’information de l’IFLA organise une réunion satellite à l’Université de Göthenburg (Suède) les 8 et 9 août, en collaboration avec l’Université de Göthenburg. Cet événement se déroulera le dimanche 8 août au soir et le 9 août toute la journée.

 
 

Les objectifs principaux de l’événement sont :

                  Comprendre les différentes significations de la notion de maîtrise de l’information dans des contextes, des cultures et des communautés spécifiques

                  Apprendre à connaître leurs différents besoins informationnels

                  Offrir aux participants l’occasion de réfléchir sur ce qu’ils peuvent en retirer dans leur pratique personnelle

 
 

Nous recherchons des communications pour le programme de la matinée. L’après-midi consistera en une « non-conférence » pendant laquelle les personnes présentes seront en mesure de proposer et d’approfondir des thèmes qui les intéressent plus particulièrement. Des informations complémentaires sur cette partie seront diffusées prochainement.

 
 

Les communications retenues viendront de professionnels qui

                  ont pratiqué les formations à la maîtrise de l’information dans des contextes, des communautés et des cultures spécifiques.

                  ont exploré les différentes facettes de la maîtrise de l’information en fonction de la culture et de la communauté, et des besoins spécifiques qui en découlent. Les auteurs devront décrire clairement le contexte et les objectifs ainsi que leur démarche de recherche.

Par exemple, le cas d’une bibliothèque publique et d’une communauté professionnelle locale, ou celui de professeurs de collège et d’élèves, ou encore celui d’enseignants à l’université et de groupes d’étudiants

                  ont développé leurs interventions (activités, pédagogie, programmes) en se basant sur la connaissance de ce contexte. Il devra être clairement présenté comment les formations sont adaptées au groupe ou à la communauté spécifique.

Nous sommes particulièrement intéressés par des pratiques participatives ou collaboratives avec les groupes ou communautés en question,  illustrées par des citations ou des vidéos.

 
 

Les communications seront en anglais, d’une durée de 30 minutes maximum

 
 

Calendrier

  1. Les propositions doivent être envoyées pour le 21 avril 2010, par mail à il.satellite2010@googlemail.com

Les propositions doivent inclure : titre, résumé de 250 mots, coordonnées de l’auteur (nom, adresse complète, téléphone, fax, mail), et son affiliation

  1. Les résultats de la sélection seront connus autour du 10 mai
  2. Les auteurs devront fournir un résumé plus important de 800 mots en anglais, et une courte biographie pour le 6 juin pour diffusion sur le site web
  3. Les présentations complètes devront être envoyées pour le 31 juillet

 
 

Merci de bien noter que les orateurs choisis sont attendus en personne et qu’ils sont responsables des frais liés à leur participation au congrès.

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Résultats de l’Enquête sur les loisirs créatifs

Voilà les premiers résultats de l’enquête sur les loisirs créatifs.
Vous y trouverez donc plus des résultats bruts que des analyses.
J’ai dégagé toutefois quatre profils de répondants dont trois sur la question du partage des créations.references3
Vous y trouverez également quelques visualisations.
Je tâcherai d’analyser sur le blog quelques éléments clefs.
Sinon, pour l’analyse de pointe, il faudra attendre les articles. (à moins que sur archivesic, on trouve quelques traces de préprint…)
Voilà le document en pdf :
Résultatsloisirscrea
Et en version scribd
Résultatsloisirscrea

De la déformation à la désinformation : l’arnaque des baies d’Acai

Il est coutume de dire qu’il faut être autant vigilant sur Internet que lorsqu’on effectue des achats dans un magasin classique.

Pourtant, il semble que la crédulité y soit parfois plus forte notamment par le jeu des fausses recommandations (ou astroturfing) mais aussi parce que s’y projette toujours des imaginaires plus prononcés et des projections de fantasmes qui peuvent s’y trouver incarnés. Parmi eux, figurent celui de pouvoir devenir un acteur hollywoodien ou tout au moins en suivre les traces et les secrets.

De là arrive ce passage de la désinformation à la déformation, et ce dans tous les sens du terme. En effet, il n’est pas rare de rencontrer sur divers sites, des publicités pour devenir beau et musclé dans un temps réduit grâce à des substances miracles qui vous trans-forme en éphèbe que tout le monde envie.

Ces publicités utilisent la technique du blog bidon qui présente le cas d’une personne qui serait parvenue à dénicher le secret des acteurs qui réussiraient en peu de temps à se constituer un corps d’athlète. Le plus terrible, c’est que cette arnaque fonctionne car elle prétend offrir des garanties à la fois médicales (pas d’effets secondaires) et financières (échantillon gratuits et frais de ports allégés).

Hélas, c’est une double arnaque : d’une part, cela ne produit aucun effet sur les corps si ce n’est des désagréments, d’autre part, c’est la santé financière qui en prend un coup et le compte en banque qui se trouve dégraissé du fait des autorisations de prélèvement associées. En effet, les échantillons gratuits sont envoyés contre une forme d’abonnement pour recevoir régulièrement la potion miracle moyennant des sommes autour de 80 euros.

Le plus fort dans cette arnaque, c’est qu’elle se décline à l’international.

Ainsi le blog suivant dont j’ai trouvé la publicité ce matin sur un journal israëlien montre aussi le peu de déontologie de certaines presses -en ligne- qui bouffent à tous les rateliers que ce soit la publicité ou bien désormais les aides de l’Etat.

Cette arnaque est symbolique de la nécessité d’élargir les enseignements actuels en littératie à la fois en matière économique mais également en matière informationnelle. Il faut rappeler que la littératie médicale s’avère souvent ainsi proche de la littératie informationnelle quand il s’agit de rechercher de l’information sur des symptômes et des médicaments. Il est à craindre que des évènements de ce genre continuent à se produire du fait d’une incapacité des individus à évaluer l’information.

Pourtant un peu de recherche sur Internet donne quelques éléments de réponse notamment sur le forum des arnaques. Cela signifie qu’Internet est souvent également le remède à ses propres maux.

Mais d’autres habitudes ou d’autres outils permettent de vérifier rapidement la véracité d’une information. Dans le cas de ces blogs, un argument important est l’utilisation des photos qui montrent le changement spectaculaire de physionomie obtenue par l’absorption du produit miracle. Un outil permet de vérifier de suite si ces images ne sont pas déjà réutilisées ailleurs… Pour cela, l’évaluateur de l’information peut utiliser le moteur qui permet de comparer les images et notamment tinyeye. Pour ma part, je l’ai implémenté dans firefox et la recherche s’effectue automatiquement par un clic droit sur la photo.

Prenons cette image.

Tinyeye montre son utilisation multiple, ce qui devrait susciter déjà fortement le doute, du fait que le monsieur qui prétend que ce produit miracle a changé sa vie, est également doué de glossolalie car il cause aussi bien en français que dans bien d’autres langues. Le plus embêtant, c’est que la photo est déjà utilisée pour vanter les mérites d’un autre produit bien plus classique pour ceux qui souhaitent gagner du muscle.

 

La recherche via tinyeye permet de tordre le coup à l’autre technique de la double recommandation qui consiste à poster de faux commentaires de testeurs qui vont aussi ajouter des photos démontrant leur transformation.

Et voilà que nous retrouvons d’autres utilisations et un autre blog, quasi copie conforme de celui en français. On peut faire de même avec la photo du prétendu transformé. Il est vraisemblable que la photo provienne de ce site de soins pour homme. Ce qui est aussi étonnant, c’est que celui qui s’affiche comme David de Chateaugiron pour moi apparaît différemment en fonction de l’adresse Ip de votre ordinateur selon le lieu où vous habitez. Si je passe par un VPN qui m’identifie en hollande, le David devient Alex d’Amsterdam.

Normalement, cela devrait suffire à vous dissuader de passer une commande. Mais, vous pouvez être curieux et vouloir savoir qui se cache derrière les adresses internet que vous avez trouvées. La solution existe, il s’agit d’aller voir dans l’annuaire des noms de domaine, le who is. L’occasion de rappeler qu’Internet n’est pas un territoire sans règles comme on l’entend parfois. Cependant, note site ne donne pas de réponse car il a interdit la diffusion du nom du propriétaire. Le nom de domaine était étrange car notre David faisant référence à un alex dans le nom de domaine « alexmuscle.com »

Finalement, le mieux est d’aller sur le site qui nous propose les pilules miracles. Le who.is nous apprend qu’il s’agit d’un mystérieux support-logic-group. Le site vante alors les mérites des baies d’acai qui est la base du produit vendu. Et utilise alors une supercherie visant à faire croire que les médias ont parlé du produit que vend le site alors qu’ils n’ont fait qu’évoquer les fameuses baies. Une recherche sur google avec comme mots-clés « baies d’acai » met en premier lien un forum qui révèle l’ensemble de la supercherie. Les baies qui peuvent être orthographiées « açaï » sont riches en radicaux libres ce qui fait qu’on leur prête toutes sortes de vertues.

Souvent Wikipédia peut servir de rempart contre la désinformation, seulement il faut chercher un peu plus que traditionnellement du fait qu’il n’existe pas d’entrée directe pour les fameuses baies et que l’information se trouve en ce qui concerne son arbre porteur, comme quoi il faut toujours remonter à l’origine. L’article de wikipédia renvoie à des articles scientifiques sur les propriétés des baies vendues en poudre. Il est apparaît donc que les baies peuvent avoir quelques vertus mais il n’est nullement mentionné que cela va vous transformer rapidement et que Groquick va pouvoir devenir Brad Pitt en un mois.

Il me reste encore à étudier les messages des arnaqués des forums, car il y a beaucoup d’enseignements à en tirer. Il semble qu’une autre arnaque fonctionne de la même manière avec le miracle qui vous ferait blanchir les dents.

En matière de transformation, la plus intéressante est sans doute celle de Santa Claus qui ne s’est pas faite en un mois. Certains diront que l’arnaque des baies ressemble beaucoup à l’histoire du père Noël : cela fait rêver et il parvient à être partout. Reste à savoir, si les baies lui permettront d’affiner sa silhouette quasi obèse qui commence à faire jaser.

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Retour sur la littératie. (deuxième partie)- La permanence du texte

Nous avons été confronté plusieurs fois à des réflexions sur la littératie, son utilité et notamment sur le fait de savoir si elle n’était pas en fait « surestimée ». Nous avons considéré au contraire que dans la culture de l’information se maintient le concept de littératie. Pour cela, il faut revenir aux enjeux du texte et à la définition développée par Yves Jeanneret. En effet, bien souvent il s’agit de remettre en cause la notion de texte qui serait de plus en plus dépassée par l’omniprésence des nouveaux médias et notamment le primat de l’image sur le texte. S’en suit ainsi toute une série de visions véhiculées d’ailleurs par la télévision et les messages publicitaires qui conduisent à parler de fin de la lecture ou bien encore qui incitent certains responsables de sociétés informatique, tel Steve Jobs, à critiquer les projets de livres électroniques des concurrents en annonçant simplement que ces derniers ne peuvent qu’échouer puisque plus personne ne lit. Pourtant, il semble que la lecture ne disparaît pas pour autant et qu’au contraire son champ ne fait que s’accroître si on persiste dans la définition du texte de Jeanneret.

Au final, la confusion qui règne à ce sujet s’explique également par une mauvaise interprétation du mot texte et s’inscrit dans un paradigme informationnel. De la même manière, l’expression digital natives est une des conséquences d’une mauvaise interprétation du concept de texte :

Dans les réflexions sur l’informatique, la notion de texte n’est pas une ressource, mais un repoussoir. Le « tout numérique » nous dit : choisis ton camp, culture du texte ou société de l’information. Ce discours est fécond en antithèses : le révolutionnaire s’y oppose au désuet, l’ouvert au clos, l’immatériel au matériel, l’accessible à l’éloigné. Le texte est du côté de l’ancien, du fermé, du pesant, du médiat. 

Selon nous, il y a bel et bien une permanence du texte et même de l’hypertexte qui ne sont d’ailleurs nullement opposés et la littératie recouvre bien ces divers aspects faisant sortir le texte d’une doxa lui accordant un statut uniquement graphique, si ce n’est alphabétique au niveau occidental. Ivan Illich voit même dans le livre une concrétisation de l’abstraction textuelle. Ce dernier constate déjà au début des années 90 les nouvelles évolutions du texte :

Ce foyer est aujourd’hui aussi démodé que la maison où je suis né, alors que quelques lampes à incandescence commençaient à remplacer les bougies. Un bulldozer se cache dans tout ordinateur, qui promet d’ouvrir des voies nouvelles aux données, substitutions, transformations, ainsi qu’à leur impression instantanée. Un nouveau genre de texte forme la mentalité de mes étudiants, un imprimé sans point d’ancrage, qui ne peut prétendre être ni une métaphore ni un original de la main de l’auteur. Comme les signaux d’un vaisseau fantôme, les chaînes numériques forment sur l’écran des caractères arbitraires, fantômes, qui apparaissent, puis s’évanouissent. De moins en moins de gens viennent au livre comme au port du sens. Bien sûr, il en conduit encore certains à l’émerveillement et à la joie, ou bien au trouble et à la tristesse, mais pour d’autres, plus nombreux je le crains, sa légitimité n’est guère plus que celle d’une métaphore pointant vers l’information »

Ici, le mot information semble péjoratif dans l’esprit d’Illich comme s’il s’agissait d’un élément brut, opposé à une connaissance issue d’une construction. C’est tout l’intérêt de l’expression information literacy de regrouper en fait deux termes d’apparence contradictoire mais qui montre que demeurent la littératie et l’action de lire dans l’accès à l’information. En effet, c’est cette action de lire (studium legendi) qui permet au lecteur de rechercher le sens. L’acte de lire devient formateur autant pour l’esprit que pour le corps:

La raison pour laquelle le studium legendi est une quête de la sagesse efficace et infaillible se fonde sur le fait que toutes choses sont imprégnées de sens, et que ce sens n’attend que d’être mis en lumière par le lecteur. Non seulement la nature ressemble à un livre, mais la nature est un livre, et le livre produit par l’homme lui est analogue. Lire est un accouchement. Et la lecture, loin d’être la manifestation d’une abstraction, est celle d’une incarnation. Lire est un acte somatique, corporel, d’aide à la naissance du sens qu’engendrent toutes les choses rencontrées par le pèlerin au long des pages.

Derrière cette confrontation et cette action de lire, nous retrouvons la notion de document qui perdure également et qui explique que la documentation ne disparaît pas pour autant malgré l’idée du primat de l’information. Nous verrons d’ailleurs que c’est aussi la base du projet de la didactique de l’information de rappeler les notions essentielles qui se maintiennent malgré les évolutions techniques.

Selon Jeanneret, l’information n’émerge que dans la confrontation du document avec le chercheur. Jeanneret soulève et réfute deux objections quant à la prédominance du texte. La première est portée par les discours commerciaux et médiatiques : l’objection « iconiciste », la seconde concerne plus particulièrement les nouveaux médias et la sphère des jeux-vidéos.

La domination de l’image sur le texte ?

Désormais, l’image dominerait, suivant en quelque sorte le passage des médiasphères de Régis Debray avec l’avènement de la vidéosphère. Debray insiste néanmoins sur le fait que les différentes médiasphères constituent des dominantes mais qu’elles ne s’excluent pas. L’image et le texte ne s’opposent pas nécessairement car dans la définition de Jeanneret, l’image est un texte puisqu’elle nécessite aussi une lecture, une interaction avec le lecteur. La notion de texte ne doit donc pas être assimilée au livre. Nous restons donc fidèle au texte non pas dans le sens où l’entend Mallarmé, refusant l’illustration et notamment les photographies au sein des ouvrages, mais considérant que l’image appelle une lecture et demeure donc un texte. Le texte n’est pas qu’un seul objet imprimé voire alphabétique. Ce serait d’ailleurs une vision purement occidentale que d’oublier les systèmes d’écritures notamment asiatiques basés sur des idéogrammes qui sont évidemment
des images. L’opposition texte/image résulte donc d’une confusion.

L’objection sensorielle :

Les nouveaux médias seraient vecteurs de nouvelles sensations, nouvelles sollicitations visuelles, immersion dans de nouvelles réalités, de la réalité augmentée à l’univers fictionnel des jeux vidéos. Selon nous, le texte demeure bel et bien présent dans ces évolutions médiatiques, d’une part parce qu’elles reposent sur des stratégies d’écriture et d’autre part parce qu’elles nécessitent une « interprétation », une forme de lecture. Le terme d’hypermédias est d’ailleurs également utilisé, s’il convient de manière à montrer l’extension du terme d’hypertexte, il se révèle en fait un contresens dans la mesure où l’hypertexte est nécessairement un hypermédia tout comme le texte est un hypertexte potentiel.

Crawford KILLIAN. Is literacy overrated ? Or are news media just overreacting ? in Aberystwith university, Pays de Galles, Billet du 27 septembre 2005. Disp sur : <http://thetyee.ca/Mediacheck/2005/09/27/LiteracyOverrated/>

Anna BRILL. Is literacy is over-rated. 10 mars 1998. Disp sur : <http://www.aber.ac.uk/media/Students/alb9601.html>

2 Yves JEANNERET. Le procès de numérisation de la culture : Un défi pour la pensée du texte. Protée, Volume 32, numéro 2, automne 2004, p. 9-18, p.9

3 Ivan ILLICH. Du lisible au visible : La Naissance du texte, un commentaire du «Didascalicon» de Hugues de Saint-Victor. Cerf, 1991

4
Ibid.

5 « Je suis pour — aucune illustration, tout ce qu’évoque un livre devant se passer dans l’esprit du lecteur ; mais, si vous remplacez la photographie, que n’allez-vous droit au cinématographe, dont le déroulement remplacera, images et texte, maint volume, avantageusement. » Mercure de France, janvier 1898.