Facebook : Rennes-le-Château devient Versailles ?

Cela fait désormais plus de 6 mois que j’utilise facebook et désormais il semble qu’un rythme de croisière se met en place. Le réseau social semble continuer à séduire, j’en tiens pour preuve l’arrivée massive depuis quelques mois d’anciens camarades de classe. Mais finalement ce qui est le plus marquant, c’est comme le dit un ami récemment arrivé, Facebook c’est un peu l’antiskyblog, à savoir que le réseau séduit principalement des personnes diplômées ce qui parait logique puisque le réseau était initialement axé sur les profils universitaires. J’ai désormais atteint le chiffre de 79 « amis » qu’il faudrait plutôt qualifier de relations. Sur cet ensemble, il faut bien avouer que rares sont ceux qui ont des diplômes inférieurs à la licence ce qui confirme également que la dimension professionnelle ne saurait être vaine. Pour aller plus loin, ne pas figurer sur un réseau social pourrait s’avérer autant préjudiciable que d’y mettre des renseignements trop personnels. Une nouvelle fois, notre double numérique, notre identité indexée, notre Kà documentarisé nous renvoie à l’aporie shakespearienne. Or Facebook ce n’est pas que Rennes-le-Château...c’est désormais Versailles avec ses clans, et sans doute bientôt ses cabales ce qui mériteraient de faire renaitre le Louis de Rouvroy , Duc de Saint-Simon et auteur des célèbres mémoires . Je ne sais pas s’il faut considérer Eric Delcroix comme le nouveau Saint Simon qui va nous aider à utiliser efficacement le réseau avec son ouvrage sur la question mais je ne peux que constater que c’est par ce biais que j’ai été contacté ce matin par un journaliste. Faut-il dès lors voir ce réseau comme l’annuaire indispensable, le nouveau who’s who affichant tous nos divers pédigrées? Finalement c’est ce Saint-Simon là qui est le père de la philosophie des réseaux bien avant son cousin. D’ailleurs il parle de sa première liaison avec le Duc de Chartres pour exprimer son entrée au sein du réseau royal car finalement ce n’est pas des amis que nous avons sur Facebook mais des liaisons de différents types. D’ailleurs je lance un défi aux historiens passionnés par les réseaux sociaux pour nous constituer un Facebook historique de l’époque de Louis XIV. Une telle étude permettrait peut-être de comprendre un peu mieux la complexe période de la Fronde. Je vais d’ailleurs tenter une initiative de ce genre bien moins ambitieuse avec mes élèves concernant la littérature…affaire à suivre donc.
Si Facebook s’avère le nouveau Versailles, qui en est le nouveau Roi ? Et bien ce n’est pas son créateur, Zuckerberg mais le réseau lui-même, le Réseau d’Organisations et d’Informations. Par contre, je ne suis pas certain qu’il soit démocrate contrairement à ce que j’écrivais en 2002. Il présente néanmoins un avantage, celui d’être un lieu virtuel et permet aux « provinciaux » de figurer en bonne place. Ainsi Facebook ne correspond pas à une vision centralisée classique, mais permet de constituer non pas un big brother, mais un little sister où chacun observe et peu observer, critiquer voire dénoncer…non pas un panopticon mais un  nonopticon. L’Arcadie a donc créer son Versailles : le dieu Hermès (trismégiste ?) va donc pouvoir s’amuser encore un peu.

Enquête sur Facebook

A l’heure où je finalise moi aussi un questionnaire sur la culture de l’information, un questionnaire sur les usages de facebook se met en place.
Réaliser par le laboratoire Geriico de Lille 3, vous pouvez répondre aux brèves questions ici.
Vous trouverez d’autres détails sur le site d’Eric Delcroix, Past à l’UFR Idist de Lille.

Indexation des usagers versus indexation des contenus. Vers la pertinence publicitaire ?

Je réagis aux deux derniers billets d’affordance ici et qui nous donnent notamment une piste intéressante pour éviter quelques désagréments avec Facebook et notamment les risques de publicités ciblées qui pourraient résulter de nos visites sur certains sites peu scrupuleux qui renverraient quelques données personnelles pour faciliter la pertinence publicitaire.
Au final le grand rêve du web sémantique va-t-il s’effacer pour laisser place au web publicitaire avec des cibles bien définies jusqu’à la diffusion publicitaire de niche ? Finalement serait-ce l’aboutissement du web 2.0 ? J’avais déjà mentionné à plusieurs reprises le côté obscur du web 2.0, notamment ici et Facebook s’inscrit pleinement dans cette lignée.
Evidemment lorsqu’on est des Jedis de l’information literacy, on parvient à contourner les pièges à coups de sabre laser et les Dark Vador de l’infopollution ne nous font pas peur. Mais peu nombreux sont les Jedis, et l’internaute lambda aura bien du mal à configurer son navigateur (le terme navigateur est quasi inconnu de mes élèves de troisième) de manière optimale.
C’est sans doute pour cela que je continue quand même à user des services du Dieu Google et de l’étoile noire » Facebook. Je ne choisis donc pas la fuite car l’oeil de Sauron demeure tout de même présent.
Voilà donc le problème, la communauté scientifique et éducative rêve d’un web sémantique et travaille sur des possibilités d’indexation qui vont des ontologies aux folksononomies en passant par tout un tas des stratégies hybrides. La sphère commerciale cherche à mieux référencer les produits et surtout à indexer les goûts et activités des internautes pour une logistique publicitaire efficiente qui atteint directement le coeur de cible désiré!
J’avoue que je n’aime guère les dichotomies car la réalité est plus complexe. C’est sans doute aussi pour cela qu’en bon Jedi, je vais affronter directement les Siths sur Facebook. Je ne sais quelle va être la décision d’Obi Wan mais maître Yoda dans son infinie sagesse nous avait déjà prévenus de puis longtemps.

Internet est-il vraiment mort et ennuyeux?

Je réagis à l’article  de Mark Cuban.
Ce dernier est un peu provocateur et considère que l’Internet n’évolue guère en dépit du web 2.0. Il y voit  comme une stabilisation du système qui devient véritablement utile pour les internautes, en quelque sorte un processus de concrétisation si on se réfère à Gilbert Simondon. Selon lui, l’Internet est comme une énorme autoroute où les usagers peuvent aller aussi vite qu’ils peuvent jusqu’à ce que l’on leur demande de ralentir.
Evidemment, je ne partage pas ce point de vue surtout que selon l’auteur, l’Internet ne va pas beaucoup évoluer dans les cinq prochaines années. Or tout nous indique que l’Internet va se transformer encore et quitter le seul espace du web. De plus, la comparaison avec l’autoroute est depuis fort longtemps dépassée.
Ces propos s’inscrivent dans une tendance américaine à la critique de l’Internet dénonçant sans doute avec raison un culte de l’amateur mais souvent avec excès notamment pour gagner l’estime des « anciennes » autorités qu’elles soient étatiques ou médiatiques. En quelque sorte, le traditionnel et rassurant « nihil novi sub sole » ressurgit. Et pourtant ça change, c’est évident.
D’autre part, je n’ai pas le sentiment qu’Internet est vraiment ennuyeux au contraire. Il devient chronophage à l’excès, mêlant la culture du pitre et ses vidéos drôles voire étonnantes, les réseaux sociaux et leurs richesses et leur inutilité, la diversité des informations de la blogosphère et notre incessante incitation au commentaire. En fait, on ne s’ennuie pas vraiment à tel point qu’il déborde sur notre vie réelle au point d’entamer le processus de fusion « réel-virtuel »

Graphe du guide des égarés

Voici à quoi ressemble le graphe du guide des égarés selon le système mis en place par Aharef. J'ai trouvé l'information sur serialmapper qui traite des cartes heuristiques et du mind mapping.

Vous pouvez également tester le système ici. 

Tout cela est bien étrange mais constitue une visualisation de l'information et notamment des balises html 

 

 

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L’influence cyberpunk sur les représentations de l’Internet

Faire exister : voilà l’objectif du programmeur comme de l’artiste. Faire émerger du sens de l’invisible[1].

L’univers poétique du numérique est d’ailleurs abordé aussi par Gibson :

« Je pense que nous sommes loin d'avoir découvert tout ce qu'il est possible de faire avec la technologie numérique. Nous sommes comme les inventeurs du cinéma qui pouvaient difficilement imaginer ce que leur outil allait devenir. Nous n'avons pas encore réalisé la dimension poétique du numérique. » [2]

William Gibson lui aussi perçoit cet invisible :

« Je pense que lorsque l'interface sera vraiment élégante, elle sera devenue invisible. »[3]

Cette vision se retrouve d’ailleurs dans son roman Mona lisa s’éclate où une intelligence artificielle apparaît de manière quasi fantomatique. Il faut sans doute y voir l’accomplissement du test de Turing. Nous ne pourrions plus distinguer la technique du « naturel. » Mais ce ne sont que des prospectives. Or notre mesure de l’Internet se déroule actuellement. Voilà sans doute pourquoi aussi l’imaginaire peut nous entraîner dans l’impossible mesure. La confusion de la mise sur le même plan du cyberespace imaginaire et idéalisé et de la réalité actuelle d’Internet comporte des risques. S’il existe un lien avec la mesure et sa mise en image notamment cartographique, le risque d’en obtenir une image faussée à cause d’un imaginaire trop débordant est présent. Il faut donc mesurer l’influence de cet imaginaire sur la représentation d’Internet.

1.3.2 L’imaginaire ou la représentation erronée.

Nous allons aborder dans cette partie du mouvement cyberpunk. Il apparaît d’après les travaux du québécois André Claude Potvin[4] et ceux de Dodge[5] que des conceptions, notamment américaine, de l’Internet ont été influencés par des « théories » et écrits cyberpunks. Nous pouvons rejoindre ici l’analyse de Pierre Musso qui voit une « co-émergence d’une mutation technique et d’un imaginaire qui lui est associé, comme s’il fallait mettre en scène la mutation pour la promouvoir et la réaliser, voire inventer des usages. »

Cette « co-émergence » ne peut être sans influence sur la représentation du cyberespace. Cette influence explique le titre de notre chapitre qui cherche à mettre en relation l’imaginaire notamment cyberpunk et la représentation du cyberespace et sa mise en image cartographique. Il en résulte comme un cercle vertueux ou vicieux c’est selon, d’où la comparaison qu’en fait André-Claude Potvin [6]:

« Comme le Far West, le cyberespace alimente bien des fictions, qui alimentent elles-mêmes la réalité. Comme les cow-boys au début du 20ème siècle, les cyberpunks influencent aujourd’hui la construction sociale d’un monde encore embryonnaire. »

L’influence cyberpunk.

"Le mouvement cyberpunk provient d'un univers où le dingue d'informatique et le rocker se rejoignent, d'un bouillon de culture où les tortillements des chaînes génétiques s'imbriquent."

Bruce Sterling, Greg Bear. Mozart en verres miroir .J’ai lu. Folio. 2001

 

Le mouvement cyberpunk décrit souvent la technologie et ses excès sous tous les angles en y mêlant les idées punk (liberté de chacun diminuée, dégradation de la société généralisée…) et des magnats dirigeants le monde depuis leurs terminaux d'ordinateurs, ainsi que des gadgets cybernétiques… Un univers décrit dans Neuromancien[7] de William Gibson, l'inventeur de ce genre. Le terme de cyberpunk est souvent difficile à définir totalement mais il est clair que le nom de Gibson revient sans cesse. Le créateur du terme « cyberspace » occupe une place primordiale au sein du mouvement. Son positionnement l’étonne lui-même :

« Pour créer des univers de fictions, je pars plus de mon intuition que de ce qui est logique, car pour moi le monde dans son ensemble est illogique. Quand j'ai commencé à m'intéresser aux ordinateurs je n'y connaissais rien, mais j'aimais bien le principe de l'interface, donc j'ai déconstruit le langage informatique et l'ai reconstruit à ma façon pour montrer ce que la technologie pourrait devenir. Et ce que j'ai imaginé a, en retour, commencé à influencer ceux qui fabriquent les machines. Tout ça n'a rien de rationnel. »[8]

Le problème vient sans doute du fait que les auteurs de science-fiction critiquent souvent le monde actuel en le déplaçant dans d’autres lieux et d’autres temps comme le souligne André-Claude Potvin [9]:

« Les idées et le vocabulaire science-fictionnel ne sont plus pour les cyberpunks de simples outils littéraires, mais des outils pour comprendre dans lequel ils vivent aujourd’hui, sinon dans un avenir plausible. »

Par conséquent, il en résulterait comme une confusion voire une incompréhension entre les auteurs cyberpunks et leurs lecteurs souvent scientifiques. C’est ce qui fait sourire Gibson :

« I was delighted when scientists and corporate technicians started to read me, but I soon realized that all the critical pessimist left-wing stuff just go over their heads. The social and political naiveté of modern corporate boffins is frightening, they read me and just take bits, all the cute technology, and miss about fifteen levels of irony.”[10]

Toute la critique de la société faite par Gibson est laissée de côté par les lecteurs scientifiques qui prennent dans son œuvre ce qui les intéresse, à savoir toutes les idées technologiques. Le succès de Gibson auprès de cette communauté peut s’expliquer par la « plausibilité » technique de ses romans. C’est ce que remarque Potvin à propos du personnage principal de Neuromancien [11]:

« Quand William Gibson a créé le cybernaute Case dans son roman-phare Neuromancien, il avait un usage en tête. Cet usager, il l’a conçu pour qu’il soit le plus réel possible. Cage est le personnage fictif le plus plausible qui soit… »

Le succès des écrits cyberpunks proviendraient de fait de leur plausibilité, de leur capacité à être réalisés. C’est ce qui permet sans doute à Pierre Musso d’écrire [12]:

« Le cyberespace, fruit de la science-fiction, devient un projet utopique universel réalisable. »

Quelle est cependant l’ influence de ces conceptions sur la « réalité » de l’Internet ?

 

1.3.3 Le cyberespace, fruit de l’utopie cyberpunk ?    

« Au lieu de tisser des réseaux de choses ou d’êtres, dessinons donc des entrelacs de chemins. Les anges ne cessent de tracer les cartes de notre nouvel univers(…) Visibles et invisibles, construisant les messages et les messageries, esprits et corps, spirituels et physiques, des deux sexes et sans sexe, naturels et techniques, collectifs et sociaux, en désordre et en ordre, producteurs de bruit, de musique, de langue, intermédiaires, échangeurs, intelligence. »

Michel Serres. La légende des anges.

Il est nécessaire de définir ce mouvement qui a influé selon Dodge sur la représentation d’Internet :

« Cyberpunk was a 1980’s genre, like punk rock’s initial blast again corporate, stylised and manufactured music of the 1970’s, a cry from a generation without a future. Cyberpunk was a reaction to formulaic, modernistic SF and its inability to recognise the transformation of Western societies into a new postmodern condition.” [13]

Le mouvement cyberpunk apparaît donc comme un mouvement contestataire que Dodge n’hésite pas à qualifier de postmoderne. Un terme de postmoderne qui est repris d’ailleurs sur le site du projet cyberpunk.[14] Pour le sociologue américain Fred Jameson, (cyberpunk et notamment les écrits de William Gibson représentent 'the supreme literary expression if not of postmodernism, then of late capitalism itself[15]'. Le cyberpunk s’inscrit ici comme l’accomplissement du capitalisme. Ce qui nous paraît étrange encore une fois c’est que cet accomplissement nous semble en aucun cas idyllique et nous sommes souvent plus prêt de la dystopie à la 1984 que de l’utopie dont nous parlait Musso. Il est vrai qu’il avait employé le terme de science-fiction plutôt que celui de cyberpunk. Utopie, faut-il le répéter est étymologiquement le lieu qui n’existe pas. En est-il de même pour Internet et le cyberespace ? Comment mesurer dès lors ce qui n’existe pas ? Il nous faut analyser le cyberpunk non pas comme une utopie mais comme une théorie politique et sociale comme le préconise RJ Burrows [16]:

“The relationship between cyberpunk and sociology takes three broad forms. First, some analysts view cyberpunk as a poetics culturally and philosophically emblematic of a new epoch – late capitalist, postmodernist or whatever. Second, others have begun to treat the nascent realities of the fictional world of cyberpunk – the Internet, Virtual Reality and technological body modifications in particular – as viable and important objects of sociological inquiry. Third(…) some have begun to treat the cyberpunk literature as an analytic resource which can be utilised in the service of social theory.”

Selon nous, il faut voir le cyberpunk à la fois comme une critique sociale contemporaine et en même temps comme une volonté de s’opposer à un cyberfascisme réalisable. C’est sans doute la cause de cette plausibilité dont parlait Potvin. Le futur décrit est crédible et fortement lié au présent. La technologie est au centre des mutations et nous pouvons dire que les cyberpunks se servent de cette technologie pour développer une contre-culture. Une « subculture » étant le terme le plus fréquemment employé. Il s’agit aussi du développement de nouvelles idées et théories post-humaines. La question du corps et du sujet est au centre du problème. Le corps qui mute ou qui est nié chez les cyberpunks à tel point que l’on peut y voir une hiérarchie entre l’humain et l’ange.

La tendance est alors à la décorporalisation de l’homme ou mutation organique du réseau comme le décrit de Joel de Rosnay[17]. Pierre Musso parle alors de dissolution du corps et décrit une transformation où le religieux est présent [18]:

« Ultime étape de l’ascèse cyberspatiale : le complément du branchement cerveau-ordinateur sur la matrice, c’est la désincarnation du corps. Dans les cerveaux du cyberespace, le statut du corps se modifie : l’esprit domine (comme cerveau-réseau-ordinateur), il s’immerge, navigue t disparaît « dans » les mailles du filet. Ce sont des « anges » désincarnés qui communiquent. (…) Ainsi est restaur&eacu
te; le dualisme qui survalorise l’esprit-cerveau, au détriment du « corps-viande ». Il s’agit de devenir des « purs esprits », vieux rêve mystique réalisé par l’ordinateur en réseau. »

Ces propos deviennent quasi mystiques. Nous ne développerons pas les liens qui existent avec les théories de Teilhard de Chardin et sa noosphère. Nous retrouvons fréquemment des conceptions a peu près similaires de l’Internet. L’existance d’une hiérarchie semble apparaître avec l’état d’ange comme but ultime. Ces théories se font plus fréquentes mais demeurent encore rares, toutefois, il est évident que l’argument de ceux qui voient un mysticisme dans le réseau Internet est facile, nous ne pouvons voir les échanges angéliques justement parce qu’ils constituent l’invisible. Nous avons tenté d’établir une hiérarchie à partir des désirs (délires) cyberpunks[19] :

Tableau 3 : Hiérarchie des êtres du cyberespace.

Humain               Lien avec son corps.

Cyborg                Lien transitoire.

Esprit                  Esprit encore prisonnier de la machine.

Ange                   Etat supérieur.

 

Faut-il pour autant adhérer à une thèse qui nous empêche toute mesure scientifique ? Finalement si nous avons choisi de présenter la vision cyberpunk c’est qu’elle garde une influence sur les représentations classiques du cyberespace. Cependant, si nous devons admettre qu’elle peut être séduisante, elle n’opère pas moins des réductions fallacieuses qui peuvent conduire non pas à l’impossible mesure mais à une mauvaise mesure. Il semble donc qu’il faille se prémunir contre les théories mystiques sur l’Internet qui sont sans cesse reprises. Finalement nous rencontrons un problème similaire avec l’idée comme quoi Internet serait avant tout une création de l’armée américaine. Une hypothèse dont la fausseté a été démontrée par Alexandre Serres[20] . Il nous faut éviter de tomber dans la mythologie d’Internet (même si tout n’est pas faux ou à exclure) et privilégier une vision plus globale mettant en scène les acteurs réellement actifs. Nous nous intéresserons donc plus aux machines qu’aux anges, plus aux hommes qu’aux esprits.


[1] Il nous faut donc quelque part devenir un exégète du Web, chercher du sens là où d’autres ne voient que l’apparent. Il nous faut devenir un cabaliste du cyberespace pour pouvoir en prendre la mesure. Quel est donc cet ars occultis pour ne pas dire cet ars magna, cette poésie, cette complexité ésotérico-poétique que définit Lévy :

« Plus le code est ésotérique, plus il est poétique, car il instaure un petit univers de signes se désignant eux-mêmes, agissant les uns sur les autres, un monde de symb
oles d’autant plus efficaces qu’ils sont illisibles (par nous), jusqu’à toucher la frontière
 entre les noms et les choses, entre l’opération et la signification. »

Citation extraite de : Pierre Levy. – De la programmation considérée comme un des beaux-arts. La Découverte, Paris,1992. p. 55

[2] extrait de l’interview de william gibson par les humanoides associés :

 Saga cyberpunk / entretien exclusif dans le cybermonde. William Gibson vagabond des limbes. (dernière modification ; le 10 mai 2001)

[en ligne] http://www.humains-associes.org/JournalVirtuel2/HA.JV2.Gibson.html

[3] ibid.

[4] André Claude Potvin. L'apport des récits cyberpunk à la construction sociale des technologies du virtuel. Mémoire de maîtrise. Université de Montréal. 2002

[5] Martin Dodge. Op. cit. Un chapitre entier de l’ouvrage est consacré à l’influence de l’imaginaire sur les représentations et notamment sur l’importance du mouvement cyberpunk. (imaginative mappings of cyberspace)

[6] André Claude Potvin. Op. cit.

[7] William Gibson. Op. cit.

[8] Interview de William Gibson par les humains associés. [en ligne]

http://www.humains-associes.org/JournalVirtuel2/HA.JV2.Gibson.html

[9] André Claude Potvin. Op. cit. p. 19

[10] Cité par Dodge. Op. cit. p. 186

[11] André Claude Potvin. Op. cit. p. 34

[12] Pierre Musso. Op. cit p. 52

[13] Martin Dodge. Op. cit. p

[14] The cyberpunkt project. A cyberspace well of files, related to those aspects of being, formed by modern life and culture. [en ligne]

 http://project.cyberpunk.ru/

[15] Cité par Dodge. Op. cit. p. 184

[16] RJ burrows. Cyberpunk as Social and Political Theory. Mars 1995 [en ligne]

http://project.cyberpunk.ru/idb/cyberpunk_as_socpolitical_theory.html

[17] Joël de Rosnay. L’homme symbiotique. Paris : Seuil. 1998

[18] Pierre Musso. Op. cit p. 45

[19] Cette hiérarchie ne provient pas que de l’étude des cyberpunks et des cyborgs. Les derniers ouvrages de certains auteurs comme Lévy, nous songeons à World Philosophy. Nous sommes en pleine légende des anges pour citer l’ouvrage de Michel Serres.

[20] Alexandre Serres. Aux sources d'Internet : l'émergence d'ARPANET. Thèse de Doctorat Sciences de l’Information et de la Communication : Université Rennes 2, 2000. 2 vol.

 

Mutants et mutations dans le cyberespace

Alors que le débat porte sur l’emprise du moteur google, des avancées technologiques méritent une réflexion plus poussée.

Notre univers est en plein bouleversement. Ce n’est pas pour faire peur mais il n’est pas impossible que devienne réalité ce qui autrefois faisait partie de la science fiction.Voici un petit panorama pour ne pas être trop surpris.

1. Les BCI. Bientôt les cyborgs ?Les « avancées » dont je vais parler sont encore a priori au stade expérimental et réservé aux publics handicapés. Seulement il n’est pas interdit d’envisager de rapides incidences sur nos manières de surfer.

C’est dans ce cadre que rentrent les recherches en BCI (brain cerebral interfaces) également appelées interfaces-cerveau-ordinateur en français. Il s’agit de controler l’ordiannateur par la pensée. Il existe deux techniques actuellement pour y parvenir : Les techniques dites intrusives : des capteurs sont implantés chirurgicalement au sein du cerveau. Les techniques non-intrusives : les capteurs sont placés sous forme d’électrodes sur la tête.

Je ne vais pas détailler ici tout ce qui concerne les BCI. Il y a un excellent article sur ce sujet : Le contrôle par la pensée : l’interface ultime ? http://www.internetactu.net/index.php ?p=5854

Pour le cas des techniques intrusives, nous ne pouvons nous empêcher de songer à une mutation de l’être humain en cyborg. Il est clair que les BCI rendent cette vision désormais possible. Qui sait à l’avenir comment seront les interfaces ? Elles seront bien différentes et peut-être aussi plus sensuelles. L’univers de Gibson n’est finalement pas bien loin. Faut-il s’en inquiéter ? Sans doute, mais il est clair que le mouvement est amorcé et que les mutants ne vont pas tarder à arriver. Qui sait si nos descendants useront de chappe de pensée comme dans les romans d’Arthur.C. Clarke parvenant ainsi à accèder instantanément à des milliers d’informations ? Il est vrai qu’il ne faut pas mélanger science-fiction et réalité. Malgré tout ces visions fantasmatiques font partie de l’univers culturel de nombreux informaticiens.

2.Les androïdes et autres robots.Après les mutants et les cyborgs, peut-on envisager de nouvelles entités basées sur l’Intelligence Artificielle ? Le mythe semble désormais repoussé par les informaticiens qui ne cherchent pas nécessairement à faire du robot un équivalent de l’homme. Malgré tout si le rêve de pygmalion semble s’être envolé, celui des robots domestiques semble connaître des progrès évidents. Les chercheurs japonais sont d’ailleurs en pointe dans ce domaine :

http://solutions.journaldunet.com/afp/depeche/hightech/050315105042.ugkajz66_i.shtml

Les humanoïdes de Star Wars arrivent bientôt serait-on tenter de dire quand on lit les articles de ce genre. a quand R2D2 chez vous ?

3.Les agents intelligents

Et que dire aussi de ces nouvelles entités que sont les agents intelligents capables d’effectuer de la veille documentaire, de vous avertir de vos mails, etc. Pour en savoir plus, il suffit de se rendre sur ce site : www.agentland.fr/ Vous y retrouverez de nombreux logiciels dont certains ne vous sont pas inconnus. Parmi ces agents les plus tentants mais aussi les plus énervants sont les agents intelligents animaliers ou à l’effigie d’un avatar. J’ai ainsi eu un singe violet qui lisait mes mails il n’y a pas si longtemps. Ce secteur est en tout cas en plein développement. Qui sait d’ailleurs si les futurs catalogueurs ne seront pas des agents intelligents ? ( Je sais que cette phrase va faire jaser à la suite du récent débat sur le catalogage.)

4.Les entités virtuelles. Que dire si ce n’est que la faune du cyberespace révèle d’étonnants spécimens dont certains seront peut-être inquiétants à l’avenir. Faut-il craindre une révolte des machines façon Odysée de l’Espace ou plutôt un ghost dans la machine ? (cf. Ghost in the shell) En effet qui sait si vous n’allez pas finir par "chater" avec une entité virtuelle totalement indépendante qui aura passé avec succès le test de Turing (test surprême de la mesure de l’intelligence d’une machine) Il existe déjà des robots qui peuvent répondre de manière automatique sur les « chats ». Mais ils n’ont subi qu’une simple programmation. Demain peut-être la jeune fille sympa avec qui vous aurez causé sur les modules de « chat » ne sera ni un canon ni un laideron mais une créature née du cyberespace. A moins que ce ne soit un des nombreux avatars des pirates du cyberespace. Une nouvelle jungle se prépare donc.

Bon je m’arrête ici dans ces perspectives parfois inquiétantes mais déjà amorcées. Je ne parlerai donc pas des virus informatiques qui finiront bien par faire l’objet d’une somme médicinale pour les traîter. Dès lors il est facile de comprendre que le débat sur Google est probablement déjà dépassé. Toute oeuvre finira bien par être numérisée et indexée par les moteurs de recherche. Il ne s’agit pas de résister de manière franchouillarde. Les frontières du cyberespace sont différentes et fluctuantes.

Il faut donc des « guides des égarés » ( réels, mutants, virtuels ?) afin que les connaissances continuent à se lier de manière à ce que cultures et droits de l’homme soit mieux partagés. Bibliothécaires et documentalistes se doivent de demeurer à la pointe des innovations pour pouvoir mieux influer sur les transformations. Il s’agit certes d’avertir et de conseiller mais certainement pas de refuser tout changement en prônant un repli ou un retour en arrière. Si nous voulons influer sur ces changements il faut participer à la vie des laboratoires de recherche, aux colloques multidisciplinaires et montrer aux informaticie
ns les réels besoins des usagers et des citoyens.

IPv6

Les différents travaux sur les protocoles IP d’Internet ont permis la création d’ l’IPv6 (version 6), protocole Internet de nouvelle génération, conçu par l’IETF (Internet Engineering Task Force).

Le principal changement vient qu’avec Ipv6 les adresses des machines sont désormais codées sur 128 bits, au lieu de 32 bits pour IPv4. Cela entraîne une augmentation quasi-infinie du nombre d’adresses disponibles, alors que nous étions limités à 4 milliards d’adresses avec IPv4, ce qui induisait à plus ou moins long terme une impossibilité de croissance du réseau. Avec Ipv6, le bouleversement peut s’opérer avec la possibilité d’avoir jusqu’à 300 milliards de milliards de milliards de milliards d’adresses. Nous citons Jean Michel Cornu qui tente de nous en donner une représentation : Si on recouvrait la surface de la terre d’une couche de sable de 50 km d’épaisseur (jusqu’en haut de la stratosphère), et que l’on attribue une adresse IPv6 à chaque grain de sable, on n’utiliserait qu’environ deux cent milliardième des adresses disponibles.

Par conséquent le réseau ne semble plus avoir de limites techniques et sans doute plus de limites aisément perceptibles. Désormais n’importe quel objet pourra se voir attribuer une adresse Internet. Le « tout Internet » devient possible. La révolution est sans doute dans le fait que l’Internet va sortir du monopole des PC pour se développer sur nos appareils ménagers et vêtements. Max Hata de NTT DoCoMo résume ainsi le bouleversement, progressif, qu’apportera IPv6 : "IPv4 connectait les ordinateurs ; IPv6 connectera les hommes." Nous pouvons imaginer que certains « cyborgs » chercheront à être connectés directement au réseau. Enfin c’est surtout la possibilité de tout connecter qui s’ouvre. C’est le succès de l’Internet "AAA" (Anybody, Anywhere, Anytime). Le nouveau protocole commence à être installé, hormis quelques difficultés évidentes pour s’implanter au début, sa simplicité et son adressage auto-configurable devraient lui garantir un succès rapide. Son essor pourrait accompagner l’Internet sans fil. Par conséquent, le réseau n’a pas fini de grandir tel un univers en expansion qui possède toujours de l’avance sur nos techniques de mesure. Quand tout risque de devenir connecté, il devient difficile de parvenir à une représentation claire si ce n’est de se résumer à la bipolarisation possible : connecté ou non-connecté. Encore l’alternative entre le 0 et le 1.