Appel à communication. 9ème congrès Fadben 2012 : Objets documentaires numériques : nouvel enseignement ?

Je relaie un appel à contributions pour le prochain congrès de la Fadben en 2012. La date limite a été fixée au 18 septembre.
La thématique autour des objets numériques comme objets d’enseignement constitue un prolongement intéressant aux derniers numéros du Mediadoc.

9e CONGRÈS des Enseignants Documentalistes

Objets documentaires numériques : nouvel enseignement ?

Paris Ile de France

22, 23 et 24 Mars 2012

 
 
Appel à contributions
 
Proposition à envoyer avant le 18 septembre 2011
 
Problématique :
 
Le début du XXIe siècle consacre le règne du numérique dans la production et la circulation de l’information. Un mouvement de convergence médiatique s’amorce ainsi avec l’intégration des supports traditionnels de communication et d’information sur un même média. Avec le web 2 et ses outils laissant une large part à l’interactivité, avec la démultiplication des réseaux sociaux, de nouvelles modalités de communication apparaissent. Plus participatives, ces modalités rendent l’utilisateur acteur de la production et de la circulation de l’information réinterrogeant par là ses façons de penser, d’agir et d’être. L’interaction avec les contenus, la personnalisation des informations et leur inscription sur les réseaux, les possibilités ouvertes par les traitements numériques, obligent à reconsidérer le concept d’information aussi bien dans sa nature que dans sa granularité. L’individu lui-même, de par sa présence sur les réseaux, se voit documentarisé et devient une entité informationnelle. Le concept de document est, quant à lui, bouleversé dans son essence même. Les nouveaux outils du web 2, nés de start-up animées par la recherche de modèles économiques viables, dessinent un paysage toujours mouvant, se recomposant à l’infini et donnant à croire qu’il n’y ait point de repères stables pour les penser, ni de continuité possible au-delà des incessantes ruptures qui les caractérisent. Une redocumentarisation du monde s’opère ainsi produisant de nouveaux objets documentaires et rendant nécessaire la recherche de repères pour l’usager, qu’il soit élève ou étudiant, consommateur, professionnel ou citoyen du monde. La « culture de l’information » est ainsi faite d’un ensemble de pratiques, de représentations, d’histoire des médias et des techniques, et de connaissances variées. L’entrée dans cette culture nécessite une éducation utilisant et étudiant à la fois les objets qui sont la source de son fondement et de son questionnement. Dans ce domaine comme dans tout autre, l’école tient un rôle essentiel et la médiation pédagogique à mettre en œuvre est sans doute à reconsidérer. Bien au-delà de l’intégration des outils numériques dans les pratiques d’enseignement, l’émergence de nouveaux objets documentaires produit de nouveaux objets d’enseignement et inscrit les apprentissages informationnels dans une perspective de convergence des littératies médiatique, numérique et informationnelle. Mais peut-on proposer des repères stables et structurants dans le flux continuel des innovations technologiques, accorder le temps long de l’étude à celui, trépidant, de la modernité numérique ? Comment les professeurs documentalistes peuvent-ils contribuer à relever ce défi ?
De nombreuses questions, situées au carrefour des sciences de l’information et des sciences de l’éducation, seront débattues au cours de ces trois journées. En relation avec la mission pédagogique qui fonde le métier de professeur documentaliste, cette problématique sera abordée selon les trois axes suivants :
1- Nouveaux objets documentaires, nouveaux objets informationnels : comment la question technique permet-elle de penser la culture de l’information ?

  • Quel paysage informationnel se dessine aujourd’hui ?
  • Quelle typologie des nouveaux objets documentaires et/ou informationnels ?
  • L’émergence des médias numériques permet-elle une véritable démocratisation des connaissances ? Quel est le sens de la technique, entre émancipation et aliénation ?
  • La pensée des techniques refonde-t-elle le concept de culture de l’information ?
  • La culture de l’information a-t-elle une histoire ?
  • Quelle est la part des savoirs et des procédures dans les pratiques d’information et de communication ?

2- Les nouveaux objets documentaires transforment-ils le rapport au savoir dans et hors l’école ?

  • De la technique au savoir, quels enjeux éducatifs sont liés au passage, à l’école, d’une culture technique de l’accès à une culture de l’information ?
  • Quelle place l’école fait-elle aux nouveaux objets documentaires ? Quels nouveaux objets de savoir accompagnent le renouvellement des pratiques ?
  • Quel impact du numérique et des réseaux sur les capacités d’attention et d’apprentissage des élèves ? Les nouveaux objets documentaires modifient-ils la cognition ?
  • Entre gestion des connaissances et transmission des savoirs, quels sont les apports et les limites de la psychologie cognitive ? Que révèle-t-elle concernant l’accès au savoir et la production du savoir via le numérique ?
  • Comment articuler les avancées des sciences de l’information et les attentes de l’école en matière d’information-documentation ? Comment didactiser la culture de l’information ?
  • Quel regard les sciences de l’éducation portent-elles sur l’éducation à la culture de l’information ? Quels peuvent être leurs apports ?
  • Quelle forme scolaire proposer à la convergence des littératies médiatique, numérique et informationnelle ?

3- La posture pédagogique du professeur documentaliste : permanence ou changement dans le contexte du numérique ?

  • Les évolutions technologiques impactent-elles les compétences professionnelles qui sont au cœur du métier de professeur documentaliste ? Quelles compétences constituent le cœur du métier aujourd’hui ?
  • Quelle approche des réseaux numériques en contexte scolaire ? Pour quels usages et pratiques ?
  • Quel regard le professeur documentaliste porte-t-il sur les pratiques informationnelles des élèves ?
  • Les nouveaux objets documentaires : outils et/ou objets d’étude de l’information-documentation ? Quels nouveaux savoirs ?
  • Les professeurs documentalistes ont-ils intégré ces nouveaux savoirs dans leurs pratiques pédagogiques ? Comment intégrer les nouveaux objets documentaires dans leur enseignement ?
  • Faut-il inventer une nouvelle pédagogie documentaire ?
  • Comment construire l’expertise informationnelle du professeur documentaliste ?
  • La prise en compte d’un mandat pédagogique renouvelé permettra-t-elle de faire évoluer le métier de professeur documentaliste ?

 
Comité scientifique :
 
Eric Bruillard (ENS Cachan), Françoise Chapron (Université de Rouen), Eric Delamotte (Université de Rouen), Olivier Ertzscheid (IUT de la Roche sur Yon.  Infocom), Cédric Fluckiger (Université de Lille 3), Divina Fraü Meigs (Université de Paris Sorbonne), Olivier Le Deuff (IUT de Bordeaux), Vincent Liquète (Université Bordeaux 4 – IMS), Yolande Maury (Université de Lille 3), Alexandre Serres (URFIST de Rennes).
Pour le bureau Fadben : Ivana Ballarini-Santonocito, Pascal Duplessis.
 
Calendrier :
 

  • Date limite de soumission des propositions : 18 septembre 2011
  • Sélection des interventions : 31 octobre 2011
  • Envoi du texte de la communication : 28 janvier 2012

 
Modalités de soumission :
 

  • Les propositions de communication comporteront :

◿  un titre,
◿  un résumé d’environ 6000 signes,
◿  la thématique et l’axe de la problématique dans lequel elle s’inscrit,
◿  le nom, le prénom et la qualité de l’intervenant, le cas échéant l’unité de recherche ou l’institution de rattachement, les adresses mail et postale de la personne dont émane la proposition.
 

  • Chaque proposition sera examinée de façon anonyme par au moins 2 membres du comité scientifique qui enverra sa réponse le 31 octobre 2011.

 

  • Les propositions sont à envoyer par courrier électronique à :

Valérie Boutrois : valerieboutrois@gmail.com
et Ivana Ballarini : i.ballasanto@orange.fr
 

Amorcer la réflexion sur l’archivage du web

Les chercheurs ont également besoin que l’histoire du web, aujourd’hui disséminée dans les souvenirs de quelques spécialistes, soit reconnue, préservée et
partagée.
Je signale un intéressant document,  dont est extraite la citation ci-dessus, sur l’archivage du web à l’initiative de la BNF dans le cadre de sa mission de dépôt légal numérique. (« Depuis la loi du 1er août 2006, la Bibliothèque nationale de France a en charge le dépôt légal de l’Internet français. Initiée en avril 2008, la consultation de ces archives, d’abord disponible sur une dizaine de postes informatiques, puis progressivement étendue à l’ensemble des postes des salles de lecture de la bibliothèque de Recherche, demeure expérimentale dans l’attente de la publication du décret d’application de la loi du 1er août 2006. »)
 
Des problèmes de méthodologie sont soulevés notamment sur ce qui mérite un archivage. Le problème, c’est qu’il est difficile par avance de savoir ce qui mérite d’être archivé. Certains chercheurs interrogés semblent avoir des idées sur ce qu’il faut exclure. Pour ma part, je n’en ai aucune idée à l’avance. L’idéal serait plutôt de procéder à des tris réguliers ce qui place l’archiviste en tant qu’historien du web mais surtout historien tout court dans la mesure où les discussions ne peuvent être jugées à l’avance non pertinentes. Il convient de juger après coup si tel ou tel message présente une portée intéressante. Il faudra donc faire des choix ce qui explique le fait que l’erreur archivistique est toujours une erreur qui ne sera détectée que par nos héritiers.
 
Ce qui est intéressant, ce sont les divers services qui vont pouvoir être mis à disposition à l’avenir et qu’évoque le rapport :
Services : développer des services et des outils à distance, en particulier pour les professionnels
– donner aux internautes la possibilité de proposer en ligne leur site (ou d’autres sites ?) à archiver par la BnF au titre du dépôt légal ;
– mettre à disposition des outils pour savoir si un site est archivé et se repérer dans les archives, si possible à distance, même sans accès au document primaire ;
–  développer des services de recherche documentaire à distance à destination des professionnels : recherche déléguée, authentification, datation, citation, reproduction, etc. ; explorer les possibilités de services payants et de ressources propres dans les limites du cadre juridique existant.

Intéressant également certaines réponses qui démontrent la difficulté de tracer des frontières nettes entre loisirs et travail, entre phatique et sérieux :
« C’est difficile de dire à un certain moment si je fais de la veille scientifique ou alors tout simplement si je suis en train de twitter avec mes amis ».
Voilà qui montre la complexité de twitter mais également sa force en tant que « milieu associé »
La réflexion sur la pratique du blog sur les chercheurs est à noter également :
« Tout d’abord, parce que le chercheur-blogueur garde un côté contrebandier, exerçant souvent « en cachette », à l’insu de certains de ses collègues qui ne considèrent pas ce type d’activité comme sérieuse : « C’est un type d’écriture qui est dévalorisé ; dans notre équipe [de recherche], on ne peut
pas en parler. Si on en parle, ça fait toute une histoire ». Ensuite, parce que les blogs sont des créations souvent très personnelles ou des relevés d’expérience (« comme un carnet de recherche »), où le chercheur expérimente de nouvelles manières d’écrire, bien distinctes d’une publication papier : « On n’écrit pas de la même manière […]. Pour moi c’est impossible de faire un livre avec ça, parce que d’abord le blog c’est une forme de parution et d’exposition […] qui est particulière. Quand les gens vont [sur le blog], c’est une apparition sur l’écran. »
En matière de contrebandier, c’est l’occasion de  signaler qu’Olivier Ertzcheid a redocumentarisé une série de billets de blog pour en faire une publication type work in progress qu’il a déposé sur archivesic.
Tout le reste du document constitue une réflexion à lire en ce qui concerne les domaines de l’archivistique, de la science et des données à décrire et à conserver.
Nous sommes clairement au sein des humanités numériques qui deviennent de plus en plus présentes.
Sur le sujet, il convient d’aller voir les travaux de l’autre acteur du dépôt légal : l’INA. Notamment, les ateliers pilotés par Louise Merzeau.
 

Didactique du journalisme et évaluation de l’information à Intertice

Je mets donc en ligne le panorama de mon intervention à l’atelier d‘Intertice.
Il s’agit d’une réflexion sur les mutations du journalisme et sur le fait qu’il faut le prendre en compte de manière plus large que dans sa seule acception professionnelle.
J’en appelle donc à un programme commun avec la didactique de l’information, des médias et des TIC.
Merci encore à Michel Guillou pour l’invitation et à tous ceux et celles qui ont assisté à l’atelier que j’animais. Ravi aussi d’avoir pu discuter avec d’autres intervenants.
Vous pouvez aussi consulter le twitwall mis à disposition pour l’occasion.

Les réseaux sociaux en analyse

Je signale la publication d’un important numéro de recherche sur les réseaux sociaux, notamment les réseaux sociaux numériques.

Merci donc à Alexandre Coutant et Thomas Stenger d’avoir impulsé une dynamique de recherche autour de l’identité numérique à l’ISCC (Institut des sciences de la communication du Cnrs). Ce numéro d’Hermès en est aussi un heureux prolongement.

Le menu est riche et par conséquent le numéro va constituer une référence clef sur le sujet dans la francophonie.

Plus d’informations ici.

J’ai eu la chance de participer à ce numéro avec une réflexion notamment autour du rôle des réseaux en matière éducative.

Le résumé

, Éducation et réseaux socionumériques : des environnements qui nécessitent une formation

Nous exposons dans cet article les différentes interrogations posées par les réseaux socionumériques au sein de dispositifs de formation. Nous tentons de montrer qu’il est envisageable de repenser leur intégration au sein des systèmes éducatifs notamment pour montrer autant leur potentiels que leurs dangers. Nous montrons également les intérêts d’autres types de réseaux comme les plateformes de signets sociaux et les réseaux numériques thématiques comme ceux des loisirs créatifs pour envisager de nouvelles méthodes de formation.

Mots-clés : réseaux socionumériques, réseaux sociaux thématiques, formation, éducation aux réseaux sociaux, réseaux de loisirs créatifs, signets sociaux.

 

Le début du texte :

Les réseaux sociaux numériques sont souvent présentés comme des systèmes en opposition avec l’institution scolaire. Ils constituent des moyens d’apprendre à s’intégrer au groupe, comme l’ont montré notamment les travaux de Danah Boyd (Boyd, 2008) et ne sont donc pas des supports d’apprentissage traditionnel. Les cultures informationnelles adolescentes ne correspondent pas aux mêmes exigences qu’une culture de l’information reposant sur une maîtrise des technologies intellectuelles (Le Deuff, 2009). Cela signifie que l’apprentissage par les usages des réseaux sociaux est insuffisant, contrairement à ce que prétendent les discours autour des digital natives qui confondent un attrait pour les technologies du numérique avec une réelle compréhension de ces environnements. L’institution peine à accorder une place adéquate à ces nouveaux médias. D’ailleurs, ses discours insistent fréquemment sur des mises en garde vis-à-vis des dérives constatées sur les réseaux de type Facebook ou les blogs de la plateforme Skyrock. Au niveau éducatif, les applications sont rares.

Pourtant, ces diverses plateformes possèdent des atouts en matière de formation à condition de ne pas se cantonner aux seuls réseaux sociaux numériques.

Nous distinguons ici quatre types de réseaux dont nous souhaitons montrer les potentialités éducatives:

  • Les réseaux sociaux numériques (RSN) de type facebook dont le principal intérêt réside dans le prolongement de la relation enseignants-enseignés en dehors des lieux et temporalités classiques.
  • Les réseaux de micro-blogging comme Twitter qui permettent de nouveaux types d’échanges et leur conservation voire leur transformation en documents d’études.
  • Les plateformes de signets sociaux comme Diigo qui facilitent la conservation et le partage de ressources et d’annotations sur le web. Diigo présente des fonctionnalités sociales avancées et des potentialités éducatives déjà démontrées (Dreschler, 2009).
  • Les réseaux thématiques qui permettent de partager informations, tutoriels et explications comme c’est notamment le cas des loisirs créatifs. Le réseau de loisirs créatifs Ravelry présente ainsi quelques atouts au niveau de l’autoformation.

La suite dans le numéro dont la parution est prévue le 28 avril…

Quels concepts et compétences transmettre du système scolaire et universitaire au marché du travail ?

Une nouvelle reprise de la thèse, avec pour thématique celle de la transmission Ecole-marché du travail….

 

Il convient d’emblée de préciser qu’il y a une évidente difficulté dans cette transmission. Il ne faut pas confondre travail et emploi. En effet, travailler c’est d’abord travailler pour soi, tandis que la référence à l’emploi implique de mettre sa force de travail au service d’un tiers. Notre propos n’est pas de s’attarder sur cette différence, mais il s’agit d’exprimer le fait que le travailleur, même s’il est employé doit pouvoir poursuivre son individuation sans être aliéné par sa relation avec son employeur.

Dans le cas de la culture de l’information, il s’agit d’examiner les compétences et notions acquises notamment dans les domaines de l’information et de la documentation qui peuvent être réinvesties. Nous prenons ici le terme de compétences dans un sens qui mêle à la fois savoir-faire et savoirs et qui n’est pas uniquement procédural. Ces compétences doivent être pensées de manière élargie afin de sortir d’un cadre passif face à l’information qui ne prend pas assez en compte les aspects de construction d’un environnement informationnel personnel, la dimension communicationnelle ainsi que le travail collaboratif. Ces aspects sont prépondérants pour que les fonctionnalités collectives des systèmes de gestion électronique de documents et de Knowledge Management puissent être utilisées de manière optimale. Les objectifs de l’information literacy sont d’ailleurs proches de celles du Personal Knowledge Management.

La culture de l’information au sein du marché du travail n’est pas pour autant synonyme d’intelligence économique même si elle peut partager des éléments communs. Franck Bulinge note également que cette culture ne peut demeurer l’apanage de certaines formations niveau master et qu’elle doit donc être investie beaucoup plus tôt dans les formations, notamment car elle concerne un grand nombre d’employés et de salariés.

La formation à la gestion de l’information

Trois points principaux semblent devoir être développés selon nous :

  • L’évaluation du besoin d’information et de communication (démarche de construction basée également sur la veille– la dimension de veille devant être prise dans un sens bien différent de surveillance-)
  • L’évaluation de l’information (sélection de l’information et capacité à lui conférer de la valeur)
  • Le partage et la diffusion de l’information. (Stratégies collaboratives et co-construction individuelle et collective avec prise en compte de l’objet technique)

Les trois aspects précédents s’avèrent utiles à la prise de décision. Une autre question revient sans cesse chez les travailleurs et notamment les travailleurs du savoir : celle de la gestion du temps. Les lois du cool dénoncés par Alan Liu entrainent un affaiblissement de la distinction des sphères travail et loisir. Si le travail pouvait en paraître moins pénible et donc plus efficace, la question du temps passé à travailler en devenait préoccupante. Nous avions mentionné également certaines littératies émergentes prétendant résoudre ces problèmes de surcharge d’information et de gestion du temps. Christophe Deschamps pose dès lors la question de ce qui mérite vraiment notre attention :

Le fantastique pouvoir hypnotisant du web, le stress qu’il induit en retour, peuvent-ils être nocifs à notre santé. (…)Le web peut-il nous fasciner au sens propre du terme et capter notre attention au point que nous en oubliions de la porter vers nous-même ? Et donc ce pouvoir doit-il être contrebalancé par des moments (quotidiens, hebdomadaires) de prise de distance, de retour sur soi, de méditation en somme. A moins que le web ne finisse par secréter son propre antidote et par constituer une voie spécifique de méditation en action, allez savoir ce que notre cerveau est capable d’en faire à l’usage…

Christophe Deschamps préconise d’ailleurs ce retour sur soi par la méditation et rappelle son rôle quelque peu oublié et qui est surtout devenu l’apanage de la religion. Or la prise de soin de soi-même mériterait déjà une plus grande ampleur face à un marché du travail stressant et des rythmes qui empêchent cette prise de distance. Il s’agit d’une culture de soi qui pourrait être développé afin que l’individu puisse garder un regard extérieur et critique sur ces actions. Nous avions vu précédemment que le Personal Knowledge Management permettait cette mise à distance vis-à-vis du lieu de travail en s’inscrivant dans des communautés de pratiques qui permettent de continuer à se former en gardant une indépendance. Mais cette indépendance n’est possible que par cette capacité à opérer la skholé, dans le sens de capacité d’arrêt. Il nous semble ici que l’exercice de la skholé est utile au travail et permet à l’individu de se situer entre besoin d’information et besoin d’affirmation.


Une culture technique face à un usage d’outils prescrits

La tendance la plus prégnante est celle qui consiste à procéder par mimétisme et volonté d’adaptation, en optant pour des stratégies qui reposent principalement sur des outils. Cette stratégie, qui nie souvent les besoins des salariés ou usagers, est fréquente. Elle le devient d’autant plus que très souvent, interdiction est faite d’implanter de nouveaux outils et avec eux d’autres usages au sein de l’environnement de travail. La culture de l’information en entreprise se trouve aux prises avec un obstacle qui est celui de la sécurité informatique ou des représentations des managers qui craignent une dispersion et une perte de productivité du fait des nouveaux outils comme les messageries instantanées, les réseaux sociaux, les wikis et blogs. La culture de la collaboration et de l’échange n’est pas réellement développée et la méfiance prédomine par rapport en la confiance vis-à-vis de ces nouveaux outils.

De plus, il se produit une forme de « monstruosité technique » qui consiste à acquérir un nouveau logiciel comme un remède à un éventuel problème détecté. Il se produit alors une « excroissance du code » comme le note Christian Fauré. La technique étant perçue comme un palliatif, un remède qui soigne mais qui ne guérit pas vraiment et qui au final devient tout autant un poison. En effet, cette excroissance monstrueuse participe d’une tératogenèse informatique qui au travers d’une apparente simplicité, mise en œuvre et illustrée notamment par des schémas conduisent à une hyperspécialisation des informaticiens qui finissent par ne plus comprendre l’ensemble. Les capacités d’architecture de l’information deviennent alors rares face à une montée en puissance de la prolétarisation des informaticiens.

Il se produit une dépossession continue qui s’effectue avec le transfert du savoir faire dans la machine ou le logiciel. Une prolétarisation grandissante y compris dans les services informatiques, ce que dénonce également Christian Fauré :

Ce qui se perd (…) c’est le savoir-faire et la connaissance critique. Et cela est d’autant plus vrai du point de vue de l’architecte qui doit penser l’articulation entre des composants du système d’information. On ne peut pas être architecte (que ce soit de l’architecture réseau, applicative ou même de l’architecture des données) en étant incapable de porter un regard critique. Cela passe nécessairement par la capacité à discuter et à émettre des avis critiques, ce que ne sont pas capables de faire les experts techniques maîtrisant les solutions d’un seul éditeur de logiciel.

Dans les propos de Christian Fauré, nous retrouvons l’importance de la culture technique de Simondon, avec cette capacité critique vis-à-vis de la technique et les possibilités d’innovation et de compréhension de l’ensemble, c’est-à-dire du milieu associé. Or, de plus en plus, les informaticiens deviennent spécialistes d’un type d’applications voire d’un seul logiciel et au final deviennent mineurs face à la technique. Cette position semble moins fréquente avec les spécialistes des logiciels open source. Nous avions d’ailleurs précédemment montré cette proximité entre la culture « hacker » et la culture technique de Simondon.

De l’information à la culture

Il s’agit de passer de l’information vue comme une matière première à une culture davantage basée sur une construction à la fois individuelle et collective. La culture de l’information doit alors se penser autant comme une culture personnelle (qui ne cesse de se construire) que comme une culture collective et collaborative au sein de l’entreprise ou de l’organisme mais également via d’autres communautés de pratiques et d’apprentissage

 

Références :

Franck BULINGE. Pour une culture de l’information dans les petites et moyennes organisations : un modèle incrémental d’intelligence économique. Thèse de doctorat en information communication. Université de Toulon et du Var, 2002 < http://bulinge.univ-tln.fr/Franck_Bulinge/These/These.pdf>


Christophe DESCHAMPS. Faire attention à l’Attention. In Outils froids. Billet du 19 avril 2009. Disp. sur :
<http://www.outilsfroids.net/news/faire-attention-a-l-attention#ixzz0DUOms8RN&A>

3 Christian FAURE. Le style d’architecture SOA. In Christian Fauré. Billet du 8 octobre 2008. <http://www.christian-faure.net/2008/10/08/le-style-darchitecture-soa/>

4Christian FAURE. La prolétarisation dans les sociétés informatiques. in Christian Fauré. Billet du 14 mars 2009. Disp. sur : <http://www.christian-faure.net/2009/03/14/la-proletarisation-dans-les-societes-informatiques/#more-1025>

La sérendipité comme attention et la zemblanité comme mauvaise intention

Horace Walpole, 4th Earl of Orford
Image via Wikipedia

Ceci est un passage inspiré de ma thèse, réécrit pour l’occasion pour le blog.
Le document se trouve régulièrement confronté à des aléas communicationnels. Et il n’y a pas que des aspects négatifs puisqu’il est possible de trouver des documents pertinents et de pouvoir ensuite les exploiter correctement. Les découvertes sympathiques ne répondant parfois à aucun critère rationnel sont donc parfois plus profitables qu’après une collecte longue d’informations.
La sérendipité comme potentialité de l’attention
En cherchant de manière erronée, il est possible de trouver juste comme le montrent Olivier Ertzscheid et Gabriel Gallezot (1) avec la théorie de la sérendipité . Il est en effet possible de dénicher un document intéressant de manière fortuite. Le nom de sérendipité provient de l’ouvrage d’Horace Walpole et son île de Serendip, contrée merveilleuse qui a inspiré les aventures de Zadig à Voltaire. L’idée est séduisante et chacun a déjà pu la vérifier dans ses recherches personnelles et au cours de déambulation en bibliothèque comme le raconte Umberto Eco (2):
La notion de bibliothèque est fondée sur un malentendu, à savoir qu’on irait à la bibliothèque pour chercher un livre dont on connaît le titre. C’est vrai que cela arrive souvent mais la fonction essentielle de la bibliothèque, de la mienne et de celle des amis à qui je rends visite, c’est de découvrir des livres dont on ne soupçonnait pas l’existence et dont on découvre qu’ils sont pour nous de la plus grande importance.
Pour autant, il nous semble que le seul hasard ne suffit pas. La sérendipité nécessite une préparation au préalable. En ce sens, il semble que tous les élèves et les étudiants ne soient pas encore des Christophe Colomb. La sérendipité demeure subjective, un document pouvant paraître stimulant pour l’un et insignifiant pour un autre. Toutefois, la sérendipité repose pleinement sur l’attention ou l’état de veille, c’est-à-dire la capacité à rebondir sur une information, un événement, un lien pour aussitôt y puiser un intérêt notamment par rapport à un besoin. Elle repose encore une nouvelle fois sur la capacité d’évaluation de l’information. Il ne suffit pas d’errer sur le web en surfant de liens en liens, si ne s’ajoutent pas aux pérégrinations numériques, la volonté et la possibilité de s’arrêter. Nous retrouvons une nouvelle fois la skholé. (3)
Cette skholé ne repose pas sur des règles absolues, mais plutôt sur quelques « méthodes » que les élèves s’approprieront et transformeront. Cela nous conduit d’emblée à modérer le caractère trop strict qui pourrait résulter de l’observation de négligences. En effet, comme l’a montré Nicole Boubée (4) , notamment en matière de copier-coller, les élèves développent des stratégies et des méthodes qui peuvent sembler inadéquates pour l’enseignant, mais qui au final aboutissent à des résultats acceptables. Cela signifie que l’observation des élèves ne doit pas aboutir à un ensemble de règles strictes notamment en matière de processus, type référentiel. C’est un des enseignements de la psychologie cognitive : ne pas préconiser des modèles figés et donc articuler la formation en prenant en compte les différentes manières de procéder des élèves et étudiants. Nous retrouvons ici les relations du triangle didactique entre l’élève et les savoirs et l’élève et l’enseignant. Il s’agit donc d’éviter une formation qui repose sur du pré-formaté mais au contraire de songer à la transmission comme une nécessaire transformation et individuation. Ce qui explique les différences entre le curriculum prescrit et le curriculum effectif, tel qu’il est au final assimilé et utilisé par l’élève ou étudiant.
Cependant, cette découverte par sérendipité ne saurait être le lieu de la seule découverte de l’autodidacte. Il convient pour cela de former à l’attention sans quoi rien n’empêche que ce soit davantage des mauvaises découvertes ou rencontres auxquelles doivent faire face les jeunes générations. Et en cela les learning centre n’y changeront rien… (Teaser qui annonce un futur billet sur le sujet)

La zemblanité, lieu des mauvaises intentions ou du manque d’attention
La Zemblanité, terme forgé en référence à l’île de New Zemble, située aux antipodes de Serendip par William Boyd dans son roman Armadillo (5) , qualifie le fait de faire des découvertes malencontreuses. Elle est peut-être plus fréquente que la sérendipité si nous songeons aux négligences observées. Elle connaît selon nous, un essor avec des conséquences parfois dramatiques.
D’autant que si elle repose sur des mauvaises rencontres, notamment virtuelles, elle peut prendre diverses formes. Les jeunes générations devenant de plus en plus émettrices d’informations, il convient de remarquer qu’elles le font de manière parfois irréfléchie voire dévalorisante. Cela peut aussi s’effectuer à l’égard de tiers, camarades ou enseignants. Un phénomène parfois appelé cyber-intimidation et dont nous pouvons voir quelques développements sur les réseaux sociaux avec une ampleur plus importante que sur les blogs. Le phénomène préoccupe particulièrement la presse québécoise . (6)
Il s’agit donc d’un manque d’attention à la fois par mégarde mais également par manque d’attention à l’égard des autres. Nous avons le sentiment que de simples négligences n’avaient pas nécessairement des conséquences aussi importantes lorsque les moyens de communication étaient moins aisés qu’avec les outils du web. La conséquence des négligences va donc de plus en plus sortir du domaine scolaire pour aller sur l’espace public. Or, il faut rappeler que les jeunes générations négligentes sont encore mineures au sens de la loi. Elles sont également mineures face à la technique (Simondon) et mineures au niveau de l’entendement (Kant). Cela implique donc de repenser la formation par rapport aux négligences et leurs conséquences éventuelles.
Références :
(1) Olivier ERTZSCHEID, Gabriel GALLEZOT. « Chercher faux et trouver juste : sérendipité et recherche d’information. » 1ère conférence internationale francophone en Sciences de l’Information et de la Communication 10ème colloque bilatéral Franco-Roumain. Bucarest. Juillet 2003. Disp. Sur :
<http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/06/89/sic_00000689_02/sic_00000689.html>
(2)Umberto ECO. De biblioteca. L’Echoppe, 1986.
(3) Olivier Le Deuff. « La skholé face aux négligences : former les jeunes générations à l’attention », Communication & Langages n°163, mars 2010, p.47-61
(4) Nicole BOUBEE. « Le rôle des copier-coller dans l’activité de recherche d’information des élèves du secondaire ». Colloque ERTé 2008, L’éducation à la culture informationnelle. Université de Lille 3 <http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00344161/fr/>
(5)William BOYD. Armadillo: A Novel. Vintage, 2000
(6)Emilie COTE. Cyberintimidation: des exemples par centaines. La Presse. 12 janvier 2008.
Disp. sur : http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/internet/200801/12/01-8726-cyberintimidation-des-exemples-par-centaines.php

Contrôle de ses données et écritures de soi

Je mets en ligne un support de formation autour de l’identité numérique et que j’ai orienté volontairement autour du contrôle de ses données et des écritures de soi.
Au menu, on retrouvera donc de bonnes tranches d’hypomnemata.
La présentation a servi de support pour des formations dans les Urfist de Rennes et de Strasbourg.
La présentation contient volontairement plus de textes qu’à l’accoutumée afin qu’elle puisse intéresser tout lecteur qui découvrirait le sujet.

La culture de l’innovation

Petit coup de projecteur sur le travail d’une de mes anciennes étudiantes, qui se fait une place lentement mais sûrement dans les domaines de la veille et l’innovation notamment en Alasace.
Isabelle Guyot a réalisé en 2009 un mémoire sur l’innovation et elle nous offre une poursuite intéressante de ce travail dans ce diaporama.

Le mémoire est sur memsic
Résumé :
Ce travail est né et s’est nourri d’une expérience de terrain, menée durant un stage de six mois en tant que chargée de veille, au sein du groupe DBApparel, plus particulièrement dans la marque DIM. Rattachée au service de Recherche & Innovation du groupe, j’ai pu participer à plusieurs séances de créativité, mettant notamment en œuvre la méthode Synectic. J’ai été sensibilisée aux démarches d’innovation ouverte et d’innovation participative que le groupe expérimente. J’ai dans cette veine, pu observer et contribuer à une forme d’innovation participative, supportée par un outil informatique. La présente étude cherche à montrer comment des professionnels des Sciences de l’Information peuvent mettre leurs compétences au service de démarches de R&D novatrices.

PKM : l’évident effet web 2.0

Le principal et premier enseignement de l’enquête sur les travailleurs du savoir est apparu rapidement après les premières réponses.
Le web 2.0 a eu un impact indéniable sur le gestion personnelle de son information et des espaces de travail.  Un résultat à mettre en parallèle avec la prise d’importance des agrégateurs de flux rss.
L’enjeu consiste donc à prendre acte de ce phénomène qui démontre que le web 2.0 a eu des effets indéniables sur les travailleurs du savoir. Il convient cependant de s’interroger sur les diverses incidences à l’oeuvre…

Les femmes préfèrent Netvibes, les hommes Google Reader…

Je commence à dépouiller et à analyser les premiers résultats de lenquête menée depuis tout début janvier sur les pratiques de travail et gestion de l’information des travailleurs du savoir. Vous avez été plus de 300 à répondre et je vous en remercie. Je remercie encore plus particulièrement la gente féminine bien plus nombreuse à avoir répondu…
L’utilisation des agrégateurs de flux rss est très majoritaire ce qui en démontre désormais son caractère essentiel.
Résultats flux rss
Les hommes semblent utiliser davantage  les agrégateurs mais la différence est faible.

Plusieurs réponses étaient possibles  pour le choix des agrégateurs ce qui signifient qu’il était possible de mentionner plusieurs outils. Dans mon cas, j’utilise google reader personnellement mais je trouve les univers netvibes très pratiques.  Pour rappel, le portail des actus qui peut être utile à tous ceux qui participent notamment à la semaine de la presse.
Une des premières conclusions certes marginale dans mes objectifs initiaux est la mise en avant d’une différence sexuée : les femmes préfèrent netvibes. !

La proportion est quasi inverse chez les hommes qui utilisent d’ailleurs davantage d’alternatives.
Evidemment, vous allez me dire, mais quelle est donc la raison de cette différence. Et bien, je pense avoir quelques idées mais la plus évidente est celle que Netvibes peut séduire davantage de par son côté esthétique.
Si vous avez d’autres explications, je suis preneur.