Les temps changent et c’est indéniable. Les professionnels de l’information et les enseignants ne peuvent que s’interroger face au phénomène de plagiat et de piraterie ainsi que face à toutes ces négligences que nous observons dans les usages des jeunes générations abusivement qualifiées de digital natives.
Faut-il pour autant rejoindre le clan des moralisateurs et des défenseurs de l’ancien régime ? Faut-il mettre des barrières, des réglementations lourdes face à un web 2.0 déstructurant et faisant triompher la popularité sur l’autorité ainsi que la culture du pitre ?
Je n’en suis pas convaincu. Chaque aspect inquiétant de l’évolution de l’Internet qui constitue autant d’évolutions de nos sociétés actuelles se transformant en une Arcadie où l’intelligence collective n’est en fait que la constitution d’un réseau d’espionnage de tous contre tous nous obligent à repenser à la fois le web mais aussi l’ensemble de nos fonctionnements. Par conséquent l’éducation ne peut être épargnée.
Pour autant doit-on suivre le chemin des héritiers et des tenants du c’était mieux avant comme on a trop souvent le sentiment à la lecture du culte de l’amateur d’Andrew Keene ? Doit-on stupidement allonger les droits d’auteur alors que la tentation du piratage est permanente ? Doit-on se laisser dicter des législations par des groupes de pression et autres lobbys industriels incapables de comprendre le monde actuel à l’instar de nombreux parlementaires qui n’y comprennent plus rien et qui ne désirent que revenir avant 1989 ?
Peut-on continuer à penser les TICE comme de simples besoins matériels ? Doit-on demeurer dans une logique éditoriale coûteuse pour l’éducation nationale en dépensant des sommes énormes pour des prestataires de service hors fonction publique alors que cette dernière pourrait fort bien assurer la mise à disposition de ressources numériques pédagogiques dans des actions de mutualisation et de revalorisation des salaires enseignants ? Au lieu de cela, on préfère dépenser sans cesse pour préserver les lobbys éditoriaux et les officines de cours particuliers avec des déductions fiscales. La logique économique domine chez les gestionnaires de l’Education Nationale mettant en sourdine de réelles avancées pédagogiques. Nous remarquons qu’à l’inverse le monde enseignant semble complètement ignorant des fonctionnements de l’Economie d’une Nation. Le tout converge vers l’incessant dialogue de sourds. Tout n’est certes pas à rejeter dans le rapport sur la mission e-education mais on a le sentiment que les enseignants ne sont vus que comme des consommateurs de ressources numériques et rarement comme des producteurs.
Une solution consisterait à donner les moyen au CNDP de pouvoir mettre en place une politique documentaire nationale, permettant de gérer les contenus pédagogiques numériques, depuis sa création jusqu’à sa diffusion ce qui implique des chefs de projets et des enseignants chargés de création de contenus. Le CNDP serait donc avant tout un producteur et pas seulement un sélectionneur de bonnes ressources. Un bon moyen de revaloriser enseignants et institutions scolaires.
Par contre si nous devions nous voir imposer des politiques bassement matérielles avec des offres numériques émanant de grands groupes éditoriaux avec des coûts prohibitifs, une seule autre voie serait possible, celle de la rébellion à la fois pédagogique et intellectuelle. Car il s’agit bien de veiller sur les jeunes générations, mais aussi sur une institution qui mérite des réformes urgentes mais qui ne doit pas disparaître. Il faut nous faut donc tous ensemble construire l’Atlantis (ou Arcadia, le vaisseau du capitaine Albator ou Harlock) dans cette Arcadie où les seules autorités que l’on souhaite nous imposer ne viennent que de grands groupes. La culture de l’information pour répondre à cette rengaine de la société de l’information. Le rapport de la mission e-educ d’ailleurs mélange un peu tout d’ailleurs ce qui le rend de fait illisible et impraticable laissant sa mise en oeuvre aux partenaires privés et aux politiques. Les enseignants n’y étant vus que comme de simples usagers à l’exception de profs valorisés pour leurs technicités informatiques. La confusion entre culture numérique et culture informationnelle demeure, celle entre outils et stratégies didactiques est entérinée. Le plus important est encore manqué : le nouveau rôle de l’enseignant, son évolution nécessaire et sa revalorisation en tant que référant, guide des égarés, passeur de savoir, vecteur de confiance, incitateur à la création de savoirs, etc.
Je crois qu’il est vraiment temps de ressortir sa cape noire pour veiller sur la galaxie Education et sur la liberté.
Étiquette : confiance
B2I : le tragique pharmakon
Le b2I est-il un symptôme ou un remède, potion ou poison. J’ai été un de ceux qui ont cru à l’initiative de départ mais je dois désormais continuer à l’affirmer, la potion s’avère empoisonnée et ne constitue pas un remède mais bel et bien un symptôme du système éducatif français.
J’en tiens pour preuve le nombre croissant de jeunes visiteurs qui arrivent sur mon site en ayant tapé la requête « tricher au B2I’. Or ce simple fait est le constat de l’échec total du projet qui devait normalement entraîner une validation se voulant progressive et nullement ancrée dans des stratégies d’évaluation de contrôle. Or il semble clair que nous ne savons pas le faire. Tout comme les autres dispositifs tels le socle commun, l’Education Nationale ne parvient qu’à les mettre en place qu’à la marge. D’ailleurs mes collégiens de quatrième n’ont entendu parler du socle commun que la semaine dernière. Demeure sans cesse l’obsession de la note, qui n’est d’ailleurs qu’une évaluation à court terme, sans aucune ambition et ne parvenant qu’à conforter des carcans disciplinaires de plus en plus inefficaces. L’apprentissage des langues en étant souvent le révélateur le plus flagrant d’un système absurde et inefficace. Les élèves n’apprennent que pour le notation ou la sanction : c’est insuffisant. L’envie d’apprendre, de progresser est sans cesse mise à mal et la motivation n’y est plus autant chez les élèves que les enseignants. Alors pourquoi continuer ainsi ? Simplement parce qu’on craint que ce soit pire encore ? Ill faut bien dire que cet argument terrible ne plaide pas en faveur d’une réelle réforme de l’éducation qui demeure cloisonnée aux dogmatismes et aux seuls arguments économiques. FInalement l’éducation en reste à la vision à court terme de la note et ne parvient pas à voir plus loin dans une optique d’apprentissage tout au long de la vie.
Il faut considérer l’éducation comme un milieu d’innovations, de tentatives pour faire progresser chacun dans une stratégie d’individualisation et d’individuation au sein du collectif. Ce qui doit demeurer permanent, c’est la confiance mutuelle. Or c’est souvent ce seul point qui est remis en cause. Il faut donc reconstruire la confiance, la prise de soin. L’évaluation doit demeurer dans une logique de mise en valeur.
Il faut donc sortir de la logique actuelle et de la logique de validation stressante du B2I qui transforme certains enseignants dont je fais partie en machine à valider des items. Pour cela il faut développer à la fois une vraie culture technique et informatique ainsi qu’une culture de l’information. Cela passe par une réforme des méthodes pédagogiques et notamment de l’évaluation en mettant en avant l’individualisation des parcours autour de portfolios et de plateforme d’enseignements en ligne, qui peuvent constituer une prolongation de présentiel à exploiter. Cela passe aussi par une réforme des programmes et un new deal disciplinaire. Sinon nous demeurons dans une logique soit administrative, soit sans cesse à la marge.
Il est temps de s’y mettre mais seule une volonté politique basée sur la confiance mutuelle peut y parvenir. Reste à savoir qui peut être ce ministre de l’Education qui saura nous faire rentrer dans un cercle vertueux.
twitter ou la veille « personnelle »: prendre soin plutôt que de surveiller
La veille change et de plus en plus ce ne sont pas seulement des mots-clés voire des sites que nous surveillons mais bel et bien des personnes. Twitter en est l’exemple le plus flagrant de ce déplacement. Ce qui peut sembler comme je l’ai parfois qualifié de communication klean-ex s’avère en fait bien plus riche et correspond à une vision non pas à la big brother mais plutôt à la little sister où chacun surveille tout le monde tout en étant lui même surveillé par les autres. Mais il faut sortir de la logique de la surveillance et aller dans une autre direction qui correspond davantage à l’inscription de l’individu dans un collectif qui lui permet à la fois de se valoriser personnellement (individuation) et de participer au travail collectif. Un exemple intéressant est représenté par les réseaux de signets type diigo, delicio.us ou ma.gnolia qui permettent ainsi de partager sa veille avec le plus grand nombre.
Dès lors, pour reprendre l’expression de Bernard Stiegler, il s’agit de « prendre soin », ce n’est pas de la veille type surveillance qu’il faut mettre en place, mais de la confiance et de la mise en valeur. En quelque sorte, c’est là que réside la différence entre la culture de l’information de type citoyenne ou éducative par rapport à la vision « intelligence économique » : la confiance plutôt que la défiance. Un travail peu évident car notre époque est profondément marquée par la guerre froide et la lutte contre le terrorisme. Dans ces conditions, l’autre est souvent synonyme de danger ou de méfiance. Aujourd’hui si pronétariat, il y a vraiment, il s’agit pour ce dernier de travailler à la création de valeur et de veille. Et c’est bien cette dimension qui peut permettre aux réseaux d’être véritablement sociaux.
Les personnes de mon réseau twitter ne sont pas des personnes que j’espionne mais des contacts que je mets en valeur, que je distingue et dont il « faut prendre soin » d’écouter et parfois de prendre soin tout court. Désormais ce n’est pasnotre seul valeur qui est prise en compte mais bel et bien la force de mobilisation de notre réseau.
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